Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.491/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_491/2008 /rod

Arrêt du 7 octobre 2008
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Favre et Mathys.
Greffière: Mme Bendani.

Parties
X.________,
Y.________ SA,
recourants,
tous les deux représentés par Me René Schneuwly, avocat,

contre

Z._______,
intimée, représentée par Me Hervé Bovet, avocat,
Ministère public de l'Etat de Fribourg, rue de Zaehringen 1, 1700 Fribourg,
intimé.

Objet
Qualité pour recourir des parties civiles,

recours contre l'arrêt de la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal de l'Etat
de Fribourg du 14 avril 2008.

Faits:

A.
Le 14 août 2006, Z.________ circulait avec sa voiture sur la route cantonale de
Neirivue en direction d'Enney. A la sortie du village de Villars-sous-Mont,
dans un virage à gauche, elle perdit la maîtrise de son véhicule qui dérapa, se
déporta et traversa partiellement la voie de circulation réservée au trafic
survenant en sens inverse. A ce moment, une collision se produisit entre
l'avant droit de l'automobile et l'avant gauche du camion conduit par
X.________, lequel circulait d'Enney en direction de Neirivue. La voiture fut
projetée en arrière, sur la droite, selon son sens de marche et un second choc
se produisit entre l'arrière de la voiture et l'avant du camion. Enfin, le
véhicule de Z.________ s'immobilisa hors de la chaussée entre la ligne de
chemin de fer et le bord droit de la route. Quant au camion, il traversa la
voie de circulation opposée et s'immobilisa en travers de la ligne TPF. Depuis
cet accident, Z.________ est tétraplégique.

B.
Par ordonnance pénale du 19 décembre 2006, le Juge d'instruction du canton de
Fribourg a reconnu Z.________ coupable de violation des règles de la
circulation routière et de circulation avec un véhicule défectueux, mais l'a
exemptée de toute peine.

Par jugement du 13 septembre 2007, le Juge de police a annulé l'ordonnance
précitée, acquitté Z.________ et renvoyé les lésés devant le juge civil pour
tenter d'obtenir la réparation du dommage subi lors de l'accident.

C.
Par arrêt du 14 avril 2008, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal
fribourgeois a déclaré irrecevable le recours déposé par X.________ et
Y.________ SA contre le jugement susmentionné. En bref, elle leur a dénié la
qualité pour recourir aux motifs qu'ils n'avaient pas été touchés directement
et personnellement par les infractions commises par l'intimée et qu'ils
n'avaient pas pris formellement de conclusions civiles en cours de procédure.

D.
X.________ et Y.________ SA déposent un recours en matière pénale au Tribunal
fédéral. Invoquant une application arbitraire des art. 31 et 197 CPP/FR, ils
concluent à l'annulation de l'arrêt cantonal et au renvoi de la cause à
l'autorité précédente pour nouveau jugement.
La Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal et le Ministère public de l'Etat de
Fribourg ont renoncé à déposer des observations.

Z.________ conclut, principalement, à l'irrecevabilité du recours au motif que
les intéressés n'auraient pas la qualité pour recourir au sens de l'art. 81 LTF
et, subsidiairement, à son rejet.

Considérant en droit:

1.
1.1 Selon la jurisprudence relative à l'art. 81 LTF, le lésé qui n'est pas une
victime LAVI n'a en principe pas qualité pour former un recours en matière
pénale. Il peut uniquement se plaindre d'une violation de ses droits de partie
à la procédure, qui lui sont reconnus par le droit cantonal ou constitutionnel,
lorsque cette violation équivaut à un déni de justice formel (ATF 133 IV 228
consid. 2.3.2 p. 232 s.).

En l'occurrence, les recourants reprochent à l'autorité précédente de leur
avoir dénié la qualité de partie à la procédure, en appliquant de manière
arbitraire et avec un formalisme excessif le droit cantonal de procédure, ce
qui équivaut un déni de justice formel. A ce titre, leur recours est donc
recevable.

1.2 La violation du droit cantonal de procédure ne constitue pas en soi un
motif de recours (cf. art. 95 LTF). L'application de ce droit peut toutefois
être contestée sous l'angle de sa conformité au droit constitutionnel,
notamment à l'art. 9 Cst., qui consacre l'interdiction de l'arbitraire.
Subséquemment, la motivation d'un tel grief doit répondre aux exigences de
l'art. 106 al. 2 LTF. Si le recourant entend se plaindre d'une application
arbitraire du droit cantonal, il doit donc démontrer que la décision attaquée
est non seulement discutable ou critiquable, mais manifestement insoutenable,
et cela tant dans sa motivation que dans son résultat (ATF 132 III 209 consid.
2.1 p. 211).

2.
Les recourants se plaignent d'une application arbitraire de l'art. 197 CPP/FR
en relation avec les art. 31 ss CPP/FR. Se référant à la jurisprudence
cantonale, ils invoquent également un formalisme excessif.

2.1 Aux termes de l'art. 197 al. 2 CPP/FR, le lésé a qualité pour agir en appel
s'il était déjà partie à la procédure auparavant et dans la mesure où le juge a
refusé de donner suite à l'accusation ou a prononcé un acquittement total ou
partiel (let. a) ou que la modification de la sentence pénale pourrait avoir
des effets sur ses prétentions civiles (let. b).

Selon la jurisprudence exposée dans l'arrêt attaqué, la qualité pour recourir
prévue à l'art. 197 al. 2 let. a CPP/FR est réservée au lésé qui s'est
constitué partie pénale et celle prévue à l'art. 197 al. 2 let. b CPP/FR au
lésé qui s'est constitué partie civile. Une partie civile ne peut dès lors
recourir sur la base de l'art. 197 al. 2 let. a CPP/FR et, inversement, une
partie pénale ne le peut en application de l'art. 197 al. 2 let. b CPP/FR.
2.1.1 Pour pouvoir agir en appel, il faut tout d'abord avoir la qualité de
lésé. Selon l'art. 31 CPP/FR, le lésé est la personne qui a subi, du fait d'une
infraction, une atteinte directe à ses intérêts juridiquement protégés (al. 1).
Est assimilé, le cas échéant, au lésé, celui qui a le droit de porter plainte,
ainsi que la victime au sens de l'art. 2 LAVI. Le lésé qui entend participer à
la procédure doit se constituer partie pénale ou partie civile (al. 4).

La notion de « lésé » n'est pas plus large selon le droit de procédure
fribourgeois qu'en droit fédéral, un individu ne pouvant être considéré comme
tel que si ses intérêts personnels ont été effectivement touchés par les actes
incriminés d'une manière faisant apparaître cette atteinte comme une
conséquence immédiate et non pas simplement indirecte de l'infraction
considérée (D. Piller/C. Pochon, Commentaire du code de procédure pénale du
canton de Fribourg, n° 31.1 et 31.2; ATF 125 IV 206 consid. 2a p. 210). Ainsi,
en cas de délits contre des particuliers, le lésé est le titulaire du bien
juridique protégé. Lorsque l'infraction protège en première ligne l'intérêt
collectif, les particuliers ne sont considérés comme lésés que si leurs
intérêts privés ont été effectivement touchés par les actes en cause, de sorte
que leur dommage apparaît comme la conséquence directe de l'acte dénoncé (ATF
129 IV 95 consid. 3.1 p. 99; 123 IV 184 consid. 1c p. 188; 120 Ia 220 consid.
3).

La notion de « victime » au sens de la LAVI implique une atteinte effective à
l'intégrité corporelle, sexuelle ou psychique. En principe, la victime doit
avoir subi, du fait de l'infraction, une atteinte directe. Celle-ci doit être
réalisée; un simple risque de dommage ne suffit pas (ATF 129 IV 95 consid. 3.1
p. 98). Dans le message concernant ladite loi, le Conseil fédéral explique
ainsi que les infractions de mise en danger sont exclues du champ d'application
de la LAVI puisque, par définition, elles ne comportent pas une atteinte à un
bien juridique. Cela étant, une atteinte directe peut néanmoins être reconnue
lorsque la personne mise en danger a souffert de troubles psychologiques en
relation directe avec l'acte du délinquant (cf. arrêts 6B_327/2007 consid. 2.1,
1A.272/2004 consid. 4.1 et 6S.729/2001 consid. 1). Dès lors, d'une manière
générale, la notion de « victime » ne dépend pas de la qualification de
l'infraction, mais de ses effets sur le lésé (ATF 129 IV 216 consid. 1.2.1 p.
218). Toutefois, l'atteinte subie ne confère la qualité de victime au sens de
l'art. 2 que lorsqu'elle présente une certaine gravité (ATF 129 IV 216 consid.
1.2.1 p. 218), par exemple lorsqu'elle entraîne une altération profonde ou
prolongée du bien-être (cf. arrêt 1P.147/2003 du 19 mars 2003). Il ne suffit
donc pas que la victime ait subi des désagréments, qu'elle ait eu peur ou
qu'elle ait eu quelque mal (ATF 129 IV 216 consid. 1.2.1 p. 218).
2.1.2 Pour pouvoir agir en appel, il faut également s'être précédemment
constitué partie pénale ou civile (art. 31 al. 4 CPP/FR). Le lésé se constitue
partie pénale en déclarant expressément qu'il entend intervenir dans la
procédure pénale en vue d'obtenir la poursuite et la condamnation de l'auteur
de l'infraction. La constitution de partie pénale doit intervenir, au plus tard
jusqu'au début des débats, par écrit ou par une déclaration consignée dans un
procès-verbal (art. 32 al. 1, 1ère phrase, et al. 2 CPP/FR). Le lésé se
constitue partie civile, au plus tard jusqu'au début des débats, par le dépôt
de conclusions écrites ou par une déclaration consignée dans un procès-verbal
(art. 33 al. 2 CPP/FR).

Ces règles sur la constitution de partie sont importantes et il n'y a pas en
soi de formalisme excessif à en exiger le respect strict. Elles permettent en
effet de déterminer le statut et les droits des divers intervenants dans la
procédure (RFJ 2007 p. 228). Néanmoins, dans un arrêt récent, la Cour d'appel
pénal du Tribunal cantonal fribourgeois a reconnu la qualité pour recourir à un
lésé qui ne s'était pas formellement constitué partie pénale ni civile, mais
qui avait été considéré comme telle lors de la procédure, puisqu'en cours
d'instruction, il avait été invité à se déterminer sur un rapport d'expertise
et à requérir un complément d'enquête, puis avait été cité à comparaître à
l'audience du Juge de police en qualité de partie pénale et civile et avait
comparu à la séance en cette même qualité. Dans ces conditions, l'autorité
fribourgeoise a estimé, à juste titre, que ce serait faire preuve de formalisme
excessif que de dénier au recourant la qualité pour recourir en appel contre
l'acquittement du prévenu (RFJ 2007 p. 229).
2.2
2.2.1 Dans un premier argument, la Cour d'appel a considéré que les recourants
n'avaient pas la qualité de lésé. Elle a relevé que ceux-ci avaient conclu à la
condamnation de l'intimée pour violation des art. 31 al. 1, 32 al. 1 et 93 ch.
2 LCR, que ces règles visaient à protéger des intérêts collectifs et que les
intéressés n'étaient pas touchés directement et personnellement par la
commission de telles infractions. Elle a précisé que les infractions de mise en
danger étaient exclues du champ d'application de la LAVI puisque, par
définition, elles ne comportaient pas d'atteinte à un bien juridique et que les
infractions de violation des règles de la circulation routière ou de conduite
en état d'ébriété ne portaient pas directement atteinte à l'intégrité
corporelle.
2.2.2 Cette appréciation ne saurait être suivie. En effet, dans leur courrier
du 26 mars 2007 adressé au Juge de police de l'arrondissement de la Gruyère,
les recourants ont expliqué que l'entreprise Y.________ SA était la
propriétaire du camion contre lequel l'intimée était entrée en collision et que
X.________ conduisait ce véhicule le jour de l'accident. Ils ont précisé qu'à
la suite de celui-ci, le camion de l'entreprise précitée avait subi un
important dommage et que le chauffeur avait été blessé et ressentait
aujourd'hui encore les séquelles des lésions subies.

Au regard de ces explications et de la gravité de la collision (cf. supra
consid. A), il est manifeste que les recourants ont subi des dommages matériels
pour l'un et physiques pour l'autre, lesquels sont en lien de causalité direct
avec l'accident. Ils ont ainsi été atteints personnellement et immédiatement
dans leurs droits du fait de la collision. Ils ont par conséquent la qualité de
lésé au sens défini ci-dessus (cf. supra consid. 2.1.1). Pour le reste, il
n'est pas nécessaire d'examiner plus avant si X.________ bénéficie également de
la qualité de victime LAVI, laquelle doit être examinée en fonction de la
gravité de l'atteinte subie, étant rappelé que la notion de victime ne dépend
pas de la qualification de l'infraction, mais de ses effets sur le lésé (cf.
supra consid. 2.1.1).

2.3
2.3.1 Dans un second argument, la Cour d'appel a constaté que les recourants
s'étaient uniquement constitués parties civiles, mais non pas pénales. Elle a
donc considéré qu'ils ne pouvaient recourir qu'en application de l'art. 197 al.
2 let. b CPP/FR dont ils ne réalisaient pas les conditions puisqu'ils n'avaient
pas formulé de conclusions civiles, ni expliqué les raisons de cette
abstention.
2.3.2 Par courrier du 26 mars 2007, les recourants se sont constitués parties
civiles (pièce n° 75). Par lettre du 23 juillet 2007, ils ont requis
l'administration de preuves visant à déterminer les causes de l'accident (pièce
n° 93). Le Juge de police de l'arrondissement de la Gruyère leur a adressé des
mandats de comparution citant Y.________ SA pour être entendue comme partie
civile et X.________ comme partie pénale (pièces n° 66 et 69). Lors de
l'audience du 13 septembre 2007, le premier a comparu en qualité de partie
pénale et civile et le second en qualité de partie pénale. Dans le cadre des
questions préjudicielles, leur mandataire a rappelé leur constitution de
parties civiles, concluant à ce qu'il leur soit donné acte de leurs réserves
civiles. Par la suite, ils ont donc été interrogés à la fois comme parties
pénales et civiles. De plus, ils ont été avisés des conséquences pénales d'une
fausse déclaration en justice (pièces n° 100 ss). Enfin, dans les considérants
en faits du jugement de première instance, l'autorité a mentionné que les
débats avaient notamment consisté en l'audition de Y.________ et X.________, en
qualité de partie civile et de plaignant (pièce n° 120).

Au vu de ces éléments, les recourants ne se sont pas formellement constitués
partie pénale, soit par écrit, par une déclaration consignée dans un
procès-verbal ou par une dictée au procès-verbal lors de la première audience
des débats, comme l'exige la procédure fribourgeoise (cf. supra consid. 2.1.2;
RFJ 2007 p. 227 in fine). Toutefois, à l'audience du 13 septembre 2007, ils ont
comparu en qualité de parties pénales et, suite à leur constitution de parties
civiles dictée au procès-verbal, ont tous deux été entendus à la fois comme
parties pénales et civiles et avisés des conséquences pénales d'une fausse
déclaration en justice. Dans ces conditions et au regard de la jurisprudence
exposée au RFJ 2007 p. 226 ss, la Cour cantonale ne pouvait, sous peine de
formalisme excessif (ATF 130 IV 177 consid. 5.4.1, p. 183/184 et les arrêts
cités), leur dénier la qualité pour recourir en appel en application de l'art.
197 al. 2 let. a CPP/FR.

3.
En conclusion, le recours est admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause
renvoyée à la Cour d'appel pour nouvelle décision. Il n'est pas perçu de frais
(art. 66 al. 4 LTF). Le canton de Fribourg versera aux recourants une indemnité
de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral (art. 68 al. 1 et 2
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité
cantonale pour nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

3.
Le canton de Fribourg versera aux recourants une indemnité de dépens de 3000
francs.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénal du
Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg.

Lausanne, le 7 octobre 2008

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Schneider Bendani