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Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.48/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_48/2008 /rod

Arrêt du 13 novembre 2008
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Favre et Mathys.
Greffière: Mme Bendani.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Olivier Boschetti, avocat,
contre

Ministère public du canton de Vaud, rue de l'Université 24, 1005 Lausanne,
intimé.

Objet
Internement,

recours contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton
de Vaud du 28 novembre 2007.

Faits:

A.
Par arrêt du 20 mars 1991, le Tribunal d'accusation vaudois a prononcé un
non-lieu en faveur de X.________, prévenu de dommages à la propriété, abus de
confiance et menaces, et ordonné son internement dans un établissement
approprié.

Par décision du 18 janvier 2007, la Commission de libération a ordonné la
poursuite de la mesure d'internement prononcée à l'encontre de X.________, pour
une durée indéterminée, la direction de l'établissement où est placé
l'intéressé étant invitée à renseigner deux fois par année le service
pénitentiaire sur cette prise en charge et à lui faire à ces occasions toutes
propositions opportunes.

B.
Par arrêt du 28 novembre 2007, le Tribunal d'accusation vaudois a ordonné que
l'internement de X.________ se poursuive conformément au nouveau droit.

C.
X.________ dépose un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Il invoque
l'arbitraire, une violation de son droit d'être entendu, de sa liberté
personnelle et de l'art. 56a CP. Il conclut, principalement, à la réforme de
l'arrêt précité en ce sens qu'il est soumis à un traitement ambulatoire au sens
de l'art. 63 CP et, subsidiairement, à l'annulation de la décision cantonale.
Il requiert également l'assistance judiciaire.

Le Tribunal d'accusation vaudois renonce à se déterminer et le Ministère public
conclut au rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
Le recourant se plaint d'arbitraire dans l'appréciation des preuves. En bref,
il estime que le Tribunal d'accusation s'est trompé sur le sens et la portée de
la décision de la Commission de libération du 18 janvier 2007 et de
l'évaluation de la Commission interdisciplinaire consultative concernant les
délinquants nécessitant une prise en charge psychiatrique des 10 et 11
septembre 2007 (CIC). Il lui reproche également de ne pas avoir tenu compte de
l'expertise psychiatrique du Département universitaire de psychiatrie adulte
(DUPA) du 26 octobre 2005, du rapport d'évolution de l'Unité de psychiatrie
ambulatoire d'Orbe du 24 août 2006, de la note relative à la rencontre
interdisciplinaire du 29 octobre 2007 et du mémo de transmission du 21 novembre
2007 de l'Office d'exécution des peines. Il se plaint enfin d'une violation de
son droit d'être entendu, estimant que l'arrêt cantonal est insuffisamment
motivé.
1.1
1.1.1 La notion d'arbitraire a été rappelée récemment aux ATF 134 I 140 consid.
5.4 p.148 et 133 I 149 consid. 3.1 p. 153, auxquels on peut donc se référer. En
bref, une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît
discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement
insoutenable, et cela non seulement dans sa motivation mais dans son résultat.

Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. implique que le juge
motive sa décision de manière à ce que le destinataire de celle-ci puisse la
comprendre et l'attaquer utilement s'il y a lieu et à ce que l'autorité de
recours puisse exercer son contrôle (ATF 129 I 232 consid. 3.2 p. 236 et les
références citées). Il suffit, pour satisfaire à ces exigences, que l'autorité
examine les questions décisives pour l'issue du litige et expose les motifs qui
fondent sa décision de manière à ce que le destinataire de celle-ci puisse en
saisir la portée et exercer ses droits de recours à bon escient; elle n'est pas
tenue de discuter de façon détaillée tous les arguments avancés et n'est pas
davantage astreinte à se prononcer séparément sur chacune des conclusions qui
lui sont présentées (ATF 134 I 83 consid. 4.1 p. 88; 130 II 530 consid. 4.3 p.
540; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236).
1.1.2 Le ch. 2 al. 2 des dispositions finales de la modification du 13 décembre
2002 précise que, dans un délai de douze mois à compter de l'entrée en vigueur
du nouveau droit, le juge examine si les personnes qui sont internées selon les
art. 42 ou 43 ch. 1 al. 2 de l'ancien droit remplissent les conditions d'une
mesure thérapeutique (art. 59 à 61 ou 63). Dans l'affirmative, le juge ordonne
cette mesure; dans le cas contraire, l'internement se poursuit conformément au
nouveau droit.
1.1.2.1 Selon l'art. 59 al. 1 CP, lorsque l'auteur souffre d'un grave trouble
mental, le juge peut ordonner un traitement institutionnel si l'auteur a commis
un crime ou un délit en relation avec ce trouble (let. a) et s'il est à prévoir
que cette mesure le détournera de nouvelles infractions en relation avec ce
trouble (let. b). Le traitement institutionnel s'effectue dans un établissement
psychiatrique approprié ou dans un établissement d'exécution des mesures (al.
2). Le traitement s'effectue dans un établissement fermé tant qu'il y a lieu de
craindre que l'auteur ne s'enfuie ou ne commette de nouvelles infractions. Il
peut aussi être effectué dans un établissement pénitentiaire au sens de l'art.
76 al. 2, dans la mesure où le traitement thérapeutique nécessaire est assuré
par du personnel qualifié (al. 3).

D'après l'art. 63 al. 1 CP, lorsque l'auteur souffre d'un grave trouble mental,
est toxico-dépendant ou qu'il souffre d'une autre addiction, le juge peut
ordonner un traitement ambulatoire au lieu d'un traitement institutionnel, si
l'auteur a commis un acte punissable en relation avec son état (let. a) et s'il
est à prévoir que cette mesure le détournera de nouvelles infractions en
relation avec son état (let. b). L'autorité compétente peut ordonner que
l'auteur soit momentanément soumis à un traitement institutionnel initial
temporaire si cette mesure permet de passer ensuite à un traitement
ambulatoire. Le traitement institutionnel ne peut excéder deux mois au total
(al. 3).

La mesure prononcée doit respecter le principe de la proportionnalité,
c'est-à-dire que l'atteinte aux droits de la personnalité qui en résulte pour
l'auteur ne doit pas être disproportionnée au regard de la vraisemblance qu'il
commette de nouvelles infractions et de leur gravité (art. 56 al. 2 CP). Si
plusieurs mesures s'avèrent appropriées, mais qu'une seule est nécessaire, le
juge ordonne celle qui porte à l'auteur les atteintes les moins graves (art.
56a al. 1 CP).
1.1.2.2 Si aucune des mesures prévues par les art. 59 à 61 ou 63 CP n'entrent
en considération, les conditions y relatives n'étant pas réalisées,
l'internement se poursuit alors conformément au nouveau droit. Dans ce cas,
l'intéressé peut cependant demander sa libération conditionnelle, laquelle se
décide désormais d'après le nouveau droit, soit les art. 64a CP et suivant. Or,
selon le sens et le but de ces nouvelles dispositions, la condition de la
prévisibilité d'une conduite correcte en liberté, prévue à l'art. 64a al. 1 CP,
doit être appréciée par rapport aux seules infractions énumérées à l'art. 64
al. 1 CP. Les autres comportements, qui n'entrent pas dans les prévisions de
cette disposition, sont irrelevants. Ainsi, un auteur qui a été interné, comme
délinquant d'habitude au sens de l'art. 42 aCP ou comme délinquant anormal au
sens de l'art. 43 ch. 1 al. 2 aCP, doit être libéré conditionnellement en
application de l'art. 64a CP, s'il est à prévoir qu'il ne commettra pas, une
fois remis en liberté, des infractions qui entrent dans le champ d'application
de l'art. 64 al. 1 CP. En revanche, le fait qu'il soit susceptible de se rendre
coupable de nouvelles infractions qui ne seraient pas visées par cette norme
n'empêche pas le prononcé de sa libération conditionnelle (arrêt du 9 septembre
2008 6B_144/2008 destiné à la publication aux ATF 134 IV consid. 1.1.2).

1.2 Se référant à l'ensemble des éléments figurant au dossier, le Tribunal
d'accusation a jugé que les conditions d'un traitement ambulatoire au sens de
l'art. 63 CP n'étaient, en l'état, pas réalisées. Il a mentionné que, dans son
évaluation des 10 et 11 septembre 2007, la CIC avait considéré que le
traitement institutionnel de la maladie du recourant était susceptible de
favoriser la réinsertion sociale de l'intéressé et de diminuer le risque de
récidive. Elle a donc ordonné la poursuite de l'internement conformément au
nouveau droit.
1.2.1 Dans leur rapport du 26 octobre 2005 (pièce n° 11), les experts du DUPA
ont préconisé un accompagnement du recourant dans son projet d'autonomisation,
avec aménagement d'un lieu de vie autonome (projet d'habiter dans un
mobilhome), tout en gardant des liens étroits avec son milieu de vie actuel et
en maintenant son traitement psychiatrique ambulatoire. Ils ont estimé que
l'expertisé devait se rendre au moins une fois par semaine à la Croisée de Joux
pour un entretien avec son référent, poursuivre les activités protégées ainsi
que ses consultations auprès de la Dresse Y.________ à la fréquence actuelle.
Ils ont conclu que le maintien de l'art. 43 aCP était souhaitable, une révision
de la mesure pouvant être faite fin 2006, avec l'évaluation de l'évolution de
l'expertisé après cette période d'autonomisation.

Lors de la séance des 10 et 11 septembre 2007 (pièce n° 30), la CIC a relevé
que les démarches entreprises pour trouver un établissement résidentiel adéquat
au recourant se poursuivaient avec des perspectives intéressantes, que celui-ci
avait commis des délits en lien avec l'évolution de sa maladie mentale et que
le traitement institutionnel de cette maladie était susceptible de favoriser la
réinsertion sociale de l'intéressé et de diminuer le risque de récidive.

Selon la note du 30 octobre 2007 du Service pénitentiaire des Etablissements de
la plaine de l'Orbe (pièce n° 42), la situation du recourant s'est stabilisée
et ce comportement est compatible avec l'examen d'un placement institutionnel.
Les responsables du Foyer Le Sagittaire ont été rencontrés dans ce but et un
processus a été déterminé dans la perspective du placement de l'intéressé au
sein de cette institution.
Dans sa décision du 21 novembre 2007 (pièce n° 40), l'Office d'exécution des
peines a ordonné la poursuite de l'internement de l'intéressé, avec effet
rétroactif au 19 novembre 2007, à la pension Le Sagittaire, à Lucens, et
subordonné ce transfert à toute une série de conditions, telles que
l'abstinence à l'alcool, le respect des directives données, la participation
aux activités proposées, la prise impérative et régulière de sa médication, la
poursuite du traitement thérapeutique et le fait qu'il ne bénéficie, durant la
phase d'observation, d'aucune sortie non accompagnée par une personne de la
pension ou rattachée à cette dernière.
1.2.2 Au regard du contenu des pièces précitées, le renvoi général à l'ensemble
du dossier et la seule référence explicite à la dernière évaluation de la CIC
ne sont pas suffisants pour suivre l'argumentation de l'autorité précédente et
comprendre la manière dont les éléments de preuve ont été appréciés (cf. supra
consid. 1.2). Le Tribunal d'accusation conclut à la poursuite de l'internement,
un traitement ambulatoire étant encore prématuré, sans toutefois examiner si
une autre mesure thérapeutique, comme celle énoncée à l'art. 59 CP, pourrait
éventuellement entrer en ligne de compte. Il ne se prononce pas sur les
questions décisives pour l'issue du litige, soit plus précisément sur la
maladie du recourant, sur les risques qu'il présente et les mesures
nécessaires, mais suffisantes, pour le détourner de nouvelles infractions en
relation avec le trouble constaté. Dans ces conditions, l'arrêt attaqué est
insuffisamment motivé et consacre donc une violation du droit d'être entendu du
recourant.

2.
En conclusion, le recours doit être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause
renvoyée à l'autorité cantonale. Dès lors, il n'y a pas lieu d'examiner les
autres griefs soulevés par le recourant.

Il n'est pas perçu de frais (art. 66 al. 4 LTF). Le canton de Vaud versera au
recourant une indemnité de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral
(art. 68 al. 1 et 2 LTF), le soin de fixer les dépens de l'instance cantonale
étant laissé à l'autorité cantonale (art. 68 al. 5 LTF). La demande
d'assistance judiciaire devient ainsi sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité
cantonale pour nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais.

3.
Le canton de Vaud versera au mandataire du recourant une indemnité de dépens de
3000 francs.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal d'accusation du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 13 novembre 2008

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Schneider Bendani