Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.459/2008
Zurück zum Index Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2008
Retour à l'indice Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2008


Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_459/2008

Arrêt du 20 mai 2009
Cour de droit pénal

Composition
MM. et Mme les Juges Schneider, Juge présidant,
Favre et Brahier Franchetti, Juge suppléante.
Greffière: Mme Gehring.

Parties
Feu A.X.________, auquel ont succédé ses héritiers:
B.X.________,
C.X.________,
représentés par Me Etienne Laffely, avocat,
recourants,

contre

1.D.________, représentée par Me Philippe Conod, avocat,

2. E.________, représentée par Me Stefano Fabbro, avocat,
3. F.________, représentée par Me Katia Elkaim, avocate,
4. G.________,
5. H.________,
6. Ministère public du canton de Vaud, 1014 Lausanne,
intimés.

Objet
Actes d'ordre sexuel avec des enfants, abus de la détresse, actes d'ordre
sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de
cassation pénale, du 28 janvier 2008.

Faits:

A.
Le 28 juin 2007, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de La Broye et
du Nord vaudois a reconnu A.X.________ coupable de diverses infractions contre
les moeurs et condamné celui-ci à une peine privative de liberté de trois ans
et demi, sous déduction de la détention préventive, ainsi qu'au paiement
d'indemnités pour tort moral, le cas échéant sous suite de dépens, par 12'000,
7500, 10'000 et 5000 francs en faveur de D.________, respectivement de
E.________, F.________ et G.________.

B.
Par arrêt prononcé le 28 janvier 2008 et notifié le 29 mai suivant, la Cour de
cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a partiellement admis le recours
du Ministère public et réformé le jugement de première instance en ce sens que
A.X.________ s'est rendu coupable, en sus des infractions précitées, de
tentative d'actes d'ordre sexuel commise sur une personne incapable de
discernement ou de résistance au préjudice de H.________. La juridiction
cantonale a en revanche rejeté le recours du condamné.

C.
C.a A.X.________ a formé un recours en matière pénale contre l'arrêt cantonal
en concluant, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de celui-ci et au
renvoi de la cause pour nouvelle décision. En bref, il a invoqué l'arbitraire
dans la constatation des faits opérée par les autorités cantonales ainsi que la
violation des art. 187 ch. 1 CP (actes d'ordre sexuel avec des enfants), 191 CP
(actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de
résistance), 193 al. 1 CP (abus de la détresse), 42 et 43 CP (sursis à
l'exécution de la peine), 47 ss CP (fixation de la peine) et 47/49 CO
(indemnisation du tort moral et allocation de dépens).
C.b A la suite du décès de A.X.________ survenu le 22 août 2008, ses héritiers
et l'exécuteur testamentaire ont requis qu'il soit constaté que l'action pénale
et toutes les actions civiles ont pris fin, les droits des plaignants étant
réservés sur le plan civil. Suspendue de plein droit, la procédure a été
reprise le 4 février 2009. Le Ministère public, D.________, E.________ et
F.________ ont conclu au rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 135 III I consid. 1.1 p. 3 et les arrêts cités).

2.
A titre préalable, les recourants font valoir que le décès du condamné a mis
fin à l'action publique, respectivement à l'action civile adhésive à celle-ci,
de sorte que les victimes doivent porter leurs prétentions devant le juge
civil. Dès lors que le recours en matière pénale ne suspend pas l'entrée en
force de chose jugée ("formelle Rechtskraft") de l'arrêt attaqué, même dans les
cas où il suspend de plein droit l'exécution forcée de celui-ci (cf. Hauser et
al., Schweizerisches Strafprozessrecht, 6ème éd., 2005, § 8 n° 4 ss, p.
422-423), le décès du condamné survenu après le dépôt du recours en matière
pénale au Tribunal fédéral n'entraîne pas l'extinction de l'action publique.

3.
A la suite du décès du recourant, il convient d'examiner la légitimité de ses
héritiers à poursuivre la procédure.

3.1 Aux termes de l'art. 81 al. 1 LTF a qualité pour former un recours en
matière pénale quiconque (let. a) a pris part à la procédure devant l'autorité
précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et (let. b) a un
intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée,
soit en particulier : (ch. 1) l'accusé, (ch. 2) le représentant légal de
l'accusé, (ch. 3) l'accusateur public, (ch. 4) l'accusateur privé, si,
conformément au droit cantonal, il a soutenu l'accusation sans l'intervention
de l'accusateur public, (ch. 5) la victime, si la décision attaquée peut avoir
des effets sur le jugement de ses prétentions civiles, (ch. 6) le plaignant,
pour autant que la contestation porte sur le droit de porter plainte, (ch. 7)
le Ministère public de la Confédération et l'administration concernée en ce qui
concerne les affaires pénales administratives au sens de la loi fédérale du 22
mars 1974 sur le droit pénal administratif.

3.2 L'art. 81 al. 1 LTF définit la qualité pour former un recours en matière
pénale en termes généraux, légitimant à recourir celui qui a participé à la
procédure devant l'autorité précédente (corollaire du principe de la double
instance posé par l'art. 75 LTF) et qui justifie d'un intérêt juridique. La
liste érigée à la let. b de cette disposition énumère les cas ordinaires
réalisant la condition de l'intérêt juridique à recourir. De caractère
exemplaire, elle n'est pas exhaustive et n'empêche aucun des sujets de droit,
qui n'y figure pas, de se prévaloir d'un intérêt juridique à l'annulation de la
décision attaquée (arrêt non publié du 5 juillet 2007 dans la cause 6B_12/2007,
consid. 2.3). Il en va ainsi notamment des héritiers de l'accusé (FF 2001 p.
4116).
3.3
3.3.1 Pour être légitimés à se substituer au condamné décédé dans la procédure
qu'il a engagée, ces derniers doivent démontrer que la décision attaquée porte
une atteinte actuelle et personnelle à leurs intérêts juridiquement protégés.
L'existence d'un intérêt de pur fait ou la simple perspective d'un intérêt
juridique futur ne suffit pas (ATF 127 III 41 consid. 2b p. 42; 120 Ia 165
consid. 1a p. 166; 118 Ia 46 consid. 3c p. 53, 488 consid. 1a p. 490 et les
arrêts cités). L'exigence d'un intérêt juridique à l'annulation ou à la
modification de la décision attaquée existait déjà sous le régime de l'ancienne
loi d'organisation judiciaire, tant pour le recours de droit public que pour le
pourvoi en nullité (ATF 128 IV 34 consid. 1b p. 36; 124 IV 94 consid. 1a p. 95;
101 IV 324 consid. 1 p. 325; 96 IV 64 consid. 1 p. 67). Dès lors que le nouveau
droit s'inscrit dans la continuité de l'ancien, il y a lieu de s'inspirer de la
jurisprudence développée sous l'empire de ce dernier (cf. ATF 133 IV 228
consid. 2.3.3 p. 234).
3.3.2
3.3.2.1 Selon celle-ci, les sanctions fondées sur le droit pénal visent
personnellement l'auteur d'actes pénalement répréhensibles si bien que la mort
du prévenu, de l'accusé ou du condamné met fin à la poursuite pénale dirigée
contre lui (E. Hafter, Allg.Teil, 2e éd., p. 429; H. Schultz, Allg.Teil 1, 4e
éd., p. 253). La qualité d'auteur d'un comportement réprimé pénalement n'étant
pas transmissible, il faut admettre que les droits individuels découlant des
garanties constitutionnelles dont il jouit dans la procédure pénale sont
indissociables de sa personne. S'ils sont intransmissibles, force est d'en
conclure que nul ne peut lui succéder en qualité de partie, la substitution de
parties étant exclue (F. Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e éd., Berne
1983, p. 182/183; W. Kälin, Das Verfahren der staatsrechtlichen Beschwerde,
Berne 1984, p. 220).

3.3.2.2 En outre, depuis l'abrogation de l'art. 270 al. 2 PPF, le conjoint, les
frères et soeurs ainsi que les parents et alliés en ligne ascendante et
descendante de l'accusé décédé ne sont en principe plus légitimés à recourir
pour réhabiliter à titre posthume la mémoire du défunt en tentant "d'effacer
les effets infamants de la condamnation" (cf. ATF 126 I 43 consid. 1c p. 46 et
les références; voire également G. Kolly, Le pourvoi en nullité à la Cour de
cassation pénale du Tribunal fédéral, Berne 2004, p. 24).
3.3.2.3 Enfin, dès lors que les parents et alliés du condamné décédé ne
disposent pas de la qualité pour recourir contre la condamnation pénale de ce
dernier, ils ne sauraient l'obtenir par le biais d'un recours contre le
prononcé sur les frais et dépens (cf. ATF 126 I 43 consid. 1 d) bb) p. 47). On
peut se demander si les héritiers ne justifieraient pas d'un intérêt juridique
à se plaindre d'une mauvaise application du droit cantonal régissant la
fixation des frais et dépens dans la mesure où la violation alléguée le serait
pour des motifs étrangers à la condamnation pénale (voir Yves Donzallaz, Loi
sur le Tribunal fédéral, Commentaire, 2008, n. 2581 ad art. 81 LTF, p. 984). En
l'occurrence, cette question peut demeurer en suspens en tant que la procédure
pénale vaudoise ne prévoit pas l'imputation des frais à la charge des
héritiers.

3.4 Dès lors que les héritiers ne sont habilités à se substituer au condamné
décédé ni pour contester sa condamnation pénale, ni pour mettre en cause
l'imputation corrélative des frais et dépens, il n'y a pas lieu d'entrer en
matière sur le volet pénal du recours. En revanche, ils ont un intérêt
juridique à recourir contre la condamnation au paiement de prétentions civiles,
en l'occurrence des indemnités pour tort moral et des dépens alloués aux
victimes, montants qui passent dans la masse successorale (cf. Niklaus Schmid,
Die Strafrechtsbeschwerde nach dem Bundesgesetz über das Bundesgericht, ZStrR
124/2006 p. 185), de sorte qu'il convient d'entrer en matière sur ce point.

4.
4.1 Les recourants contestent les prétentions civiles allouées aux victimes,
considérant ne pas avoir à indemniser les troubles dont elles souffraient avant
les faits en cause. Pour le même motif, ils ajoutent que D.________ mise à
part, les lésées n'ont pas droit à de pleins dépens.

4.1.1 L'ampleur de la réparation morale dépend avant tout de la gravité des
souffrances physiques ou psychiques consécutives à l'atteinte subie par la
victime et de la possibilité d'adoucir sensiblement, par le versement d'une
somme d'argent, la douleur morale qui en résulte. Sa détermination relève du
pouvoir d'appréciation du juge. En raison de sa nature, l'indemnité pour tort
moral, qui est destinée à réparer un dommage qui ne peut que difficilement être
réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute fixation selon des critères
mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder
certaines limites; l'indemnité allouée doit toutefois être équitable. Le juge
en proportionnera donc le montant à la gravité de l'atteinte subie et il
évitera que la somme accordée n'apparaisse dérisoire à la victime. S'il
s'inspire de certains précédents, il veillera à les adapter aux circonstances
actuelles pour tenir compte de la dépréciation de la monnaie (cf. ATF 118 II
410 consid. 2a p. 413 et les arrêts cités).
4.1.2 La fixation de l'indemnité pour tort moral est une question d'application
du droit fédéral, que le Tribunal fédéral examine donc librement. Dans la
mesure où cette question relève pour une part importante de l'appréciation des
circonstances, le Tribunal fédéral intervient avec retenue, notamment si
l'autorité cantonale a mésusé de son pouvoir d'appréciation en se fondant sur
des considérations étrangères à la disposition applicable, en omettant de tenir
compte d'éléments pertinents ou encore en fixant une indemnité inéquitable
parce que manifestement trop faible ou trop élevée. Comme il s'agit cependant
d'une question d'équité -et non pas d'une question d'appréciation au sens
strict, qui limiterait son pouvoir d'examen à l'abus ou à l'excès du pouvoir
d'appréciation-, le Tribunal fédéral examine toutefois librement si la somme
allouée tient suffisamment compte de la gravité de l'atteinte ou si elle est
disproportionnée par rapport à l'intensité des souffrances morales causées à la
victime (cf. ATF 123 III 10 consid. 4c/aa p. 12 s; ATF 118 II 410 consid. 2a p.
413 et les arrêts cités).

4.2 Selon les constatations cantonales, le condamné a profité de sa position de
thérapeute (masseur-magnétiseur) pour apposer des pierres sur le pubis -ou
introduire des pierres dans le vagin- de plusieurs femmes, dont une mineure,
convainquant, de surcroît, l'une d'entre elles de le laisser la pénétrer. Au
regard de ces agissements, il a été condamné pour actes d'ordre sexuel avec des
enfants, actes d'ordre sexuel commis sur des personnes incapables de
discernement ou de résistance, contrainte sexuelle et abus de la détresse. Sa
faute est grave. S'il est exact que les victimes présentaient déjà certains
troubles avant les faits -ce que les juges cantonaux n'ont pas ignoré-, les
actes du condamné n'en ont pas moins sérieusement aggravé l'état de santé de
ses patientes.

4.2.1 Ainsi, D.________ a enduré d'importantes souffrances physiques au moment
de la commission des infractions et les agissements en cause l'ont sérieusement
perturbée. Pendant plusieurs mois, elle a ressassé le souvenir des gestes subis
et présenté des maux de tête ainsi que des phobies sociales. La somme allouée
qui tient compte de la gravité de l'atteinte n'est pas disproportionnée par
rapport aux souffrances morales éprouvées, de sorte que l'autorité cantonale
n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en lui allouant une indemnité de
12'000 francs.
4.2.2 S'agissant de E.________, même si elle a subi des abus sexuels à l'âge de
huit ans, les agissements du condamné l'ont profondément détruite. A l'heure
actuelle, elle fait encore l'objet d'un suivi psychothérapeutique et se voit
prescrire des anxiolytiques ainsi que des antidépresseurs. Lors des débats,
elle a exprimé la mesure de son émotion à l'évocation des infractions dont elle
a été victime de la part du condamné. Au regard de ces éléments, l'indemnité de
7500 francs qui lui a été allouée n'est pas disproportionnée.
4.2.3 De son côté, F.________, qui présentait une grave dépression avant les
faits litigieux, se trouve désormais confrontée à des angoisses
supplémentaires, craignant les hommes et les personnes vêtues de blanc. Le
montant de l'indemnité fixé à 10'000 francs n'apparaît dès lors pas non plus
disproportionné, le condamné n'avançant au demeurant aucun argument susceptible
de le remettre en cause.
4.2.4 Enfin, G.________ souffre encore des conséquences psychiques des gestes
du condamné, de sorte que l'indemnité qui lui a été allouée à hauteur de 5000
francs n'apparaît ni excessive, ni inéquitable.

4.3 Sur le vu de ce qui précède, l'allocation de dépens aux victimes n'est pas
critiquable.

5.
Les recourants, qui succombent, supportent les frais judiciaires (art. 66 al. 1
et 68 al. 1 et 2 LTF). Les parties civiles, qui ont conclu au rejet du recours,
peuvent prétendre à des dépens (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 francs, sont mis à la charge des
recourants, solidairement entre eux.

3.
Les recourants, solidairement entre eux, verseront, à titre de dépens, une
indemnité de 2000 francs en faveur de D.________, respectivement de 1500 francs
en faveur de E.________ et F.________ chacune.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
de Vaud, Cour de cassation pénale, ainsi qu'à l'exécuteur testamentaire.

Lausanne, le 20 mai 2009

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant: La Greffière:

Schneider Gehring