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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.390/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_390/2008 /rod

Arrêt du 9 juillet 2008
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Ferrari et Mathys.
Greffière: Mme Kistler Vianin.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Jean-Michel Dolivo, avocat,

contre

Y.________, représenté par Me Yves Burnand, avocat,
Ministère public du canton de Vaud, rue de l'Université 24, 1005 Lausanne,
intimé.

Objet
Refus de constitution de partie civile,

recours contre l'arrêt du 7 avril 2008 du Tribunal d'accusation du Tribunal
cantonal du canton de Vaud.

Faits:

A.
En 2005, X.________, informaticien à la Radio Z.________, a découvert, dans son
activité professionnelle, des fichiers pornographiques à caractère pédophile
sur l'ordinateur personnel de Y.________, qui était chargé des programmes. Il a
fait part de cette découverte à ses supérieurs, mais la direction n'a pas jugé
utile de dénoncer le cas aux autorités de poursuite pénale.

En février 2008, une collaboratrice de la Radio Z.________ a signalé le cas à
la police. Elle a déclaré qu'en 2005, un collaborateur de la radio aurait été
en possession de fichiers à caractère pédophile, mais que la direction avait
renoncé à en informer les autorités de poursuite pénale.

Par courrier du 29 février 2008, la Radio Z.________ a résilié, avec effet
immédiat, le contrat de travail qui la liait à X.________.

B.
Le 28 février 2008, une enquête pénale a été introduite contre Y.________ pour
pornographie. Il lui est reproché d'avoir téléchargé des fichiers
pornographiques à caractère pédophile et de les avoir conservés dans son
ordinateur personnel à la Radio Z.________.

X.________ a demandé à être admis en qualité de partie civile dans cette
procédure pénale.

Par ordonnance du 11 mars 2008, le magistrat instructeur a rejeté sa requête au
motif que les faits, objets de l'enquête, ne lui avaient pas porté atteinte.

C.
Statuant le 7 avril 2008, le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois
a rejeté le recours de X.________ formé contre cette dernière ordonnance. Il a
constaté qu' « en qualité d'informaticien, X.________ pouvait se voir
confronter » à des images pornographiques à caractère pédophile, « fortuitement
ou de par ses missions » et « qu'à partir de là, on ne voyait pas sur quelle
base il pourrait invoquer une atteinte à son honneur, son intégrité morale ou
psychique ». Il a ajouté que « X.________ ne pouvait faire valoir aucune
prétention à l'égard de Y.________ du fait de son licenciement et ceci même si
ce dernier était lié à la découverte des fichiers pornographiques à caractère
pédophile».

D.
Contre cet arrêt cantonal, X.________ dépose un recours en matière pénale
devant le Tribunal fédéral. Il conclut à la réforme de l'arrêt attaqué en ce
sens que la qualité de partie civile lui soit reconnue dans l'enquête pénale
instruite contre Y.________. A l'appui de cette conclusion, il fait valoir que
la cour cantonale a appliqué de manière arbitraire l'art. 93 du code de
procédure pénale vaudois (ci-après: CPP/VD). En outre, il sollicite
l'assistance judiciaire.

E.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

Considérant en droit:

1.
La décision attaquée, qui est finale (art. 90 LTF; cf. ATF 128 I 215), a été
rendue en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF), par une autorité cantonale de
dernière instance (art. 80 al. 1 LTF). Elle peut donc faire l'objet d'un
recours en matière pénale (art. 78 ss LTF).

Le recours peut notamment être formé pour violation du droit fédéral (art. 95
let. a LTF), y compris les droits constitutionnels. Il doit être motivé (art.
42 al. 1 LTF) et sa motivation doit exposer succinctement en quoi l'acte
attaqué viole le droit (art. 42 al. 2 LTF). Les griefs mentionnés à l'art. 106
al. 2 LTF, à savoir ceux pris d'une violation des droits constitutionnels, du
droit cantonal et du droit intercantonal, sont toutefois soumis à des exigences
de motivation accrues, correspondant à celles qui résultaient de l'art. 90 al.
1 let. b OJ pour le recours de droit public (ATF 133 IV 286 consid. 1.4 p.
287). Ils ne peuvent donc être examinés que si le recourant démontre de manière
substantiée en quoi les dispositions qu'il invoque auraient été violées; à ce
défaut, ils sont irrecevables (cf. ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262; 129 I
113 consid. 2.1 p. 120, 185 consid. 1.6 p. 189).

2.
L'art. 81 al. 1 LTF confère la qualité pour former un recours en matière pénale
à quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été
privé de la possibilité de le faire et a un intérêt juridique à l'annulation ou
à la modification de la décision attaquée.
La lettre b de cette disposition dresse une liste des personnes auxquelles
cette qualité est expressément reconnue, à savoir l'accusé (ch. 1), le
représentant légal de l'accusé (ch. 2), l'accusateur public (ch. 3),
l'accusateur privé, si, conformément au droit cantonal, il a soutenu
l'accusation sans l'intervention de l'accusateur public (ch. 4), la victime, si
la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions
civiles (ch. 5) et le plaignant, pour autant que la contestation porte sur le
droit de porter plainte (ch. 6). Cette liste, comme cela résulte déjà des
termes "en particulier", n'est toutefois pas exhaustive. Une personne ne
saurait donc se voir dénier la qualité pour recourir du seul fait qu'elle n'est
pas expressément mentionnée dans cette liste. Il y a lieu, au contraire, de
rechercher, dans chaque cas concret, si elle dispose d'un intérêt juridique à
l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Le Tribunal fédéral a été amené à examiner la qualité du simple lésé pour
former un recours en matière pénale. Il est parvenu à la conclusion que celui
qui revêtait la qualité de simple lésé n'était pas habilité à former un recours
en matière pénale pour se plaindre, sur le fond, d'une décision relative à la
conduite de l'action pénale, telle qu'un classement, un refus de suivre, un
non-lieu ou un acquittement. En effet, l'action pénale, à savoir le droit de
poursuivre et de punir les infractions, appartient exclusivement à l'Etat et ne
profite qu'indirectement au simple lésé, qui n'a en principe qu'un intérêt de
fait à sa mise en oeuvre. En revanche, le lésé a un intérêt juridique à obtenir
l'annulation d'une décision relative à la conduite de l'action pénale si cette
décision porte atteinte aux droits procéduraux, dont la violation équivaut à un
déni de justice formel. Partant, il est légitimé à recourir pour se plaindre de
la violation de tels droits (ATF 133 IV 228 consid. 2.3.2 p. 232 s.; arrêt du 5
octobre 2007 du Tribunal fédéral 6B_335/2007 consid. 2.3; arrêt du 23 juillet
2007 du Tribunal fédéral 6B_10/2007 consid. 1.1.2). Conformément à cette
jurisprudence, le recourant, qui se plaint de s'être vu refuser la qualité de
partie civile, a donc la qualité pour recourir.

3.
Le recourant fait grief à la cour cantonale d'avoir refusé son intervention en
qualité de partie civile dans la procédure pénale dirigée contre l'intimé, au
terme d'une interprétation arbitraire de l'art. 93 CPP/VD. Il fait valoir qu'il
a subi un dommage direct et une atteinte à son intégrité psychique et morale en
ayant été confronté, contre son gré, à des représentations pornographiques à
caractère pédophile.

3.1 Le Tribunal fédéral revoit l'interprétation et l'application du droit
cantonal sous l'angle de l'arbitraire (ATF 131 I 217 consid. 2.1 p. 219; 128 II
311 consid. 2.1 p. 315 et les arrêts cités). Il ne s'écarte de la solution
retenue que si celle-ci se révèle insoutenable, en contradiction manifeste avec
la situation effective, ou si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en
violation d'un droit certain. En revanche, si l'interprétation défendue par la
cour cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens
et au but de la disposition ou de la législation en cause, elle sera confirmée,
même si une autre solution paraît également concevable, voire même préférable
(ATF 131 I 217 consid. 2.1 p. 219; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 et les arrêts
cités). En outre, l'annulation de la décision attaquée ne se justifie que si
celle-ci est arbitraire dans son résultat (ATF 129 I 173 consid. 3 p. 178), ce
qu'il appartient au recourant de démontrer (ATF 124 I 247 consid. 5 p. 250).

3.2 L'art. 93 CPP/VD dispose que « celui qui a un intérêt civil au procès peut
y intervenir en tout état de cause, et jusqu'à la clôture des débats, en se
constituant partie civile, même s'il s'agit d'une contravention portée devant
l'autorité judiciaire ensuite d'opposition au prononcé préfectoral ». D'après
l'art. 93a CPP/VD, la victime au sens de l'art. 2 al. 1 LAVI acquiert la
qualité de partie civile dès qu'elle manifeste son intention d'intervenir dans
la procédure pénale.
La partie civile est en règle générale définie comme la personne qui est lésée
de façon immédiate dans son bien juridique par un acte punissable et qui
requiert la condamnation de l'auteur à des dommages-intérêts en réparation du
préjudice que lui a causé l'infraction (Gérard Piquerez, Traité de procédure
pénale suisse, 2e éd., Zurich 2006, no 1026, p. 655). En cas de délits contre
des particuliers, le lésé est le titulaire du bien juridique protégé. Lorsque
l'infraction en cause protège en première ligne l'intérêt collectif, les
particuliers ne sont considérés comme lésés que si leurs intérêts privés ont
été effectivement touchés par les actes en cause, de sorte que leur dommage
apparaît comme la conséquence directe de l'acte dénoncé (ATF 123 IV 184 consid.
1c p. 188; Hauser/Schweri/Hartmann, Schweizerisches Strafprozessrecht, 6e éd.,
2005, § 38, n. 1, p. 141 s.).

Un préjudice indirect qui ne se réalise qu'après l'arrivée d'autres éléments,
par exemple en raison d'une responsabilité contractuelle ou légale, ne suffit
pas (Hauser/Schweri/Hartmann, op. cit., § 38, n. 3, p. 141). Sont ainsi exclus
les cessionnaires, les actionnaires, les personnes subrogées, ex lege ou ex
contractu, sauf si la législation cantonale le prévoit expressément (Gérard
Piquerez, op. cit., no 1027, p. 656).

La jurisprudence vaudoise admettait que justifiait d'un intérêt civil celui qui
rendait vraisemblable l'existence d'un rapport de causalité - directe ou
indirecte - entre les actes dont le prévenu devait répondre et un dommage dont
le lésé réclamait la réparation pécuniaire (JT 1948 III 37). Toutefois, dans un
arrêt du 5 mars 1999, le Tribunal d'accusation vaudois s'est écarté de cette
jurisprudence, limitant le préjudice au dommage direct ainsi qu'au lien de
causalité directe (JT 2000 III 60 et note de Laurent Moreillon, surtout p. 64).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, une telle conception, qui
correspond à la notion de lésé généralement admise par la doctrine et la
jurisprudence du Tribunal fédéral, que ce soit dans la cadre de l'ancien art.
270 al.1 PPF ou de l'ancien art. 28 al. 1 CP, ne saurait être tenue pour
arbitraire (arrêt du 21 décembre 2001 du Tribunal fédéral 1P.620/2001, consid.
2.1). Pour que la constitution de la partie civile soit admise, il faut que les
circonstances sur lesquelles celle-ci s'appuie permettent au juge d'admettre
comme vraisemblable l'existence du préjudice allégué et la relation directe de
celui-ci avec une infraction à la loi pénale (Sabine Derisbourg-Boy, La
position du lésé dans la porcédure pénale et ses possibilités d'obtenir un
dédommagement, thèse Lausanne 1992, p. 29).

3.3 En l'espèce, il est reproché à l'intimé, contre lequel l'enquête est
dirigée, d'avoir téléchargé des fichiers informatiques à caractère pédophile et
de les avoir conservés dans son ordinateur professionnel (art. 197 ch. 3 et ch.
3bis CP). Il ne ressort pas de l'état de fait que l'intimé a offert, montré,
rendu accessibles ou mis à la disposition de tiers les fichiers litigieux. Si
le recourant a été confronté à ces représentations pornographiques à caractère
pédophile, c'est que lui même est allé « visiter » l'ordinateur de l'intimé.
L'éventuelle atteinte à l'intégrité morale et psychique ne provient pas
directement de l'infraction de pornographie, mais résulte de son propre
comportement. Il n'y a donc pas de rapport de causalité directe entre les actes
dont l'intimé doit répondre et le dommage dont le recourant entend obtenir la
réparation.

En outre, la cour de céans ne voit pas en quoi consiste le tort moral subi par
le recourant. Celui-ci se borne à déclarer qu'il entend faire valoir, devant
l'autorité répressive, contre l'auteur des infractions poursuivies, des
prétentions civiles en paiement d'une indemnité pour tort moral (art. 47 et 49
CO), en réparation des atteintes directes qu'il a subies à sa personnalité, son
honneur et son intégrité psychique par la confrontation contre son gré aux
représentations pornographiques à caractère pédophile. Or, il ne suffit pas que
la personne ait été choquée, qu'elle ait subi des désagréments ou qu'elle ait
eu quelque mal. On entend par tort moral les souffrances physiques ou
psychiques que ressent la victime à la suite d'une atteinte à sa personnalité;
le tort moral suppose nécessairement des souffrances physiques ou psychiques
entraînant une diminution du bien être (Henri Deschenaux/Pierre Tercier, La
responsabilité civile, 2e éd., Berne 1982, p. 51).

Au vu de ce qui précède, la cour cantonale n'a pas appliqué le droit cantonal
de procédure de manière arbitraire en refusant au recourant la qualité de
partie civile, étant donné que celui-ci n'a pas rendu vraisemblable l'existence
d'un rapport de causalité directe entre le tort moral qu'il prétend avoir subi
et les actes reprochés à l'intimé. Le recours doit donc être rejeté.

4.
Comme ses conclusions étaient d'emblée vouées à l'échec, le recourant doit être
débouté de sa demande d'assistance judiciaire (art. 64 al. 1 et 2 LTF) et
supporter les frais de justice (art. 65 et 66 al. 1 LTF), réduits à 800 fr.
compte tenu de sa situation financière actuelle.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 francs, sont mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal d'accusation du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 9 juillet 2008
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Schneider Kistler Vianin