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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.302/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_302/2008 /rod

Arrêt du 11 août 2008
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Favre.
Greffière: Mme Bendani.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Leila Roussianos, avocate,

Objet
Demande de congés,

recours contre l'arrêt du Juge d'application des peines du canton de Vaud du 13
mars 2008.

Faits:

A.
A.a Par jugement du 16 septembre 2005, le Tribunal correctionnel
d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a condamné X.________ à cinq
ans de réclusion, pour viol, tentative de viol, contrainte sexuelle, actes
d'ordre sexuel avec des enfants, inceste et tentative d'inceste, pornographie,
vol et tentative de vol, vol d'importance mineure, dommages à la propriété,
violation de domicile, escroquerie, recel, usurpation de fonctions, infractions
à la LCR et contravention à la LStup.

Par jugement du 10 avril 2007, le Tribunal correctionnel d'arrondissement de
Lausanne l'a condamné à une peine privative de liberté de quatre mois, pour
complicité de brigandage et usurpation de fonctions, peine complémentaire à
celle prononcée précédemment.

X.________ a également plusieurs antécédents pour des infractions à la LCR.
A.b Entré aux Etablissements de la plaine de l'Orbe (EPO) le 7 février 2006,
X.________ a été transféré, le 5 juin 2007, aux Etablissements de Thorberg.

L'exécution de la peine a été interrompue le 19 juillet 2006 suite à son
évasion des EPO. Après avoir été interpellé, il a réintégré ces établissements
le 21 juillet 2006 et a été sanctionné à quinze jours d'arrêts disciplinaires
sans travail.
A.c X.________ a été soumis à une expertise psychiatrique. Dans leur rapport du
9 juillet 2004, les médecins ont posé le diagnostic de pédophile, de
personnalité à traits pervers manipulateurs et caractériels, d'abus de cocaïne
et d'alcool ainsi que d'hépatite B. Ils ont relevé que le comportement de
l'expertisé, notamment ses actes incestueux, rentrait dans le cadre de sa
perversité, caractérisée par l'amoralité, l'inaffectivité et la cruauté pour
une satisfaction immédiate de ses désirs. Ainsi, l'intéressé banalisait ou
minimisait tout ce qui l'arrangeait. Sa relation à l'autre paraissait
inexistante et ne semblait servir qu'à assouvir son plaisir immédiat. Les
experts ont qualifié le risque de récidive d'évident.
A.d Le 13 mars 2006, la direction des EPO a demandé à la Commission
interdisciplinaire consultative concernant les délinquants nécessitant une
prise en charge psychiatrique (CIC) de se saisir du cas de X.________, parce
que ce dernier ne présentait aucune remise en question, se déresponsabilisait,
n'exprimait aucun regret envers sa victime, soit sa fille, et refusait d'entrer
dans une démarche psychothérapeutique, ne montrant pas de capacité
d'introspection et mettant trop facilement la faute sur des circonstances
extérieures.

Dans son avis des 21 et 22 mars 2006, la CIC a estimé nécessaire que X.________
puisse être confronté à ses comportements et qu'il parvienne à se questionner à
leur propos dans le cadre d'un suivi thérapeutique. Elle a considéré que, sans
cette démarche, toute ouverture du régime de détention demeurait prématurée.

Dans son avis des 12 et 13 décembre 2006, la CIC a retenu qu'aucun fait nouveau
n'était de nature à modifier son appréciation, rendant impossible toute
éventualité d'élargissement des conditions de détention de l'intéressé. Elle a
souligné que X.________ préférait s'insurger contre les effets de la sanction
pénale plutôt que d'examiner sa propre implication dans sa situation actuelle.

Dans sa séance des 17 et 18 décembre 2007, la CIC a constaté l'absence
d'élément nouveau susceptible de modifier son précédent avis et donc confirmé
qu'aucun élargissement du régime de détention n'entrait en ligne de compte.
A.e Dans son rapport du 5 décembre 2007, la direction des Etablissements de
Thorberg a relevé que X.________ travaillait de manière régulière,
s'investissait dans ses études et s'efforçait d'apprendre l'anglais, le piano
et le chant pendant ses loisirs. Elle a toutefois souligné le caractère
ambivalent du comportement adopté par l'intéressé en ce sens que, d'un côté, il
préparait intensivement son retour à la vie libre par ses études, mais que,
d'un autre côté, il cherchait constamment les limites et se montrait exigeant
et vindicatif.

Dans un rapport du 5 décembre 2007, le médecin traitant de X.________ a résumé
les divers points abordés dans le cadre de la psychothérapie débutée à la
demande de l'intéressé à son arrivée à Thorberg. En premier lieu, il a relevé
que le diagnostic de pédophilie ne saurait être retenu, en raison de la courte
durée dans laquelle se seraient inscrits les abus commis sur sa fille. Ensuite,
il a constaté que les abus avaient été commis alors que, dépendant de l'alcool
et de la cocaïne, son patient était dans une phase de total désintérêt pour
autrui. Dans ces conditions, il a considéré que les risques de récidive en
matière d'abus sexuel sur des enfants étaient clairement réduits du fait de son
abstinence à la cocaïne. Le médecin a également précisé que la psychothérapie
avait permis d'atteindre des résultats en matière de reconnaissance de
responsabilité concernant les délits et de mesures prophylactiques à cet égard
pour le futur, d'empathie pour la victime, d'abstinence d'alcool et de cocaïne,
ainsi que de prise de conscience des conséquences de ses actes, résultats qui
devaient maintenant être consolidés. Enfin, le psychiatre a conclu que, compte
tenu du caractère unique du délit commis par X.________, de son abstinence de
drogues, de son intégration socioprofessionnelle et du bon déroulement de la
psychothérapie, il se justifiait de faire l'essai d'un allégement de
l'exécution de la peine.

B.
Par courriers des 28 novembre et 20 décembre 2007, X.________ a sollicité
l'octroi, dès janvier 2008, de congés réguliers afin d'accéder à internet et
d'entamer des démarches en vue de la récupération de son permis de conduire.

Le 8 janvier 2008, l'Office d'exécution des peines a rejeté cette requête,
décision qui a été confirmée, le 13 mars 2008, par le Juge d'application des
peines du canton de Vaud.

C.
X.________ dépose un recours en matière pénale ainsi qu'un recours
constitutionnel subsidiaire. Invoquant une violation de l'art. 84 al. 6 CP et
de son droit d'être entendu, il conclut, principalement, à la réforme de
l'arrêt attaqué dans le sens des considérants et, subsidiairement, au renvoi de
la cause à l'autorité précédente pour nouveau jugement. Il requiert également
l'assistance judiciaire.

Considérant en droit:

1.
1.1 L'arrêt attaqué a été rendu dans le domaine de l'exécution des peines (art.
78 al. 2 let. b LTF), par une autorité cantonale de dernière instance (art. 80
al. 1 LTF; art. 37 al. 3 de la loi vaudoise sur l'exécution des condamnations
pénales; RSV 340.01 ). Il peut donc faire l'objet d'un recours en matière
pénale (art. 78 ss LTF), de sorte que le recours constitutionnel subsidiaire
est exclu (art. 113 LTF). Toutefois, à lui seul, l'intitulé erroné d'un recours
ne nuit pas à son auteur, si les conditions d'une conversion en la voie de
droit adéquate sont réunies (ATF 131 I 291 consid. 1.3 p. 296; 126 II 506
consid. 1b p. 509). Tel est le cas en l'occurrence. En effet, le grief soulevé
par le recourant dans son recours constitutionnel subsidiaire peut être invoqué
dans un recours ordinaire, dès lors que le droit fédéral au sens de l'art. 95
let. a LTF inclut les droits constitutionnels.

1.2 Le recours doit être motivé conformément à l'art. 42 al. 2 LTF, qui exige
que le recourant indique en quoi la décision attaquée viole le droit. Les
griefs mentionnés à l'art. 106 al. 2 LTF, en particulier celui pris d'une
violation des droits fondamentaux, sont toutefois soumis à des exigences de
motivation accrues, qui correspondent à celles qui résultaient de l'art. 90 al.
1 let. b OJ pour le recours de droit public (ATF 133 IV 286 consid. 1.4 p.
287).

2.
Invoquant une violation de son droit d'être entendu, le recourant reproche au
Juge d'application des peines de ne pas avoir ordonné une nouvelle expertise,
l'ancienne étant obsolète au regard du nouveau rapport rendu par son médecin
traitant.

2.1 En cas de divergence d'opinion entre experts et médecins traitants, il
n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en oeuvre une nouvelle
expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit
bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351
consid. 3a p. 352) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. A
cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la
jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I
170 consid. 4 p. 175), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée
par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du
seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire.
Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments
objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui
sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de
l'expert.

Lorsque la juridiction cantonale se rallie au résultat d'une expertise, le
Tribunal fédéral n'admet le grief d'appréciation arbitraire des preuves que si
l'expert n'a pas répondu aux questions, si ses conclusions sont contradictoires
ou si, de quelqu'autre manière, l'expertise est entachée de défauts à ce point
évidents et reconnaissables, même en l'absence de connaissances ad hoc, qu'il
n'était tout simplement pas possible de les ignorer. Il ne lui appartient pas
de vérifier que toutes les affirmations de l'expert sont exemptes d'arbitraire;
sa tâche se limite à examiner si l'autorité cantonale pouvait, sans arbitraire,
faire siennes les conclusions de l'expertise (ATF 128 I 81 consid. 2 in fine p.
86).

2.2 L'autorité précédente a reconnu que l'avis du médecin traitant remettait
partiellement en question les conclusions de l'expertise judiciaire faite en
juillet 2004, puisqu'il contestait le diagnostic de pédophilie ainsi que
l'évaluation du risque de récidive en matière d'abus sexuels sur des enfants,
compte tenu de l'abstinence de stupéfiants que connaît le recourant. Toutefois,
elle a souligné que les constatations de ce psychiatre résonnaient étrangement
au vu de l'argumentation du recourant, tenue dans le cadre d'une demande de
révision, selon laquelle il aurait déjà commis des abus d'ordre sexuel sur sa
fille en 1994. Elle a également constaté que l'évaluation de la dangerosité du
recourant, effectuée par la CIC, se fondait essentiellement sur la dimension
psychopathologique de sa personnalité, définie par des traits pervers,
manipulateurs et caractériels, alors que cet aspect n'avait pas été développé
dans le rapport du 5 décembre 2007. Enfin, elle a estimé que la démarche
psychothérapeutique du recourant était trop récente et insuffisamment étayée
pour fonder déjà un allégement de régime.

Ainsi, le Juge d'application des peines a expliqué, de manière convaincante,
pour quels motifs il s'écartait des conclusions du médecin traitant du
recourant. Or, ce dernier n'allègue pas d'arbitraire à ce sujet, ni ne démontre
en quoi l'autorité cantonale aurait apprécié de manière insoutenable
l'expertise judiciaire et le dernier rapport médical produit. Il n'explique pas
en quoi celui-ci serait suffisamment complet et pertinent pour remettre en
cause l'expertise judiciaire. En particulier, il ne prétend pas que son médecin
traitant aurait procédé à l'analyse détaillée de sa dangerosité, laquelle est
fondée, d'après la CIC et les experts judiciaires, non pas sur sa dépendance
aux stupéfiants comme retenue dans le rapport du 5 décembre 2007, mais sur sa
personnalité, ses traits pervers, manipulateurs et caractériels. Par
conséquent, faute de motivation suffisante, le grief est irrecevable.

3.
Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 84 al. 6 CP.

3.1 Selon l'art. 75a CP, la commission visée à l'art. 62d al. 2, soit la CIC
pour le canton de Vaud, apprécie, lorsqu'il est question d'un placement dans un
établissement d'exécution des peines ouvert ou de l'octroi d'allégements dans
l'exécution, le caractère dangereux du détenu pour la collectivité (al. 1) si
celui-ci a commis un crime visé à l'art. 64 al. 2 (let. a) et si l'autorité
d'exécution ne peut se prononcer d'une manière catégorique sur le caractère
dangereux du détenu pour la collectivité (let. b). Les allégements dans
l'exécution sont des adoucissements du régime de privation de liberté,
notamment le transfert en établissement ouvert, l'octroi de congés,
l'autorisation de travailler ou de loger à l'extérieur ainsi que la libération
conditionnelle (al. 2). Le caractère dangereux du détenu pour la collectivité
est admis s'il y a lieu de craindre que le détenu ne s'enfuie ou ne commette
une autre infraction par laquelle il porterait gravement atteinte à l'intégrité
physique, psychique ou sexuelle d'autrui (al. 3).

Aux termes de l'art. 84 al. 6 CP, des congés d'une longueur appropriée sont
accordés au détenu pour lui permettre d'entretenir des relations avec le monde
extérieur, de préparer sa libération ou pour des motifs particuliers, pour
autant que son comportement pendant l'exécution de la peine ne s'y oppose pas
et qu'il n'y ait pas lieu de craindre qu'il ne s'enfuie ou ne commette d'autres
infractions.

3.2 Selon les constatations cantonales, qui lient l'autorité de céans,
l'intéressé s'est notamment rendu coupable de viol, de tentative de viol, de
contrainte sexuelle et d'actes d'ordre sexuel avec des enfants. Dans le rapport
judiciaire du 5 juillet 2004, les experts ont relevé que ce comportement
rentrait dans le cadre de la perversité du recourant, caractérisée par
l'amoralité, l'inaffectivité et la cruauté pour une satisfaction immédiate de
ses désirs et qu'il présentait un risque de récidive évident. Entendu à
l'audience, l'un des médecins a encore précisé que la perversité et la tendance
à la manipulation de l'expertisé primaient sur les autres éléments du
diagnostic. Dans son jugement du 16 septembre 2005, le Tribunal correctionnel a
entièrement adhéré à ces conclusions, précisant qu'il avait pu vérifier la
pertinence de ce diagnostic au travers des écrits et du comportement de
l'accusé en cours de procédure. Les 12 et 13 décembre 2007, la CIC a procédé à
la réévaluation de la situation du recourant et estimé que sa dangerosité
restait élevée, nonobstant la psychothérapie entreprise depuis juillet 2007.
Enfin, l'avis du médecin traitant du 5 décembre 2007 est, d'une part, contredit
par certaines déclarations du recourant et, d'autre part, insuffisamment étayé
pour poser un autre pronostic quant à la dangerosité de l'intéressé, dans la
mesure où ce psychiatre se prononce uniquement sur la toxicomanie du recourant
et non pas sur sa personnalité à traits pervers manipulateurs et caractériels,
laquelle est pourtant en relation avec les infractions commises.

Au regard de ces éléments, l'autorité cantonale n'a pas violé le droit fédéral
en refusant au recourant les congés sollicités, celui-ci présentant un risque
de récidive évident. Dès lors, il n'y a pas lieu d'examiner si les autres
conditions de l'art. 84 al. 6 CP sont réalisées et donc de discuter des projets
de l'intéressé, de son comportement en détention ou des risques de fuite qu'il
présente.

4.
En conclusion, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme
ses conclusions étaient vouées à l'échec, l'assistance judiciaire ne peut être
accordée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant doit donc supporter les frais (art.
66 al. 1 LTF), fixés en fonction de sa situation financière.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Les frais judiciaires, fixés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué au recourant et au Juge d'application des
peines du canton de Vaud.
Lausanne, le 11 août 2008
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Schneider Bendani