Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.273/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_273/2008 /rod

Arrêt du 27 juin 2008
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Ferrari et Favre.
Greffière: Mme Paquier-Boinay.

Parties
X.________,
recourante, représentée par Me Stefano Fabbro, avocat,

contre

Ministère public de l'Etat de Fribourg, rue de Zaehringen 1, 1700 Fribourg,
intimé.

Objet
Violation des règles de la circulation routière,

recours contre l'arrêt de la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal de l'Etat
de Fribourg, du 12 mars 2008.

Faits:

A.
Par ordonnance pénale du 20 avril 2007, le juge d'instruction a reconnu
X.________ coupable de violation grave des règles de la circulation (manque
d'égard envers les piétons) et l'a condamnée à une peine pécuniaire de 7
jours-amende avec sursis pendant 4 ans et à 800 fr. d'amende. Le montant du
jour-amende a été fixé à 60 fr.

B.
Statuant le 24 septembre 2007 sur opposition de X.________, le Juge de police
de la Sarine l'a reconnue coupable de violation grave des règles de la
circulation et l'a condamnée, en application des art. 33 al. 1 et 2 et 90 LCR
ainsi que 34, 42, 44 47 et 106 CP, à une peine pécuniaire de 7 jours-amende,
avec sursis pendant 3 ans et à une amende de 500 fr. Il a fixé le montant du
jour-amende à 50 fr.

C.
Par arrêt du 12 mars 2008, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal
fribourgeois a rejeté le recours formé par X.________ contre ce jugement, qu'il
a confirmé. Cet arrêt repose en substance sur l'état de fait suivant.

Le 18 janvier 2007 vers midi, alors qu'ils traversaient l'avenue de Tivoli à
Fribourg sur le passage pour piétons situé à l'entrée de la gare routière,
A.________ et B.________, âgés alors de 13 ans et demi environ, ont été mis en
danger par une automobiliste, X.________. Après avoir laissé passer une voiture
qui arrivait depuis la gauche, A.________ s'est engagé sur le passage pour
piétons, B.________ à sa suite. Alors que A.________ était arrivé au milieu de
la première voie de circulation, B.________ le tira fortement en arrière par la
veste. X.________, au volant d'un véhicule venant du centre-ville, ne les avait
pas vus arriver et continua sa route sans s'arrêter. B.________ a dû tirer son
copain en arrière jusqu'au trottoir pour éviter qu'il se fasse renverser et
lui-même s'est fait frôler par le rétroviseur droit de la voiture.

D.
X.________ forme un recours en matière pénale contre cet arrêt. Soutenant que
l'arrêt attaqué retient des faits constatés de manière arbitraire et viole le
principe «in dubio pro reo» ainsi que l'art. 33 LCR, elle conclut, avec suite
de frais et dépens, principalement à son acquittement et subsidiairement à
l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale
pour qu'elle statue à nouveau.

Considérant en droit:

1.
1.1 La décision attaquée a été rendue par une autorité cantonale de dernière
instance (art. 80 al. 1 LTF), dans une cause de droit pénal (art. 78 al. 1
LTF). Elle peut donc faire l'objet d'un recours en matière pénale (art. 78 ss
LTF), que la recourante, qui remplit manifestement les conditions de l'art. 81
al. 1 LTF, est habilitée à former.

1.2 Le recours peut notamment être formé pour violation du droit fédéral (art.
95 let. a LTF), qui englobe les droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral
statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1
LTF), à moins que la recourante ne démontre que ces faits ont été établis de
façon manifestement inexacte, à savoir arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (FF
2001 p. 4135), ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 97 al. 1
LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il
n'est donc limité ni par les arguments de la recourante ni par la motivation de
l'autorité précédente. Toutefois, compte tenu de l'exigence de motivation
prévue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, dont la sanction est l'irrecevabilité (art.
108 al. 1 let. b LTF), il n'examine en principe que les griefs invoqués et
n'est pas tenu de traiter des questions qui ne sont plus discutées devant lui.
Il ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Le
Tribunal fédéral ne sanctionne une violation de droits fondamentaux que si ce
moyen est invoqué et motivé par la recourante (art. 106 al. 2 LTF). Les
exigences de motivation de l'acte de recours correspondent à celles de l'art.
90 al. 1 let. b OJ (FF 2001 p. 4142), ce qui suppose que les moyens soient
expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée dans le mémoire
de recours (voir ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31, 258 consid. 1.3 p. 261 s.; 129
I 113 consid. 2.1 p. 120).

2.
La recourante reproche en premier lieu à l'autorité cantonale d'avoir apprécié
de manière arbitraire les faits à l'origine de sa condamnation. Elle relève que
l'arrêt attaqué considère comme crédibles les déclarations des dénonciateurs,
desquelles il ressort qu'ils ont laissé passer une première voiture qui venait
depuis la gauche, et retient, comme l'a déclaré la recourante, que le véhicule
qui précédait le sien s'était arrêté pour laisser passer des piétons. La
recourante y voit une preuve du caractère contradictoire et arbitraire de
l'arrêt attaqué.

Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte pas
du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même
qu'elle serait préférable. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution
retenue en dernière instance cantonale que si elle est manifestement
insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et
indiscuté ou si elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice ou
de l'équité. Il ne suffit pas que la motivation de la décision soit
insoutenable. Il faut encore qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF 133
I 149 consid. 3.1, p. 153; 132 I 13 consid. 5.1 p. 17 et les arrêts cités).

L'appréciation des preuves est en particulier arbitraire lorsque le juge de
répression n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de
preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important
propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments
recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p.
9). Il en va de même lorsqu'il retient unilatéralement certaines preuves ou
lorsqu'il rejette des conclusions pour défaut de preuves, alors que l'existence
du fait à prouver résulte des allégations et du comportement des parties (ATF
118 Ia 28 consid. 1b p. 30). Il ne suffit pas qu'une interprétation différente
des preuves et des faits qui en découlent paraisse également concevable pour
que le Tribunal fédéral substitue sa propre appréciation des preuves à celle
effectuée par l'autorité de condamnation, qui dispose en cette matière d'une
grande latitude. En serait-il autrement, que le principe de la libre
appréciation des preuves par le juge du fond serait violé (ATF 120 Ia 31
consid. 2d p. 37 s.).

Contrairement à ce que soutient la recourante, les constatations qu'elle oppose
ne sont pas contradictoires. En effet, il ne ressort pas de l'arrêt cantonal
que la voiture de la recourante suivait de près le véhicule qui circulait
devant elle. Il est donc parfaitement concevable que celui-ci se soit arrêté
pour laisser passer des piétons et que les deux jeunes gens soient arrivés
devant le passage pour piétons alors que le véhicule en question repartait, de
sorte qu'il l'ont laissé passer avant de traverser, certains que la voiture
suivante, savoir celle de la recourante, s'arrêterait pour respecter le droit
de priorité dont ils bénéficiaient en vertu de l'art. 49 al. 2 LCR. De telles
situations se présentent fréquemment lorsque le trafic est dense et les piétons
nombreux. De même, l'argument de la recourante selon lequel il est surprenant,
si l'on retient la version des jeunes gens, que ceux-ci n'aient pas vu arriver
son véhicule, ne lui est d'aucun secours. En effet, comme cela vient d'être
relevé, il est tout à fait imaginable qu'ils se soient engagés sur le passage
alors même qu'ils avaient aperçu la voiture de la recourante, partant de l'idée
que celle-ci s'arrêterait pour les laisser passer comme elle devait le faire,
et que ça n'est qu'au moment où il est devenu évident qu'elle ne les avait pas
vus que l'un d'eux a tiré son camarade en arrière pour éviter la collision.

Relevant par ailleurs qu'ils avaient déclaré devant la police qu'elle arrivait
assez rapidement avant d'admettre, à l'audience du juge de police, qu'elle
n'allait pas vite, la recourante prétend que la version des faits avancée par
les plaignants comporterait de nombreuses incohérences. Elle ne cite toutefois
pas d'autres points sur lesquels les déclarations des dénonciateurs auraient
varié et cette différence d'appréciation sur l'allure à laquelle elle circulait
n'est de toute évidence pas de nature à faire apparaître comme arbitraire le
crédit accordé, pour des motifs pertinents, par l'autorité cantonale à leur
version des faits.

Enfin, la recourante ne saurait sérieusement soutenir qu'elle pouvait, de bonne
foi, conclure que les deux jeunes gens, qui se trouvaient sur le trottoir,
n'avaient pas l'intention de traverser et soutenir avoir fait preuve de toute
l'attention requise à l'approche du passage pour piétons, alors que ceux-ci
s'engageaient sur le passage et qu'elle aurait renversé l'un d'eux si l'autre
ne l'avait pas tiré en arrière.

3.
La recourante soutient en outre que l'arrêt attaqué viole l'art. 33 LCR au
motif qu'il a été démontré que les jeunes gens n'avaient pas l'intention
visible de traverser lorsqu'elle est arrivée à leur niveau. Ce grief n'est pas
recevable car il se fonde sur un élément de fait qui n'a pas été retenu par
l'autorité cantonale, dont l'appréciation des preuves échappe au grief
d'arbitraire.

4.
Enfin, la recourante invoque brièvement le principe «in dubio pro reo» en
prétendant que d'un point de vue objectif un doute sérieux subsiste s'agissant
du déroulement des faits et que, confrontée à deux versions contradictoires de
ceux-ci, la cour cantonale en avait fait une appréciation arbitraire.

Le principe "in dubio pro reo", qui concerne tant le fardeau de la preuve que
l'appréciation des preuves, est le corollaire de la présomption d'innocence
garantie par les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH, qui ont la même portée.
En tant que règles sur le fardeau de la preuve, ces principes signifient, au
stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le
doute doit profiter à l'accusé. Comme règles de l'appréciation des preuves, ils
sont violés lorsque le juge, qui s'est déclaré convaincu d'un état de fait
défavorable à l'accusé, aurait dû, à l'issue d'une appréciation objective de
l'ensemble des éléments de preuve, éprouver un doute sérieux et insurmontable
quant à l'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 IV
86 consid. 2a p. 88; 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). Le Tribunal fédéral ne revoit
les constatations de fait et l'appréciation des preuves que sous l'angle
restreint de l'arbitraire (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 I 208 consid. 4
p. 211; 120 Ia 31 consid. 2d p. 37 s.).

En l'espèce, il n'apparaît pas que la cour cantonale aurait renversé le fardeau
de la preuve, ni qu'elle aurait éprouvé un doute qu'elle aurait interprété en
défaveur de l'accusé. La seule question est donc de savoir si la cour avait dû
éprouver un doute, ce qui relève de l'appréciation des preuves et ne peut être
examiné que sous l'angle de l'arbitraire, de sorte que ce grief se confond avec
celui d'appréciation arbitraire des preuves, qui a été déclaré mal fondé.

5.
Le recours doit dès lors être rejeté dans la mesure où il est recevable et la
recourante, qui succombe, en supportera les frais (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénal du
Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg.
Lausanne, le 27 juin 2008
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Schneider Paquier-Boinay