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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.230/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_230/2008 /rod

Arrêt du 13 mai 2008
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Ferrari et Favre.
Greffière: Mme Angéloz.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Stefan Disch, avocat,

contre

Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, 1005 Lausanne,
intimé.

Objet
Principe in dubio pro reo, arbitraire; fixation
de la peine (brigandage, etc.),

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du
canton de Vaud, Cour de cassation pénale,
du 24 septembre 2007.

Faits:

A.
Par jugement du 7 juin 2007, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de
La Côte a notamment condamné X.________, pour brigandage qualifié au sens de
l'art. 140 ch. 2 CP, lésions corporelles simples, faux dans les certificats et
infraction à la LSEE, à une peine privative de liberté de 5 ans, sous déduction
de la détention préventive.

Saisie d'un recours de l'accusé, la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal vaudois, par arrêt du 24 septembre 2007, l'a partiellement admis. Elle
a libéré l'accusé de l'infraction de lésions corporelles simples et,
subséquemment, a réduit la durée de la peine privative de liberté à 56 mois.
Pour le surplus, elle a écarté le recours.

B.
Cet arrêt retient, en résumé, ce qui suit.
B.a Entre les mois d'août et septembre 2005, X.________ a procuré à Y.________
et Z.________, contre le versement d'un montant total de 24'500 fr., deux faux
passeports français, signalés volés en blanc depuis le 3 février 2004 par les
autorités françaises. Ces faits ont été considérés comme constitutifs de faux
dans les certificats et d'infraction à la LSEE.
B.b Le 5 août 2004, à Préverenges, X.________ et un comparse non identifié se
sont rendus, cagoulés, gantés et munis notamment d'un pistolet et d'un cutter,
devant le bâtiment de la société A.________ SA. Interpellé par B.________, qui
sortait du bâtiment, l'un d'eux s'est précipité sur lui et l'a menacé au moyen
d'un cutter. Après une courte lutte, les agresseurs ont saisi B.________ et
l'on traîné à l'intérieur des locaux, afin qu'il leur indique où se trouvait
l'argent. Celui-ci a ouvert un petit meuble, qui contenait 4600 fr. Les deux
agresseurs se sont emparés de cette somme, puis ont ligoté la victime les mains
dans le dos et l'ont bâillonnée avec du scotch de carrossier.

B.________ a ensuite dû guider ses agresseurs dans d'autres locaux où il
pouvait y avoir de l'argent. L'un de ceux-ci lui disait ce qu'il devait faire,
pendant que l'autre restait derrière lui, le rouant de coups chaque fois qu'il
était contrarié. Tous deux ont par ailleurs menacé la victime, en lui pointant
à plusieurs reprises le pistolet sur la tête et la nuque et en lui disant
qu'ils allaient la tuer. Ils ont ainsi soustrait une enveloppe contenant 2000
fr. Sur leur ordre, B.________ a ouvert un coffre-fort, qui ne contenait
toutefois par d'argent, puis a tenté en vain d'en ouvrir un autre, dont il
avait oublié la combinaison sous l'effet de la panique. Après quoi, la victime
a été traînée à l'extérieur et ses agresseurs ont pris la fuite.

A raison de ces faits, X.________ a été reconnu coupable de brigandage qualifié
et de lésions corporelles simples.
B.c Le 15 janvier 2006, à Morges, X.________ et un comparse non-identifié ont
pénétré dans les locaux du Café de la Gare et se sont rendus au sous-sol, dans
le bureau de l'assistante de direction, qui procédait au contrôle de la recette
du jour. Ils ont maîtrisé leur victime en lui entravant les pieds avec de la
bande adhésive brune, puis, sous la menace d'un cutter, l'ont obligée à ouvrir
le coffre-fort. Ils lui ont ensuite attaché les mains avec de la bande adhésive
et l'ont bâillonnée, avant de quitter les lieux en emportant la recette du
jour, celle des loteries et des jeux ainsi que le fond de caisse, soit un
montant total de 20'730 fr. 35.

Pour ces faits, X.________ a été reconnu coupable de brigandage qualifié.
B.d La cour cantonale a estimé que les éléments de preuve recueillis ne
laissaient pas subsister de doute quant au fait que le recourant avait
participé à l'agression commise au préjudice de B.________. Elle a en revanche
considéré comme insuffisamment établi que le rôle du recourant dans la
commission des lésions corporelles ait été celui d'un coauteur ou même d'un
simple complice et l'a dès lors libéré de cette infraction. Relevant que
l'infraction ainsi supprimée était d'importance mineure au regard des autres
actes reprochés, elle a jugé qu'une peine privative de liberté de 56 mois était
adéquate.

C.
X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral, pour
violation du principe "in dubio pro reo" et de l'art. 47 CP. Il conclut à
l'annulation de l'arrêt attaqué, subsidiairement à sa libération de
l'infraction de brigandage qualifié pour les faits commis au préjudice de
A.________ SA et au prononcé d'une peine maximale de 36 mois, plus
subsidiairement à ce que la peine n'excède en tout cas pas 48 mois. Il
sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire. Des déterminations n'ont pas
été requises.

Considérant en droit:

1.
Le recours peut notamment être formé pour violation du droit fédéral (art. 95
let. a LTF), y compris les droits constitutionnels. Il ne peut critiquer les
constatations de fait qu'au motif que les faits ont été établis de façon
manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, ou en violation du droit au
sens de l'art. 95 LTF, et pour autant que la correction du vice soit
susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Il doit être
motivé conformément à l'art. 42 al. 2 LTF, qui exige que le recourant indique
en quoi la décision attaquée viole le droit. Les griefs mentionnés à l'art. 106
al. 2 LTF, en particulier celui pris d'une violation des droits fondamentaux,
sont toutefois soumis à des exigences de motivation accrues, qui correspondent
à celles qui résultaient de l'art. 90 al. 1 let. b OJ pour le recours de droit
public (ATF 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287).

2.
Le recourant invoque une violation du principe "in dubio pro reo", au motif
qu'une appréciation exempte d'arbitraire des éléments de preuve laisserait
subsister un doute sérieux quant à sa participation au brigandage commis au
préjudice de A.________ SA.

2.1 Tel qu'il est invoqué, soit comme règle de l'appréciation des preuves, le
principe "in dubio pro reo" interdit au juge de se déclarer convaincu d'un état
de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective des éléments
de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à
l'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41 et les arrêts
cités). Le Tribunal fédéral ne revoit que sous l'angle de l'arbitraire la
question de savoir si le juge aurait dû éprouver un doute, c'est-à-dire celle
de l'appréciation des preuves (ATF 127 I 38 consid. 2 p. 40 ss; 124 I 208
consid. 4 p. 211; 120 Ia 31 consid. 2d p. 37/38). La notion d'arbitraire a été
rappelée récemment dans l'ATF 133 I 149 consid. 3.1 p. 153, auquel on peut donc
se référer. En bref, une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle
apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement
insoutenable, et cela non seulement dans sa motivation mais dans son résultat.

2.2 La participation du recourant au brigandage litigieux a été retenue sur la
base d'un faisceau d'indices convergents, à savoir: la présence, sur la
casquette et les gants utilisés lors du brigandage, de traces d'ADN du
recourant en sus de celles d'un tiers non identifié; le fait que ce cambriolage
a été perpétré selon un modus operandi similaire à celui du cambriolage commis
le 15 janvier 2006 à Morges; le fait que, selon les explications de B.________,
l'un de ses agresseurs s'exprimait, à l'instar du recourant, avec un léger
accent balkanique et était d'une taille correspondant, à deux ou trois
centimètres près, à celle du recourant. Il a été considéré que la coïncidence
de ces divers éléments ne laissait pas place à un doute sérieux et
insurmontable quant au fait que le recourant était bien l'un des auteurs du
cambriolage litigieux.

2.3 Cette appréciation n'est pas arbitraire. De la présence de traces d'ADN du
recourant sur une casquette et des gants utilisés lors du brigandage litigieux,
il n'était pas manifestement insoutenable de déduire qu'il est l'une des deux
personnes ayant commis ce brigandage et, subséquemment, qu'il y a participé. Le
recourant l'admet d'ailleurs lui-même expressément à la page 7 let. b de son
recours, de sorte que l'on comprend mal qu'il entreprenne ensuite de le
contester. Quoiqu'il en soit, les arguments qu'il avance sont manifestement
impropres à faire admettre le contraire. Il est évident que la casquette et les
gants sur lesquels des traces d'ADN du recourant ont été retrouvées n'ont pas
été portés simultanément, comme il le fait valoir, par lui et son comparse. Il
est toutefois non moins évident que cela n'infirme en rien sa participation au
brigandage litigieux. Il en va de même du fait que les traces retrouvées dans
une tache de sang relevée sur l'un des murs des locaux ne proviendrait pas du
recourant, ainsi qu'il l'affirme, au demeurant, sur la base d'une rediscution
purement appellatoire du rapport d'analyse des traces d'ADN établi le 30 août
2004 par l'IUML. Force est donc de constater que l'argumentation présentée
n'est aucunement à même de faire admettre une appréciation arbitraire de
l'élément de preuve considéré.

Au demeurant, lorsque l'autorité cantonale a forgé sa conviction sur la base
d'un faisceau d'indices concordants, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de
ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant; le cas
échéant, l'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble et il
n'y a pas arbitraire si l'état de fait retenu pouvait être déduit de manière
soutenable du rapprochement de divers éléments ou indices. Or, à la présence de
traces d'ADN du recourant sur la casquette et les gants, viennent s'ajouter la
similitude du mode opératoire utilisé lors des deux brigandages qui lui sont
reprochés et le fait que certains éléments du signalement que la victime a pu
donner de l'un de ses agresseurs se retrouvent chez le recourant. De ces divers
éléments convergents, il n'était pas arbitraire, au sens rappelé ci-dessus (cf.
supra, consid. 2.1), de déduire que le recourant est bien l'un des auteurs du
brigandage litigieux. Que, dans le cas du brigandage commis le 15 janvier 2006
à Morges, les auteurs n'aient pas eu besoin de recourir au même degré de
violence et qu'ils aient à cette occasion porté des cagoules "artisanales", et
non des cagoules en cuir, est manifestement insuffisant à faire admettre le
contraire. Il est par ailleurs évident que la prétendue méconnaissance du
recourant des lieux où a été commis le brigandage litigieux ne saurait être
déduite du seul fait qu'il n'a jamais travaillé pour A.________ SA.

C'est ainsi sans arbitraire, du moins qui soit démontré conformément aux
exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF, que l'autorité cantonale a
retenu que le recourant a participé au brigandage litigieux. Au reste, fondée
sur ce constat, elle pouvait, sans violer le principe "in dubio pro reo",
considérer qu'il ne subsistait pas de doute sérieux et irréductible quant à la
culpabilité du recourant. Le grief doit dès lors être rejeté dans la mesure où
il est recevable.

3.
Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 47 CP. Il ne conteste pas que
la peine a été fixée sur la base de critères pertinents, mais reproche
exclusivement à l'autorité cantonale de ne l'avoir pas suffisamment réduite à
raison de la suppression de l'infraction de lésions corporelles simples.

3.1 Constatant que les brutalités commises sur B.________ avaient excédé ce qui
était nécessaire à la commission du brigandage, l'autorité cantonale a
considéré que les lésions corporelles simples devaient être retenues en
concours avec le brigandage. Elle a néanmoins acquitté le recourant de
l'infraction de lésions corporelles simples, au motif qu'il n'était pas établi
que celui-ci avait lui-même frappé la victime, ni qu'il avait participé comme
coauteur ou même comme simple complice à cet acte.

Ainsi, ce n'est en définitive que d'un acte supplémentaire de violence dont a
été libéré le recourant, soit celui ayant consisté à rouer de coups la victime
pendant qu'elle était contrainte de guider ses agresseurs dans d'autres locaux.
Sa culpabilité ne s'en trouve donc pas considérablement diminuée. Cela d'autant
moins au vu de la gravité et de la pluralité des infractions maintenues. Le
brigandage qualifié au sens de l'art. 140 ch. 2 CP, qui est passible d'une
peine privative de liberté allant de 1 an au minimum à 10 ans au maximum,
constitue en effet une infraction nettement plus grave que les lésions
corporelles simples, qui sont punissables d'une peine pécuniaire ou de 3 ans de
privation de liberté au maximum. De plus, le recourant doit répondre de deux
cas de brigandage qualifié et, en sus, d'autres infractions, notamment de faux
dans les certificats. Dans ces conditions, l'autorité cantonale, qui n'était
pas tenu de procéder à une réduction linéaire (cf. ATF 129 IV 22 consid. 6.2 p.
35), était fondée à admettre que la suppression de l'infraction de lésions
corporelles simples n'appelait qu'une faible diminution de la peine. Au reste,
la réduction de 4 mois qu'elle a opérée n'est pas à ce point insuffisante
qu'elle doive se voir reprocher un abus de son pouvoir d'appréciation. La peine
de 56 mois de privation de liberté qu'elle a prononcée - et c'est ce qui est en
fin de compte déterminant - demeure proportionnée à la culpabilité du
recourant. Le grief est par conséquent infondé.

4.
Le recours doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme ses
conclusions étaient vouées à l'échec, l'assistance judiciaire ne peut être
accordée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant devra donc supporter les frais (art.
66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois arrêté en tenant compte de sa
situation financière.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1600 fr., sont mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
de Vaud, Cour de cassation pénale.
Lausanne, le 13 mai 2008
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Schneider Angéloz