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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.127/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_127/2008/bri

Arrêt du 16 juin 2008
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Favre et Mathys.
Greffière: Mme Bendani.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Charles Poncet, avocat,

contre

Procureur général du canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.

Objet
Abus de confiance,

recours contre l'arrêt de la Cour de cassation du canton de Genève du 11
janvier 2008.

Faits:

A.
A.a Fin janvier 2003, X.________ a été inculpé du chef d'escroquerie pour avoir
astucieusement déterminé un tiers à transférer, en faveur de A.________,
société chargée du placement et de la gestion des fonds du groupe X.________,
un montant total de 7'750'000 US$, en lui faisant croire qu'il pourrait ainsi
obtenir un important contrat de vente de sucre avec la Russie.
A.b Le 8 août 2003, X.________ a fait défaut à une audience d'instruction,
après que le juge eût refusé de lever le séquestre pénal, précédemment ordonné
sur le compte du groupe X.________, à concurrence d'un montant de 5'000 US$
devant lui servir à financer son déplacement des Etats-Unis à Genève.

Par ordonnance du 26 novembre 2003, la Chambre d'accusation genevoise a
confirmé le refus du juge d'instruction de lever le séquestre pénal, relevant
que, depuis le début de la procédure, X.________ n'avait cessé de se plaindre
de son impécuniosité sans pour autant fournir de justificatif démontrant une
réelle impossibilité économique de faire face aux dépenses induites par son
déplacement à Genève. Elle a relevé que le site internet du groupe X.________
affichait une florissante réussite et que l'intéressé avait sciemment décidé de
ne pas se déférer à la convocation du juge d'instruction.

A la suite d'une nouvelle convocation pour le 1er décembre 2003, X.________ a
sollicité derechef la levée partielle du séquestre pénal, qui lui a été une
nouvelle fois refusée. Il ne s'est pas présenté à l'audience, de sorte que le
juge a décerné un mandat d'amener à son encontre.
A.c Le 17 mars 2004, l'assistance judiciaire a été refusée à X.________ au
motif qu'il disposait vraisemblablement de moyens considérables lui permettant
de mener un train de vie incompatible avec celui d'une personne indigente et
que, dans tous les cas, il n'avait produit aucune pièce justificative probante
dans le sens contraire. Il n'a pas recouru contre cette décision, ni déposé,
par la suite, de nouvelle requête d'assistance judiciaire.
A.d En juin 2004, la procédure a été communiquée au Procureur général et, le 26
octobre 2004, X.________ ne s'est pas présenté à l'audience de renvoi devant la
Chambre d'accusation.

B.
B.a Le 6 avril 2005, X.________ a été convoqué pour l'audience de jugement de
la Cour correctionnelle avec jury, fixée au 19 mai 2005. Par courrier du 20
avril 2005, son conseil a sollicité la levée du séquestre pénal à hauteur de
5'000 fr. pour permettre à son client d'assumer les frais de sa comparution à
Genève.

Le 19 mai 2005, X.________ a fait défaut à l'audience de la Cour, qui a,
préjudiciellement, rejeté sa demande de levée partielle de la saisie au motif
qu'il n'avait donné aucune assurance de se présenter, qu'il n'avait pas tenté
de démontrer qu'il était démuni et que son attitude passée ne permettait pas
d'augurer de sa présence à une audience ultérieure.
B.b Par arrêt du 20 mai 2005, la Cour correctionnelle a condamné par défaut
X.________, pour abus de confiance, à une peine de trente mois
d'emprisonnement.

Par arrêt du 27 août 2007, la Chambre pénale a rejeté, dans la mesure de sa
recevabilité, l'opposition à défaut formée par X.________ contre la décision
précitée. En bref, elle a admis que ce dernier n'avait jamais démontré, par la
production de pièces, son impécuniosité, qui de plus était en contradiction
avec son attitude.
B.c Le 11 janvier 2008, la Cour de cassation a rejeté le recours de X.________
contre l'arrêt du 27 août 2007.

C.
X.________ dépose un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Invoquant
une violation du droit d'être entendu et l'arbitraire, il conclut à
l'annulation des arrêts cantonaux et au renvoi de l'affaire à la Cour
correctionnelle pour qu'il soit statué en sa présence. Il requiert également
l'assistance judiciaire.

Considérant en droit:

1.
1.1 Interjeté par l'accusé qui a succombé dans ses conclusions (art. 81 al. 1
let. b LTF) et dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu en matière
pénale (art. 78 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance
(art. 80 al. 1 LTF), le recours est en principe recevable, puisqu'il a été
déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par
la loi.

1.2 Le recours peut notamment être formé pour violation du droit fédéral (art.
95 let. a LTF), y compris les droits constitutionnels. Il ne peut critiquer les
constatations de fait qu'au motif que les faits ont été établis de façon
manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, ou en violation du droit au
sens de l'art. 95 LTF, et pour autant que la correction du vice soit
susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Il doit être
motivé conformément à l'art. 42 al. 2 LTF, qui exige que le recourant indique
en quoi la décision attaquée viole le droit. Les griefs mentionnés à l'art. 106
al. 2 LTF sont toutefois soumis à des exigences de motivation accrues, qui
correspondent à celles qui résultaient de l'art. 90 al. 1 let. b OJ pour le
recours de droit public (ATF 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287). Par ailleurs,
aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter
de la décision attaquée (art. 99 LTF).

2.
Invoquant l'arbitraire, le recourant affirme avoir démontré son impécuniosité
et estime que la Cour de cassation ne pouvait admettre qu'il avait délibérément
refusé, dès le 8 août 2003, de se présenter devant les juges genevois.

2.1 L'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une
autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait
préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue en dernière
instance cantonale que si elle est manifestement insoutenable, méconnaît
gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou si elle
heurte de manière choquante le sentiment de la justice ou de l'équité. Il ne
suffit pas que la motivation de la décision soit insoutenable; encore faut-il
qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF 132 I 13 consid. 5.1 p. 17).

L'accusé a le droit d'être jugé en sa présence. Cette faculté découle de
l'objet et du but de l'art. 6 CEDH, ainsi que de l'art. 29 al. 2 Cst. qui
consacre le droit d'être entendu. Ce droit n'est toutefois pas absolu; la
Constitution et la Convention ne s'opposent pas à ce que les débats aient lieu
en l'absence de l'accusé, lorsque celui-ci refuse d'y participer ou lorsqu'il
se place fautivement dans l'incapacité de le faire (ATF 129 II 56 consid. 6.2
p. 59 s.). Si le fardeau de la preuve à ce propos ne peut lui être imposé, on
peut en revanche attendre du condamné par défaut qu'il allègue, dans les formes
et délais prescrits, les faits qui l'ont empêché de se présenter (ATF 126 I 36
consid. 1b p. 39 s.). Déterminer si l'absence du défaillant lui est imputable à
faute, compte tenu des circonstances dûment constatées, est une question de
droit inhérente à l'application de la Convention, que le Tribunal fédéral
examine librement. A cet égard, il faut considérer l'absence comme valablement
excusée non seulement en cas de force majeure (impossibilité objective de
comparaître), mais également en cas d'impossibilité subjective, due à des
circonstances personnelles ou à une erreur non imputable au défaillant (ATF 127
I 213 consid. 3a et 3b p. 216).

L'art. 331 al. 1 CPP/GE est conforme à ces principes en tant qu'il subordonne
la tenue d'un nouveau procès à l'absence non fautive de l'accusé aux débats; en
revanche, pour être compatible avec l'art. 6 CEDH, cette disposition doit être
interprétée en ce sens que le fardeau de la preuve de l'absence injustifiée
incombe à l'autorité et non à l'opposant (cf. arrêt 1P.1/2006 du 10 février
2006 consid. 2.1).

2.2 Le recourant reproche à la Cour de cassation d'avoir retenu qu'il aurait
été présent à l'audience d'instruction du 31 mars 2004.

Cette critique tombe à faux. En effet, d'une part, la Cour de cassation,
contrairement à la Chambre pénale, n'a pas tenu pour établi que le recourant
était présent à ladite audience (cf. consid. e et 2.3 de l'arrêt attaqué),
puisqu'elle a considéré que le recourant avait choisi de ne plus se présenter
devant ses juges, à Genève, à partir du 8 août 2003. D'autre part, le seul fait
qu'il aurait été absent à la séance du 31 mars 2004 ne saurait suffire à
prouver son impécuniosité.

2.3 Le recourant relève que le fardeau de la preuve de son impécuniosité ne lui
appartenait pas et estime avoir apporté les éléments suffisants pour témoigner
de ses difficultés financières.
2.3.1 La Cour de cassation a retenu que le recourant n'avait jamais fourni, et
ce malgré la durée de la procédure, les pièces nécessaires à démontrer que sa
situation financière était obérée, à savoir les documents attestant de la vente
de sa maison, de la faillite de son groupe et de sa séparation. Ce faisant,
l'autorité n'a pas renversé le fardeau de la preuve qui lui incombait. En
effet, selon la jurisprudence, il ne suffit pas au défaillant d'alléguer les
faits censés justifier son absence à l'audience pour obtenir le relief; il
convient de les rendre crédibles en donnant les éléments propres à les étayer
dans la mesure que l'on peut raisonnablement exiger de lui. L'obligation ainsi
faite au défaillant de collaborer à l'administration de la preuve est de nature
procédurale; elle ne touche pas au fardeau de la preuve et n'implique nullement
un renversement de celui-ci (cf. arrêt 1P.1/2006 du 10 février 2006 consid. 2.2
et les références citées).
2.3.2 En l'espèce, le recourant a invoqué son impécuniosité comme cause
d'empêchement. Dès lors, les juges pouvaient raisonnablement exiger qu'il
produisît des pièces attestant de ses difficultés financières. Or,
contrairement à ce qu'il prétend, de manière purement appellatoire et donc
insuffisante à démontrer l'arbitraire, l'intéressé n'a fourni aucun élément
pertinent de nature à étayer ses allégations. L'attestation de l'aide sociale
américaine du 21 avril 2005 relative au "fond stamp" à laquelle il se réfère
est insuffisante, celle-ci n'indiquant même pas qu'il aurait été le
bénéficiaire de ces bons. La référence à un site internet mentionnant qu'il
aurait fait faillite en 1992 n'est pas davantage pertinente, celle-ci étant
très antérieure à la présente procédure et le site actuel du groupe X.________
affichant une florissante réussite. Dans ces conditions, la Cour cantonale
pouvait, sans arbitraire, admettre que le recourant n'avait pas rendu crédible
son impécuniosité.

2.4 Selon le recourant, l'autorité cantonale ne pouvait déduire des
interventions de son conseil qu'il aurait eu les moyens de se rendre à Genève.

La Cour de cassation a constaté que, depuis quatre ans, le recourant
multipliait les interventions de son avocat, dont il avait dû immanquablement
assumer la rémunération faute d'assistance judiciaire. Elle en a déduit que sa
situation financière n'avait jamais été aussi obérée qu'il l'avait prétendu.

Cette appréciation n'est pas manifestement insoutenable. En effet, il est
notoire qu'en principe les avocats demandent des avances de frais à leurs
clients et ne travaillent pas gratuitement. De plus, le recourant n'explique
pas pourquoi il n'a pas recouru contre le refus de l'assistance judiciaire, ni
renouvelé sa demande, alors que, selon ses dires, sa situation financière ne
faisait que se péjorer.

2.5 Selon le recourant, la Cour de cassation n'était pas fondée à retenir qu'il
pouvait emprunter 5'000 fr. pour venir en Suisse, cette somme représentant un
montant que même un proche ne serait disposé à prêter sans garantie de
remboursement.

La Cour de cassation n'a pas seulement mentionné qu'un proche ou un membre de
sa famille aurait pu lui avancer la somme en question, mais a également retenu
que, dans sa décision préjudicielle du 19 mai 2005, la Cour correctionnelle lui
avait clairement laissé entrevoir que s'il s'était fait avancer l'argent
nécessaire pour se présenter devant ses juges, ces derniers auraient pu être
enclins à croire, alors, en sa bonne foi et à envisager de donner suite à la
levée partielle du séquestre.

Le recourant ne critique pas cette motivation conformément au prescrit de
l'art. 106 al. 2 LTF. En particulier, il n'explique pas pour quels motifs il ne
s'est pas engagé à se rendre à Genève alors que l'autorité n'avait pas exclu de
libérer, à cette condition, des fonds qui auraient pu servir au remboursement
de l'emprunt effectué auprès d'un proche. L'argument est dès lors irrecevable.

2.6 Le recourant soutient que la somme de 5'000 fr. dont il a demandé la
libération n'était en rien excessive et que l'autorité aurait également pu
libérer un montant inférieur.

Cette critique est sans pertinence. En effet, le litige porte sur la question
de savoir si l'absence du défaillant lui est imputable à faute et non pas sur
la levée partielle du séquestre.

3.
Invoquant une violation de son droit d'être entendu, le recourant reproche aux
autorités genevoises d'avoir refusé les mesures d'instruction complémentaires
tendant à l'audition de deux témoins et visant à établir son impécuniosité.

3.1 En principe, l'autorité doit donner suite aux offres de preuves présentées
en temps utile et dans les formes prescrites. Il n'y a toutefois pas violation
du droit à l'administration de preuves lorsque la mesure probatoire refusée est
inapte à établir le fait à prouver, lorsque ce fait est sans pertinence ou
lorsque, sur la base d'une appréciation non arbitraire des preuves dont elle
dispose déjà, l'autorité parvient à la conclusion que les faits pertinents sont
établis et que le résultat, même favorable au requérant, de la mesure
probatoire sollicitée ne pourrait pas modifier sa conviction (ATF 130 II 425
consid. 2.1 p. 428 s.).

3.2 Le recourant n'a pas produit de pièces pertinentes propres à étayer ses
allégations relatives à sa situation financière obérée. De plus, son attitude
elle-même est en contradiction avec ses déclarations. En effet, il a eu les
moyens de se rendre en tout cas à deux reprises à Genève en 2003. De plus, il
n'a pas contesté le refus de l'assistance judiciaire, ni renouvelé sa demande
dans le courant de la procédure, de sorte qu'il a dû assumer ses frais de
défense. Enfin, il ne s'est jamais engagé à venir en Suisse, alors que la Cour
correctionnelle avait pourtant conditionné la levée partielle du séquestre à
l'assurance de sa présence à l'audience. Sur la base de ces éléments, les juges
cantonaux pouvaient, sans arbitraire, rejeter le motif d'impécuniosité allégué
par le recourant (cf. supra consid. 2). Par conséquent, ils étaient également
fondés à retenir que, vu les éléments dont ils disposaient, l'audition des
témoins demandés ne suffirait pas à modifier leur conviction. Le refus de cette
mesure ne viole donc pas le droit d'être entendu du recourant.

4.
Le recours doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme ses
conclusions étaient vouées à l'échec, l'assistance judiciaire ne peut être
accordée (art. 64 al. 1 LTF) et le recourant devra supporter les frais (art. 66
al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Les frais judiciaires, fixés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de cassation du canton
de Genève.
Lausanne, le 16 juin 2008
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Schneider Bendani