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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.120/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_120/2008 /rod

Arrêt du 1er juillet 2008
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Ferrari et Mathys.
Greffière: Mme Kistler Vianin.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Romain Jordan, avocat,

contre

Procureur général du canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.

Objet
Infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19
ch. 1 et 2 lit. a LStup),

recours contre l'arrêt du 11 janvier 2008 de la Cour de cassation du canton de
Genève.

Faits:

A.
Par arrêt du 29 août 2007, la Cour correctionnelle genevoise, siégeant sans le
concours du jury, a notamment condamné X.________ à une peine privative de
liberté de cinq ans pour infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants
(art. 19 ch. 1 et 2 let. a LStup).

Statuant le 11 janvier 2008, la Cour de cassation genevoise a rejeté le pourvoi
de X.________ avec suite de frais.

B.
En résumé, la condamnation de X.________ repose sur les faits suivants:

X.________, A.________ et B.________ occupaient un appartement, sis au chemin
Colladon 16, au Petit-Saconnex. Suspectant ces trois ressortissants albanais de
s'adonner à un important trafic d'héroïne, la police les a pris en filatures
pendant plusieurs semaines. Le trio rencontrait quotidiennement des trafiquants
albanais. Il passait ses journées à effectuer des va-et-vient en voiture entre
la zone qui s'est avérée être le lieu de stockage de la drogue et les
différents parcs et forêts genevois occupés par les trafiquants de rue
originaires des Balkans.

Le 16 mai 2006, entre 16h et 17h, la police a procédé à l'arrestation de
C.________, alors qu'il venait de se séparer de A.________. C.________ a été
trouvé en possession de 53,8 grammes bruts d'héroïne.

Le 23 mai 2006, vers 11h, X.________, A.________ et B.________ sont sortis de
leur appartement. Dans un établissement public, X.________ a procédé à un
échange avec D.________. La police a arrêté ce dernier, qui portait sur lui
165,5 grammes bruts d'héroïne brune répartis en trente sachets « minigrips »,
ainsi que B.________, qui se trouvait encore au point d'échange. Elle a procédé
à l'arrestation de A.________ et de X.________ plus tard dans la journée.
X.________ avait sur lui la clé d'une boîte-aux-lettres, dans laquelle se
trouvaient les clés de l'appartement du chemin Colladon 16. La police y a
découvert 1,228 kg d'héroïne brune et 7,056 kg de produit de coupage, une somme
de 1'008 fr. 35, le matériel servant à préparer la drogue pour la revente («
minigrips » vides, balance électronique, mixer, rouleau à patisserie, marteau,
etc.) et un « puck » vide ayant contenu 500 grammes d'héroïne.

C.
Contre cet arrêt cantonal, X.________ dépose un recours en matière pénale
devant le Tribunal fédéral. Il fait valoir l'arbitraire dans l'établissement
des faits en ce qui concerne l'échange de drogue avec C.________ et conteste,
pour le surplus, être l'un des coauteurs du trafic de stupéfiants impliquant
A.________ et B.________. Il conclut, principalement, à la réforme de l'arrêt
attaqué en ce sens qu'il soit acquitté et, subsidiairement, à l'annulation de
l'arrêt attaqué et au renvoi de l'affaire à la cour cantonale pour nouveau
jugement.

En outre, il sollicite l'assistance judiciaire.

D.
Le ministère public a conclu au rejet du recours, alors que la juridiction
cantonale a renoncé à déposer des observations.

Considérant en droit:

1.
1.1 Le recours en matière pénale peut être interjeté pour violation du droit,
tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique
le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les
arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente. Il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4
p. 140). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et
2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal
fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de
traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui. Il ne peut pas entrer en matière sur la violation d'un droit
constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou intercantonal
si le grief n'a pas été invoqué et motivé de manière précise par la partie
recourante (art. 106 al. 2 LTF).

1.2 Saisi d'un recours en matière pénale, le Tribunal fédéral ne réexamine
l'établissement des faits - sous réserve de l'allégation d'une violation du
droit au sens de l'art. 95 LTF - que lorsqu'il est entaché d'inexactitude
manifeste (art. 97 al. 1 LTF), à savoir d'arbitraire (ATF 134 IV 36, consid.
1.4.1). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature
appellatoire (ATF 133 III 393 consid. 6 p. 397).

Une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable,
méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou
encore heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité.
Il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; encore faut-il que la
décision apparaisse arbitraire dans son résultat. A cet égard, le Tribunal
fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît
insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée
sans motif objectif ou en violation d'un droit certain. Il n'y a pas arbitraire
du seul fait qu'une autre solution paraît également concevable, voire même
préférable (ATF 133 I 149 consid. 3.1 p. 153 et les arrêts cités). En matière
d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il y a arbitraire
lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un
élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe
manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur
les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 129
I 8 consid. 2.1 p. 9).

2.
Dans un premier moyen, le recourant soutient que la Cour de cassation a versé
dans l'arbitraire en retenant qu'il avait fait le guet le 16 mai 2006 lors de
l'échange de drogue avec C.________. A l'appui de ce grief, il fait valoir
qu'il aurait déposé le même jour une demande d'asile à la Préfecture du Rhône,
à Lyon, service ouvert de 8h15 à 15h30, et qu'il aurait donné ses empreintes à
10h46; or, il ne pouvait avoir eu le temps de déposer sa demande, d'attendre
que celle-ci lui soit délivrée, de se rendre à la gare pour prendre un train
qui, par hypothèse, serait parti immédiatement, et de faire trois heures de
trajet pour arriver à Genève et activer à 11h35 une borne située dans cette
commune.
Pour retenir la participation du recourant à l'échange de drogue avec
C.________, la Cour de cassation s'est fondée sur les observations de la
police. Le recourant écarte cette preuve, soutenant que l'inspecteur de police
a pu commettre une erreur, étant donné qu'il se tenait à une certaine distance
et compte tenu des physiques ressemblants des protagonistes de l'affaire. Cette
argumentation, purement appellatoire, n'est toutefois pas recevable dans un
recours en matière pénale.

Pour le surplus, l'alibi que le recourant invoque n'est pas convainquant:

- Premièrement, il ne ressort pas du dossier que le recourant se trouvait
effectivement à la préfecture de Lyon le 16 mai 2006. Les pièces auxquelles il
se réfère établissent seulement qu'une autorisation provisoire lui a été
délivrée en date du 16 mai 2006. Or, celle-ci a pu lui être octroyée par écrit,
et les démarches nécessaires ont pu être faites quelques jours auparavant.
Quant à l'affirmation, selon laquelle il aurait donné ses empreintes à 10h45,
elle ne repose sur aucun document figurant au dossier.
- En second lieu, à supposer que l'on admette que le recourant s'est présenté à
la préfecture de Lyon le 16 mai 2006, il pouvait sans autre se trouver à Genève
à 11h35. Il n'est en effet pas du tout établi que le recourant ait pris le
train. A cet égard, la Cour de cassation affirme seulement que le trajet en
train (150 km) prenait trois heures. Le recourant a cependant aussi pu se
rendre à Genève en voiture, ce qui raccourcit sensiblement la durée du
déplacement (environ 1h30).
Au vu de ce qui précède, la Cour de cassation n'est donc pas tombée dans
l'arbitraire en retenant que le recourant faisait le guet lors de l'échange de
drogue avec C.________. Mal fondé, le grief doit être rejeté.

3.
Le recourant conteste sa participation comme coauteur à l'activité délictuelle
déployée par ses deux comparses A.________ et B.________. Il reproche à la Cour
de cassation de ne pas avoir abordé en détail les rôles de chacun en rapport
avec les réquisitions du Procureur général et d'avoir en conséquence violé son
obligation de motiver. Selon lui, il se serait borné à fréquenter l'appartement
où les stupéfiants étaient entreposés, à accompagner ses comparses sur des
trajets entre ce lieu et le point de vente et à faire le guet pendant que ses
camarades procédaient à une transaction, actes qui ne relèveraient que de la
participation secondaire. Se référant à l'arrêt de la Cour correctionnelle, le
recourant relève que E.________, F.________ et G.________, inculpés dans une
autre procédure, ne le mettent pas en cause à propos des échanges de drogues
auxquels ils ont participé.

3.1 Le raisonnement de la Cour de cassation pour conclure que le recourant
s'est associé à ses deux comparses pour se livrer au trafic des stupéfiants
n'est pas arbitraire, et peut être aisément suivi. Se fondant sur le résultat
des filatures de la police, elle a retenu que le recourant s'était fréquemment
rendu avec ses deux comparses de l'endroit où la drogue était stockée aux lieux
connus pour être des scènes du commerce illicite de stupéfiants. Elle a précisé
qu'il avait fait le guet lors de la transaction qui avait immédiatement précédé
l'interpellation de C.________ et qu'il partageait avec ses comparses un
appartement où avaient été découverts de la drogue et du produit de coupage.
Elle a ajouté qu'il avait remis 165,5 grammes d'héroîne répartis en trente
sachets minigrips à D.________. Au regard de ces éléments, le seul fait que les
trafiquants E.________, F.________ et G.________ sont restés silencieux ne
suffit pas à rendre arbitraire la conclusion de la Cour de cassation, selon
laquelle le recourant s'est associé à l'activité délictuelle de ses comparses.
Le grief tiré de l'établissement arbitraire des faits doit donc être rejeté.
Reste à examiner - point également contesté par le recourant - si le recourant
peut, en droit, être qualifié d'auteur principal pour ces activités.

3.2 L'art. 19 ch. 1 de la loi fédérale sur les stupéfiants (ci-après: LStup)
érige en infraction indépendante des actes de soutien qui, pour d'autres
infractions, ne seraient que des cas de participation à l'infraction
principale; dans toutes ces hypothèses, il faut simplement considérer que
l'accusé est l'auteur de l'infraction (ATF 119 IV 266 consid. 3a p. 268). Il
importe peu qu'il n'ait été qu'un personnage secondaire dans l'organisation,
qu'il se soit borné à obéir à un ordre ou qu'il n'ait pas agi dans son intérêt
personnel ou de sa propre initiative (ATF 106 IV 72 consid. 2b p. 73). Il ne
peut y avoir complicité que si l'accusé fournit une aide accessoire qui n'est
pas visée par la loi comme une infraction en soi (ATF 106 IV 72 consid. 2b p.
73).

La LStup réprime, en particulier, la possession et la détention de stupéfiants,
ainsi que leur entreposage. La possession au sens de la LStup suppose, comme en
matière de vol, la maîtrise de la chose et la volonté de l'exercer, autrement
dit la possibilité d'y accéder, la connaissance du lieu où elle se trouve et la
volonté de la détenir (ATF 119 IV 266 consid.3c p. 26). En ayant les clés de
l'appartement, le recourant avait la maîtrise de fait de la drogue, de sorte
que c'est à juste titre que la Cour de cassation l'a considéré comme auteur. En
outre, « celui qui, sans droit, offre, distribue, vend, fait le courtage,
procure, prescrit, met dans le commerce ou cède » de la drogue se rend coupable
de trafic de stupéfiants en tant qu'auteur. Or, il est établi - et non contesté
- que le recourant a remis 165,5 grammes bruts d'héroïne à D.________. Vu
l'ensemble des comportements du recourant, la Cour de cassation a considéré à
juste titre qu'il avait agi comme auteur du trafic de stupéfiants et non comme
complice.

4.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est
recevable.
Comme ses conclusions étaient d'emblée vouées à l'échec, le recourant doit être
débouté de sa demande d'assistance judiciaire (art. 64 al. 1 et 2 LTF) et
supporter les frais de justice (art. 65 et 66 al. 1 LTF), réduits à 800 fr.
compte tenu de sa situation financière actuelle.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 francs, sont mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de cassation du canton
de Genève.
Lausanne, le 1er juillet 2008
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Schneider Kistler Vianin