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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.1036/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_1036/2008 /hum

Arrêt du 12 février 2009
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Favre, Président,
Schneider et Ferrari.
Greffière: Mme Bendani.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Olivier Boillat, avocat,

contre

A.________,
B.________,
intimés,
Procureur général du canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.

Objet
Décision de classement,

recours contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du canton de Genève du
19 novembre 2008.

Faits:

A.
A.a Le 17 mai 2007, A.________, médecin-conseil auprès de l'assurance
invalidité, a reçu des menaces de mort par téléphone. Il a ensuite réceptionné
trois lettres de menaces, les 13 juin, 27 juin et 29 octobre 2007. Ces
courriers faisaient référence à la suppression d'une rente AI et, pour
certains, comportaient une photocopie d'un pistolet de marque Walther.

A raison de ces faits, A.________ et sa fille, B.________, également menacée
dans les courriers précités, ont déposé plainte contre inconnu.
A.b Plusieurs éléments ont conduit les autorités à arrêter X.________ en date
du 25 novembre 2007. D'une part, ce dernier était titulaire d'une arme à feu de
marque Walther. D'autre part, il était très défavorablement connu des services
de police, notamment pour infractions contre le patrimoine, menaces,
diffamation, voies de fait, détention illégale d'armes. De plus, il était au
bénéfice, tout comme ses enfants, d'une rente d'invalidité et l'assurance
l'avait informé, en juillet 2007, que la rente de son fils, C.________, allait
être supprimée. Enfin, il a admis, lors d'un interrogatoire, avoir écrit une
des trois lettres de menaces et son fils l'a également mis en cause.

Par ordonnance du 5 décembre 2007, X.________ a été remis en liberté, au motif
que l'arme retrouvée chez lui n'était pas avec certitude celle dont la
photocopie figurait sur certaines lettres de menaces, que ses dénégations
étaient constantes depuis son inculpation, que ses aveux à la police n'avaient
jamais été complets et que les charges à son encontre, sans avoir disparu,
avaient diminué au point de ne plus justifier son maintien en détention.
A.c Le 5 décembre 2007, B.________ a reçu trois nouvelles lettres de menace.
L'une d'elles a été agrafée avec un article de presse relatant l'arrestation de
X.________, l'expéditeur demandant au destinataire de laisser ce malheureux.

B.
Par décision du 22 août 2008, le Procureur général du canton de Genève a classé
la procédure dirigée contre X.________, en raison d'une prévention pénale
insuffisante.

Par ordonnance du 19 novembre 2008, la Chambre d'accusation genevoise a rejeté
le recours de X.________, estimant qu'un non-lieu ne pouvait être prononcé à la
place du classement, le dossier comportant trop d'indices à charge.

C.
Invoquant l'arbitraire dans l'application du droit cantonal et l'appréciation
des preuves ainsi qu'une violation de la présomption d'innocence, X.________
dépose un recours en matière pénale contre l'ordonnance précitée dont il
demande l'annulation. Il requiert également l'assistance judiciaire.

Considérant en droit:

1.
En procédure pénale genevoise, le non-lieu ne se conçoit qu'à l'issue d'une
instruction suffisamment complète pour que l'autorité compétente puisse
acquérir la conviction que les charges font défaut ou qu'un motif de droit
conduirait, en juridiction de jugement, à reconnaître l'action pénale comme mal
fondée (ATF 6B_793/2007 consid. 2).

Le bénéficiaire d'un classement en opportunité ne peut demander le non-lieu
tant que des indices sérieux de culpabilité subsistent. Etant donné qu'il ne
s'agit pas d'un jugement sur le fond, il n'est pas nécessaire que la preuve des
faits coupables soit rapportée de manière irréfutable, la vraisemblance étant
suffisante. Le droit à un non-lieu n'est pas garanti conventionnellement et les
intérêts de la justice seraient d'ailleurs gravement compromis - et le
classement pour motif d'opportunité vidé de sa raison d'être - si les autorités
d'instruction étaient tenues de rendre des ordonnances de non-lieu dans des cas
pourtant douteux ou de continuer des enquêtes jusqu'au jugement alors qu'il
serait préférable d'interrompre ces recherches et d'affecter le personnel
disponible à d'autres affaires, dans lesquelles l'exercice de l'action pénale
répond à une nécessité plus aiguë ou peut être mené à chef de façon plus
efficace. Ainsi, le classement reste la règle et le non-lieu l'exception,
celui-ci ne pouvant intervenir que pour des raisons de droit ou si les faits ne
constituent pas une infraction (ATF 6B_793/2007 consid. 2).

2.
Invoquant l'art. 9 Cst., le recourant estime que la Chambre d'accusation a
procédé à une appréciation arbitraire des preuves et ainsi violé l'art. 204 CPP
/GE en confirmant le classement prononcé à son encontre. Il lui reproche, en
bref, d'avoir retenu des indices à charge et d'avoir ignoré les éléments à
décharge.

2.1 La notion d'arbitraire a été rappelée récemment dans l'ATF 134 I 140
consid. 5.4 auquel on peut donc se référer. Ce grief doit être motivé
conformément aux exigences posées par l'art. 106 al. 2 LTF. Le recourant doit
donc démontrer, sous peine d'irrecevabilité, que la décision attaquée, sur le
point contesté, est manifestement insoutenable, et non seulement discutable ou
même critiquable (cf. ATF 134 I 140 consid. 5.4 p. 148).

2.2 Le recourant soutient qu'aucun crédit ne devrait être accordé à l'opinion
de son fils vu les relations tendues entre eux.
2.2.1 La Chambre d'accusation a retenu que les déclarations du fils du
recourant constituaient un indice à charge et estimé que l'instruction de la
cause était insuffisante pour écarter cet élément.

En effet, C.________ a expliqué qu'il tenait son père pour parfaitement capable
de s'être livré aux actes dénoncés. Il a relevé des similitudes d'écriture
ainsi qu'un défaut d'impression sur les photocopies qui correspondait à celui
produit par la machine de son père. Enfin, sa propre rente d'invalidité, perçue
jusqu'à récemment par son père qui la dépensait, venait de lui être supprimée.
L'autorité cantonale a constaté qu'aucune confrontation n'avait eu lieu entre
le recourant et son fils pour tirer au clair la question de l'usage et de la
suppression de la rente de ce dernier et mesurer le degré de crédibilité des
accusations portées contre le recourant, ainsi que, plus largement, pour
examiner la nature des relations existant au sein de la famille et
l'éventualité des agissements d'un auteur médiat. Elle a également relevé que
l'enquête ne comportait pas d'examen précis de la similitude alléguée entre le
défaut de qualité des photocopies issues de la machine du recourant et celui
constaté sur les courriers litigieux.
2.2.2 Admettant que les relations avec son fils étaient tendues, le recourant
n'explique toutefois pas en quoi la motivation précitée serait arbitraire et
plus particulièrement en quoi l'enquête menée par les autorités genevoises
aurait été exhaustive - notamment sur la suppression de la rente et la
crédibilité de C.________ - et aurait ainsi permis d'écarter, de manière
définitive, les allégations à charge faites par celui-ci. Insuffisamment
motivée, la critique est donc irrecevable.

2.3 Le recourant reproche à la Chambre d'accusation d'avoir retenu, comme
élément à charge, la similitude entre l'arme photocopiée sur certains courriers
litigieux et l'une de sa collection. Il se réfère en particulier au rapport de
la police judiciaire du 5 décembre 2007 et au fait que ses armes ont toutes été
inventoriées.
2.3.1 L'autorité cantonale a relevé qu'un pistolet de même marque que celui
figurant en photocopie sur deux des lettres litigieuses avait été saisi au
domicile du recourant, qu'il n'avait pas été possible d'en produire une
photocopie à l'aide de la machine se trouvant au domicile de ce dernier, qu'il
aurait fallu utiliser une photocopieuse à gros débit et qu'un détail tenant à
la position du logo apposé sur l'arme avait fait supposer à la police que celle
figurant sur les courriers de menace n'était probablement pas celle trouvée au
domicile du recourant. La Chambre d'accusation a toutefois considéré que la
similitude relevée constituait tout de même un indice, l'instruction de la
cause n'ayant pas permis une analyse très approfondie de cet élément. Elle a
relevé en particulier que des montages étaient toujours possibles en matière de
photocopies, qu'il se pouvait que l'arme figurant sur deux des courriers de
menace ait été photocopiée avec une autre machine, qu'il était d'ailleurs
toujours possible d'utiliser le matériel mis à disposition du public dans
certains commerces et que rien n'excluait que le recourant ait encore possédé
une autre arme de même type vu l'importance de sa collection de provenance
souvent non officielle.
2.3.2 Il résulte de la motivation précitée que la Chambre d'accusation n'a
nullement ignoré le rapport de la police judiciaire (pièce n° 280). Elle a
cependant avancé diverses hypothèses et invoqué le fait que l'enquête n'avait
pas été exhaustive pour admettre que la similitude entre des deux armes
demeurait malgré tout un indice à charge. Or, le recourant ne démontre pas en
quoi les explications fournies par l'autorité - notamment à propos de la
possibilité de montages photographiques ou de photocopies au moyen d'autres
machines - seraient manifestement erronées, de sorte que sa critique est
insuffisante pour faire admettre l'arbitraire allégué.

2.4 Le recourant conteste que son aveu initial puisse être retenu à charge. Il
explique avoir avoué certains faits en raison du traumatisme subi lors de sa
détention au Sri Lanka.
2.4.1 La Chambre d'accusation a retenu que le recourant avait admis être
l'auteur d'un des trois courriers litigieux. Elle a constaté que ce celui-ci
était revenu sur ses premiers déclarations, pour des motifs qui tiendraient au
sort réservé à l'enquête s'agissant des armes, selon la version des policiers,
ou, selon celle du recourant, au mauvais souvenir qu'il avait gardé de sa
détention au Sri Lanka. Elle a estimé que ces explications étaient
contradictoires et relevé que les policiers n'avaient pas protocolé toutes les
déclarations du recourant en raison de leur manque de clarté. Elle a donc
conclu que les aveux de l'intéressé ne devaient pas nécessairement être tenus
pour invalides et écartés du débat.
2.4.2 Il résulte de cette motivation que la Chambre d'accusation n'a ignoré
aucun des éléments avancés par le recourant à propos des motifs de ses premiers
aveux. Ce dernier ne conteste toutefois pas l'appréciation cantonale relative
aux explications contradictoires données d'une part par la police et d'autre
part par lui-même, ni le défaut de verbalisation de certaines déclarations.
L'argumentation avancée par le recourant est donc parfaitement impropre à
démontrer l'arbitraire dans l'appréciation des preuves telle qu'effectuée par
l'autorité précédente.

2.5 Le recourant reproche à la Chambre d'accusation de ne pas avoir retenu les
éléments à décharge. Il lui fait grief d'avoir écarté l'expertise graphologique
au motif que celle-ci était sommaire. Il se réfère également aux trois
courriers adressés aux plaignants, alors que lui-même était en détention, et
aux expertises d'ADN qui ne correspondent pas à son profil.
2.5.1 L'autorité cantonale a relevé qu'une analyse graphologique des courriers
avait été exécutée et que l'expert avait mis en évidence de nombreuses
divergences entre l'écriture du recourant et celle qui figurait sur les
courriers de menaces. Elle a toutefois considéré qu'il s'agissait d'un avis
sommaire et que l'expert ne motivait pas sa conclusion selon laquelle il était
exclu que le recourant ait écrit les trois premiers textes litigieux.

La Chambre d'accusation a également retenu que les trois derniers courriers
avaient été acheminés aux plaignants dans des enveloppes fermées, postées le 3
décembre 2007, alors que le recourant était encore incarcéré, qu'il n'était
ainsi guère étonnant que l'ADN retrouvé sur les timbres des enveloppes ne fut
pas celui du recourant qui n'avait évidemment pas pu les poster. Elle a
toutefois considéré que ce constat ne suffisait pas à résoudre la question,
l'auteur de ces missives n'ayant pas été identifié. Elle s'est également
étonnée que les traces d'ADN retrouvées sur le matériel qui avait contenu les
premiers courriers n'eussent pas été comparées avec celles du recourant,
nonobstant la mauvaise qualité des échantillons recueillis.
2.5.2 Il résulte de la motivation précitée que les juges précédents ont estimé
que l'instruction au sujet de l'expertise graphologique et des courriers de
menaces n'avait pas été exhaustive et que ces indices ne permettaient pas
d'écarter, de manière absolue, les charges existant à l'encontre du recourant.
En effet, d'une part l'expertise graphologique était sommaire, ce qui ressort,
sans arbitraire, de la pièce n° 259 du dossier, l'expert précisant qu'un
rapport complet pourrait être livré ultérieurement en cas de nécessité. D'autre
part, l'auteur des menaces n'a pas été identifié et les traces d'ADN sur les
trois premiers courriers n'ont pas été comparées avec celles du recourant, ce
que ce dernier ne conteste pas. Le grief est donc vain.

2.6 Sur le vu de ce qui précède, la Chambre d'accusation n'a pas fait preuve
d'arbitraire dans l'appréciation des preuves et l'application du droit cantonal
en admettant qu'il existait un certain nombre d'indices à charge, ce d'autant
plus que l'instruction n'a pas été exhaustive.

3.
Invoquant les art. 32 Cst., 6 ch. 2 CEDH et 4 Cst./GE, le recourant se plaint
d'une violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau
de la preuve.

3.1 Le recourant ne prétend pas que le droit cantonal invoqué lui offrirait des
garanties plus larges que la Constitution et la CEDH. Il suffit donc d'examiner
le grief sous l'angle de celles-ci.

En soi, une décision refusant de substituer un non-lieu à un classement n'est
pas incompatible avec la présomption d'innocence. Elle peut toutefois soulever
un problème sous l'angle de l'art. 6 ch. 2 CEDH lorsque des motifs
indissociables du dispositif équivalent en substance à un constat de
culpabilité sans établissement préalable de celle-ci, notamment sans que
l'intéressé ait eu l'occasion d'exercer les droits de la défense. Si ces
derniers ont été respectés, une décision qui ne renferme pas de constat de
culpabilité, mais, sur la base des éléments du dossier, se borne à faire état
de soupçons, en laissant ouverte la possibilité d'investigations
complémentaires, ne viole pas la présomption d'innocence (arrêt de la Cour
européenne des droits de l'homme Georg c. Suisse du 8 février 2001, publié in
JAAC 2001 n° 133 p. 1379; ATF 1P.341/2004 du 27 juillet 2004 consid. 2).

3.2 Pour les motifs exposés ci-dessus (cf. supra consid. 2), le recourant ne
saurait invoquer l'arbitraire quant aux indices retenus à charge. Pour le
reste, la motivation cantonale à l'appui du refus du non-lieu ne contient aucun
argument de fait ou de droit qui équivaudrait à un constat de culpabilité. Elle
se borne à faire état, sur la base des pièces du dossier, des indices à charge
et d'indiquer les lacunes de l'instruction dans une cause dont les faits sont
loin d'être anodins. On ne discerne, ni dans l'état de fait ni dans la
motivation juridique de la décision attaquée, un quelconque passage équivalent
à un constat de culpabilité ou donnant à penser que l'autorité cantonale
tiendrait le recourant pour coupable. Le grief doit par conséquent être rejeté.

4.
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme il était
d'emblée voué à l'échec, l'assistance judiciaire ne saurait être accordée (art.
64 al. 1 LTF). Le recourant supportera donc les frais, fixés en fonction de sa
situation financière (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Les frais judiciaires, fixés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre d'accusation du
canton de Genève.

Lausanne, le 12 février 2009
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Favre Bendani