Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.90/2008
Zurück zum Index I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2008
Retour à l'indice I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2008


Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_90/2008/ech

Arrêt du 10 juin 2008
Ire Cour de droit civil

Composition
MM. et Mme les Juges Corboz, président,
Rottenberg Liatowitsch et Kolly.
Greffière: Mme Cornaz.

Parties
X.________,
recourante, représentée par Me Pascal Junod,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Gonzague Villoz.

Objet
contrat de prêt; reconnaissance de dette,

recours contre l'arrêt de la IIe Cour d'appel civil
du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg
du 18 décembre 2007.

Faits:

A.
Le 3 décembre 2002, X.________ a fait notifier à Y.________ un commandement de
payer la somme de 80'000 fr. avec intérêt, indiquant comme cause de
l'obligation: « remboursement d'un prêt selon reconnaissance de dette du 15
janvier 2000 ». Le poursuivi y a fait opposition, qui a été levée
provisoirement par ordonnance du 30 janvier 2003. Après commination de faillite
notifiée le 13 juin 2003, l'audience relative à la réquisition de faillite du
12 septembre 2003 a été fixée au 20 octobre 2003.

B.
Par demande du 9 octobre 2003, Y.________ a conclu à l'annulation de cette
poursuite en raison de la non-validité de la reconnaissance de dette du 15
janvier 2000 et, à sa requête, le Président du Tribunal civil de la Gruyère a
ordonné, le 10 octobre 2003, la suspension immédiate de la poursuite. Suite au
jugement du Tribunal pénal de l'arrondissement de la Gruyère consécutif à une
plainte déposée le 19 décembre 2002 par Y.________ contre X.________ pour
escroquerie et faux dans les titres, la procédure en annulation de la poursuite
a été suspendue, par ordonnance du 19 mai 2004, jusqu'à droit connu sur la
procédure de recours devant la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal de
l'État de Fribourg. Suite à l'arrêt de cette dernière autorité du 12 avril
2005, la procédure d'annulation de poursuite a été reprise. Par décision
incidente du 9 août 2006, le Président du Tribunal civil de la Gruyère a rejeté
toutes réquisitions de preuves et, par jugement du 21 décembre 2006, il a admis
la demande de Y.________ et ordonné la radiation de la poursuite. Par arrêt du
18 décembre 2007, la IIe Cour d'appel civil du Tribunal cantonale de l'État de
Fribourg a rejeté le recours déposé par X.________ et confirmé le jugement du
21 décembre 2006.

En bref, la cour cantonale a considéré que, sur la base de l'expertise
graphologique mise en oeuvre dans le cadre de la procédure pénale, il n'était
pas établi que Y.________ était l'auteur de la signature apposée sur la
reconnaissance de dette du 15 janvier 2000; les allégués concernant les prêts
litigieux devaient être qualifiés d'inconsistants et ne permettaient pas au
juge de fonder un jugement favorable à X.________; même s'ils devaient être
qualifiés de suffisants à cet effet, les prêts ne pouvaient être considérés
comme établis; si X.________ alléguait plusieurs emprunts faits par elle-même,
ceux-ci n'étaient pas présumés faits au profit d'autrui, mais pouvaient tout
aussi bien montrer que X.________ se trouvait dans une situation financière
difficile à cette époque et le dossier contenait suffisamment d'éléments allant
dans le même sens; force était ainsi d'admettre qu'il était pour le moins
difficile de concevoir comment X.________ aurait bien pu dégager 80'000 fr. à
remettre à son futur mari avant le mariage.

C.
X.________ (la recourante) a interjeté un recours en matière civile au Tribunal
fédéral, concluant à l'annulation de l'arrêt du 18 décembre 2007 et au renvoi
de la cause à la cour cantonale pour qu'elle complète le dossier et statue à
nouveau dans le sens des considérants. Postérieurement au dépôt de son mémoire,
elle a sollicité l'assistance judiciaire limitée à la dispense, subsidiairement
à la réduction, des frais judiciaires. Par ordonnance du 9 mai 2008, la Cour de
céans a rejeté la demande d'assistance judiciaire et invité la recourante, par
ordonnance séparée, à verser au Tribunal fédéral une avance de frais de 3'500
fr., dont celle-ci s'est acquittée dans le délai qui lui avait été fixé à cette
fin. Y.________ (l'intimé) n'a pas été invité à déposer une réponse.

Considérant en droit:
1. Interjeté par la recourante qui a été déboutée de ses conclusions (art. 76
al. 1 LTF) et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière
civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance
(art. 75 al. 1 LTF) dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse
atteint le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours soumis à
l'examen du Tribunal fédéral est en principe recevable, puisqu'il a été déposé
dans le délai (art. 45 al. 1 et 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus
par la loi.

2.
Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit fédéral
(art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 133 III 446
consid. 3.1 p. 447, 462 consid. 2.3). Saisi d'un tel recours, le Tribunal
fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par
l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si
ceux-ci ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond
à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 134 V 53 consid. 4.3) - ou
en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour
autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la
cause (art. 97 al. 1 LTF).

3.
La recourante se plaint d'arbitraire dans l'appréciation des preuves et d'une
violation de son droit d'être entendue, sous l'angle particulier du droit à
l'administration des preuves.

3.1 Le grief de violation de droits fondamentaux n'est examiné que dans la
mesure où il a été invoqué et motivé (art. 106 al. 2 LTF). Les exigences en
matière de motivation correspondent à celles prévues à l'art. 90 al. 1 let. b
OJ pour l'ancien recours de droit public, ce qui suppose que les moyens soient
expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée dans le mémoire
de recours, sous peine d'irrecevabilité (ATF 133 III 393 consid. 6, 439 consid.
3.2 p. 444; 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287 s.).

3.2 Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire, au sens de l'art. 9
Cst., lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme
ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le
sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution
paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée,
encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire, non seulement dans ses motifs,
mais aussi dans son résultat (ATF 133 I 149 consid. 3.1).

Dans la mesure où l'arbitraire est invoqué en relation avec l'établissement des
faits, il convient de rappeler que le juge dispose d'un large pouvoir lorsqu'il
apprécie les preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b). La partie recourante doit
ainsi expliquer dans quelle mesure le juge a abusé de son pouvoir
d'appréciation et, plus particulièrement, montrer qu'il a omis, sans aucune
raison sérieuse, de prendre en compte un élément de preuve propre à modifier la
décision attaquée, qu'il s'est manifestement trompé sur son sens et sa portée
ou encore que, en se fondant sur les éléments recueillis, il en a tiré des
constatations insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1).

3.3 Le droit d'être entendu tel que garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. comprend
notamment le droit pour le justiciable d'obtenir qu'il soit donné suite à ses
offres de preuves. Toutefois, le juge est autorisé à effectuer une appréciation
anticipée des preuves déjà disponibles et, s'il peut admettre de façon exempte
d'arbitraire qu'une preuve supplémentaire offerte par une partie serait
impropre à ébranler sa conviction, refuser d'administrer cette preuve (cf. ATF
131 I 153 consid. 3 p. 157).

3.4 La recourante soutient que la cour cantonale aurait commis arbitraire en se
fondant sur le fait qu'elle se trouvait dans une situation délicate pour en
inférer qu'il était pour le moins difficile de concevoir comment elle aurait
bien pu dégager 80'000 fr. à remettre à son futur mari avant le mariage. A cet
égard, elle reproche pour l'essentiel aux juges cantonaux d'avoir
arbitrairement fait fi d'une part des déclarations qu'elle avait elle-même
faites dans le cadre des procédures civile et pénale, d'autre part d'un passage
du jugement pénal, qui seraient pourtant susceptibles de convaincre de
l'existence du prêt invoqué.

A titre préalable, il y a lieu de souligner que la cour cantonale a relevé que
la recourante avait uniquement allégué qu'elle avait « prêté à son mari plus de
Fr. 80'000.-, sans pouvoir préciser exactement le montant » et que « le montant
de Fr. 80'000.- environ qui a été remis (à l'intimé) par son épouse correspond
aux prêts qui ont été effectués avant le mariage », sans toutefois alléguer le
nombre de prêts qui auraient été consentis, le montant de chacun de ceux-ci et
les dates ou occasions auxquelles ces prêts auraient été effectués, si bien que
ces allégués devaient être qualifiés d'inconsistants et ne permettaient pas au
juge de fonder un jugement favorable à la recourante. Celle-ci ne s'en prend
pas à ces considérations, se contentant derechef d'affirmer, dans son recours
au Tribunal fédéral, que le montant prétendument prêté à l'intimé l'aurait été
par plusieurs versements, durant toute la période qui précédait leur mariage,
soit de début 1995 à septembre 1996.

Pour le surplus, les juges cantonaux sont parvenus à la conclusion que la
situation financière délicate de la recourante ne lui avait pas permis de
concéder les prêts litigieux en se fondant sur un certain nombre d'éléments de
preuve, soit sur les extraits des poursuites de la recourante qui faisaient
apparaître nombre de poursuites payées ou radiées en 1996 et 1997, sur les
propres déclarations de la recourante selon lesquelles « j'estime que ma
situation financière s'est détériorée dès février-début mars 1995 », « je pense
que vers la mi-année 1995, j'ai commencé à avoir des poursuites et « à cette
époque, j'avais déjà de nombreuses poursuites », ainsi que sur la taxation
fiscale de la recourante du 5 août 1998, qui faisait état d'un revenu annuel
dans les années 1995 et 1996 de 18'000 fr., les aliments reçus s'élevant à
8'040 fr. Cela étant, la recourante se limite à mettre en exergue certains
autres éléments qu'elle estime favorables à sa thèse, sans démontrer à
satisfaction en quoi la cour cantonale aurait commis arbitraire en se fondant
sur tels éléments de preuve plutôt que sur tels autres, ni en quoi les éléments
qu'elle invoque auraient été de nature à influer sur le sort de la cause.
Purement appellatoire, son argumentation ne résiste pas à l'examen.

3.5 La recourante fait grief aux juges cantonaux d'avoir fait fi d'un document
daté du 26 mars 2001, signé par ses soeurs A.________ et B.________,
établissant qu'en novembre 1999, celles-ci avaient été témoins de la promesse
de l'intimé visant au remboursement d'une somme de 80'000 fr. prêtée par la
recourante dès qu'il aurait touché un héritage.

Dans son arrêt, la cour cantonale s'est expressément référée aux déclarations
faites par les témoins A.________ et B.________ dans la procédure pénale,
qu'elle a analysées dans le détail. L'on comprend qu'elle a implicitement
considéré que ces déclarations, dont elle a expressément relevé que celles de
A.________ avaient fortement varié, ne permettaient pas d'établir la réalité
et, partant, le montant des prêts invoqués par la recourante. Celle-ci ne
démontre pas en quoi la cour cantonale aurait commis arbitraire dans
l'appréciation des preuves en privilégiant les déclarations faites par
A.________ et B.________ devant les autorités pénales plutôt qu'un document qui
aurait prétendument été signé antérieurement, et dont les témoins n'ont pas
clairement confirmé la teneur à l'occasion de leurs auditions.

3.6 La recourante estime que la cour cantonale a violé son droit d'être
entendue en lui refusant le droit de faire administrer des preuves, découlant
selon elle des art. 7 du code de procédure civile fribourgeois du 28 avril 1953
(CPC/FR; RSF 270.1), 8 CC et 29 al. 2 Cst. Elle est d'avis que l'administration
des preuves requises aurait permis de démontrer d'une part que la situation
financière de l'intimé au moment des prêts litigieux n'était pas aussi saine
qu'il le prétendait, d'autre part qu'elle disposait de moyens suffisants pour
lui prêter la somme de 80'000 fr. en plusieurs versements, et qu'en
conséquence, ce prêt avait eu lieu.

Dans son arrêt, la cour cantonale a exposé que le premier juge avait refusé de
donner suite aux autres offres de preuve présentées par la recourante pour
établir la créance au motif « que les éléments versés au dossier, d'une part de
la procédure civile et d'autre part de la procédure pénale, sont suffisants
pour permettre au juge d'avoir une bonne connaissance de l'ensemble du dossier
et des faits à élucider », motivation certes brève, mais compréhensible et de
surcroît fondée, compte tenu de l'art. 200 al. 1 CPC/FR, qui dispose que le
juge n'est pas lié par les offres de preuves des parties et qu'il écarte les
moyens de preuve que, sur le vu du dossier et d'après sa connaissance du
litige, il estime sans hésitation superflus, même s'ils sont invoqués à l'appui
de faits pertinents. Les juges cantonaux ont ajouté que la recourante ne
contestait pas que le dossier pénal, qui avait implicitement été produit,
pouvait être invoqué comme moyen de preuve, ce que la loi prévoyait du reste
expressément. A.________, B.________ et C.________ avaient déjà été entendus
comme témoins dans la procédure pénale et l'examen du dossier pénal démontrait
que la plupart des pièces fiscales et de poursuites requises par la recourante
avaient été versées au dossier pénal, dont les actes avaient été produits dans
la procédure d'annulation. Le juge civil n'était certes pas lié par les
constatations, dépositions ou rapports ressortant d'une procédure pénale et il
pouvait faire administrer à nouveau ces preuves. En l'espèce, la cour ne
discernait toutefois aucune raison de renouveler cet exercice; il avait déjà
été amplement effectué et il n'existait aucun indice qui justifierait que
d'autres points soient examinés, d'autant que les faits remontaient à bon
nombre d'années et que la recourante avait déjà eu largement le temps de
rechercher toutes pièces dont la production aurait pu être utile.

Force est de constater que la recourante ne démontre pas en quoi l'appréciation
anticipée des preuves (cf. consid. 3.3) à laquelle le premier juge s'est livré
prêterait le flanc à la critique et en quoi celui-ci aurait arbitrairement
considéré que l'administration des preuves supplémentaires qu'elle avait
requises n'aurait pas été de nature à modifier sa conviction. Au demeurant,
l'on ne voit pas en quoi le fait - à supposer établi - que l'intimé aurait
également eu des difficultés financières aurait permis de démontrer l'existence
des prêts invoqués, dès lors qu'à l'issue d'une appréciation des preuves qui
n'a pas été taxée d'arbitraire, la cour cantonale a acquis la conviction que la
situation financière de la recourante ne lui permettait pas d'avoir octroyé les
prêts litigieux à l'intimé. La critique de la recourante ne résiste ainsi pas à
l'examen.

4.
Il résulte des considérants qui précèdent que le recours doit être rejeté dans
la mesure de sa recevabilité.

5.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais judiciaires seront mis à la charge
de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a en revanche pas
lieu d'allouer de dépens à l'intimé, qui n'a pas été invité à déposer une
réponse.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'500 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la IIe Cour
d'appel civil du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg.
Lausanne, le 10 juin 2008
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Corboz Cornaz