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I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.87/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_87/2008

Arrêt du 28 mars 2008
Ire Cour de droit civil

Composition
MM. et Mme les Juges Corboz, président,
Klett, Rottenberg Liatowitsch, Kolly et Kiss.
Greffière: Mme Cornaz.

Parties
X.________,
recourante, représentée par Me Elisabeth Gabus-Thorens,

contre

Président de la Cour de justice du canton de Genève, Assistance juridique.

Objet
assistance judiciaire,

recours contre la décision du Président de la
Cour de justice du canton de Genève,
Assistance juridique, du 17 janvier 2008.

Faits:

A.
Le 2 juillet 2007, le Vice-président du Tribunal de première instance du canton
de Genève a octroyé à X.________ une assistance en matière extrajudiciaire afin
d'obtenir de son ancien employeur - auprès duquel elle avait oeuvré comme femme
de ménage, garde d'enfants et cuisinière - le paiement de ses heures
supplémentaires.

Les démarches extrajudiciaires n'ayant pas abouti, X.________ a sollicité, par
lettre du 27 novembre 2007, une extension de l'aide étatique à la procédure
qu'elle entendait introduire par devant le Tribunal des prud'hommes à
l'encontre de son ancien employeur, ainsi qu'aux démarches extrajudiciaires
qu'elle souhaitait entreprendre auprès de l'Office cantonal de la population
afin d'obtenir un titre de séjour.

B.
Par décision du 3 décembre 2007, le Vice-président du Tribunal de première
instance du canton de Genève a octroyé à X.________ le bénéfice de l'assistance
juridique s'agissant des démarches auprès de l'Office cantonal de la
population, limitant toutefois l'aide étatique à cinq heures d'activité
d'avocat. Il a refusé la requête pour le surplus, estimant que la nomination
d'un avocat rémunéré par l'Etat ne se justifiait que lorsque l'intervention
était nécessaire, à savoir lorsque les démarches ou procédures envisagées
soulevaient des questions de fait ou de droit que la personne requérante
n'était pas en mesure de résoudre seule; tel n'était, en principe, pas le cas
d'une demande en paiement à introduire devant la juridiction des prud'hommes;
en outre, la procédure en première instance était gratuite devant cette
juridiction et si X.________ n'était pas en mesure d'indiquer elle-même sur le
formulaire délivré par le greffe le montant de sa créance contre l'employeur,
elle pouvait s'adresser à un organisme spécialisé dans la défense des
travailleurs et des travailleuses.

Par décision du 17 janvier 2008, le Président de la Cour de justice du canton
de Genève, Assistance juridique, a rejeté le recours déposé par X.________ et
confirmé la décision du 3 décembre 2007. Il a jugé qu'en l'espèce, l'autorité
de première instance avait considéré à bon droit que l'assistance d'un avocat
ne se justifiait pas; en effet, le Tribunal des prud'hommes établissait les
faits d'office sans être limité par les offres des preuves des parties; en
outre, X.________ n'indiquait pas en quoi sa situation présenterait des
difficultés particulières de fait ou de droit; par ailleurs, elle avait été
assistée d'un avocat pour effectuer des démarches extrajudiciaires auprès de
son ancien employeur et devait, partant, connaître l'étendue de ses droits,
notamment l'existence du contrat-type de travail pour les travailleurs de
l'économie domestique; une action aux prud'hommes pouvait être introduite au
moyen d'une simple formule délivrée gratuitement par le greffe et X.________
n'avait pas besoin de connaissances juridiques particulières pour remplir ce
document; s'agissant des connaissances linguistiques de X.________, si elle
n'était pas en mesure de s'exprimer en français, le conciliateur ou le
président du Tribunal ou de la Cour d'appel pouvait désigner un interprète,
indemnisé par l'Etat; lors de la comparution personnelles des parties,
celles-ci pouvaient également être assistées par des proches et, durant la
procédure, par un représentant syndical; le seul fait que la partie adverse
soit assistée par un conseil ne suffisait pas pour justifier l'octroi d'une
assistance juridique.

C.
X.________ (la recourante) interjette un recours en matière civile au Tribunal
fédéral, dont elle requiert qu'il annule la décision du 17 janvier 2008, dise
qu'elle a droit à l'assistance juridique pour intenter une action devant la
juridiction des prud'hommes contre ses anciens employeurs et renvoie la cause à
l'autorité cantonale afin qu'elle la mette au bénéfice d'une décision d'octroi
de l'assistance juridique, avec suite de dépens. Elle sollicite en outre
l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale. Le Président de la Cour de
justice du canton de Genève, Assistance juridique, se réfère aux considérants
de sa décision.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 133 III 629 consid. 2).

Le refus de l'assistance judiciaire est une décision incidente (Message
concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28
février 2001, FF 2001 p. 4000 ss, p. 4131) susceptible de causer un préjudice
irréparable (ATF 129 I 129 consid. 1.1, 281 consid. 1.1 p. 283 s., rendus sous
l'ancien droit mais gardant toute leur pertinence sous l'empire de la LTF; cf.
ATF 133 IV 139 consid. 4 p. 141, 288 consid. 3.1 p. 291) et, partant, sujette à
recours au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF). La voie de recours contre une
telle décision est déterminée par le litige principal.

Les contestations portant sur l'octroi de l'assistance judiciaire sont de
nature pécuniaire, de sorte que l'exigence de la valeur litigieuse trouve
application. L'art. 51 al. 2 LTF dispose que si, comme en l'espèce, les
conclusions ne tendent pas au paiement d'une somme d'argent déterminée, le
Tribunal fédéral fixe la valeur litigieuse selon son appréciation. En
l'occurrence, la recourante allègue avoir travaillé trente-sept mois pour un
salaire mensuel de 1'000 fr., alors que le contrat-type de travail applicable
prévoit un salaire mensuel minimal de 2'830 fr., si bien que la valeur
litigieuse serait d'au moins 67'710 fr., sans prendre en compte ses heures
supplémentaires qui n'auraient pas été rémunérées. Il apparaît ainsi que son
intérêt économique à obtenir une aide étatique pour ouvrir cette action dépasse
le seuil de 15'000 fr. ouvrant la voie du recours en matière civile dans les
causes de droit du travail (art. 74 al. 1 let. a LTF).

Par ailleurs interjeté par la partie qui a pris part à la procédure devant
l'autorité précédente et qui s'est vu refuser le bénéfice de l'assistance
judiciaire (art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre une décision rendue par une
autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF), dans le délai
(art. 45 al. 1 et al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi, le
recours en matière civile présentement soumis à l'examen du Tribunal fédéral
est en principe recevable.

2.
Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit fédéral
(art. 95 let. a LTF), y compris les droits constitutionnels (ATF 133 III 446
consid. 3.1 p. 447, 462 consid. 2.3).

3.
La recourante se plaint d'une violation de son droit à l'assistance judiciaire.

3.1 Le droit à l'assistance judiciaire est déterminé en premier lieu par le
droit cantonal de procédure, dont le Tribunal ne peut contrôler le respect que
sous l'angle restreint de l'arbitraire. Ce droit découle aussi de l'art. 29 al.
3 Cst., qui offre des garanties minimales dont le Tribunal fédéral peut
examiner librement le respect; il ne peut toutefois revoir que sous l'angle de
l'arbitraire les constatations de fait sur lesquelles repose la décision
attaquée (ATF 127 I 202 consid. 3a p. 204 s.).

En l'occurrence, la recourante invoque à la fois une violation de l'art. 29 al.
3 Cst. et une application arbitraire du droit cantonal, à savoir de l'art. 143
(recte: 143A) de la loi genevoise sur l'organisation judiciaire du 1er janvier
1942 (LOJ/GE; RSG E 2 05). Or, il a été jugé que le droit genevois n'offrait en
principe pas une protection plus étendue que l'art. 29 al. 3 Cst. en ce qui
concerne les conditions régissant l'octroi de l'assistance judiciaires (Corboz,
Le droit constitutionnel à l'assistance judiciaire, SJ 2003 II 67 ss, spéc. p.
70). Par conséquent, la Cour de céans examinera la question sous l'angle de
l'art. 29 al. 3 Cst.

3.2 Aux termes de l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de
ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de
toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre
droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde
de ses droits le requiert.

En l'occurrence, la recourante reproche à l'autorité d'avoir considéré que
cette dernière condition n'était pas réalisée.

D'après la jurisprudence, il se justifie en principe de désigner un avocat
d'office à l'indigent lorsque sa situation juridique est susceptible d'être
affectée de manière particulièrement grave. Lorsque, sans être d'une portée
aussi capitale, la procédure en question met sérieusement en cause les intérêts
de l'intéressé, il faut en sus que l'affaire présente des difficultés de fait
ou de droit auxquelles le requérant ne pourrait faire face seul (ATF 130 I 180
consid. 2.2 et les arrêts cités). Sont considérées comme des difficultés
particulières de nature à justifier l'assistance d'un défendeur des raisons se
rapportant à la personnalité du requérant, notamment sa capacité à trouver sa
voie dans la procédure (ATF 128 I 225 consid. 2.5.2 p. 233 et les arrêts
cités).

La nature de la procédure est sans importance (ATF 130 I 180 consid. 2.2) et le
droit à la désignation d'un défenseur n'est pas exclu par principe lorsque la
maxime d'office s'applique (cf. ATF 125 V 32 consid. 4b p. 36 et les références
citées; 122 III 392 consid. 3c et les références citées). L'expérience montre
qu'une procédure mal commencée est très difficile à redresser. Du reste, le
devoir du juge d'instruire d'office a aussi ses limites. La maxime d'office
impose certes à l'autorité de prendre spontanément en considération tous les
éléments déterminants et d'administrer les preuves indépendamment des
conclusions des parties, mais elle ne dispense pas les parties de collaborer
activement à la procédure en renseignant le juge sur les faits de la cause et
en lui indiquant les moyens de preuve disponibles (ATF 130 I 180 consid. 3.2 p.
183 s. et l'arrêt cité).

La jurisprudence s'est parfois référée au principe de l'égalité des armes en
relation avec la nécessité de l'assistance judiciaire (cf. ATF 120 Ia 217
consid. 1 p. 219; 119 Ia 134 consid. 4). De nature formelle, ce principe est
déjà violé lorsqu'une partie est avantagée, sans qu'il soit nécessaire que son
adverse partie subisse effectivement un désavantage de ce fait (arrêt 1P.14/
2005 du 28 février 2005, reproduit in Pra 2006 n. 2 p. 9, consid. 3.4 et la
référence citée). Ainsi, refuser la désignation d'un avocat d'office au motif
que le requérant n'aurait pas démontré en quoi il en aurait concrètement besoin
pour affronter une adverse partie elle-même assistée violerait le droit
fédéral.

Pour décider si l'assistance judiciaire gratuite est objectivement nécessaire,
il faut prendre en considération les circonstances concrètes du cas d'espèce et
les particularités du droit de procédure cantonale applicable (ATF 128 I 225
consid. 2.5.2 p. 232). Dans chaque cas, il faut se demander si une personne
raisonnable et de bonne foi, qui présenterait les mêmes caractéristiques que le
requérant, mais disposerait de ressources suffisantes, ferait ou non appel à un
avocat (Corboz, op. cit., p. 80 s.).

3.3 En l'occurrence, il s'agit pour la recourante de réclamer le paiement d'un
montant de plusieurs dizaines de milliers de francs, si bien qu'il y a lieu de
considérer que les intérêts en jeu sont relativement importants. Les questions
de la réalisation des conditions d'application du contrat-type de travail pour
les travailleurs de l'économie domestique et de la preuve des heures
supplémentaires ne sont pas particulièrement évidentes et la recourante ne
dispose d'aucune connaissance juridique, pas plus qu'elle ne sait parler, lire
et écrire la langue du Tribunal. La partie adverse est assistée d'un avocat. Il
ne fait aucun doute qu'en pareilles circonstances, toute personne raisonnable
ayant les moyens financiers nécessaires recourrait aux services d'un avocat.

Cela étant, les éléments sur lesquels la cour cantonale s'est fondée pour
refuser de désigner un avocat d'office à la recourante sont dénués de
pertinence. Ainsi, comme précédemment exposé, le fait que la procédure devant
le Tribunal des prud'hommes soit régie par la maxime d'office n'est pas
déterminant lorsque l'assistance d'un avocat s'avère indispensable en raison de
l'importance des intérêts en jeu, de la complexité de l'affaire ou des
questions à résoudre et des connaissances juridiques insuffisantes de la partie
requérante. Par ailleurs, l'on ne saurait exiger de la recourante qu'elle
indique expressément en quoi sa situation présenterait des difficultés
particulières de fait ou de droit, dès lors qu'il s'agit de faire valoir une
prétention en paiement d'heures supplémentaires, dont les conditions factuelles
et juridiques n'apparaissent précisément pas si évidentes que tout un chacun
puisse s'y retrouver. En outre, le fait qu'une action au prud'hommes puisse
être introduite au moyen d'une simple formule délivrée gratuitement par le
greffe n'est pas davantage déterminant pour justifier le refus de l'assistance
judiciaire. Pour le surplus, dans la mesure où l'assistance d'un mandataire
professionnel s'avère nécessaire, l'aide étatique ne peut pas être limitée à de
simples conseils extrajudiciaires.

3.4 Il résulte de ce qui précède que, dans le cas particulier, la cour
cantonale a violé le droit fédéral en considérant que l'assistance d'un avocat
ne se justifiait pas. Par conséquent, le recours doit être admis, la décision
querellée annulée et la cause renvoyée à la cour cantonale pour qu'elle examine
la condition d'indigence et les chances de succès de la procédure pour laquelle
la recourante sollicite l'assistance juridique, avant de statuer à nouveau.

4.
Le canton de Genève, qui succombe, est dispensé des frais judiciaires (art. 66
al. 1 et 4 LTF). Il versera en revanche une indemnité de dépens à la
recourante, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68
al. 1 et 2 LTF). Dans ces conditions, la demande d'assistance judiciaire pour
la procédure fédérale est sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis. La décision attaquée est annulée et la cause est renvoyée
à l'autorité cantonale pour nouvelle instruction et nouvelle décision dans le
sens des considérants.

2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

3.
Une indemnité de 2'500 fr., à payer à la recourante à titre de dépens, est mise
à la charge du canton de Genève.

4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante et au Président
de la Cour de justice du canton de Genève, Assistance juridique.
Lausanne, le 28 mars 2008
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Corboz Cornaz