Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.598/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_598/2008

Arrêt du 25 février 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mme et MM. les Juges Klett, présidente, Corboz et Kolly.
Greffier: M. Carruzzo.

Parties
X.________,
Y.________,
recourants,

contre

Compagnie d'Assurances Z.________,
intimée.

Objet
procédure civile genevoise; qualité de mandataire professionnellement qualifié,

recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 11 novembre 2008 par le
Président de la Cour
d'appel des prud'hommes du canton de Genève.

Considérant en fait et en droit:

1.
1.1
Un différend en matière de droit du travail oppose Y.________, demandeur, à la
Compagnie d'Assurances Z.________, défenderesse, devant les juridictions
prud'homales genevoises. Le premier, assisté de X.________, "ingénieur et
juriste", y fait valoir 46'380 fr. de prétentions salariales et autres à
l'encontre de la seconde.

Par jugement du 23 mars 2007, le Président du groupe 4 du Tribunal des
prud'hommes a déclaré irrecevable la demande déposée le 9 novembre 2006 par
Y.________ et invité le demandeur à en déposer une nouvelle, en bonne et due
forme. Il a estimé, en substance, que X.________ violait l'art. 2 de la loi
genevoise sur la profession d'avocat du 26 avril 2002 (LPAv; RS E 6 10) en
déployant une activité de conseil indépendant, de sorte qu'il ne pouvait pas
être considéré comme un mandataire professionnellement qualifié.

1.2 Le 26 avril 2007, X.________ a interjeté appel contre ce jugement "en son
nom et en qualité de mandataire légalement constitué de Y.________". Ce dernier
ayant été invité à verser une avance de frais, le prénommé a indiqué, dans un
courrier du 15 mai 2008, que seul lui-même, à l'exclusion du demandeur, avait
appelé du jugement présidentiel, partant qu'il s'opposait au versement de
l'émolument d'appel, puisque la cause n'était pas de nature pécuniaire.

Y.________, toujours assisté de X.________, agissant cette fois sous l'égide du
"Syndicat A.________", a déposé, le 4 mai 2007, une demande en tous points
identique à celle du 9 novembre 2006.

Statuant par arrêt du 11 novembre 2008, le Président de la Cour d'appel des
prud'hommes, après avoir déclaré irrecevables diverses conclusions
constatatoires prises par l'appelant, a rejeté l'appel de X.________ dans la
mesure où il était recevable, dit que l'appelant n'avait pas qualité de
mandataire professionnellement qualifié dans la présente cause, confirmé le
jugement attaqué pour le surplus et débouté les parties de toutes autres
conclusions. Examinant en détail, au regard notamment de l'art. 2 LPAv, la
ratio legis de la dérogation au monopole de l'avocat, instituée par les art. 12
al. 2 et 13 al. 1 de la loi genevoise sur la juridiction des prud'hommes du 25
février 1999 (LJP; RS E 3 10), à l'instar de l'art. 9 al. 1 de la loi genevoise
sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA; RS E 5 10), le
Président a rappelé que cette dérogation visait à permettre aux parties, dans
un domaine bien délimité, de bénéficier plus facilement et à moindres coûts des
conseils d'un spécialiste, mais qu'elle n'avait aucunement pour but de
permettre à des tiers de déployer la même activité générale qu'un avocat, sans
avoir acquis une formation équivalente, sans avoir les mêmes obligations et
sans être soumis à la même surveillance. Considérée sous cet angle, la
situation d'un juriste indépendant ne pouvait pas être assimilée à celle d'un
juriste employé par une association, un syndicat ou une société de protection
juridique spécialisés dans la défense des intérêts de leurs membres. Aussi, en
pratique, la qualité de mandataire professionnellement qualifié devant la
juridiction prud'homale était-elle avant tout reconnue à ce genre de personnes
morales, actives à Genève dans la défense des intérêts des travailleurs ou des
employeurs, et à la condition que les compétences de leurs représentants soient
suffisantes. En l'espèce, selon le Président, X.________, qui n'est pas inscrit
au tableau des avocats ni titulaire du brevet d'avocat, est intervenu dans la
procédure en qualité de juriste indépendant de toute association
professionnelle ou syndicale et de toute société de protection juridique. Qu'il
ait utilisé une procuration calquée sur le modèle proposé par l'Ordre des
avocats constitue un indice donnant à penser que son but est, en réalité, de
développer une activité indépendante de conseil et d'assistance en justice, en
violation de la LPAv. On peut d'ailleurs se demander s'il n'utilise pas le
Syndicat A.________ comme prête-nom pour parvenir à ses fins. Quoi qu'il en
soit, X.________, qui a agi comme juriste indépendant dans la présente cause,
ne peut, de ce fait, pas se voir reconnaître la qualité de mandataire
professionnellement qualifié. Il n'avait donc pas le droit de signer des actes
de procédure au nom de Y.________, de sorte que le juge de première instance a
déclaré à bon droit irrecevable la demande qu'il avait formée pour le compte de
cette personne.

1.3 Le 19 décembre 2008, X.________ a déposé, au nom de Y.________ et en son
nom personnel, un recours en matière civile. Il y invite le Tribunal fédéral à
annuler l'arrêt présidentiel du 11 novembre 2008, à déclarer son appel
recevable, à dire qu'il n'a nullement porté atteinte au monopole de l'avocat, à
dire que la juridiction des prud'hommes est incompétente à raison de la matière
pour traiter de la violation dudit monopole, à dire qu'il possède la qualité de
mandataire professionnellement qualifié dans la présente cause et à débouter
l'intimée de toutes autres conclusions.

A la demande du Tribunal fédéral, Y.________ a signé l'acte de recours sur
lequel ne figurait que la signature de X.________.

Le Président, qui a produit le dossier de l'affaire, et l'intimée n'ont pas été
invités à déposer une réponse.

2.
2.1 La décision attaquée a été rendue dans le cadre d'une affaire pécuniaire en
matière de droit du travail portant sur une valeur litigieuse dépassant le
seuil de 15'000 fr. fixé à l'art. 74 al. 1 let. a LTF pour la recevabilité du
recours en matière civile. Il est vrai que le recourant n'était pas lui-même
partie à la relation de travail en cause. Quoi qu'il en soit, eu égard aux
griefs soulevés par lui, la qualification du présent recours de recours en
matière civile plutôt que de recours constitutionnel subsidiaire n'a pas
d'importance en l'espèce.

2.2 En tant qu'elle vise X.________, la décision querellée, prise en dernière
instance cantonale, est finale (art. 90 LTF) en ce sens qu'elle l'écarte
définitivement de la procédure pendante dans laquelle il a assisté le
demandeur. Le recours dont elle est l'objet a été déposé dans le délai (art.
100 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 46 al. 1 let. c LTF) et la forme (art. 42
LTF) prévus par la loi.

X.________, qui a pris part à la procédure antérieure, a un intérêt juridique à
l'annulation de la décision attaquée, laquelle le prive de la faculté
d'assister ou de représenter la partie qui l'a mandaté pour agir devant la
juridiction prud'homale. Il a ainsi qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF).

Tel n'est pas le cas, en revanche, de Y.________. Il ressort, en effet, de
l'arrêt présidentiel attaqué que la procédure d'appel a été introduite par le
seul X.________, à l'exclusion de Y.________. En outre, même si ce dernier a
signé, dans un second temps, l'acte de recours au Tribunal fédéral, force est
de constater que les conclusions prises dans ce mémoire ne concernent que
X.________.
Il suit de là que le recours est irrecevable en tant qu'il émane de Y.________.

2.3 Conformément à l'art. 42 al. 2 LTF, les motifs que doit contenir tout
mémoire de recours doivent exposer succinctement en quoi l'arrêt attaqué viole
le droit.

Dans son recours, X.________ se borne, pour l'essentiel, à alléguer une série
de faits sans se soucier des seules constatations figurant dans la décision
attaquée, auxquelles la Cour de céans doit se tenir (art. 105 al. 1 LTF). Il y
mélange les critiques relevant du fait et les arguments ressortissant au droit,
en les formulant d'ailleurs de manière appellatoire. De surcroît, le recourant,
bien qu'il cite un certain nombre de droits constitutionnels prétendument
violés, se contente, en définitive, de soumettre au Tribunal fédéral sa propre
version des faits litigieux et les conséquences qu'il y aurait lieu d'en tirer
à son avis. Il oublie, en argumentant ainsi, que le Tribunal fédéral n'examine
la violation de tels droits que si les griefs correspondants ont été, non
seulement invoqués, mais encore motivés par le recourant (art. 106 al. 2 LTF).

Dans ces conditions, le recours de X.________ apparaît en grande partie
irrecevable. Pour le surplus, il appelle les remarques faites ci-après.

3.
3.1 Sous chiffres 11 à 14 de son mémoire, le recourant allègue un certain
nombre de faits en vue de compléter les constatations de la cour cantonale au
sujet de sa formation et de ses activités passées. Outre que les conditions
permettant un complètement de l'état de fait (cf. ATF 133 IV 293 consid. 3.4.2)
ne sont pas remplies en l'espèce, les faits allégués ne sont pas pertinents
dans la mesure où le magistrat intimé n'a pas tiré argument du manque de
formation ou de connaissances juridiques du recourant pour dénier à ce dernier
la qualité de mandataire professionnellement qualifié.

3.2 Dans son appel, le recourant avait requis, entre autres conclusions, la
constatation que la juridiction des prud'hommes n'était pas compétente pour
examiner la question de sa qualité de mandataire professionnellement qualifié.
Au considérant 3 de son arrêt, le Président de la Cour d'appel a jugé cette
conclusion irrecevable, au motif qu'elle avait le même objet que la conclusion
de l'appelant visant à faire constater qu'il possédait cette qualité.
Le recourant n'attaque pas spécifiquement la décision d'irrecevabilité. Il
tente bien plutôt de démontrer que le magistrat intimé a violé diverses normes
du droit constitutionnel fédéral et/ou de la constitution et de la législation
genevoises. Son grief est, dès lors, irrecevable, faute d'une motivation se
rapportant à la ratio decidendi du prononcé d'irrecevabilité (art. 42 al. 2
LTF).

De toute façon, le moyen considéré est dénué de fondement. Le magistrat intimé
devait examiner si le recourant remplissait les conditions fixées dans la loi
sur la juridiction des prud'hommes pour pouvoir assister et représenter une
partie à un différend en matière de droit du travail. On ne voit pas ce qui
aurait dû lui interdire, ce faisant, tenu qu'il était de dire si le recourant
pouvait être considéré comme un mandataire professionnellement qualifié, de
partir du principe de base, ancré à l'art. 2 LPAv, selon lequel il appartient
normalement au seul avocat d'assister et de représenter une partie devant la
juridiction civile, et d'examiner les conditions d'application des art. 12 al.
2 et 13 al. 1 LJP en gardant ce principe à l'esprit. Quant aux droits
constitutionnels invoqués par le recourant dans ce contexte - égalité de
traitement (art. 8 Cst.), interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.), liberté
économique (art. 27 al. 1 Cst.) et limites à la restriction des droits
fondamentaux (art. 36 Cst.) -, leur rapport avec la question de la compétence
soulevée par le recourant n'est pas perceptible.

3.3 Le recourant soutient, par ailleurs, que la notion de mandataire
professionnellement qualifié n'est pas univoque, de sorte qu'il conviendrait
que le législateur genevois la précise, faute de quoi ceux qui prétendent
posséder cette qualité sont "tributaires de la subjectivité et des sentiments
personnels de certains juges, arrogants, prétentieux et racistes".

Abstraction faite de sa formulation inutilement blessante, le grief en
question, tel qu'il est présenté, a trait au droit désirable et est ainsi
totalement impropre à démontrer en quoi le magistrat intimé aurait fait une
interprétation insoutenable de la notion litigieuse.

3.4 Enfin, quoi qu'en dise le recourant, ce ne sont ni ses compétences
professionnelles, ni le fait qu'il aurait déployé une activité générale de
conseil et d'assistance à l'égal d'un avocat, non plus que l'interdiction de
violer l'art. 2 LPAv qui ont conduit le magistrat intimé à lui dénier la
qualité de mandataire professionnellement qualifié, mais le fait qu'il a agi
comme juriste indépendant alors que la qualité litigieuse n'est généralement
reconnue qu'à des personnes travaillant au service d'associations
professionnelles ou de sociétés de protection juridique. Or, l'intéressé ne
démontre pas en quoi le motif retenu par le Président de la Cour d'appel serait
inconstitutionnel.

4.
Cela étant, le recours formé par X.________ ne peut qu'être rejeté dans la
mesure où il est recevable. En application de l'art. 66 al. 1 et 5 LTF, les
frais judiciaires seront, en conséquence, supportés par les deux recourants,
solidairement entre eux.

par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de Y.________ est irrecevable.

2.
Le recours de X.________ est rejeté dans la mesure où il est recevable.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge des
recourants, solidairement entre eux.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Président de la Cour d'appel
des prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 25 février 2009
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:

Klett Carruzzo