Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.595/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_595/2008

Arrêt du 20 mars 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et MM. les juges Klett, présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly
et Kiss.
Greffier: M. Thélin.

Parties
F.X.________ et H.X.________,
défendeurs et recourants, représentés par
Me Jean-Marc Christe,

contre

Y.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Jean-Marie Allimann.

Objet
promesse de vente d'immeubles

recours contre les arrêts rendus le 29 mars 2006 et le 13 novembre 2008 par la
Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura.

Faits:

A.
Les époux H.X.________ et F.X.________ possèdent un domaine agricole sis à
S.________, comprenant des immeubles de cette commune, propriétés de l'épouse,
et d'autres immeubles de la commune de F.________, au delà de la frontière
française, propriétés de l'époux. Le domaine comprend encore des machines et
installations selon un inventaire établi au mois de mai 2001, et un stock de
fourrage et de paille.
Selon acte authentique du 5 juin 2003, dressé par un notaire du canton du Jura,
les époux X.________ ont promis de vendre l'ensemble de ces biens à Y.________,
neveu de H.X.________, pour le prix global de 1'600'000 francs. La promesse de
vendre et d'acheter était irrévocable pour toutes les parties. Ses effets
étaient toutefois, à lire le texte, subordonnés à trois conditions spécifiées
comme suit:
A) L'obtention des autorisations définitives émanant des autorités compétentes
en matière de droit foncier rural;
B) La vente des immeubles [sis] sur le territoire français au prix qui sera
arrêté par les parties dans le cadre du prix global de 1'600'000 fr.;
C) L'accord des parties s'agissant du traitement fiscal de leur dossier par les
autorités jurassiennes et françaises. Traitement dont les conclusions sont à
obtenir jusqu'à l'inscription de l'acte au registre foncier des immeubles sis
en Suisse.
Le prix serait payé, d'abord, par reprise de la dette hypothécaire qui
s'élevait alors à 500'000 fr.; ensuite, par le versement d'une rente viagère
jusqu'aux décès de l'un puis de l'autre des deux vendeurs, au montant de 60'000
fr. par an pendant vingt ans et de 30'000 fr. dès la vingt-et-unième année;
enfin, par la constitution, en faveur des vendeurs, d'un droit d'habitation
dans l'appartement est du bâtiment de S.________ assuré sous le n° 99.
Pour garantir le versement de la rente en cas de décès du promettant-acquéreur,
celui-ci conclurait une assurance au décès dont la somme serait convenue entre
les parties.
L'entrée en jouissance des biens à vendre était fixée au 1er janvier 2004.

B.
Le 24 février 2004, Y.________ a ouvert action contre les époux X.________
devant la Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura. Sa demande
tendait principalement à faire condamner les défendeurs à conclure les contrats
promis par eux le 5 juin 2003.
Les défendeurs ont contesté la validité de la promesse de vente et conclu au
rejet de l'action; ils ont pris des conclusions reconventionnelles tendant
surtout à faire condamner le demandeur à évacuer les immeubles de leur domaine,
dont il avait déjà entrepris l'exploitation.
Par décision du 6 avril 2004, le Président de la Cour civile a rejeté une
demande de mesures provisionnelles présentée par le demandeur. Celui-ci a
attaqué ce prononcé par un recours de droit public au Tribunal fédéral, que la
Cour de céans a rejeté, dans la mesure où il était recevable, le 23 juin 2004
(arrêt 4P.97/2004).
Les défendeurs ont eux aussi demandé des mesures provisionnelles, sans plus de
succès; le Tribunal fédéral a rejeté leur recours de droit public, dans la
mesure où il était recevable, le 1er février 2005 (arrêt 4P.263/2004).
La Cour civile a rendu un premier arrêt le 29 mars 2006, dont le dispositif
constate « que la promesse de vente notariée [du] 5 juin 2003 est valable ».

C.
A l'audience du 18 juin 2007, le demandeur a pris des conclusions principales
tendant à la condamnation des défendeurs à prêter leur concours à toutes les
démarches nécessaires à la vente promise, y compris la conclusion des contrats
finals, sous menace de sanctions pénales en cas de refus. La Cour devait
prononcer que si les défendeurs refusaient leur concours, le jugement tiendrait
lieu des déclarations nécessaires. Des conclusions subsidiaires tendaient à la
condamnation des défendeurs au paiement de dommages-intérêts dont le montant
serait fixé à dire de justice, mais à 20'000 fr. au moins; la Cour devait en
outre autoriser le demandeur à exploiter le domaine agricole pendant la durée
qui serait fixé à dire de justice, mais pendant trois ans au moins.
Les défendeurs ont conclu au rejet de l'action. Ils ont confirmé leurs propres
conclusions antérieures tendant à l'évacuation immédiate des immeubles occupés
par le défendeur; celui-ci devait être condamné, en outre, au paiement de
dommages-intérêts au montant de 699'082 fr., avec intérêts au taux de 5% par an
dès le 20 juillet 2004.
La Cour civile a rendu un deuxième arrêt le 28 août 2007. Ce prononcé ordonnait
« le transfert, en faveur du demandeur, de la propriété des choses immobilières
et mobilières mentionnées dans l'acte notarié [du 5 juin 2003], aux clauses et
conditions prévues dans ledit acte, à l'exception de celle [prévoyant] un droit
d'habitation »; ce droit serait remplacé par une indemnité « dans le cadre du
solde du prix de vente ». Accueillant un pourvoi en nullité des défendeurs, le
plenum du Tribunal cantonal a annulé cette décision.
La Cour a enfin rendu un troisième arrêt le 13 novembre 2008. Celui-ci donne
également gain de cause au demandeur; son dispositif se lit comme suit:
La Cour civile condamne les défendeurs à conclure avec le demandeur les
contrats principaux découlant de la promesse de vente [...];
condamne les défendeurs à prêter leur concours, à collaborer et à entreprendre
toute démarche nécessaire et utile aux fins de respecter, réaliser et remplir
les conditions qui assortissent la promesse de vente du 5 juin 2003, en
particulier à entreprendre toutes les démarches nécessaires auprès des
autorités compétentes suisses et françaises en matière de droit foncier rural,
auprès de toutes les instances concernées, notamment administrative, de même
qu'auprès du notaire, sous menace des sanctions prévues par les art. 292 CP,
395 CPC jur., en particulier 397 CPC jur.;
dit qu'en cas de refus des défendeurs de s'exécuter, le présent arrêt tiendra
lieu des déclarations nécessaires à la conclusion des contrats découlant de la
promesse du 5 juin 2003;
...

D.
Agissant par la voie du recours en matière civile, les défendeurs requièrent le
Tribunal fédéral, principalement, de réformer les arrêts du 29 mars 2006 et du
13 novembre 2008, en ce sens que la promesse de vente souscrite le 5 juin 2003
est nulle ou, sinon, qu'elle ne lie pas les défendeurs; qu'il est interdit au
demandeur d'exploiter les immeubles du domaine agricole et qu'il lui est
ordonné, sous menace des sanctions de l'art. 292 CP, d'évacuer immédiatement
ces immeubles, y compris l'habitation qu'il y occupe avec sa famille. Des
conclusions subsidiaires tendent à l'annulation des deux arrêts et au renvoi de
la cause au Tribunal cantonal pour nouvelle décision.
Le demandeur conclut au rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
L'arrêt du 29 mars 2006 est une décision incidente susceptible d'être attaquée
avec la décision finale, selon l'art. 93 al. 3 LTF; celui du 13 novembre 2008
est une décision finale selon l'art. 90 LTF.
Pour le surplus, le recours est dirigé contre deux jugements rendus en matière
civile (art. 72 al. 1 LTF), en dernière - et unique - instance cantonale (art.
75 al. 1 LTF). Ses auteurs ont pris part à cette instance et succombé dans
leurs conclusions (art. 76 al. 1 LTF). La valeur litigieuse excède le minimum
légal de 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et 74 al. 1 let. b LTF). Introduit en
temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 al. 1 à 3
LTF), le recours est en principe recevable.
Le recours est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le
Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux
(art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties et il apprécie
librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire,
aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du
recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254), et il ne se
prononce sur la violation de droits fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un
grief invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83
consid. 3.2 p. 88; 134 II 244 consid. 2.2 p. 246; 133 II 249 consid. 1.4.2). Le
recours n'est pas recevable pour violation du droit cantonal, hormis les droits
constitutionnels cantonaux (art. 95 let. c LTF) et certaines dispositions sans
pertinence en matière civile (art. 95 let. d LTF).
Le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des
faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF); en règle
générale, les allégations de fait et les moyens de preuve nouveaux sont
irrecevables (art. 99 al. 1 LTF). Le tribunal peut compléter ou rectifier même
d'office les constatations de fait qui se révèlent manifestement inexactes,
c'est-à-dire arbitraires aux termes de l'art. 9 Cst. (ATF 133 II 249 consid.
1.1.2 p. 252), ou établies en violation du droit (art. 105 al. 2 LTF). La
partie recourante est autorisée à attaquer des constatations de fait ainsi
irrégulières si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de
la cause (art. 97 al. 1 LTF).

2.
La promesse de vente conclue le 5 juin 2003 est un contrat relatif aux
immeubles, aux termes de l'art. 119 de la loi fédérale sur le droit
international privé (LDIP). La forme de ce contrat est impérativement régie par
le droit suisse pour les immeubles de S.________, selon l'art. 119 al. 3 LDIP;
il s'agit de la forme authentique qui est imposée, pour une promesse de vente,
par l'art. 216 al. 2 CO.
La forme est régie par le droit français pour les immeubles de F.________, à
moins que ce droit n'admette l'application d'un autre droit (art. 119 al. 3
LDIP); au surplus, sur tous points autres que la forme, le droit du lieu de
situation est aussi applicable, sous réserve d'une éventuelle élection de droit
(art. 119 al. 1 et 2 LDIP).
La Cour civile a examiné la validité et les effets de la promesse de vente au
regard du droit suisse pour les immeubles de S.________ et du droit français
pour ceux de F.________. Elle est parvenue à la conclusion que la promesse de
vente passée devant un notaire jurassien est en principe valable, à la forme,
aussi pour ces immeubles-ci. Cette approche et ce dernier point sont
incontestés, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'y revenir.

3.
3.1 Les défendeurs contestent que la forme authentique de l'art. 216 al. 2 CO
soit respectée. Ils tiennent pour insuffisant d'avoir spécifié un prix global,
dans la promesse de vente, au montant de 1'600'000 fr., pour des immeubles et
des choses mobilières; ils affirment que le prix des immeubles aurait dû être
indiqué séparément.
La Cour civile a jugé que, sur la base des preuves disponibles, le prix des
diverses catégories de biens était déterminable de manière objective; elle a
constaté un prix de 650'000 fr. pour les immeubles de S.________ et un prix de
300'000 fr. pour ceux de F.________. Sur ces constatations, les demandeurs se
plaignent d'un jugement arbitraire, donc contraire à l'art. 9 Cst.

3.2 Selon la jurisprudence concernant l'art. 216 CO, la forme authentique doit
porter sur tous les éléments objectivement essentiels du contrat, et aussi sur
les points objectivement secondaires mais subjectivement essentiels, pour
autant que ces derniers, de par leur nature, constituent un élément du contrat
de vente; il s'agit de tous les éléments qui affectent le rapport entre la
prestation et la contre-prestation issues de la vente (ATF 113 II 402 consid.
2a p. 403; voir aussi ATF 119 II 135 consid. 2a p. 138). L'acte authentique
doit donc énoncer toutes les contre-prestations promises en échange du bien
immobilier (ATF 101 II 329 consid. 3a p. 331), et le prix indiqué doit
correspondre à celui réellement convenu; à défaut, l'acte est nul parce que
simulé (ATF 94 II 270 p. 273).
En cas de contrat mixte, cumulant la vente d'un immeuble et d'autres
prestations du vendeur, il est loisible aux parties de convenir d'un prix
global qui sera la contrepartie de ce bien et de ces autres prestations.
Certes, il faut alors que ces dernières soient également spécifiées dans l'acte
authentique, car c'est à cette condition, seulement, que l'acte satisfait à
l'exigence de l'indication exacte et complète de tous les éléments affectant le
rapport entre les prestations qui incluent une vente d'immeuble, d'une part, et
la contre-prestation d'autre part. Cela concerne, en particulier, le contrat
mixte de vente et d'entreprise, où la vente d'un bien-fonds est combinée avec
la promesse d'y réaliser une construction, et cela concerne aussi le contrat
cumulant, comme en l'espèce, la vente d'immeubles et de choses mobilières
(Markus Reber, Der Umfang des Formzwangs beim Grundstückkauf, Jusletter, 9 mai
2005, nos 113 et 129; Christoph Leuenberger, Abschluss des
Grundstückkaufvertrages, in Der Grundstückkauf, 2001, p. 27 et ss, nos 118 et
132; Hermann Laim, in Commentaire bâlois, 3e éd., 2007, n° 56 ad art. 657 CC;
Hans Giger, in Commentaire bernois, 1997, n° 276 ad art. 216 CO).
Les défendeurs se réfèrent à un arrêt du Tribunal fédéral du 9 juillet 1991
(ATF 117 II 259). Cette décision, qui avait pour objet des prétentions fondées
sur un contrat d'entreprise, contient le passage ci-après (p. 264/265):
Der für den Grundstückkauf geltende Formzwang erstreckt sich bloss auf
Abmachungen im Rahmen des Kaufvertrages, nicht aber auf sonstige Übereinkünfte,
selbst wenn für die Parteien der Bestand der einen Abrede conditio sine qua non
für die Zustimmung zur zweiten darstellt (BGE 113 II 404 mit Hinweisen). Auch
bei einem gemischten Vertragsverhältnis unterstehen deshalb die
werkvertraglichen Abreden nicht der Formpflicht, wenn sie ein selbständiges
Leistungspaar bilden (BGE 107 II 215 f. E. 4; Gauch, a.a.O., S. 87/8 Rz. 302;
Leuenberger, Abschluss des Grundstückkaufvertrages, in: Der Grundstückkauf, S.
83/4 Rz. 153). Das setzt jedoch voraus, dass für den Erwerb des unüberbauten
Grundstückes und die Erstellung des Bauwerks getrennte Vergütungen festgesetzt
werden (Gauch, a.a.O., S. 88 Rz. 303).
Sur la base de cette dernière phrase, les défendeurs affirment que lorsque les
parties concluent simultanément une vente d'immeuble et un autre contrat, tel
qu'un contrat d'entreprise ou une vente de choses mobilières, un prix
spécifique, propre à l'immeuble vendu, doit obligatoirement ressortir de l'acte
authentique. Or, dans la décision précitée, le Tribunal fédéral a seulement
rappelé que des prix distincts doivent être déterminables pour l'immeuble,
d'une part, et pour les prestations d'entrepreneur, d'autre part, dans le cas
où ces dernières ne sont pas énoncées dans l'acte authentique; pour le surplus,
il n'a pas exclu que l'indication d'un prix global soit suffisante, au regard
de l'art. 216 CO, lorsque, au contraire, toutes les prestations destinées à
accompagner la vente d'un immeuble sont aussi énoncées dans l'acte. Les
défendeurs fondent leur argumentation sur une lecture erronée et incomplète de
cet arrêt de 1991. Il est vrai que ce même arrêt est cité de façon
semblablement erronée dans l'arrêt du Tribunal fédéral du 23 juin 2004 (4P.97/
2004; consid. 4.4), mais cette méprise n'influence pas la portée de l'art. 216
al. 2 CO.

3.3 Le prix global de 1'600'000 fr. est exempt de toute ambiguïté. La Cour
civile a jugé que tous les biens promis en échange, mobiliers ou immobiliers,
tant à S.________ qu'à F.________, sont objectivement déterminables sur la base
de l'acte authentique (cf. ATF 127 III 248 consid. 3d p. 254), et cela n'est
pas contesté par les défendeurs. Le moyen tiré de cette dernière disposition
est donc privé de fondement. La Cour civile aurait pu se dispenser de
rechercher si un prix distinct, pour les immeubles, était convenu entre les
parties et déterminable d'après l'acte, car ce point n'est d'aucune importance
du point de vue de ladite disposition.
Selon les défendeurs, faute d'une détermination spécifique du prix des
immeubles, la promesse de vente contrevient aussi, en ce qui concerne le droit
suisse, à l'art. 184 CO définissant le contrat de vente. Cette argumentation
est difficilement intelligible; elle semble plutôt mettre en cause l'art. 2 al.
1 CO selon lequel tout contrat nécessite l'accord des parties sur ses éléments
essentiels. Il demeure que, comme on l'a vu, la prestation et la
contre-prestation sont définies de manière suffisante dans la promesse du 5
juin 2003.

4.
Les défendeurs prétendent avoir conclu cette promesse sous l'influence de
l'erreur et de la crainte; ils invoquent les art. 23, 24 al. 1 ch. 4 et 29 al.
1 CO.
Dans les pourparlers qui ont précédé la conclusion de ce contrat, les parties
ont envisagé de substituer, au droit d'habiter un appartement du bâtiment n° 99
de S.________, la jouissance d'un « chalet » qui serait édifié aux frais du
demandeur sur un bien-fonds de F.________. Les défendeurs affirment avoir
compté sur ce « chalet », pour leur logement futur, encore au moment de
conclure la promesse de vente, et s'être alors trouvés dans l'erreur parce que
leur cocontractant, en réalité, ne voulait pas faire construire ce nouveau
bâtiment.
L'erreur essentielle de l'art. 24 al. 1 ch. 4 CO peut porter sur un fait futur,
mais seulement si, lors de la conclusion du contrat, ce fait pouvait
objectivement être tenu pour certain; l'erreur est au contraire exclue lorsque
le fait futur était expectatif ou aléatoire (ATF 118 II 297; Bruno Schmidlin,
in Commentaire bernois, nos 202 à 210 ad art. 23 et 24 CO). Compte tenu que la
promesse de vente prévoyait textuellement, pour les défendeurs, le droit
d'habiter un logement déjà disponible sur le domaine, l'éventualité d'obtenir
un « chalet » était hautement expectative. Au demeurant, rien n'exclut que
cette solution ne finisse par réunir les suffrages de toutes les parties,
puisque, selon les constatations de la Cour civile, aucune d'elles ne veut plus
fournir ni obtenir le logement désigné dans le bâtiment n° 99.
La crainte était celle de H.X.________ seulement; prétendument, celui-ci n'a
concouru à l'acte authentique que parce que son épouse menaçait de le « quitter
» s'il refusait la vente du domaine à leur neveu. En dépit des conséquences
pénibles que l'époux délaissé aurait subies, le cas échéant, par suite de la
dissolution du ménage, la menace ainsi alléguée ne portait pas sur un danger
grave et imminent aux termes de l'art. 30 al. 1 CO. Le moyen tiré de l'art. 29
CO est donc également inconsistant.

5.
5.1 Les défendeurs soutiennent que la promesse de vente est conditionnelle aux
termes de l'art. 151 CO, et qu'elle ne les oblige pas parce que les conditions
demeurent et demeureront inaccomplies. Ils insistent sur la grave mésentente
qui s'est élevée entre eux et leur neveu, et ils considèrent que les démarches
et accords auxquels la promesse est subordonnée sont devenus impossibles. Ils
font aussi état de diverses incertitudes concernant l'exécution et les effets
de la promesse.
Dans le texte de l'acte authentique, les clauses concernant les autorisations
en matière de droit foncier rural, la vente des immeubles de F.________ et les
accords à trouver avec les autorités fiscales sont effectivement présentées
sous l'aspect de conditions suspensives, introduites par le libellé « la
validité du présent acte et de l'acte de vente définitif est conditionnée par
... ». Il s'agit de conditions potestatives dans la mesure où, comme les
défendeurs le soulignent, leur accomplissement dépend de la diligence des
parties et de leurs manifestations de volonté. Mais on lit aussi, dans l'acte,
que « Monsieur Y.________ s'engage irrévocablement à acheter » l'ensemble des
biens concernés, y compris les immeubles de F.________, et que ses deux
cocontractants « s'engagent à leur tour et réciproquement » à lui vendre ces
mêmes biens.

5.2 Il peut advenir que telle clause d'un contrat soit ambiguë et que, ayant
apparemment pour objet de subordonner les obligations des parties à une
condition, elle puisse aussi être comprise comme introduisant une obligation
supplémentaire; il est alors nécessaire d'interpréter la convention (Felix
Ehrat, in Commentaire bâlois, n° 11 ad art. 151 - 157 CO).
Si une condition est convenue et que son accomplissement dépend, dans une
certaine mesure, de la volonté de l'une des parties auxquelles le contrat
impose des obligations, cette partie n'a en principe pas une liberté entière de
refuser cet accomplissement et de se dégager, ainsi, de ses obligations
contractuelles. Elle doit, au contraire, agir de manière loyale et conforme aux
règles de la bonne foi; en cas de violation de ces exigences, la condition est
censée accomplie selon l'art. 156 CO. Le degré de liberté subsistant pour la
partie concernée, d'une part, et les devoirs à elle imposés par les règles de
la bonne foi, d'autre part, doivent être déterminés dans chaque cas d'espèce en
tenant compte de l'ensemble des circonstances et, en particulier, de l'objet et
du but du contrat, dûment interprété selon le principe de la confiance (ATF 117
II 273 consid. 4c p. 280/281; voir aussi ATF 133 III 527 consid. 3.3.3 p. 535).
L'interprétation selon le principe de la confiance - y compris celle d'un
contrat dont la validité dépend d'une forme particulière (ATF 127 III 248
consid. 3c p. 254) - consiste en rechercher comment les parties, lorsque leur
accord s'est formé, pouvaient comprendre de bonne foi les clauses adoptées par
elles, en fonction du contexte dans lequel elles ont traité (ATF 132 III 24
consid. 4 p. 27/28). Même s'il est apparemment clair, le sens d'un texte
souscrit par les parties n'est pas forcément déterminant, de sorte que
l'interprétation purement littérale est prohibée (art. 18 al. 1 CO). Lorsque la
teneur d'une clause contractuelle paraît limpide à première vue, il peut
résulter d'autres éléments du contrat, du but poursuivi par les parties ou
d'autres circonstances que le texte de cette clause ne restitue pas exactement
le sens de l'accord conclu. Il n'y a cependant pas lieu de s'écarter du sens
littéral du texte adopté par les cocontractants lorsqu'il n'y a aucune raison
sérieuse de penser que celui-ci ne corresponde pas à leur volonté (ATF 131 III
606 consid. 4.2 p. 611; 130 III 417 consid. 3.2; 129 III 118 consid. 2.5).

5.3 En l'occurrence, les parties se sont promis « irrévocablement » la vente du
domaine agricole. Rien, dans l'acte authentique, n'autorise à retenir que l'un
ou l'autre des cocontractants doit pouvoir, même sans motif sérieux et
objectif, se dédire de cette promesse. Par conséquent, les clauses concernant
les autorisations en matière de droit foncier rural, la vente des immeubles de
F.________ et les accords à trouver avec les autorités fiscales ne sont
réellement des conditions suspensives, aux termes de l'art. 151 CO, que dans la
mesure où elles portent sur l'obligation de conclure le ou les contrats finals,
à l'issue des préparatifs encore nécessaires, et où leur accomplissement
dépendra des autorités administratives et fiscales compétentes. Pour le
surplus, contrairement à l'opinion des défendeurs, ces clauses ne suspendent
pas les effets de la promesse de vente; celle-ci, depuis la clôture de l'acte,
oblige toutes les parties à entreprendre les démarches prévues et à favoriser
leur aboutissement. C'est exactement ce à quoi les défendeurs sont condamnés
par l'arrêt attaqué du 13 novembre 2008. On ne saurait admettre aisément que
les parties aient fait dresser un acte authentique à la seule fin de consigner
de simples projets ou intentions, dépourvus d'incidence sur leur situation
juridique.
En tant que les démarches prévues nécessitent de nouvelles conventions entre
les cocontractants, par exemple sur le prix de vente particulier aux immeubles
de F.________, dans le cadre du prix global déjà convenu, il s'agit de points
secondaires que les parties ont réservé conformément à l'art. 2 al. 1 CO. La
somme de l'assurance au décès, à contracter par le demandeur pour garantir le
versement de la rente viagère, est aussi l'un de ces points secondaires. Au
besoin, ils seront réglés par le juge en application de l'art. 2 al. 2 CO. Les
propriétaires du domaine insistent vainement sur ce fait qu'il n'existe
actuellement, sur les points en suspens, aucune perspective d'accord entre les
parties; on ne pourrait guère espérer une situation différente compte tenu
qu'eux-mêmes, jusqu'à présent, se sont efforcés de se délier de la promesse
plutôt que de concourir à son exécution.

5.4 Les défendeurs font valoir que l'autre partie se trouvera peut-être hors
d'état de reprendre la dette hypothécaire existante et de contracter
l'assurance au décès. Dans l'une ou l'autre de ces éventualités, eux-mêmes
pourront, sur la base de l'art. 82 CO, refuser les ventes promises; ensuite, si
la demeure de leur cocontractant se prolonge, ils pourront résoudre la promesse
de vente conformément à l'art. 107 CO. En revanche, l'art. 151 CO est hors de
cause.
Ces plaideurs disent aussi redouter les suites fiscales de la vente de leur
domaine selon les modalités convenues, comportant le versement d'une rente
viagère. Il est possible qu'à l'issue des pourparlers prévus avec les autorités
concernées, ces modalités se révèlent gravement désavantageuses sur le plan
fiscal. Il n'est cependant pas nécessaire d'examiner dès maintenant si, dans
cette hypothèse particulière, au regard des règles de la bonne foi, les
défendeurs pourraient faire valoir que l'une des conditions de la promesse ne
s'est pas accomplie, et se dédire de l'affaire pour ce motif. En l'état, ils
invoquent prématurément l'art. 151 CO, et ils doivent plutôt entreprendre
loyalement, avec le demandeur et les autorités fiscales, la recherche d'une
solution convenable.
Les défendeurs ne sauraient, non plus, se dédire de la promesse au motif que ce
contrat ne leur assure aucune garantie en prévision du cas où l'autre partie
deviendrait insolvable et suspendrait le service de la rente.

6.
En raison de la mésentente qui s'est élevée entre les parties, la cohabitation
dans le bâtiment n° 99 de S.________ est devenue prétendument impossible. Les
défendeurs invoquent la théorie de l'imprévision, selon laquelle la partie liée
par un contrat peut se dégager partiellement ou totalement de ses obligations
en cas de changement important et imprévisible des circonstances, ayant pour
effet de créer une disproportion si grave, entre sa prestation et la
contre-prestation de l'autre partie, que le maintien du contrat se révélerait
abusif (clausula rebus sic stantibus; ATF 127 III 300 consid. 5b p. 304/305;
135 III 1 consid. 2.4 p. 9/10). Selon cette même théorie, s'il s'agit d'un
contrat complexe prévoyant plusieurs prestations différentes entre les parties,
ce contrat ne peut pas être entièrement résolu au motif qu'une seule de ces
prestations se trouve dévaluée par un fait imprévisible; le contrat doit plutôt
être adapté, au besoin par le juge, en tenant compte de son économie et de son
but, et de l'ensemble des circonstances (ATF 107 II 144 consid. 3 p. 148; arrêt
4C.43/2000 du 21 mai 2001, SJ 2001 I p. 541, consid. 2e p. 548).
En l'espèce, il n'est pas établi que le conflit des parties ait pour
conséquence que le logement dans le bâtiment n° 99 soit devenu réellement
insupportable pour les défendeurs, et que le droit d'habiter prévu dans la
promesse de vente ait ainsi perdu toute valeur pour eux. Une situation si
dégradée justifierait, le cas échéant, que les parties s'accordent enfin sur la
solution du « chalet », ou, à défaut, que la rente viagère soit augmentée d'un
montant correspondant à la valeur du droit d'habiter. Conformément à la
décision de la Cour civile, il incombe d'abord aux parties de négocier et de
régler ce point dans le cadre de l'exécution de la promesse de vente; pour le
surplus, la validité de ce contrat subsiste nonobstant la dissension de ceux
qui l'ont conclu.

7.
Invoquant l'art. 9 Cst., les défendeurs reprochent à la Cour civile d'avoir
constaté arbitrairement divers faits, qui toutefois, au regard des considérants
qui précèdent, n'ont aucune incidence sur l'application du droit fédéral. Les
arrêts attaqués ne sauraient donc, dans leur résultat, se révéler contraires à
cette disposition constitutionnelle (cf. ATF 134 I 140 consid. 5.4 p. 148; 133
I 149 consid. 3.1 p. 153).
Vainement aussi, les défendeurs reprochent à la Cour civile d'avoir appliqué
arbitrairement le droit cantonal de procédure et d'avoir commis un déni de
justice formel en déclarant irrecevable, faute de conclusions correspondantes,
le moyen tiré de la théorie de l'imprévision et de l'impossibilité, pour les
parties, de cohabiter dans le bâtiment n° 99. En renvoyant les parties à
négocier le remplacement du droit d'habiter par une autre prestation, la Cour
s'est en effet prononcée de manière suffisante, quoique succincte, sur cette
question.

8.
Le recours se révèle privé de fondement, ce qui conduit à son rejet. A titre de
parties qui succombent, ses auteurs doivent acquitter l'émolument à percevoir
par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre partie peut prétendre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les défendeurs acquitteront un émolument judiciaire de 15'000 francs.

3.
Les défendeurs verseront à titre de dépens, solidairement entre eux, une
indemnité de 17'000 fr. au demandeur.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
du Jura.

Lausanne, le 20 mars 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La présidente: Le greffier:

Klett Thélin