Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.592/2008
Zurück zum Index I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2008
Retour à l'indice I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2008


Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_592/2008

Arrêt du 22 avril 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et MM. les Juges Klett, Présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly
et Kiss.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.

Parties
A.________,
recourant, représenté par Me Hervé Crausaz,

contre

Banque Y.________,
intimée, représentée par Me Alain Bruno Lévy.

Objet
contrat de travail; licenciement immédiat injustifié; gain manqué,

recours contre l'arrêt de la Cour d'appel de la
juridiction des prud'hommes du canton de Genève
du 10 novembre 2008.

Faits:

A.
A.a Par contrats du 4 septembre 2000, Banque Y.________ (ci-après: la banque) a
engagé, à partir du 1er janvier 2001, X.________ et A.________, qui
travaillaient jusqu'alors dans le même établissement bancaire genevois. Le
premier était responsable des relationship managers (i.e les gestionnaires),
avec titre de directeur adjoint, alors que le second, subordonné directement au
prénommé, était gestionnaire, avec titre de vice-directeur. Les deux employés,
qui oeuvraient de concert, avaient notamment pour mission d'amener à la banque
une nouvelle clientèle private banking. Le salaire annuel brut de A.________
était de 180'000 fr., montant auquel s'ajoutait, pendant deux ans, un bonus
minimum de 50'000 fr. Selon les contrats, les rapports de travail pouvaient
prendre fin au plus tôt le 30 juin 2003, sauf résiliation immédiate pour justes
motifs.

Le 11 février 2002, la banque a résilié avec effet immédiat les contrats de
travail la liant à X.________ et à A.________. Elle reprochait aux deux
employés d'avoir commis des fautes graves consistant à n'avoir pas éclairci, de
façon sérieuse et documentée, les nombreux transferts insolites réalisés de
manière parallèle sur les comptes de deux titulaires totalement distincts.
A.b Le 14 mars 2002, A.________ a assigné la banque devant la juridiction
prud'homale genevoise. Du chef de son licenciement immédiat, qu'il estimait
injustifié, le demandeur réclamait le paiement de 262'500 fr. brut, à titre de
salaire et d'indemnité de vacances jusqu'à l'expiration de la durée
contractuelle des rapports de travail, et de 90'000 fr. net, à titre
d'indemnité au sens de l'art. 337c al. 3 CO, le tout avec intérêts à 5% dès le
11 février 2002.

X.________ a également ouvert action contre la banque. Bien qu'elles n'aient
pas été formellement jointes, les deux procédures ont fait l'objet d'une
instruction commune.

Par jugement du 17 décembre 2003, le Tribunal des prud'hommes du canton de
Genève a condamné la défenderesse à payer au demandeur la somme brute de
262'500 fr., sous déduction de la somme nette de 54'890 fr.10 à verser à la
Caisse cantonale genevoise de chômage, ainsi qu'une indemnité de 30'000 fr.
net, les montants alloués au demandeur portant intérêts à 5% dès le 11 février
2002. Par ailleurs, la banque a été condamnée à remettre à A.________ un
certificat de travail conforme aux exigences de l'art. 330a CO.
Statuant le 1er mars 2004 sur appel de la banque et appel incident de
l'employé, la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de
Genève a confirmé le jugement de première instance, en tenant compte du montant
actualisé des prétentions récursoires de la caisse de chômage, sauf en ce qui
concernait l'indemnité pour licenciement injustifié qu'elle a augmentée à
60'000 fr., soit l'équivalent de quatre mois de salaire. En substance, elle a
considéré que le comportement reproché à l'employé ne constituait pas un
manquement grave au devoir de diligence, justifiant un licenciement immédiat
sans avertissement préalable. Pour arrêter la quotité de l'indemnité au sens de
l'art. 337c al. 3 CO, la cour cantonale s'est fondée sur la durée des rapports
de travail, le manque de consistance des motifs invoqués à l'appui du
licenciement, le grave préjudice porté à la réputation de l'employé et les
conséquences économiques subies par ce dernier, qui n'avait alors pas retrouvé
un emploi. Enfin, la Cour d'appel ne s'est pas penchée sur la question du
certificat de travail, dès lors que l'employé ne contestait pas la décision de
première instance sur ce point.

Par arrêt du 24 août 2004 (cause 4C.210/2004), le Tribunal fédéral a rejeté,
dans la mesure de sa recevabilité, le recours en réforme que la banque avait
interjeté contre la décision cantonale. A ce stade de la procédure, le litige
ne portait que sur le caractère justifié ou non du licenciement immédiat, la
défenderesse ne remettant pas en cause les conséquences pécuniaires de cette
mesure si elle devait se révéler injustifiée.

B.
Le 3 décembre 2004, A.________ a saisi le Tribunal des prud'hommes du canton de
Genève d'une demande qualifiée d'«additionnelle», tendant notamment à la
condamnation de la banque à lui verser, à titre de dommages-intérêts, un
montant fixé en dernier lieu à 534'768 fr.25, plus intérêts à 5% dès le dépôt
de la demande. Le demandeur faisait valoir que la banque avait informé
plusieurs tiers des motifs invoqués à l'appui de son licenciement immédiat,
qu'elle lui avait imputé un comportement contraire à l'honneur, ce qui avait
été porté à la connaissance notamment des signataires du rapport de V.________
produit dans le cadre de la procédure précédente et, enfin, qu'elle ne lui
avait remis un certificat de travail qu'en octobre 2004, de plus sous une forme
inappropriée et inexacte. Ce faisant, la banque aurait porté atteinte à la
personnalité de l'employé, en violation de l'art. 328 CO. Cette violation d'une
obligation contractuelle aurait empêché le demandeur de retrouver un emploi
avant le 1er novembre 2005, de sorte que la banque devait être condamnée à
réparer le dommage correspondant au gain manqué par l'employé entre le 30 juin
2003 et le 31 octobre 2005.

X.________ a également ouvert action contre la banque. Les deux procédures ont
fait l'objet d'une instruction partiellement commune, sans être formellement
jointes.

La banque a soulevé l'exception de chose jugée.

Par jugement du 14 mars 2008, le Tribunal des prud'hommes a condamné la banque
à payer à A.________ 236'036 fr.60 avec intérêts à 5% dès le 3 décembre 2004,
montant représentant le manque à gagner subi par le demandeur entre le 1er
décembre 2003 et le 31 octobre 2005 en raison d'une atteinte à sa personnalité,
imputable à la défenderesse.

Statuant le 10 novembre 2008 sur appel de la banque et appel incident de
A.________, la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes a annulé le
jugement entrepris et débouté le demandeur de toutes ses conclusions, dans la
limite de leur recevabilité. Selon cet arrêt, il ne résulte du dossier aucune
atteinte à la personnalité de l'employé qui justifierait l'allocation d'une
indemnité «pour tort moral» excédant le montant alloué sur la base de l'art.
337c CO dans la procédure précédente. En particulier, il n'est pas démontré que
la banque a porté les motifs du licenciement immédiat à la connaissance de
tiers; l'employeur n'avait pas non plus à faire taire les rumeurs à ce sujet.
Au surplus, la cour cantonale a jugé que le dommage invoqué en relation avec un
gain manqué n'était pas établi.

C.
A.________ forme un recours en matière civile. Il demande au Tribunal fédéral
d'annuler l'arrêt cantonal, puis, préalablement, d'ordonner la production du
rapport établi par V.________ et, principalement, de condamner la banque à lui
payer 299'165 fr.60 avec intérêts à 5% dès le début de la procédure.
La banque conclut à ce que la conclusion préalable du recourant soit déclarée
irrecevable et à ce que le recours soit rejeté dans la mesure de sa
recevabilité.

La cour cantonale n'a pas d'observations à formuler.

Considérant en droit:

1.
1.1 L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière
civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance
(art. 75 al. 1 LTF) dans une affaire dont la valeur litigieuse, déterminée par
les conclusions encore contestées devant l'autorité précédente (art. 51 al. 1
let. a LTF), atteint le seuil de 15'000 fr. prévu à l'art. 74 al. 1 let. a LTF
en matière de droit du travail. Le recours en matière civile a été interjeté
par la partie qui a succombé dans ses conclusions condamnatoires (art. 76 al. 1
LTF). Par ailleurs, il a été déposé dans le délai (art. 45 al. 1 et art. 100
al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

1.2 Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit,
tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral n'entre
pas en matière sur la violation d'un droit de rang constitutionnel ou sur une
question afférente au droit cantonal ou intercantonal si le grief n'a pas été
invoqué et motivé de manière détaillée par la partie recourante (art. 106 al. 2
LTF). Pour le reste, il applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans
être limité par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation
retenue dans la décision déférée; il peut donc admettre un recours pour
d'autres motifs que ceux qui ont été articulés, ou à l'inverse, rejeter un
recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité
précédente (ATF 134 III 102 consid. 1.1 et l'arrêt cité). Cependant, compte
tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous
peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral
n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter,
comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions
juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui
(ATF 134 II 244 consid. 2.1; 134 III 102 consid. 1.1).

1.3 Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral conduit son
raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente
(art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les constatations
factuelles de l'autorité cantonale ont été établies de façon manifestement
inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst.
(ATF 134 V 53 consid. 4.3) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF
(art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible
d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Aucun fait nouveau ni
preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de
l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).

2.
Le recourant commence par affirmer que l'état de fait retenu par la cour
cantonale est lacunaire, un certain nombre d'éléments essentiels pour le sort
de la cause n'y figurant pas. Ceci posé, il présente la version des faits qu'il
juge déterminante. Un tel mode de procéder ne satisfait manifestement pas aux
exigences légales en matière de motivation d'un grief d'ordre constitutionnel
(art. 106 al. 2 LTF), à savoir en l'espèce l'arbitraire dans l'appréciation des
preuves prohibé par l'art. 9 Cst. De même, sous le couvert d'une mauvaise
application des art. 4 et 8 CC, le recourant s'en prend à la constatation
cantonale selon laquelle l'auteur des rumeurs sur les motifs du licenciement
n'est pas connu; en se bornant à prétendre que les rumeurs ne pouvaient
provenir que de la banque elle-même, le recourant émet une affirmation,
dépourvue de toute démonstration d'arbitraire. En tant qu'il remet en cause
l'état de fait à la base de la décision attaquée, le recours est irrecevable.

3.
Le recourant reproche à la Cour d'appel d'avoir violé les art. 49, 97 et 328
CO. Pour une raison difficilement explicable, il reprend par la suite le même
grief, mais sous l'angle de l'arbitraire. A lire le recours, les juges genevois
sont partis faussement de l'idée que seule une indemnité en réparation du tort
moral entrait en ligne de compte en cas d'atteinte à la personnalité du
travailleur au sens de l'art. 328 CO. Cette erreur les aurait conduits, par un
raccourci inadmissible, à exclure toute indemnisation supplémentaire dès lors
que l'indemnité perçue par le recourant sur la base de l'art. 337c al. 3 CO
prenait déjà en compte le tort moral subi à la suite du licenciement immédiat
injustifié. Or, fait observer le recourant, il réclame à présent à son ancien
employeur non pas une indemnité pour tort moral, mais des dommages-intérêts
fondés sur l'art. 97 CO, correspondant à son gain manqué au-delà du 30 juin
2003. Ce dommage résulterait d'atteintes à la personnalité bien plus graves que
le licenciement lui-même. Ainsi, la banque aurait entravé considérablement la
réinsertion professionnelle de son ancien employé en refusant délibérément de
lui remettre un certificat de travail digne de ce nom. Par ailleurs, elle
aurait porté atteinte à l'honneur privé et professionnel du gestionnaire en
motivant le licenciement par de prétendus agissements pénalement répréhensibles
et en portant ces motifs à la connaissance de tiers, soit des collaborateurs de
V.________ et de la banque elle-même. Enfin, l'intimée n'a rien fait pour faire
taire les rumeurs déshonorantes circulant sur le compte du recourant dans le
milieu bancaire genevois.

3.1 En premier lieu, il convient de rappeler quelles sont les conséquences
pécuniaires prévues par l'art. 337c CO en cas de résiliation immédiate
injustifiée du contrat de travail: le travailleur a droit à des
dommages-intérêts, correspondant à ce qu'il aurait gagné si les rapports de
travail avaient pris fin à l'échéance du délai de congé ou à la fin du contrat
de durée déterminée (art. 337c al. 1 CO; ATF 123 V 5 consid. 3b p. 9 et les
arrêts cités) ainsi que, sauf cas exceptionnel, à une indemnité représentant au
maximum six mois de salaire et fixée en tenant compte de toutes les
circonstances (art. 337c al. 3 CO).

Cette indemnité-ci est de même nature et vise les mêmes buts que l'indemnité
prévue à l'art. 336a CO en cas de licenciement abusif (ATF 123 V 5 consid. 2a
p. 7). La nature juridique de l'indemnité prescrite à l'art. 336a CO - et,
partant, de l'indemnité pour licenciement immédiat injustifié - a fait l'objet
d'une analyse approfondie dans l'arrêt publié aux ATF 123 III 391. Le Tribunal
fédéral a relevé la double finalité - punitive et réparatrice - de l'indemnité.
Comme elle est due même si le travailleur ne subit aucun dommage, il ne s'agit
pas de dommages-intérêts au sens classique, mais d'une indemnité sui generis,
s'apparentant à une peine conventionnelle. Ainsi, parmi les circonstances
déterminantes, il faut non seulement ranger la faute de l'employeur, mais
également d'autres éléments tels que la durée des rapports de travail, l'âge du
lésé, sa situation sociale et les effets économiques du licenciement. Le
Tribunal fédéral a aussi précisé qu'en réservant, à l'art. 336a al. 2 in fine
CO, les dommages-intérêts que la victime du congé pourrait exiger à un autre
titre, le législateur avait simplement laissé ouvert le droit du travailleur de
réclamer la réparation du préjudice résultant d'une cause autre que le
caractère abusif du congé.

Cette jurisprudence a eu pour conséquence que, contrairement à ce qui avait été
jugé précédemment (ATF 119 II 157 consid. 2b p. 160), le congé abusif ne fonde,
en lui-même, aucune prétention supplémentaire à des dommages-intérêts, liés par
exemple à une baisse de revenu lors d'une période de chômage subséquente au
licenciement; la réserve de l'art. 336a al. 2 2ème phrase CO ne concerne pas
les dommages-intérêts dus sur la base d'une autre disposition - singulièrement
l'art. 97 CO - mais ceux découlant d'une autre cause, comme par exemple un
licenciement assorti de faux renseignements à des tiers (ULLIN STREIFF/ADRIAN
VON KAENEL, Arbeitsvertrag, 6e éd. 2006, n° 8 ad art. 336a CO, p. 708; WOLFGANG
PORTMANN, Zur Schadenersatzbemessung im Arbeitsvertragsrecht, in Festschrift
für Heinz Rey, 2003, p. 491).

Par ailleurs, les indemnités des art. 336a et 337c al. 3 CO couvrent en
principe tout le tort moral subi par le travailleur licencié. Le Tribunal
fédéral admet toutefois l'application cumulative de l'art. 49 CO dans des
situations exceptionnelles, lorsque l'atteinte portée aux droits de la
personnalité du travailleur est grave au point qu'une indemnité correspondant à
six mois de salaire ne suffit pas à la réparer (consid. 9c non publié de l'ATF
126 III 395; arrêt 4C.177/2003 du 21 octobre 2003 consid. 4.1; RÉMY WYLER,
Droit du travail, 2e éd. 2008, p. 518).

3.2 Comme il le relève à juste titre, le recourant réclame en l'espèce des
dommages-intérêts, plus précisément la réparation du gain manqué qu'il
considère avoir subi à la suite du licenciement immédiat injustifié du 11
février 2002. La Cour d'appel s'est dès lors méprise en évoquant une indemnité
«pour tort moral» dont l'allocation ne serait pas justifiée en sus de
l'indemnité fondée sur l'art. 337c al. 3 CO. Cela étant, il reste à examiner si
cette erreur porte à conséquence, autrement dit si le recourant, qui invoque
une atteinte à sa personnalité contraire à l'art. 328 CO, peut prétendre en
l'occurrence à des dommages-intérêts fondés sur la responsabilité contractuelle
de l'employeur (art. 97 CO).

La réglementation sur les conséquences d'une résiliation immédiate injustifiée
du contrat de travail ne comporte pas une réserve équivalente à celle de l'art.
336a al. 2 2ème phrase CO. Cependant, telle qu'interprétée dans la
jurisprudence (cf. consid. 3.1 supra), cette disposition n'apporte rien de plus
que le rappel d'un principe général (BRUNNER/BÜHLER/WAEBER/BRUCHEZ, Commentaire
du contrat de travail, 3e éd. 2004, p. 260). L'absence de réserve à l'art. 337c
CO n'empêche dès lors pas de tirer un parallèle entre les conséquences
pécuniaires d'un licenciement abusif et celles d'un licenciement immédiat
injustifié.
A l'instar d'une résiliation abusive, tout congé immédiat qui ne repose pas sur
un juste motif comporte une atteinte aux droits de la personnalité du
travailleur. Cette atteinte ouvre les droits précisément décrits à l'art. 337c
CO, soit des dommages-intérêts (al. 1) et une indemnité sui generis (al. 3)
dont il est admis qu'elle peut prendre en compte les effets économiques du
licenciement (cf. consid. 3.1 supra). Il faut admettre que ces dispositions
règlent exhaustivement, sous l'angle contractuel, les conséquences pécuniaires
d'un licenciement immédiat injustifié (MANFRED REHBINDER, Berner Kommentar,
1992, n° 13 ad art. 337c CO). Il s'ensuit que, s'il invoque un dommage
supplémentaire tel qu'un gain manqué après l'échéance ordinaire du contrat, le
travailleur doit démontrer soit une atteinte aux droits de la personnalité
allant au-delà de celle inhérente au caractère injustifié du licenciement, soit
la violation, par l'employeur, d'une obligation contractuelle autre que celle
découlant de l'art. 328 CO. Ainsi, l'ancien employeur devra verser des
dommages-intérêts à son ancien employé s'il a fourni sur ce dernier des
renseignements faux et attentatoires à l'honneur et découragé de la sorte un
employeur d'engager la personne en question (cf. arrêt 4C.322/1998 du 11 mai
1999; cf. également arrêt 4C.379/2002 du 22 avril 2003). De même, le refus
arbitraire de l'ancien employeur de communiquer des références sur un ancien
employé à un employeur intéressé constitue une violation de l'obligation
contractuelle de diligence susceptible de donner naissance à une prétention en
dommages-intérêts (WYLER, op. cit., p. 312/313).

3.3 Il convient d'examiner la présente espèce à la lumière de ces principes.
3.3.1 Le recourant se prévaut tout d'abord du refus de l'intimée de lui fournir
un certificat de travail dont le contenu aurait été satisfaisant.

A ce sujet, la cour cantonale a relevé que la délivrance d'un certificat de
travail avait fait l'objet de la première procédure opposant les parties. Au
cours de ce procès, l'intimée a déposé, le 1er juillet 2002, un projet de
certificat mentionnant uniquement la durée des rapports de travail et la nature
des fonctions exercées. Dans son jugement du 17 décembre 2003, le Tribunal des
prud'hommes a condamné l'intimée à remettre au recourant un certificat de
travail conforme aux exigences de l'art. 330a CO, mais sans en préciser la
teneur dans le dispositif; dans les considérants, le tribunal a toutefois
indiqué que le certificat de travail proposé alors par l'employeur constituait
une base suffisante au regard des conclusions du demandeur. En appel, le
recourant n'a pas remis en cause, par un grief motivé, la teneur du certificat
telle qu'admise par les juges de première instance. Après le prononcé de
l'arrêt du Tribunal fédéral du 24 août 2004, l'intimé a sollicité de la part de
la banque un certificat de travail détaillé, selon un texte qu'il avait
préparé. Les parties n'ont toutefois pas pu se mettre d'accord sur
l'appréciation de l'activité accomplie par le recourant au service de la
banque. Le 3 mars 2005, l'intimée a fait parvenir à son ancien employé un
certificat de travail identique au projet déposé à la procédure le 1er juillet
2002.

Sur le vu des circonstances énumérées ci-dessus, il n'apparaît pas que
l'intimée ait violé une obligation contractuelle liée à la délivrance d'un
certificat de travail. Dans un premier temps, les parties étaient en procès,
notamment sur cette question. Pendant cette période, il n'était pas arbitraire
de la part de la banque de refuser de remettre à son ancien employé un
certificat comportant une qualification favorable de son travail. Durant la
procédure, l'intimée a déposé un certificat limité à la nature et à la durée
des rapports de travail, lequel, selon le jugement de première instance, était
suffisant au regard des conclusions de la demande. Le recourant n'a pas motivé
son appel sur ce point lorsqu'il a recouru contre le jugement de première
instance; une fois prononcé l'arrêt du Tribunal fédéral du 24 août 2004, le
point du dispositif relatif au certificat de travail est entré en force et il
devait être interprété à la lumière des considérants du jugement de première
instance. Comme la cour cantonale le fait observer à juste titre, on ne saurait
dès lors reprocher à la banque d'avoir, par la suite, remis à son ancien
employé un certificat de travail conforme à une décision judiciaire entrée en
force.
3.3.2 Le recourant fait valoir également que les motifs invoqués à l'appui du
licenciement ont porté une atteinte extrêmement importante à son honneur privé
et professionnel, en particulier parce que la banque l'a accusé à tort d'un
comportement pénalement répréhensible. De plus, ces motifs ont été portés à la
connaissance de tiers et des rumeurs faisant état de fautes graves en rapport
avec le blanchiment d'argent ont circulé sur le compte du gestionnaire.

Les raisons invoquées par la banque pour licencier le recourant avec effet
immédiat n'étaient pas des justes motifs au sens de l'art. 337 CO. Le caractère
injustifié de la résiliation réside précisément dans ces motifs de sorte qu'ils
ne sauraient constituer, en eux-mêmes, une atteinte supplémentaire aux droits
de la personnalité de l'employé. Dans le cadre de la réparation d'un préjudice
autre que le dommage décrit à l'art. 337 c al. 1 CO et que le tort moral
couvert par l'indemnité de l'art. 337c al. 3 CO, les motifs à l'origine du
licenciement ne peuvent être déterminants que s'ils ont été portés indûment à
la connaissance d'autrui par l'employeur. En l'occurrence, il n'est pas établi
que la banque ait communiqué à des tiers les raisons l'ayant conduite à se
séparer du recourant. Le courriel diffusé par messagerie interne mentionnait la
radiation immédiate des pouvoirs du gestionnaire, mais ne faisait état ni de la
résiliation immédiate du contrat de travail, ni des motifs de la mesure
annoncée. Certes, des rumeurs ont circulé dans le milieu bancaire genevois sur
les motifs du licenciement immédiat du recourant, mais il n'est pas démontré
que l'intimée en soit l'auteur. Le recourant se plaint en outre de ce que des
collaborateurs de V.________ aient été informés de son licenciement immédiat et
de ses motifs. Selon la cour cantonale, il n'est pas établi que l'identité du
recourant ait été révélée ainsi à des tiers, dès lors que le rapport dressé par
les experts de la fiduciaire n'a pas été produit dans la seconde procédure
judiciaire. Le fait est sans importance. En effet, le recours à un expert privé
par une partie à une procédure n'est pas illicite, si bien qu'une éventuelle
communication dans ce cadre, portant sur un licenciement déterminé, n'était, en
tout état de cause, pas indue.
3.3.3 En conclusion, le recourant ne peut se prévaloir ni d'une atteinte aux
droits de la personnalité plus étendue que celle qui a déjà donné lieu à
l'octroi de dommages-intérêts et d'une indemnité pour licenciement immédiat
injustifié, ni de la violation d'une autre obligation contractuelle de
l'employeur. Il ne dispose ainsi d'aucune prétention supplémentaire en
dommages-intérêts pour le manque à gagner qu'il considère avoir subi à la suite
de son licenciement immédiat injustifié. Dans ces conditions, c'est à bon droit
que la Cour d'appel a rejeté la seconde demande en paiement du recourant, même
si elle a considéré faussement la prétention exercée comme tendant à la
réparation du tort moral.

4.
Ce résultat dispense la cour de céans d'examiner les autres griefs soulevés
dans le recours, en particulier celui par lequel le recourant conteste n'avoir
pas établi son dommage.

5.
Vu le sort réservé au recours, les frais judiciaires seront mis à la charge du
recourant (art. 66 al. 1 LTF); comme la valeur litigieuse dépasse largement
30'000 fr., le montant de l'émolument ne sera pas fixé selon le tarif réduit
(cf. art. 65 al. 4 let. c LTF). En outre, le recourant versera des dépens à
l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'500 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Une indemnité de 7'500 fr., à payer à titre de dépens à l'intimée, est mise à
la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour
d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 22 avril 2009
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:

Klett Godat Zimmermann