Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.587/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 1/2}
4A_587/2008

Arrêt du 9 mars 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et MM. les Juges Klett, présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly
et Kiss.
Greffier: M. Ramelet.

Parties
Institut fédéral de la propriété intellectuelle, 3003 Berne,
recourant,

contre

Calvi S.p.A.,
intimée, représentée par Me Blaise Grosjean,
avocat.

Objet
enregistrement d'une marque,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour II, du 10
novembre 2008.

Faits:

A.
Le 18 mai 2006, la société italienne Calvi S.p.A a déposé auprès de l'Institut
fédéral de la propriété intellectuelle (ci-après: l'Institut fédéral) une
demande d'enregistrement de la marque combinée "Calvi" pour des produits de la
classe 6 selon la classification internationale des produits et des services
aux fins de l'enregistrement des marques, dite Classification de Nice (RS
0.232.112.8).
La marque dont l'enregistrement est demandé se présente de la manière suivante:

A la suite d'une rectification, la liste des produits pour lesquels la marque
est demandée a été dressée de la manière suivante:
"Profilés métalliques, profilés en alliages et profilés en acier, profilés pour
voies ferrées et transporteurs, charnières métalliques, coulisses métalliques
et porte-outils métalliques ne faisant pas partie intégrante d'un autre objet
et boîtes à outils métalliques (pour outils pour travailler le bois),
glissières télescopiques métalliques, profilés métalliques pour corps de
cadenas, barres de support métalliques, mâts métalliques, barres métalliques,
tiges métalliques. Matériaux de construction métalliques, à savoir mâts,
barres, tiges, joints pour raccords de tubes, cadenas, charpentes, glissières.
Matériaux de construction métalliques pour voies ferrées, à savoir voies pour
véhicules de transports par voie ferrée, rails, aiguillages, traverses, sauts
de loup, métaux pour voies ferrées, barres de support stators pour accessoires
générateurs pour rails électriques, à savoir gabarits et traverses pour voies
ferrées".

B.
Par décision du 23 août 2007, l'Institut fédéral a rejeté la demande
d'enregistrement. Il a considéré que la marque proposée était de nature à
induire en erreur, parce que Calvi est une ville de Corse, connue en Suisse, et
que les produits de la requérante ne proviennent ni de Corse, ni même de
France.
Statuant sur recours de Calvi S.p.A. par arrêt du 10 novembre 2008, le Tribunal
administratif fédéral a annulé la décision attaquée et invité l'Institut
fédéral à procéder à l'enregistrement de la marque pour tous les produits
revendiqués de la classe 6. Il a estimé que l'on pouvait exclure que le nom de
Calvi puisse être associé avec la provenance géographique des produits
désignés.

C.
L'Institut fédéral exerce un recours en matière civile auprès du Tribunal
fédéral contre l'arrêt précité, dont il conclut à l'annulation, la demande
d'enregistrement de marque étant rejetée pour l'ensemble des produits.
L'intimée conclut au rejet du recours.
L'effet suspensif sollicité par le recourant a été accordé par ordonnance du 22
janvier 2009.
Considérant en droit:

1.
1.1 Le recours en matière civile est ouvert contre les décisions se rapportant
à la tenue du registre des marques (art. 72 al. 2 let. b ch. 2 LTF), étant
observé que l'on ne se trouve pas dans l'hypothèse où un tiers s'oppose à
l'enregistrement d'une marque (cf. art. 73 LTF).
La qualité pour recourir appartient, pour autant que le droit fédéral le
prévoie, aux unités de l'Administration fédérale si l'acte attaqué est
susceptible de violer la législation fédérale dans leur domaine d'attributions
(art. 76 al. 2 LTF). L'art. 29 al. 3 de l'ordonnance du Conseil fédéral du 17
novembre 1999 sur l'organisation du Département fédéral de justice et police
(Org DFJP; RS 172.213.1) prévoit que l'Institut fédéral de la propriété
intellectuelle peut recourir au Tribunal fédéral. Il n'est par ailleurs pas
douteux que l'Institut fédéral est chargé de veiller au respect de la loi dans
la tenue du registre des marques (art. 2 al. 1 let. b de la Loi fédérale du 24
mars 1995 sur le statut et les tâches de l'Institut fédéral de la propriété
intellectuelle; LIPI, RS 172.010.31). L'Institut a donc qualité pour recourir.
Dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu par le Tribunal
administratif fédéral (art. 75 al. 1 LTF), dans une affaire pécuniaire dont la
valeur litigieuse atteint manifestement le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1
let. b LTF; ATF 133 III 490 consid. 3), le recours est en principe recevable,
puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 45 al. 1 et 100 al. 1 LTF) et la
forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

1.2 Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est
délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit
d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments
soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués ou, à l'inverse, rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente (ATF 134 III 102 consid. 1.1 et
l'arrêt cité). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al.
1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le
Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas
tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui (ATF 134 III 102 consid. 1.1). Il ne peut pas entrer en matière sur
la violation d'un droit constitutionnel ou sur une question relevant du droit
cantonal ou intercantonal si le grief n'a pas été invoqué et motivé de manière
précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF).

1.3 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce
qui correspond à la notion d'arbitraire (ATF 134 V 53 consid. 4.3 - ou en
violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).
La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité
précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions
d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de
quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de
celui contenu dans la décision attaquée. Une correction ne peut d'ailleurs être
demandée que si elle est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97
al. 1 LTF). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins
de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).

1.4 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art.
107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF).
En cas d'admission du recours, le Tribunal fédéral peut statuer lui-même sur le
fond (art. 107 al. 2 LTF).

2.
2.1 Les signes propres à induire en erreur ne peuvent bénéficier de la
protection accordée aux marques et ne peuvent donc pas être inscrits au
registre (art. 2 let. c de la Loi fédérale du 28 août 1992 sur la protection
des marques et des indications de provenance; LPM, RS 232.11).
Des signes sont propres à induire en erreur notamment lorsqu'ils font croire à
une provenance qui ne correspond pas à la réalité (ATF 132 III 770 consid. 2.1
p. 772; 128 III 454 consid. 2.2 p. 460).
Le refus d'admettre en Suisse les marques trompeuses, notamment celles qui font
croire faussement à une provenance déterminée, ne viole pas les engagements
internationaux qui lient le pays (cf. art. 5 al. 1 de l'Arrangement de Madrid
concernant l'enregistrement international des marques révisé à Stockholm le 14
juillet 1967, RS 0.232.112.3; art. 6 quinquies let. B ch. 3 de la Convention de
Paris pour la protection de la propriété industrielle révisée à Stockholm le 14
juillet 1967, RS 0.232.04; ATF 128 III 454 consid. 2 p. 457).
Les pays disposent en cette matière d'un large pouvoir d'appréciation et leurs
décisions peuvent donc diverger. Que la partie requérante ait pu obtenir
l'enregistrement de la marque proposée dans un pays étranger ne lui donne pas
ipso facto un droit à l'enregistrement en Suisse; les autorités suisses
déterminent librement, sans être liées par les décisions étrangères, si les
signes sont ou non propres à induire en erreur (ATF 129 III 225 consid. 5.5;
arrêt 4A.8/2006 du 23 mai 2006 publié in sic ! 10/2006 p. 666 consid. 3; arrêt
4A.4/2004 du 13 octobre 2004 publié in sic ! 5/2005 p. 366 consid. 2.3).

2.2 Lorsqu'une marque contient un nom géographique ou se compose exclusivement
d'un nom géographique, elle incite normalement le lecteur à penser que le
produit provient de l'endroit indiqué (ATF 132 III 770 consid. 2.1 p. 772; 128
III 454 consid. 2.2 p. 460). C'est un fait d'expérience que la désignation
géographique éveille chez le consommateur l'idée que le produit qu'elle couvre
provient du pays désigné (ATF 97 I 79 consid. 1 p. 80; 93 I 570 consid. 3 p.
571).
La mention d'un nom géographique est donc habituellement comprise comme une
indication de provenance. L'art. 47 al. 1 LPM définit de manière large la
notion d'indication de provenance, ce qui signifie que la mention d'un nom
géographique suffit en principe.

2.3 L'intimée soutient que le mot "Calvi" ne fait pas nécessairement penser à
la ville corse de ce nom, mais évoque plutôt un nom propre relativement
fréquent (porté notamment par un banquier tristement célèbre) ou encore des
cités italiennes. L'autorité précédente a constaté en fait (art. 105 al. 1 LTF)
que le patronyme Calvi existe effectivement en Suisse et qu'il existe plusieurs
villages italiens de ce nom, à savoir Calvi en Campanie, Calvi dell'Umbria en
Ombrie et Moio de Calvi en Lombardie.
Lorsqu'un mot est susceptible de plusieurs significations, il faut rechercher
celle qui s'impose le plus naturellement à l'esprit en tenant compte de la
nature du produit en cause. Ainsi, la jurisprudence a déjà admis que le mot
"Montparnasse" apposé sur des objets relativement luxueux évoquait le quartier
parisien de ce nom, et non pas la montagne de la mythologie grecque (ATF 117 II
327 consid. 1b p. 329 s.).
Les villages italiens dont la procédure a révélé l'existence sont parfaitement
inconnus des clients potentiels en Suisse. Les constatations du Tribunal
administratif fédéral - qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF) - ne
permettent en rien de penser que l'un de ces noms ait acquis la moindre
notoriété en Suisse. En conséquence, on ne voit pas pourquoi un client suisse
devrait penser plutôt à ces villages italiens.
Qu'un nom de lieu soit également porté comme nom de famille par des personnes
physiques ne lui enlève pas sa signification géographique. Ainsi la
circonstance que l'écrivain américain Jack London soit célèbre n'enlève rien au
fait que la mention du mot "London" sur un produit fait immanquablement penser
à la capitale de la Grande-Bretagne. On cherche en vain, s'agissant ici
d'objets métalliques, la raison pour laquelle il conviendrait de penser plutôt
à une personne physique. En particulier, il n'apparaît pas qu'il faudrait faire
le lien entre ces objets et le banquier Roberto Calvi qui a défrayé la
chronique il y a quelques années. Quant à savoir si le nom de l'entreprise
italienne intimée s'est imposé sur le marché, il s'agit d'une autre question,
qui sera examinée ultérieurement.
Si on utilise le moteur de recherche le plus fréquemment employé (i.e. Google),
on constate que le mot "Calvi" fait apparaître en premier lieu des sites
consacrés à la ville corse, et non pas à des villages italiens ou à des
personnes physiques.
Il faut en déduire que le terme "Calvi" évoque le plus naturellement la cité
corse. Il s'agit donc d'un nom géographique qui peut en principe être
interprété comme une indication de provenance.

2.4 Pour ne pas tromper les clients potentiels, une indication de provenance
doit être exacte (art. 47 al. 3 let. a et b LPM). Bien que l'art. 47 al. 4 LPM
ne vise que les services, la jurisprudence a admis, pour les produits
également, qu'il suffit qu'ils proviennent du pays désigné par le nom
géographique (ATF 117 II 327 consid. 2a p. 330 et les arrêts cités).
En l'espèce, la société italienne intimée n'a pas voulu restreindre sa
revendication à des produits venant de France. On peut en inférer que les
produits qu'elle se propose de commercialiser en Suisse sous la marque
litigieuse ne proviennent en général ni de la Corse, ni même de France.
Aussi le nom géographique donne-t-il une indication de provenance inexacte
(art. 47 al. 3 let. a LPM), ce qui est de nature à induire en erreur (art. 2
let. c LPM).

2.5 Pour qu'une indication de provenance fausse soit prohibée, il n'est pas
nécessaire que la production au lieu indiqué jouisse d'un prestige particulier
(ATF 128 III 454 consid. 2.2 p. 461). Dès lors qu'un lien de provenance est
plausible, il n'est pas indispensable qu'il y ait effectivement une production
concurrente au lieu indiqué (arrêt 4A.8/1994 du 25 août 1995 consid. 2c, publié
in PMMBl 1996 I p. 25).
Peu importe donc en l'occurrence que la métallurgie corse ne jouisse pas d'un
prestige particulier et qu'il n'y ait pas d'usine dans la ville de Calvi.
La marque trompeuse est prohibée dès qu'il existe un risque de confusion pour
les clients potentiels (ATF 132 III 770 consid. 2.1 p. 773; 128 III 454 consid.
2.2 p. 460 s.); en conséquence, il n'est pas impératif d'établir que des gens
se sont effectivement trompés.

2.6 Par exception aux principes qui viennent d'être rappelés, il est permis
d'utiliser un nom géographique comme marque ou de le faire entrer dans la
composition d'une marque si ce nom ne peut pas être considéré par les milieux
intéressés, c'est-à-dire les clients potentiels, comme une référence à la
provenance des produits ou services (art. 47 al. 2 LPM). Pour trancher cette
question, il faut analyser les circonstances propres au cas d'espèce (ATF 132
III 770 consid. 2.1 p. 772 s.; 128 III 454 consid. 2.2 p. 460 s.).
Dans un arrêt de principe (ATF 128 III 454, Yukon), la jurisprudence a
identifié six cas dans lesquels l'utilisation d'un nom géographique est
admissible. Il convient maintenant de les examiner un à un.
2.6.1 L'utilisation d'un nom géographique est admissible lorsque les clients
potentiels ignorent qu'il s'agit d'un nom géographique et ne peuvent donc faire
aucun lien avec l'endroit désigné (ATF 128 III 454 consid. 2.1.1).
En l'espèce, l'autorité précédente a constaté en fait - d'une manière qui lie
le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF) - que Calvi est la première
destination touristique de la Haute-Corse, que la cité est la plus occupée de
l'île durant la saison et qu'il s'agit d'une destination de vacances proposée
en Suisse; elle a conclu des preuves apportées que Calvi est en Suisse une
destination touristique connue. Comme l'intimée n'a pas établi que sa clientèle
présenterait des caractéristiques particulières, il faut en déduire que
certains de ses clients sauront nécessairement que Calvi est une ville corse.
Il ne s'agit ainsi pas d'un lieu inconnu, ce qui exclurait toute confusion sur
la provenance.
2.6.2 Un nom géographique peut être utilisé comme marque si les clients ne
peuvent pas imaginer que le produit provienne de ce lieu, parce que celui-ci
revêt un pur caractère symbolique (ATF 128 III 454 consid. 2.1.2). Ainsi, la
jurisprudence a admis que des cigarettes mentholées Alaska évoquaient
manifestement la fraîcheur, et non pas la provenance du produit (ATF 89 I 290
consid. 5). La portée de cette exception est toutefois restreinte, puisque la
jurisprudence, dans un autre cas, n'a pas admis la marque Alaska pour des
boissons, en considérant que le public pouvait penser que celles-ci provenaient
effectivement de l'Alaska (arrêt 4A.5/1994 du 2 août 1994 consid. 3, publié in
PMMBl 1994 I p. 76).
En l'espèce, on ne voit pas que le mot "Calvi" apposé sur des produits
métalliques puisse avoir une valeur de symbole ou un caractère de plaisanterie
qui exclurait d'emblée une indication de provenance.
2.6.3 La jurisprudence a aussi admis que des noms géographiques puissent être
utilisés pour distinguer les modèles d'une même marque, par exemple le
téléphone Ascona (ATF 128 III 454 consid. 2.1.4). C'est probablement à cette
catégorie que se rattache le cas du chocolat Torino, évoqué par l'intimée; quoi
qu'il en soit, la jurisprudence qu'elle cite à ce propos émane d'une
juridiction cantonale et ne saurait donc lier le Tribunal fédéral (arrêt du
Tribunal cantonal vaudois dans la cause Torino in sic ! 2/2008 p. 114).
Dans le cas présent, il n'est pas question d'utiliser des noms géographiques
pour distinguer les modèles produits par une même entreprise. Ce cas de figure
n'entre pas en considération.
2.6.4 L'utilisation d'un nom géographique est admissible si celui-ci s'est
imposé dans l'esprit du public comme le nom d'une entreprise déterminée (ATF
128 III 454 consid. 2.1.5). Dans la jurisprudence, on trouve le cas de l'eau
minérale Valser (ATF 117 II 321) et de la fabrique de papier Sihl (ATF 92 II
270 consid. 2).
In casu, l'intimée a certes prétendu que le nom de son entreprise s'était
imposé pour les produits en question sur le marché spécialisé. Cependant, celui
qui prétend que sa marque s'est imposée sur le marché doit en apporter la
preuve et il s'agit là d'une question de fait (ATF 130 III 478 consid. 3.3 p.
480). Or il ne ressort pas des constatations du Tribunal administratif fédéral
que l'intimée ait apporté cette preuve, ce qui coupe court à la question (art.
105 al. 1 LTF).
2.6.5 Un nom géographique peut également être utilisé s'il est entré dans le
langage courant pour désigner une chose de genre sans que l'on ne songe plus à
une indication de provenance; l'exemple classique de cette catégorie est l'eau
de Cologne (ATF 128 III 454 consid. 2.1.6).
Il n'y a évidemment rien de semblable en l'espèce. Dans le langage courant, le
nom de Calvi n'est pas associé à des produits métalliques.
2.6.6 Enfin, l'utilisation d'un nom géographique est admise lorsque celui-ci
désigne un lieu inhabité ou en tout cas impropre à la production en cause, de
sorte que personne ne pourrait concevoir qu'il s'agisse du lieu de provenance;
on cite habituellement, à titre d'exemple, le Sahara (ATF 128 III 454 consid.
2.1.3).
L'autorité précédente et l'intimée se placent sur ce terrain et considèrent que
l'on ne peut pas imaginer qu'une production métallurgique importante provienne
de Calvi en Corse.
Dans le cas du territoire du Yukon, il a été constaté que cette région, très
éloignée de la Suisse, était présentée dans la publicité touristique comme
étant avant tout sauvage et qu'il n'y avait effectivement aucune production
locale qui soit susceptible, même dans un avenir prévisible, d'être importée en
Suisse; le Tribunal fédéral en a déduit que les clients devaient comprendre
cette désignation comme un nom de fantaisie, et non comme une indication de
provenance, de sorte qu'il n'y avait pas de risque que le public soit induit en
erreur (ATF 128 III 454 consid. 3). A l'inverse, dans le cas du Colorado,
région éminemment touristique à laquelle s'attache l'image d'aridité, il a été
constaté qu'il y avait néanmoins une production industrielle et qu'il était
donc possible que des clients croient à une indication de provenance, ce qui a
conduit la juridiction fédérale suprême à prohiber la marque pour des
marchandises ne provenant pas des Etats-Unis (ATF 132 III 770 consid. 2.2 p.
773/774).
En l'espèce, l'autorité précédente a constaté souverainement (art. 105 al. 1
LTF) qu'en 2004/2005, le 7 % de la valeur ajoutée en Corse provenait de
l'industrie. Bien que le tissu industriel y soit peu développé, il existe des
établissements importants isolés, notamment dans le secteur de la chaudronnerie
et des constructions métalliques; on y trouve aussi des industries s'occupant
notamment de la métallurgie, de la transformation des métaux, ainsi que des
composants électriques et électroniques.
Sachant qu'une certaine industrie métallique existe en Corse, on peut
parfaitement imaginer qu'une usine, implantée dans la région de Calvi,
choisisse le nom de cette ville pour profiter de sa notoriété touristique. La
Corse n'est pas très éloignée de la Suisse. Le fait que de nombreux Suisses y
passent leurs vacances et en ont probablement une image favorable pourrait
inciter un industriel corse à exporter ses produits notamment en Suisse. Il
n'est donc pas invraisemblable de penser que des produits métalliques puissent
provenir de Corse. Peu importe à cet égard, comme on l'a vu, que les fins
spécialistes de l'île sachent qu'il n'y a pas d'usine métallurgique à Calvi. Il
suffit, pour que la marque soit trompeuse, que des clients puissent
raisonnablement se figurer, en lisant le mot "Calvi," que ces produits
métalliques proviennent d'une entreprise corse. Ainsi, la marque proposée est
de nature à induire en erreur les clients potentiels sur la provenance des
produits, puisque ceux-ci ne proviennent ni de Corse, ni même du reste de la
France. Il en résulte que l'enregistrement de la marque doit être refusé (art.
2 let. c LPM).
Que l'on voie à l'arrière-plan de la maque un engrenage n'est pas déterminant.
En effet, ce dessin ne fait qu'évoquer le produit lui-même et n'indique rien
quant à sa provenance. Cette adjonction n'infirme ni ne confirme que les
produits proviennent de Calvi, de sorte que cet élément est sans pertinence
pour trancher la question litigieuse.

3.
En définitive, le recours doit être admis, l'arrêt attaqué étant annulé. Il
sera prononcé que l'enregistrement de la marque litigieuse est refusé pour tous
les produits revendiqués.
Les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe, soit
l'intimée (art. 66 al. 1 LTF).
Il n'est pas alloué de dépens à l'autorité qui a obtenu gain de cause dans
l'exercice de ses attributions officielles (art. 68 al. 3 LTF), étant observé
d'ailleurs qu'elle n'a pas recouru aux services d'un avocat.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé. L'enregistrement de la
marque litigieuse est refusé pour tous les produits revendiqués.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal administratif
fédéral, Cour II.

Lausanne, le 9 mars 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:

Klett Ramelet