Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.583/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_583/2008

Arrêt du 23 mars 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mme et MM. les Juges Klett, présidente, Corboz
et Kolly.
Greffier: M. Ramelet.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Jérôme Bénédict,

contre

Y.________ SA,
intimée, représentée par Me Nicolas Mattenberger.

Objet
résiliation de bail,

recours contre l'arrêt rendu le 17 septembre 2008 par la Chambre des recours du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Faits:

A.
A.a Par contrat du 30 octobre 1996, A.________ a remis à bail dès le 1er
novembre 1996 à Y.________ SA, qui est active dans le domaine de la livraison à
domicile de produits alimentaires, des locaux commerciaux à usage d'un
restaurant à l'enseigne « R.________ » sis dans l'immeuble dont il était
propriétaire au quai V.________, dans la ville K.________. Le bail, qui devait
se terminer le 30 juin 2005, était renouvelable de cinq ans en cinq ans, sauf
avis de résiliation donné par l'une des parties au moins une année à l'avance;
à partir du 1er mars 1999, le loyer mensuel se montait à 1'900 fr.

Par un second contrat du 1er juillet 1999, A.________ a loué à Y.________ SA un
local commercial situé dans la même localité à la rue W.________, soit derrière
le bâtiment sis quai V.________. Le bail, conclu pour une année à compter du
1er juillet 1999, se renouvelait d'année en année, à moins d'être résilié au
moins trois mois à l'avance pour la prochaine échéance; le loyer mensuel net
était de 350 fr., plus différents frais accessoires.
A.b Lors de la signature de ces contrats, Y.________ SA exploitait déjà devant
l'immeuble jouxtant le quai V.________ une terrasse ouverte le soir jusqu'à 24
h d'avril à octobre. Au début de l'année 2001, elle a sollicité l'extension de
cette terrasse à main droite des locaux remis à bail par A.________.

Par décision du 15 mai 2001, la Cheffe du Département vaudois de l'économie a
accordé l'autorisation requise, avec la réserve que la terrasse devait être
fermée désormais à 22 h 30 en semaine et à 23 h 30 le week-end, le service à la
clientèle devant être arrêté 15 minutes avant la fermeture.

Y.________ SA ayant recouru devant le Tribunal administratif du canton de Vaud
uniquement sur la question des heures de fermeture de la terrasse, le Juge
instructeur de cette juridiction, par décision incidente du 24 juillet 2001, a
accordé l'effet suspensif au recours, au motif que l'exploitation de la
terrasse n'avait pas donné lieu à des plaintes du voisinage.
Le 16 avril 2002, Y.________ SA a obtenu de l'autorité compétente
l'autorisation, requise le 13 décembre 2001, de maintenir la terrasse du
restaurant à l'année.
A.c En mars 2002, X.________, fils de A.________, s'est installé dans un
appartement sis au 1er étage de l'immeuble du quai V.________; ce logement est
situé juste au-dessus des locaux pris à bail par Y.________ SA. Il a été retenu
qu'à partir de ce moment, toutes les décisions importantes relatives à
l'immeuble ont été prises par X.________.

Le 5 juillet 2002, A.________ a résilié les deux baux portant sur les locaux
sis rue W.________ et quai V.________ respectivement pour le 30 juin 2003 et le
30 juin 2005. Le bailleur a fondé les résiliations sur les nuisances
occasionnées aux occupants de l'immeuble par l'exploitation du café-restaurant
et par le besoin du propriétaire de récupérer l'usage des choses louées pour
les mettre à disposition d'un membre de sa famille.

Par courrier du 10 juillet 2002 adressé à Y.________ SA, A.________ a invoqué
la persistance de nuisances, priant la locataire d'y mettre fin.

Alertée le 25 juillet 2002 par X.________ qui se plaignait du bruit émanant de
la terrasse de l'établissement public précité, la police municipale de la Ville
K.________ n'a constaté aucune nuisance sonore.

Par un courrier signé entre le 14 et le 17 octobre 2002, douze personnes, dont
A.________ et X.________, ont adressé des plaintes au Service vaudois de
l'environnement et de l'énergie en raison de nuisances prétendument engendrées
par le restaurant « R.________ ». Il a été constaté qu'à l'exception des
prénommés, aucun autre signataire n'était domicilié dans les immeubles rue
W.________ et quai V.________.

En été 2002, le Juge de paix compétent, saisi par X.________, a désigné un
expert pour relever les émanations sonores provenant de la terrasse exploitée
par Y.________ SA. Cet expert hors procès, dans son rapport du 5 octobre 2002
et son rapport complémentaire du 19 juillet 2003, a exposé que l'appartement de
X.________ subissait des nuisances sonores pouvant dépasser jusqu'à 20 dB le
bruit de fond et que lesdites nuisances étaient provoquées tant par l'ouverture
nocturne de la terrasse que par l'intérieur du restaurant en raison de
l'ouverture des vitrines.
Le Service de l'environnement et de l'énergie a répondu le 6 mai 2003 à
X.________ en substance que si des incommodités olfactives pouvaient être
ressenties dans l'appartement du précité, il n'était pas possible de les
qualifier d'excessives; le service administratif a rappelé que le fait de
choisir d'habiter en ville demande une certaine tolérance aux activités
communautaires qui s'y déroulent.

B.
B.a Saisie par Y.________ SA, la Commission de conciliation en matière de baux
à loyer compétente, par décision du 13 février 2003, a déclaré valables les
congés notifiés à la locataire et accordé à celle-ci une unique prolongation au
30 juin 2006 pour l'ensemble des locaux.

Le 13 mars 2003, Y.________ SA a requis devant le Tribunal des baux du canton
de Vaud principalement l'annulation des deux congés qui lui ont été signifiés
le 5 juillet 2002, subsidiairement une prolongation des baux en cause d'une
durée de six ans.
A.________ ayant adressé à Y.________ SA le 17 mars 2003 pour le 30 avril 2003
un congé extraordinaire en application de l'art. 257f al. 3 CO concernant les
locaux commerciaux sis rue W.________, la locataire a derechef saisi la
Commission de conciliation, laquelle, par décision du 17 juillet 2003, a
déclaré ce congé valable, une unique prolongation de bail au 30 juin 2006 étant
accordée à Y.________ SA.

Le 29 juillet 2003, Y.________ SA a sollicité du Tribunal des baux, à titre
principal, l'annulation de ce congé extraordinaire, à titre subsidiaire une
prolongation du contrat de six ans.

Par exploit du 5 août 2003, le Président du Tribunal des baux a joint ces deux
causes en vue d'une instruction et d'un jugement communs.

A.________ a conclu à ce qu'il soit dit que les résiliations de bail qu'il a
notifiées à Y.________ SA les 5 juillet 2002 et 17 mars 2003 ont été
valablement données, la locataire devant rendre libres les locaux commerciaux
de la rue W.________ au plus tard dans les dix jours de la décision à
intervenir et ceux du quai V.________ au plus tard le 10 juillet 2005, sous la
menace des peines prévues par l'art. 292 CP.
B.b Le 6 mai 2004, X.________ a acquis par donation la propriété des immeubles
de son père et a repris les baux en application de l'art. 261 CO. Le Tribunal
des baux a pris acte de la substitution de parties.
B.c Entendu en comparution personnelle, X.________ a déclaré qu'il exploitait à
Lausanne, sous la forme d'une société en nom collectif, un bureau de conseils
pour des étrangers désirant s'établir en Suisse et qu'il souhaitait ouvrir une
succursale dans les locaux loués par la demanderesse; il a précisé avoir eu
cette idée quand il s'est installé dans la ville K.________. en mars 2002, car
son père lui avait dit que les lieux conviendraient parfaitement à ses
activités. Le Tribunal des baux a entendu sept témoins et effectué une
inspection locale des locaux remis à bail à Y.________ SA ainsi que de
l'appartement de X.________.

En cours d'instance, le défendeur X.________ a produit une expertise privée
réalisée par un ingénieur en 2003, dont il ressort que l'isolation aux sons
aériens entre le restaurant et l'appartement où loge le prénommé est
insuffisante en regard de l'exigence légale, ce qui entraîne la perception de
nuisances dans l'appartement provenant de « l'excitation » du plancher en bois,
l'isolation « au bruit de chocs » étant en revanche correcte.
B.d Par jugement du 8 avril 2005 notifié le 31 mai 2006, le Tribunal des baux a
annulé les résiliations de bail signifiées le 5 juillet 2002 portant sur les
locaux sis rue W.________ et quai V.________ et déclaré inefficace le congé
extraordinaire notifié le 17 mars 2003 en rapport avec les locaux commerciaux
sis rue W.________. S'agissant des congés donnés le 5 juillet 2002, cette
autorité a considéré, d'une part, que le défendeur, qui avait emménagé cinq ans
après la remise en location des locaux du quai V.________ à la demanderesse,
devait s'attendre à être confronté aux nuisances qui pouvaient résulter de
l'exploitation du café-restaurant et, d'autre part, qu'il n'avait pas démontré
la réalité d'un besoin propre pour lui-même des locaux loués. Au sujet de la
résiliation du 17 mars 2003, le Tribunal des baux a admis que les conditions
d'un congé extraordinaire n'étaient pas réunies.
Saisie du recours formé par X.________ contre ce jugement, la Chambre des
recours du Tribunal cantonal vaudois, par arrêt du 28 mars 2007, l'a rejeté.

Statuant sur le recours en matière civile interjeté par X.________ contre ledit
arrêt, le Tribunal fédéral, par arrêt du 15 novembre 2007 (affaire 4A_252/
2007), l'a annulé conformément à l'art. 112 al. 3 LTF et a retourné la cause à
la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. La
juridiction fédérale a retenu que l'arrêt déféré ne permettait pas de statuer
sur la querelle, à défaut d'avoir déterminé les faits pertinents résultant de
l'administration des preuves opérée par le Tribunal des baux.
B.e Reprenant l'instruction, la Chambre des recours a déclaré admissible la
production par X.________ de deux nouvelles pièces, postérieures au jugement du
Tribunal des baux. La première est un arrêt rendu par le Tribunal administratif
le 28 octobre 2005, confirmant que l'horaire d'exploitation de la terrasse du
café-restaurant « R.________ » pouvait s'étendre jusqu'à 23 h du dimanche soir
au jeudi soir et jusqu'à 24 h les vendredis et samedis soirs, car s'il est vrai
que le propriétaire est soumis à des nuisances importantes jusqu'à 23 h, cette
situation est tolérable du fait que son logement comporte une pièce de séjour
donnant à l'arrière sur une zone calme. La seconde est un courrier du Service
de l'environnement et de l'énergie du 1er septembre 2006 considérant que les
sorties d'air de l'établissement public ne sont pas adéquates en raison de leur
proximité avec les fenêtres de X.________, mais que ce dernier n'en subit pas
d'incommodités olfactives excessives.

Par arrêt du 17 septembre 2008, la Chambre des recours a de nouveau rejeté le
recours déposé par X.________ contre le jugement rendu le 8 avril 2005 par le
Tribunal des baux, cette décision étant confirmée. La cour cantonale a retenu
que les nuisances invoquées par le bailleur comme motif de résiliation
n'étaient qu'un prétexte, de sorte que les congés reposant sur ce motif étaient
contraires aux règles de la bonne foi. Elle a en outre jugé que le besoin
personnel dont s'est prévalu le défendeur n'était pas établi, ni même
d'ailleurs rendu vraisemblable.

C.
X.________ exerce contre cet arrêt un recours en matière civile au Tribunal
fédéral. Il conclut principalement à ce qu'il soit dit que les deux congés
notifiés à la demanderesse le 5 juillet 2002 sont valables, celle-ci devant
quitter et nettoyer lesdits locaux commerciaux dans les dix jours suivant la
reddition de l'arrêt fédéral, cela sous la menace de la peine prévue en cas
d'insoumission à une décision de l'autorité au sens de l'art. 292 CP.
Subsidiairement, le recourant requiert l'annulation de l'arrêt cantonal «pour
nouvelle décision dans le sens des considérants de l'arrêt à intervenir ». Plus
subsidiairement, il sollicite le renvoi de la cause à l'autorité cantonale «
pour qu'elle complète l'état de fait de la décision attaquée dans le sens des
considérants de l'arrêt à intervenir ».

L'intimée propose le rejet des conclusions prises par le recourant.

Le recourant a déposé une réplique, en confirmant les conclusions de son
recours.

Considérant en droit:

1.
1.1 La valeur litigieuse est déterminée, en cas de recours contre une décision
finale, par les conclusions restées litigieuses devant l'autorité précédente
(art. 51 al. 1 let. a LTF). In casu, les conclusions principales demeurées
litigieuses devant la Chambre des recours tendaient à l'annulation des
résiliations de bail signifiées les 5 juillet 2002 et 17 mars 2003. Lorsque le
bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, la valeur
litigieuse s'élève, si le congé est contesté, au moins à trois ans de loyer
(arrêt 4C.155/2000 du 30 août 2000 consid. 1a, in SJ 2001 I p. 17; ATF 119 II
147 consid. 1). Les loyers des locaux remis à bail dépassant 2'000 fr. par
mois, la valeur litigieuse minimale de 15'000 fr. requise en droit du bail est
atteinte (art. 74 al. 1 let. a LTF).

1.2 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions principales
tendant à l'annulation des congés notifiés et qui a ainsi la qualité pour
recourir (art. 76 al. 1 LTF), dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu
en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière
instance (art. 75 LTF), le recours est par principe recevable, puisqu'il a été
déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par
la loi.

Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit, tel
qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. En vertu de l'exception ancrée à
l'art. 106 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur la
violation d'un droit de rang constitutionnel ou sur une question afférente au
droit cantonal ou intercantonal si le grief n'a pas été invoqué et motivé de
manière détaillée par la partie recourante. Pour le reste, il applique le droit
d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments soulevés dans
le recours ni par la motivation retenue dans la décision déférée; il peut donc
admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui ont été articulés, ou à
l'inverse, rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle
de l'autorité précédente (ATF 134 III 102 consid. 1.1 et l'arrêt cité).
Toutefois, compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1
et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal
fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de
traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui (ATF 134 II 244 consid. 2.1; 134 III 102 consid. 1.1).

1.3 Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral conduit son
raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente
(art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les constatations
factuelles de l'autorité cantonale ont été établies de façon manifestement
inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst.
(ATF 134 V 53 consid. 4.3) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF
(art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible
d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Il appartient au
recourant de soulever expressément un grief à ce propos et de présenter une
démonstration précise et circonstanciée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 II 244
consid. 2.2; 133 II 545 consid. 2.2).

Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter
de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).

Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107
al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF).

2.
Dans un premier moyen, le recourant, sur quatre pages, présente des faits qui
n'auraient pas été retenus par la cour cantonale dans l'arrêt déféré, alors
qu'ils auraient été établis par pièces ou expertises, admis par la partie
adverse, voire prouvés par l'impossibilité de démontrer le contraire. Si pour
ceux d'entre eux qui se rapportent aux nuisances subies par son logement, le
défendeur suppose qu'ils ne figurent pas dans l'état de fait de l'arrêt
critiqué en raison de leur défaut de pertinence quant aux questions à résoudre,
il affirme que les autres faits auraient été simplement omis, ce qui
permettrait au Tribunal fédéral de compléter d'office les constatations de
l'autorité précédente au sens de l'art. 105 al. 2 LTF. Le recourant, déclarant
agir « par prudence », fait valoir que la cour cantonale n'aurait pas donné de
motivation claire à ce sujet, violant par là même son droit d'être entendu
protégé par l'art. 29 al. 2 Cst. Il se plaint encore d'une appréciation
arbitraire des preuves et d'une transgression de l'art. 8 CC.

2.1 Selon la jurisprudence, l'art. 105 al. 2 LTF trouve application lorsque le
Tribunal fédéral, en examinant les griefs soulevés, constate une inexactitude
manifeste dans l'état de fait de l'autorité précédente ou lorsque celle-ci
saute d'emblée aux yeux (ATF 133 IV 286 consid. 6.2 p. 288; 133 II 249 consid.
1.4.3 p. 255).

Le recourant ne peut se limiter à présenter une relation différente ou plus
détaillée des faits retenus par l'autorité cantonale et demander au Tribunal
fédéral de se fonder sur cette version remaniée, sans démontrer de manière
circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al.
2 LTF seraient réalisées, singulièrement en quoi il serait arbitraire d'avoir
retenu ou non un fait régulièrement allégué en instance cantonale, et en quoi
cette décision aurait influé sur l'issue de la querelle. Or c'est précisément
le travers dans lequel est tombé le recourant dans le cas présent.

De toute manière, il n'apparaît pas que l'état de fait dressé par l'autorité
cantonale après que le Tribunal fédéral lui a retourné l'affaire soit
manifestement inexact ou comporte des inexactitudes devenues évidentes. Il est
rédigé sur 19 pages et contient des constatations claires exposées
chronologiquement. Il fait en outre sien l'ensemble des faits constatés par le
Tribunal des baux, que cette autorité a soigneusement relatés sur 29 pages.

Le Tribunal fédéral n'a donc pas à faire application de l'art. 105 al. 2 LTF
pour compléter l'état de fait de l'arrêt critiqué.

2.2 Le droit d'être entendu ancré à l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment
l'obligation pour le juge de motiver sa décision, afin que le justiciable
puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et que l'autorité de
recours puisse exercer son contrôle. Il suffit cependant que le juge mentionne,
au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa
décision. Il n'y a violation du droit d'être entendu que si l'autorité ne
satisfait pas à son devoir minimum d'examiner et de traiter les problèmes
pertinents (ATF 134 I 83 consid. 4.1; 133 III 439 consid. 3.3).

Au considérant 5 let. b de l'arrêt attaqué (page 25), la Chambre des recours a
écrit que les nombreux développements que le recourant a consacrés à propos de
l'ampleur des nuisances générées par l'établissement public sont dénués de
pertinence, dès l'instant où le bailleur initial (i.e. le père du recourant)
savait que la demanderesse allait exploiter un café-restaurant dans les locaux
qu'il lui a loués et que cette pizzeria était susceptible d'engendrer des
nuisances pour l'appartement situé juste au-dessus.

Cette explication est limpide. On comprend donc parfaitement les motifs qui ont
amené les magistrats vaudois à qualifier ces faits de non déterminants. Il n'y
a pas l'ombre d'une violation du droit à obtenir une décision motivée.

Quant aux griefs d'appréciation arbitraire des preuves administrées et
d'atteinte au droit à la preuve déduit de l'art. 8 CC, ils sont irrecevables
faute d'une motivation conforme respectivement aux art. 106 al. 2 LTF et 42 al.
1 et 2 LTF.

L'ensemble du moyen doit être rejeté en tant qu'il est recevable.

3.
Le recourant allègue que c'est par une application arbitraire du droit
cantonal, notamment de l'art. 456a CPC/VD, que la cour cantonale, dans le cadre
de l'instruction complémentaire qu'elle a ordonnée en application de cette
norme, n'a pris en compte que deux pièces postérieures au jugement du Tribunal
des baux, et non pas d'autres pièces nouvelles.

L'art. 456a al. 1 CPC/VD autorise exceptionnellement le Tribunal cantonal, sans
délibération publique, à ordonner l'administration de toute preuve ou mesure
d'instruction qu'il juge utiles. Selon la jurisprudence cantonale, la
production d'une pièce nouvelle doit être admise restrictivement eu égard
notamment au droit des parties à la double instance quant à l'appréciation des
faits (JdT 2003 III 16 consid. 2c p. 18).
Le recourant ne démontre nullement en quoi l'autorité cantonale aurait enfreint
arbitrairement cette disposition en limitant l'instruction complémentaire
opérée en deuxième instance à la production de deux pièces, et non d'un lot de
documents. En se bornant à clamer l'arbitraire, le recourant ne présente pas un
moyen motivé tel que l'entend l'art. 106 al. 2 LTF.

La critique est irrecevable.

4.
Le recourant soutient qu'en ayant exigé de sa part qu'il prouve strictement son
besoin propre d'occuper les locaux remis à bail, et non qu'il le rende
simplement vraisemblable, l'autorité cantonale a fait une fausse application du
droit fédéral en posant des exigences de preuve incompatibles avec la
jurisprudence du Tribunal fédéral. Il fait valoir qu'il a satisfait aux
exigences de vraisemblance posées par cette jurisprudence en ce qui concerne le
besoin propre du bailleur. Pour étayer ses dires, il se réfère aux déclarations
de son père ainsi qu'aux dépositions de deux témoins, dont il livre quelques
extraits.

4.1 À côté d'une liste d'exemples où une résiliation émanant du bailleur est
annulable (art. 271a al. 1 CO), la loi prévoit, de manière générale, que le
congé donné par l'une ou l'autre des parties est également annulable lorsqu'il
contrevient aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 CO). Selon la
jurisprudence, la protection accordée par l'art. 271 al. 1 CO procède à la fois
du principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et de l'interdiction de l'abus de
droit (art. 2 al. 2 CC), tant il est vrai qu'une distinction rigoureuse ne se
justifie pas en cette matière (cf. ATF 120 II 31 consid. 4a, 105 consid. 3a).
Les cas typiques d'abus de droit (absence d'intérêt à l'exercice d'un droit,
utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, disproportion
grossière des intérêts en présence, exercice d'un droit sans ménagement,
attitude contradictoire) justifient l'annulation du congé; à cet égard, il
n'est toutefois pas nécessaire que l'attitude de l'auteur du congé puisse être
qualifiée d'abus de droit "manifeste" au sens de l'art. 2 al. 2 CC (ATF 120 II
105 consid. 3 p. 108).

Le congé doit être considéré comme abusif s'il ne répond à aucun intérêt
objectif, sérieux et digne de protection (arrêt 4C.61/2005 du 27 mai 2005
consid. 4.1, in SJ 2006 I p. 34). Est ainsi abusif le congé purement chicanier
dont le motif n'est manifestement qu'un prétexte (ATF 120 II 31 consid. 4a p.
32). L'intérêt du bailleur doit au demeurant être effectif (arrêt 4A_575/2008
du 19 février 2009 consid. 4.2).
La résiliation motivée par le besoin du bailleur ou de ses proches parents
d'occuper eux-mêmes l'appartement loué n'est pas contraire aux règles de la
bonne foi (arrêts 4C.411/2006 du 9 février 2007 consid. 2.1 et 4C.333/1997 du 8
mai 1998 consid. 3b et les références citées; DAVID LACHAT, Le bail à loyer,
Lausanne 2008, p. 737 ch. 4.6).

D'après la jurisprudence, même si le fardeau de la preuve d'un congé contraire
aux règles de la bonne foi incombe au destinataire du congé, la partie qui
résilie doit contribuer loyalement à la manifestation de la vérité en
fournissant tous les éléments qui sont nécessaires à la vérification du motif
qu'elle invoque (ATF 120 II 105 consid. 3c p. 111). Autrement dit, celui qui
donne le congé doit rendre au moins vraisemblables les motifs du congé (arrêts
4A_575/2008 du 19 février 2009 consid. 3.1 et 4A_345/2007 du 8 janvier 2008
consid. 2.4.3).

4.2 La Chambre des recours a examiné la réalité du besoin propre dont s'est
prévalu le défendeur en appréciant les dépositions de deux témoins et les
déclarations du père du recourant. A considérer les liens qu'entretiennent ces
témoins avec le recourant et les variations du père du défendeur dans ses
différentes explications, elle a admis que l'appréciation de ces moyens de
preuve opérée par le Tribunal des baux, lequel a nié l'existence d'un besoin
propre, échappait à la critique. Elle en a déduit que le besoin personnel
invoqué par le bailleur n'était pas établi, pas même sous l'angle de la
vraisemblance.

En matière de preuve, il sied de distinguer entre l'application de la juste
conception du degré de certitude ou de vraisemblance exigé par le droit
fédéral, qui ressortit à l'art. 8 CC, et le point de savoir si ce degré est
atteint dans un cas concret, question qui relève de l'appréciation des preuves
(ATF 130 III 321 consid. 5 p. 327).

Comme on vient de le voir, les juges cantonaux ont estimé que le recourant
n'avait à tout le moins pas rendu vraisemblable l'existence du besoin propre
pour le bailleur d'occuper les locaux loués à la demanderesse. Le grief de
violation de l'art. 8 CC, à supposer que le recourant ait entendu le soulever,
est ainsi sans fondement, du moment que l'autorité précédente a jugé que le
degré de preuve le plus bas - soit la vraisemblance - n'était pas atteint.

Le recourant s'est abstenu de taxer d'indéfendable l'appréciation des preuves
ayant conduit la cour cantonale à refuser de reconnaître la vraisemblance du
besoin personnel du bailleur. Les critiques appellatoires du recourant sont en
tout cas totalement impropres à démontrer un quelconque arbitraire (art. 9
Cst.) à cet égard. On ne voit de toute façon pas où réside l'arbitraire pour la
Chambre des recours à avoir apprécié avec retenue les déclarations divergentes
du père de l'actuel bailleur, ainsi que celles de deux témoins, dont l'un
déclare bien connaître le recourant et l'autre est un employé de sa gérance.

La critique doit être rejetée en tant qu'elle est recevable.

5.
Le recourant fait valoir que les résiliations de bail contestées sont
justifiées par les nuisances provoquées par le café-restaurant exploité par
l'intimée. Comme le Tribunal administratif, dans son arrêt du 28 octobre 2005,
a réduit à 23 h en semaine les horaires d'exploitation de la pizzeria, il en
conclut déjà que le bailleur subissait des émanations excessives autorisant les
congés litigieux. S'il semble reconnaître désormais que le principe de
l'extension de la terrasse était prévisible pour le bailleur, il conteste que
ce dernier ait dû présager tout à la fois la survenance de nuisances excessives
dues en particulier à une exploitation de la pizzeria toutes fenêtres ouvertes,
la présence d'heures de fermeture pouvant aller jusqu'à 24 h, la mise en place
par la locataire d'un faux plancher, ainsi que l'installation d'une ventilation
avec extraction en façade. Il allègue encore en vrac que son père ne pouvait
pas connaître, lors de la conclusion des baux, les nuisances dont le défendeur
s'est plaint par la suite, qu'il serait sans importance que ce soit le fils du
bailleur initial, et non celui-ci, qui s'est installé en 2002 dans
l'appartement surplombant le café-restaurant, qu'aucun avertissement préalable
ne devait être donné à l'intimée avant de résilier les baux et qu'il serait
sans intérêt qu'aucun autre locataire de l'immeuble n'ait émis la moindre
plainte au sujet de l'intimée.

5.1 Procédant à une classification des congés donnés au mépris des règles de la
bonne foi sur la base des cas considérés comme typiques d'un abus de droit, la
doctrine moderne est d'avis que relève d'une attitude contradictoire déloyale
le congé qui est signifié pour des motifs connus du bailleur à la conclusion du
bail ou tolérés par lui pendant une longue période (cf. DAVID LACHAT, op. cit.,
p. 735; SVIT-KOMMENTAR, 3e éd., Zurich 2008, n. 37 ad art. 271 CO; ROGER WEBER,
Commentaire bâlois, 4e éd., n. 5 ad art. 271/271a CO). Cette opinion est
convaincante. On ne voit en effet pas à quel intérêt digne de protection
pourrait correspondre un congé consacrant une illustration parfaite du venire
contra factum proprium, puisque le bailleur se prévaut, dans une telle
hypothèse, de circonstances dont il avait connaissance au moment où il a cédé
l'usage de ses locaux.

5.2 .
5.2.1 Alors que l'action était pendante devant le Tribunal des baux, le
recourant a acquis, le 6 mai 2004 par donation, la propriété des immeubles de
son père. Il suit de là que dès cette date les baux conclus avec l'intimée le
30 octobre 1996 et le 1er juillet 1999 sont passés au donataire (i.e. le
défendeur), avec tous les droits et les obligations qui s'y rattachaient (cf.
art. 261 al. 1 CO; ATF 127 III 273 consid. 4c/aa).
5.2.2 Pour juger du mérite du grief soulevé, il convient de rappeler la
chronologie de quelques faits et de mettre ceux-ci en perspective.

Il a été constaté (art. 105 al. 1 LTF) que le 30 octobre 1996 le bailleur
initial a loué à l'intimée des locaux commerciaux à usage d'un restaurant qui
devait être exploité à l'enseigne « R.________ » et qu'à cette époque la
demanderesse exploitait déjà une terrasse ouverte le soir d'avril à octobre
devant l'immeuble jouxtant celui où se trouvent lesdits locaux. Le bailleur
avait ainsi une parfaite connaissance de l'usage qui allait être fait des
locaux qu'il remettait à bail. Dans ce contexte, il est manifeste, à considérer
l'expérience de la vie, que le bailleur devait savoir que la présence de
clients du café-restaurant mangeant des pizzas en soirée dans une terrasse
installée au bas de son immeuble pouvait engendrer des nuisances sonores, en
particulier pour le logement situé juste au-dessus des locaux remis à bail.

Par contrat de bail du 1er juillet 1999, le bailleur a encore remis à l'intimée
un autre local commercial situé à l'arrière du bâtiment dans lequel cette
dernière exploite son établissement public.

Le 24 juillet 2001, le Tribunal administratif a accordé l'effet suspensif au
recours formé par la locataire contre une décision de l'autorité administrative
qui avait ramené à 22 h 30 en semaine et à 23 h 30 le week-end l'heure de
fermeture de la terrasse fixée à 24 h tous les jours; cette juridiction a
motivé cette décision incidente en indiquant que l'exploitation de la terrasse
n'avait donné lieu jusque-là à aucune plainte du voisinage. Il faut en déduire
que la présence de clients consommant divers mets et boissons le soir sur la
terrasse et à l'intérieur du café-restaurant ne provoquait pas de nuisances
qu'il conviendrait de qualifier d'excessives, du moment que personne ne s'en
était plaint.
Au mois de mars 2002, le fils du bailleur initial s'est installé dans un
appartement surplombant directement les locaux dans lequel la demanderesse
exploite depuis 1996 un café-restaurant dont la terrasse était ouverte jusqu'à
24 h. On ne peut pas imaginer dans de telles circonstances qu'il ait supposé
que ce logement se trouvât dans un endroit calme.

Le 16 avril 2002, l'autorité administrative a délivré à l'intimée
l'autorisation de maintenir sa terrasse à l'année au lieu de la période courant
d'avril à octobre.

Durant les trois premiers mois où il a habité dans le logement sis au-dessus de
la pizzeria, le recourant n'a pas adressé de plainte à la locataire en raison
d'émanations sonores ou olfactives. Aucune autre plainte émanant d'un locataire
du même immeuble n'a d'ailleurs été formulée à l'endroit de l'intimée.

Le 5 juillet 2002, le bailleur initial a résilié les deux baux qui le liaient à
la demanderesse en se prévalant notamment des nuisances occasionnées aux
occupants de l'immeuble.

Or, comme on l'a vu, personne, avant cette date, n'avait reproché à l'intimée
de provoquer des émanations excessives.

L'enchaînement des faits montre que le fils du bailleur initial, lequel a
repris les baux le 6 mai 2004 en acquérant par donation la propriété des
immeubles de son père, s'est délibérément installé en mars 2002 dans un
appartement dont il ne pouvait ignorer, de par sa situation au-dessus de la
pizzeria, qu'il puisse subir des nuisances sonores, singulièrement en soirée.
Ces nuisances ont du reste été considérées comme tolérables par le Tribunal
administratif, étant donné que le logement en cause possède une pièce de séjour
donnant sur une zone calme de l'arrière du bâtiment.

Partant, les résiliations de baux litigieuses, en tant qu'elles sont fondées
sur des nuisances générées par l'exploitation du café-restaurant de la
demanderesse, reposent sur un motif qui était connu du bailleur lorsqu'il a
conclu avec l'intimée. C'est donc sans violer le droit fédéral que la cour
cantonale a jugé que les congés donnés le 5 juillet 2002 étaient abusifs au
sens de l'art. 271 al. 1 CO, car ils relevaient d'un comportement
contradictoire.

Le moyen doit être rejeté.

6.
Le recourant semble enfin reprocher au Tribunal des baux, et implicitement à la
cour cantonale, d'avoir enfreint l'art. 271a al. 1 let. d CO en affirmant que
le congé extraordinaire qu'il a notifié à la demanderesse le 17 mars 2003 ne
pouvait sortir d'effet.

En pure perte. Dès l'instant où l'intimée avait saisi le Tribunal des baux le
13 mars 2003 principalement d'une requête en annulation des congés signifiés le
5 juillet 2002, le congé du 17 mars 2003 portant sur les locaux remis à bail le
1er juillet 1999 avait été donné pendant une procédure judiciaire en rapport
avec ledit bail, d'où son annulabilité au regard de l'art. 271a al. 1 let. d
CO.

7.
En définitive, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
Les frais judiciaires et les dépens doivent être mis à la charge du recourant,
qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des
recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 23 mars 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:

Klett Ramelet