Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.573/2008
Zurück zum Index I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2008
Retour à l'indice I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2008


Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_573/2008

Arrêt du 24 avril 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et MM. les juges Klett, présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly
et Kiss.
Greffier: M. Thélin.

Parties
F.X.________ et H.X.________,
demandeurs et recourants, représentés par
Me César Montalto,

contre

Z.________ SA,
défenderesse et intimée, représentée par
Me Isabelle Salomé Daïna.

Objet
bail à loyer; contestation du loyer initial

recours contre l'arrêt rendu le 1er octobre 2008 par la Chambre des recours du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Faits:

A.
Selon contrat conclu le 17 mars 2006 avec Z.________ SA, les époux F.X.________
et H.X.________ ont pris à bail un appartement de cinq pièces avec hall,
cuisine agencée, salle de bain, WC séparé et salle de douche au troisième étage
d'un bâtiment sis à Pully. Le loyer mensuel net était fixé à 1'900 francs. Les
frais de chauffage, d'eau chaude et les frais accessoires étaient dus en sus;
ces derniers comprendraient « les charges de préférence et les taxes publiques,
telles que taxe d'épuration des eaux (entretien et utilisation), taxe d'égout
et taxe d'enlèvement des ordures »; les locataires verseraient un acompte
mensuel de 220 francs.
Le 14 du même mois, usant d'une formule officielle, la bailleresse avait
communiqué que le locataire précédent avait acquitté un loyer mensuel au
montant de 1'323 fr., plus 220 fr. d'acompte pour chauffage et eau chaude.
L'augmentation du loyer était motivée par « l'adaptation aux loyers usuels du
quartier ou de la localité ». La bailleresse répéta cette communication le 27
mars, dans les mêmes termes, mais en ajoutant « en outre, nous signalons que
cet appartement a fait l'objet d'une rénovation complète pour un montant de
51'000 fr. ».

B.
Le 25 avril 2006, devant la commission de conciliation compétente puis devant
le Tribunal des baux du canton de Vaud, les époux X.________ ont ouvert action
contre Z.________ SA. Leur demande tendait à faire réduire le loyer de
l'appartement, dès le 15 avril 2006, au montant de 900 fr. par mois. La
défenderesse devait être condamnée à rembourser aux demandeurs les sommes
payées par eux, à titre de loyer, au delà de ce même montant, avec intérêts au
taux de 5% par an dès le 25 avril 2006. A la banque concernée, le tribunal
devait ordonner la libération immédiate de 3'000 fr. sur la garantie que les
demandeurs avaient constituée en faveur de l'autre partie.
La défenderesse a conclu au rejet de l'action.
Le tribunal s'est prononcé le 4 juin 2007. Accueillant partiellement l'action,
il a jugé que la défenderesse avait échoué dans la preuve des loyers usuels
dans le quartier ou la localité, de sorte que le loyer convenu entre les
parties se révélait abusif. Le taux hypothécaire avait considérablement diminué
depuis la plus récente fixation du loyer du locataire précédent, de sorte que
ce loyer-ci, quoique très inférieur, était lui aussi abusif. Sur la base de ce
même loyer, en tenant dûment compte de l'évolution respective du taux
hypothécaire et de l'indice suisse des prix à la consommation, et aussi des
plus-values que la défenderesse avait apportées à l'appartement en y exécutant
des travaux de rénovation, le loyer mensuel devait être fixé à 1'132 fr., avec
références à 3% pour le taux hypothécaire et à 155,1 points pour l'indice des
prix à la consommation, base 1983 (recte: décembre 1982). La défenderesse était
condamnée à rembourser 5'760 fr. avec intérêts au taux de 5% par an dès le 5
décembre 2006; la banque devait libérer 2'304 fr. sur la garantie constituée
par les demandeurs.
Le tribunal a rejeté des conclusions additionnelles tendant à faire prononcer
que les frais accessoires, autres que ceux de chauffage et d'eau chaude,
n'incombaient pas aux demandeurs, au motif que ce chef de la contestation
n'avait pas été soumis à la commission de conciliation.

C.
La défenderesse ayant recouru contre le jugement, les demandeurs ont usé du
recours incident. Selon leurs conclusions, le loyer devait être fixé à 1'015
fr.35 par mois avec les mêmes références au taux hypothécaire et à l'indice des
prix; la défenderesse devait rembourser, avec intérêts dès le 5 décembre 2006,
6'634 fr.90, et la garantie devait être réduite de 2'653 fr.95.
La Chambre des recours du Tribunal cantonal a statué le 1er octobre 2008. Elle
a jugé que, contrairement à l'opinion des premiers juges, la défenderesse avait
fourni en nombre suffisant des exemples pertinents et concluants, aptes à
mettre en évidence les loyers usuels dans le quartier ou la localité, de sorte
que le loyer convenu entre les parties n'était pas abusif. En conséquence,
réformant le jugement, la chambre a rejeté l'action.

D.
Agissant par la voie du recours en matière civile, les demandeurs saisissent le
Tribunal fédéral de conclusions semblables à celles déjà prises devant la
Chambre des recours.
La défenderesse conclut au rejet du recours, dans la mesure où celui-ci est
recevable.

Considérant en droit:

1.
Le recours est dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF), rendu en matière
civile (art. 72 al. 1 LTF) et en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1
LTF). Ses auteurs ont pris part à l'instance précédente et succombé dans leurs
conclusions (art. 76 al. 1 LTF). La valeur litigieuse correspond à vingt fois
la part du loyer annuel encore contestée dans cette même instance (art. 51 al.
1 let. a, 51 al. 4 LTF; ATF 121 III 397 consid. 1 p. 399; 118 II 422 consid. 1
p. 424); elle excède le minimum légal de 15'000 fr. prévu en matière de droit
du bail à loyer (art. 74 al. 1 let. a LTF). Introduit en temps utile (art. 100
al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 al. 1 à 3 LTF), le recours est
en principe recevable.
Le recours est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le
Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux
(art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties et il apprécie
librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire,
aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du
recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254), et il ne se
prononce sur la violation de droits fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un
grief invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83
consid. 3.2 p. 88; 134 II 244 consid. 2.2 p. 246; 133 II 249 consid. 1.4.2).
Le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des
faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF); en règle
générale, les allégations de fait et les moyens de preuve nouveaux sont
irrecevables (art. 99 al. 1 LTF). Le tribunal peut compléter ou rectifier même
d'office les constatations de fait qui se révèlent manifestement inexactes,
c'est-à-dire arbitraires aux termes de l'art. 9 Cst. (ATF 133 II 249 consid.
1.1.2 p. 252), ou établies en violation du droit (art. 105 al. 2 LTF). La
partie recourante est autorisée à attaquer des constatations de fait ainsi
irrégulières si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de
la cause (art. 97 al. 1 LTF).

2.
Selon l'art. 269a let. a CO, le loyer n'est « en règle générale » pas abusif
s'il se situe dans les limites des loyers usuels dans la localité ou dans le
quartier. Les demandeurs se plaignent d'une application incorrecte de cette
disposition.

2.1 L'art. 11 al. 1 et 3 de l'ordonnance du Conseil fédéral sur le bail à loyer
et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux (OBLF) prescrit que
les loyers déterminants pour la constatation des loyers usuels, dans la
localité ou le quartier, sont ceux des logements comparables à la chose louée,
quant à leur emplacement, dimension, équipement, état et année de construction
(al. 1), à l'exclusion, toutefois, des loyers résultant de ce qu'un bailleur ou
un groupe de bailleurs domine le marché (al. 3).
En règle générale, le juge doit disposer d'au moins cinq éléments de
comparaison. Il doit effectuer des comparaisons concrètes et l'autorité
cantonale de dernière instance doit indiquer exactement les critères utilisés
par elle; sur cette base, le Tribunal fédéral contrôle librement si les loyers
usuels sont établis conformément au droit fédéral (ATF 123 III 317 consid. 4a
p. 319; arrêt 4C.265/2000 du 16 janvier 2001, consid. 4, SJ 2001 I p. 247). Les
loyers de référence doivent eux-mêmes n'être pas abusifs; il est donc
nécessaire, en principe, de les adapter aux baisses du taux hypothécaire
survenues depuis le moment où ils ont été fixés (ATF 127 III 411).

2.2 La défenderesse a allégué sept exemples de logements loués qu'elle tenait
pour aptes à la comparaison. Le Tribunal des baux en a d'emblée rejeté deux, au
motif que l'identité du bailleur était inconnue et que l'on ne pouvait donc pas
discerner s'il s'agissait réellement d'objets de comparaison distincts. Quatre
autres exemples furent rejetés au motif que ces logements étaient tous
administrés, comme celui des demandeurs, par la même gérance; de surcroît, deux
de ces appartements ne se prêtaient pas à la comparaison en raison de leur
équipement. En définitive, un seul des exemples pouvait être retenu, ce qui ne
suffisait pas à établir les loyers usuels.
Après complément d'instruction, la Chambre des recours a constaté que les sept
logements de comparaison appartiennent à des bailleurs différents. Selon son
jugement, il est sans importance que quatre d'entre eux soient administrés par
la même gérance. Un des logements de comparaison doit être écarté en raison de
son état d'entretien; les caractéristiques des six autres « sont grosso modo
comparables à celles de l'appartement litigieux, l'impression d'ensemble étant
décisive ». Après adaptation de ces six loyers aux baisses du taux
hypothécaire, leur moyenne s'élève à 1'911 fr.10, d'où la Chambre des recours
conclut que le loyer litigieux, au montant de 1'900 fr., n'est pas abusif.

2.3 Dans une précédente cause, le Tribunal fédéral n'a compté que pour un seul,
par rapport au minimum de cinq logements de comparaison, ceux qui dépendaient
d'un seul bailleur (ATF 123 III 317 consid. 4c/aa p. 323). Ce jugement a été
critiqué en considération de ce que l'art. 11 al. 3 OBLF n'exclut pas, d'après
son texte, de retenir comme éléments de comparaison plusieurs logements
appartenant au même bailleur, sinon dans l'hypothèse particulière où ce
bailleur occupe une position dominante sur le marché (Raymond Bisang et al.,
Das schweizerische Mietrecht, 3e éd., Zurich 2008, no 21 ad art. 269a CO;
Patrick Blaser, La prise en considération des loyers usuels dans la fixation du
loyer, Cahiers du bail, 2001, n° 2.7 p. 11). Selon une autre opinion, l'art. 11
al. 3 OBLF n'est pas en cause et l'approche du Tribunal fédéral se justifie,
néanmoins, dans la mesure où la pratique d'un bailleur appliquée à plusieurs
logements n'est pas représentative de ce qui est usuel sur le marché (Peter
Higi, Commentaire zurichois, n° 83 ad art. 269a CO). Pour le surplus, les
auteurs sont défavorables à la proposition de ne compter que pour un seul,
semblablement, les logements de bailleurs différents mais administrés par la
même gérance (Bisang et al., Higi, ibid.; Blaser, op. cit., n° 2.5 p. 10; David
Lachat, Le bail à loyer, 2008, n° 2.2.5 p. 460).
Dans la présente affaire, il ne se justifie pas d'étendre l'approche
restrictive déjà adoptée par la Cour de céans, au sujet des logements de
comparaison dépendant d'un seul bailleur, aux logements de bailleurs différents
mais administrés par la même gérance. Sur ce point, le jugement de la Chambre
des recours doit être confirmé.

2.4 Les demandeurs affirment que des six objets de comparaison retenus par
cette autorité, aucun ne satisfait aux critères de l'art. 11 OBLF. Selon leur
exposé, par rapport à leur propre appartement, plusieurs ont une pièce de plus
ou une surface nettement plus importante. L'un d'eux a une cheminée de salon.
Certains ont une terrasse, voire une terrasse et un jardinet, alors que leur
appartement n'a qu'un balcon. A leur avis, on ne peut pas comparer un logement
datant de 1981 avec le leur qui est de vingt ans plus ancien. Plusieurs
logements de comparaison se trouvent à plus d'un kilomètre et demi de distance,
de sorte qu'ils n'appartiennent pas au quartier. Presque tous jouissent d'une
situation tranquille, alors que leur appartement est exposé aux bruits d'une
route à grand trafic et d'un chemin de fer.
Afin de contrôler les comparaisons retenues par la juridiction cantonale, le
Tribunal fédéral a parfois complété l'état de fait de la décision attaquée,
incomplet, sur la base du jugement de première instance (ATF 123 III 317
consid. 4b/ee p. 317). Dans la présente affaire, toutefois, aucune des deux
décisions ne contient les indications nécessaires, puisque, en définitive, le
Tribunal des baux n'a pas fait de comparaison et que la Chambre des recours
s'est bornée à faire état de son « impression d'ensemble ». Le Tribunal fédéral
n'est donc pas en mesure de se prononcer sur les critiques des demandeurs.
Faute de contenir les motifs déterminants de fait, aux termes de l'art. 112 al.
1 let. b LTF, la décision attaquée doit être annulée en application de l'art.
112 al. 3 LTF.

2.5 La Chambre des recours prendra elle-même une nouvelle décision qui décrira
de façon précise les comparaisons effectuées pour établir les loyers usuels, ou
elle renverra la cause au Tribunal des baux, selon le droit cantonal. Dans tous
les cas, évidemment, on tiendra compte non seulement des loyers des logements
de comparaison, mais aussi des frais accessoires respectivement inclus dans ces
loyers ou perçus séparément par les bailleurs.

3.
Compte tenue qu'aucune des parties n'obtient gain de cause, l'émolument
judiciaire doit être réparti par moitié entre les demandeurs, d'une part, et la
défenderesse, d'autre part, et les dépens seront compensés.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis, la décision attaquée est annulée et la
cause est renvoyée au Tribunal cantonal pour nouvelle décision.

2.
Les parties acquitteront un émolument judiciaire de 4'000 fr., à raison de
2'000 fr. à la charge des demandeurs et de 2'000 fr. à la charge de la
défenderesse.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
de Vaud.

Lausanne, le 24 avril 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La présidente: Le greffier:

Klett Thélin