Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.568/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_568/2008

Arrêt du 18 février 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mme et MM. les juges Klett, présidente, Corboz et Kolly.
Greffier: M. Thélin.

Parties
X.________ SA,
demanderesse et recourante, représentée par
Me Michel Chevalley,

contre

Y.________,
défenderesse et intimée, représentée par
Me José Coret.

Objet
bail à loyer; résiliation

recours contre l'arrêt rendu le 19 septembre 2008 par la Chambre des recours du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Faits:

A.
X.________ SA, jusqu'en 2007 Boulangerie Z.________ SA, se consacre à la
fabrication et à la commercialisation des produits de boulangerie et de
pâtisserie, y compris leur vente au détail. Elle exploite plusieurs magasins
d'alimentation dans l'agglomération lausannoise. Dès le 1er juillet 1998, elle
a pris à bail des locaux à usage de laboratoire et de magasin dans un bâtiment
du Mont-sur-Lausanne; le loyer mensuel s'éleva d'abord à 4'500 fr.; il fut
ensuite augmenté, dès janvier 2004, à 4'720 fr., charges en sus. La bailleresse
était Y.________, usufruitière de l'immeuble; le revenu locatif de ce bien
constituait l'essentiel de ses ressources.
La société locataire a connu de graves difficultés financières et s'est trouvée
en état de surendettement à la fin de septembre 2006. Elle ne parvenait plus à
payer ses fournisseurs. Un actionnaire a alors fait un nouvel apport de fonds
et accepté la postposition de sa créance. Une importante réorganisation est
intervenue au printemps de 2007 et la société a cessé toute production dans son
laboratoire du Mont-sur-Lausanne.
Informée des difficultés de sa locataire, Y.________ a conclu un bail avec une
société concurrente, portant sur les mêmes locaux, le 30 octobre 2006. Ce
contrat devait prendre effet le 1er juillet 2008 et la nouvelle locataire
acquitterait un loyer mensuel de 7'200 fr. Ensuite, le 10 novembre 2006,
Y.________ a résilié le bail de Boulangerie Z.________ SA avec effet au 30 juin
2008.

B.
Devant la commission de conciliation compétente puis devant le Tribunal des
baux du canton de Vaud, Boulangerie Z.________ SA a ouvert action contre
Y.________. Sa demande tendait principalement à l'annulation du congé, tenu
pour abusif; subsidiairement, la demande tendait à une « première »
prolongation du bail pour une durée de six ans.
La défenderesse a conclu au rejet de l'action.
Le tribunal s'est prononcé le 23 octobre 2007; il a reconnu la validité du
congé et rejeté la demande de prolongation du bail.
La Chambre des recours du Tribunal cantonal a statué le 19 septembre 2008 sur
le recours de la demanderesse; elle a confirmé le jugement.

C.
Agissant simultanément par la voie du recours en matière civile et du recours
constitutionnel, la demanderesse requiert le Tribunal fédéral, principalement,
d'annuler la résiliation du bail, ou, subsidiairement, d'accorder une «
première » prolongation de ce contrat, pour une durée de six ans à compter du
30 juin 2008.
La défenderesse conclut au rejet des deux recours.

Considérant en droit:

1.
Dans une contestation concernant la validité d'une résiliation de bail, selon
la jurisprudence pertinente pour l'application des art. 51 al. 1 let. a, 51 al.
2 et 74 al. 1 let. a LTF, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période
minimum pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas
valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé
peut être donné; s'il y a lieu, il faut prendre en considération la période de
protection de trois ans, à compter dès la fin de la procédure judiciaire, qui
est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO ( ATF 111 II 384 consid. 1 p. 386;
voir aussi ATF 119 II 147 consid. 1 p. 149). En l'espèce, le loyer d'une seule
année excède la valeur litigieuse minimale qui est fixée à 15'000 francs.
Pour le surplus, le recours est dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF),
rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) et en dernière instance cantonale
(art. 75 al. 1 LTF). Il est formé par une partie qui a pris part à l'instance
précédente et succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF). Introduit en
temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 al. 1 à 3
LTF), le recours en matière civile est en principe recevable, de sorte que le
recours constitutionnel, subsidiaire (art. 113 LTF), est exclu.

2.
Le recours est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le
Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux
(art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties et il apprécie
librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire,
aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du
recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254), et il ne se
prononce sur la violation de droits fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un
grief invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83
consid. 3.2 p. 88; 134 II 244 consid. 2.2 p. 246; 133 II 249 consid. 1.4.2).
Le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des
faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF); en règle
générale, les allégations de fait et les moyens de preuve nouveaux sont
irrecevables (art. 99 al. 1 LTF). En l'espèce, la demanderesse argue vainement
de nombreux faits qui ne sont pas constatés par la Chambre des recours. Le
Tribunal fédéral peut compléter ou rectifier même d'office les constatations de
fait qui se révèlent manifestement inexactes, c'est-à-dire arbitraires aux
termes de l'art. 9 Cst. (ATF 133 II 249 consid. 1.1.2 p. 252), ou établies en
violation du droit (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante est autorisée à
attaquer des constatations de fait ainsi irrégulières si la correction du vice
est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Cette
partie ne peut toutefois pas se borner à contredire les constatations
litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre
appréciation des preuves; elle doit plutôt indiquer de façon précise en quoi
ces constatations sont contraires au droit ou entachées d'une erreur
indiscutable, et une critique qui ne satisfait pas à cette exigence est
irrecevable (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 254; voir aussi ATF 130 I 258
consid. 1.3 p. 261/262; 125 I 492 consid. 1b p. 495).

3.
Il est constant que les parties se sont liées par un contrat de bail à loyer de
durée indéterminée, portant sur l'usage de locaux commerciaux, et que chacune
d'elles avait le droit de résilier ce contrat conformément à l'art. 266a al. 1
CO.

4.
Aux termes de l'art. 271 al. 1 CO, la résiliation d'un bail d'habitation ou de
locaux commerciaux est annulable lorsqu'elle contrevient aux règles de la bonne
foi. Cette disposition protège le locataire, notamment, contre le congé
purement chicanier qui ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de
protection, et dont le motif n'est qu'un prétexte (ATF 120 II 31 consid. 4a p.
32). En règle générale, le congé donné pour un motif d'ordre économique est
conciliable avec les règles de la bonne foi, et le locataire n'est pas autorisé
à réclamer l'annulation du congé que lui signifie le bailleur en vue d'obtenir,
d'un nouveau locataire qui lui succédera dans les locaux, un loyer plus élevé
mais néanmoins compatible avec l'art. 269 CO réprimant les loyers abusifs (ATF
120 II 105 consid. 3b/bb p. 110). Elucider le motif d'un congé relève de la
constatation des faits (ATF 115 II 484 consid. 2b p. 486; arrêt 4C.61/2005 du
27 mai 2005, consid. 4.1, SJ 2006 I 34 p. 35), de sorte que, en principe, ce
point échappe au contrôle du Tribunal fédéral.
La Chambre des recours constate les difficultés financières de la demanderesse
à la fin de septembre 2006: cette société se trouvait en état de surendettement
et elle ne parvenait plus à payer ses fournisseurs; c'est l'intervention d'un
actionnaire qui lui a évité la faillite. Elle constate aussi que la
défenderesse, informée de la situation défavorable de sa cocontractante,
redoutait de ne plus recevoir le loyer alors que cette ressource constituait
son principal revenu; que la défenderesse a, pour ce motif, décidé de mettre
fin au rapport de location, et que, avant de résilier le bail, elle a cherché
un nouveau locataire afin d'éviter une vacance des locaux. La Chambre considère
que le motif ainsi invoqué par la défenderesse, soit la crainte de ne plus
recevoir le loyer, n'était pas un simple prétexte et qu'il est au contraire
plausible, alors même que le changement de locataire s'accompagnera d'une
hausse considérable du loyer.
La Chambre des recours procède ainsi à une constatation de fait, portant sur le
mobile de la défenderesse, qui lie le Tribunal fédéral. La demanderesse se
plaint vainement d'arbitraire en opposant simplement sa propre opinion au
jugement de l'autorité précédente; cette protestation est irrecevable au regard
de l'art. 97 al. 1 LTF.
Pour le surplus, vouloir parer au risque de pertes ou de retards dans
l'encaissement du loyer est un motif digne de protection. Il importe peu que la
défenderesse eût peut-être aussi eu la possibilité de prendre des mesures
différentes, telles que réclamer l'accroissement des sûretés déjà constituées
par la demanderesse, au lieu de chercher d'emblée un autre locataire jouissant
d'une situation plus favorable. Il importe tout aussi peu que la situation de
la demanderesse se soit peut-être améliorée après la résiliation du bail.
Enfin, si le motif du congé ne consistait pas dans le dessein de percevoir un
loyer plus élevé, la Chambre des recours était dispensée de vérifier, au regard
du rendement de l'immeuble et des prix du marché, si le loyer pouvait
légalement être augmenté (cf. ATF 120 II 105 consid. 3b/bb p. 110). La
demanderesse se plaint à tort d'un jugement contraire à l'art. 271 al. 1 CO.

5.
Aux termes des art. 272 al. 1 et 272b al. 1 CO, le locataire peut demander la
prolongation d'un bail de locaux commerciaux pour une durée de six ans au
maximum, lorsque la fin du contrat aurait pour lui des conséquences pénibles et
que les intérêts du bailleur ne les justifient pas. Dans cette limite de temps,
le juge peut accorder une ou deux prolongations.
Le juge apprécie librement, selon les règles du droit et de l'équité (art. 4
CC), s'il y a lieu de prolonger le bail et, dans l'affirmative, pour quelle
durée. Il doit procéder à la pesée des intérêts en présence et tenir compte du
but d'une prolongation, consistant à donner du temps au locataire pour trouver
des locaux de remplacement. Il lui incombe de prendre en considération tous les
éléments du cas particulier, tels que la durée du bail, la situation
personnelle et financière de chaque partie, leur comportement, de même que la
situation sur le marché locatif local (art. 272 al. 2 CO; ATF 125 III 226
consid. 4b p. 230). Le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec réserve la décision
d'équité prise en dernière instance cantonale. Il intervient lorsque celle-ci
s'écarte sans raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence en
matière de libre appréciation, ou lorsqu'elle s'appuie sur des faits qui, dans
le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle, ou encore lorsqu'elle ignore
des éléments qui auraient absolument dû être pris en considération; en outre,
le Tribunal fédéral redresse les décisions rendues en vertu d'un pouvoir
d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou
à une iniquité choquante (même arrêt; voir aussi ATF 133 III 201 consid. 5.4 p.
211; 132 III 109 consid. 2 p. 111/112).
La Chambre des recours constate que la demanderesse n'utilise plus les locaux
loués, actuellement, que pour la vente de ses produits, à l'exclusion de toute
production; que la pénurie de locaux commerciaux au Mont-sur-Lausanne, alléguée
par cette partie, n'est pas notoire ni établie, et que, au contraire, il
n'existe pas de « difficulté particulière » pour trouver, dans la région, une
surface de vente équivalant à ces locaux. La Chambre prend aussi en
considération que la demanderesse disposait de plus de dix-huit mois pour
déplacer son exploitation. Cet élément est pertinent car il incombe au
locataire d'entreprendre sans délai, dès réception du congé signifié par
l'autre partie, des recherches sérieuses en vue de trouver des locaux de
remplacement, et ces recherches doivent être accomplies aussi lorsque le
locataire tient le congé pour annulable et décide de le contester (Raymond
Bisang et al., Das schweizerische Mietrecht, 3e éd., Zurich 2008, nos 34 et 35
ad art. 272 CO; voir aussi David Lachat, Le bail à loyer, Lausanne 2008, ch.
3.12 p. 782). En l'absence de toute circonstance particulière, dûment constatée
et rendant difficile de trouver à temps des locaux de remplacement, le congé
n'entraîne pas de conséquences pénibles aux termes de l'art. 272 al. 1 CO; le
locataire n'est pas autorisé à invoquer les inconvénients inhérents à tout
déménagement, tels que la perte de clientèle consécutive au déplacement d'un
point de vente, qui seraient seulement différés mais pas atténués par une
éventuelle prolongation du bail (Lachat, op. cit., ch. 3.2 p. 771). Dans la
présente affaire, au regard des faits constatés, le refus de la prolongation
échappe à toute critique.

6.
Le recours en matière civile se révèle privé de fondement, dans la mesure où
les griefs présentés sont recevables. A titre de partie qui succombe, son
auteur doit acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral et les
dépens auxquels l'autre partie peut prétendre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours en matière civile est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Le recours constitutionnel est irrecevable.

3.
La demanderesse acquittera un émolument judiciaire de 6'000 francs.

4.
La demanderesse versera à la défenderesse une indemnité de 7'000 fr. à titre de
dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
de Vaud.

Lausanne, le 18 février 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La présidente: Le greffier:

Klett Thélin