Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.552/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_552/2008

Arrêt du 12 mars 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et MM. les Juges Klett, Présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly
et Kiss.
Greffière: Mme Crittin.

Parties
X.________,
recourante, représentée par
Me Catherine Jaccottet Tissot,

contre

Y.________ SA,
intimée, représentée par
Me Sandrine Osojnak.

Objet
contrat de travail,

recours contre l'arrêt de la Chambre des recours
du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 17 septembre 2008.

Faits:

A.
A.a Par contrat de travail du 10 septembre 2005, Y.________ SA, exploitante du
café V.________ à ..., a engagé X.________ en qualité de sommelière pour un
salaire mensuel de 3'150 fr. bruts, respectivement de 2'811 fr. nets. Le
contrat stipulait un délai de congé d'un mois.

Le 1er janvier 2006, l'exploitation du V.________ a été reprise par A.________,
sans que l'employée n'y fasse opposition. Le 15 du même mois, B.________ était
engagée par le nouvel exploitant pour le 1er mars suivant, dans le but de
remplacer X.________. Celle-ci a été licenciée le 24 janvier 2006 pour le 28
février 2006 par Y.________ SA, en raison de la remise de l'exploitation du
café. Cette société confirmait, par courrier du 14 février 2006, que le contrat
de travail ne pouvait être prolongé, l'activité commerciale prenant fin pour
des raisons économiques.
A.b Agissant pour le compte de X.________, le syndicat Unia a, par lettre du 28
mars 2006, contesté le licenciement qu'il qualifiait de nul; il faisait valoir
le fait que l'employée était enceinte au moment du licenciement. Le 3 avril
2006, Y.________ SA a répondu au syndicat que la grossesse de l'employée ne lui
a jamais été annoncée, tout en faisant valoir son droit au licenciement
immédiat pour faute grave.

B.
B.a Le 28 juin 2006, X.________ a saisi le Tribunal de prud'hommes de
l'arrondissement de l'Est vaudois, concluant au paiement par Y.________ SA de
la somme brute de 19'313 fr.15 relative aux salaires des mois de mars à juin
2006 et au treizième salaire jusqu'au 31 décembre 2006, ainsi qu'à la somme
nette de 8'315 fr.30 correspondant au montant versé par l'assurance maternité.
A l'appui de sa requête, la demanderesse indiquait être en congé maladie depuis
le 10 mai 2006.

Le 3 août 2006, Unia Caisse de chômage a déclaré intervenir dans la procédure.

Le défendeur a conclu au rejet des conclusions de la demanderesse et du tiers
intervenant.

En audience du 7 mai 2008, la demanderesse a déclaré ne pas avoir d'autres
prétentions que le versement du salaire contractuel jusqu'au terme du contrat
de travail, soit le 31 décembre 2006.
B.b Par jugement du 16 mai 2008, le Tribunal des prud'hommes a rejeté les
conclusions de la demanderesse. Les premiers juges ont considéré l'annonce de
la grossesse, faite le 28 mars 2006, comme étant largement tardive et contraire
aux règles de la bonne foi; en taisant sa grossesse, la demanderesse est
présumée avoir accepté son congé, qui a valablement pris ses effets au 28
février 2006. Les magistrats ont donc nié toute obligation de l'employeur de
verser un salaire à la demanderesse pour la période ultérieure à la fin des
rapports de travail.
B.c Statuant par arrêt du 17 septembre 2008, la Chambre des recours du Tribunal
cantonal vaudois a confirmé le jugement attaqué.

C.
Agissant par la voie du recours en matière civile, la demanderesse invite le
Tribunal fédéral à réformer le jugement entrepris en ce sens que les
conclusions prises en première instance cantonale, par 19'313 fr.15 bruts, lui
soit allouées.

La défenderesse conclut au rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
1.1 Le recours est dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF), rendu en
matière civile (art. 72 al. 1 LTF) et en dernière instance cantonale (art. 75
al. 1 LTF). Il est formé par une partie qui a pris part à l'instance précédente
et succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF). La valeur litigieuse
excède le minimum légal de 15'000 fr. prévu en matière de droit du travail
(art. 51 al. 1 let. a et 74 al. 1 let. a LTF). Introduit en temps utile (art.
100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 al. 1 à 3 LTF), le recours
est en principe recevable.

1.2 Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit,
tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique
le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les
arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente (ATF 134 III 102 consid. 1.1 p.
104). Il s'en tient cependant, d'ordinaire, aux questions juridiques que la
partie recourante soulève dans la motivation du recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF
133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254), et il ne se prononce sur la violation de
droits fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un grief invoqué et motivé de
façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83 consid. 3.2 p. 88; 133 II 249
consid. 1.4.2 p. 254).

1.3 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en
violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Aucun fait
nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la
décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).

2.
Aux termes de l'art. 336c al. 1 let. c CO, l'employeur ne peut pas, après le
temps d'essai, résilier le contrat pendant la grossesse et au cours des seize
semaines qui suivent l'accouchement. Selon l'al. 2 de cette disposition, le
congé donné pendant une des périodes prévues à l'alinéa précédent est nul.

La recourante fait grief à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 336c al. 1
let. b (recte: c) CO et d'avoir à tort retenu la commission d'un abus de droit
au sens de l'art. 2 CC de la part de la recourante. En substance, elle reproche
aux magistrats cantonaux d'avoir considéré que l'annonce de la grossesse faite
le 28 mars 2006, soit un mois après la fin du délai de résiliation et plus de
deux mois après la notification du licenciement, était tardive et qu'elle avait
pour conséquence d'entraîner la perte du droit à la protection de l'art. 336c
al. 1 let. c CO.

2.1 La protection accordée par la norme précitée se rapporte à l'état de
grossesse de l'employée, la période d'interdiction de licencier s'étendant
pendant toute la durée de la grossesse et au cours des seize semaines suivant
l'accouchement (Message du 9 mai 1984 concernant l'initiative populaire « pour
la protection des travailleurs contre les licenciements dans le droit du
contrat de travail » et la révision des dispositions sur la résiliation du
contrat de travail dans le code des obligations, FF 1984 II 630 s. ch. 620.9).
Le texte de la loi ne subordonne pas la protection contre le licenciement à
l'annonce de l'état de grossesse. A cet égard, aucune mention n'est faite d'un
quelconque délai pour faire valoir le droit à la protection; si cette question
a été débattue par les parlementaires fédéraux, ceux-ci ont refusé d'introduire
un tel délai dans la loi (Bulletin officiel du Conseil national 1985 p. 1142
ss). Admettre le contraire irait à l'encontre de la volonté du législateur.

La situation est ainsi à distinguer de celle qui prévaut en France et en
Allemagne notamment, où le législateur a expressément prévu, en cas de
licenciement par l'employeur ignorant la grossesse, un délai dans lequel la
travailleuse doit faire l'annonce de son état de grossesse (Art. L-122-25-2 du
Code du travail français; cf. CHRISTOPHE RADÉ, Code du travail annoté, 68e éd.
2006, no 11 ad art. L. 122.25.2; art. 9 de la loi sur la protection de la
maternité [Mutterschutzgesetz; MuSchG]).

2.2 La question présentement litigieuse n'a pas été abordée par le Tribunal
fédéral dans l'arrêt non publié 4C.259/2003 du 2 avril 2004, contrairement à ce
qui est indiqué au consid. 4b du jugement entrepris.

Dans cet arrêt, une secrétaire, licenciée le 6 mars 2001 pour la fin mai 2001
et libérée de l'obligation de travailler, s'est trouvée en incapacité de
travailler du 20 mai au 23 juin 2001; une dizaine de jours après avoir subi une
opération, le 21 mai 2001, elle apprenait qu'elle était enceinte de six
semaines environ; l'annonce à l'employeur de cet état de grossesse a eu lieu le
13 septembre 2001, soit deux mois et demi après la fin de l'incapacité de
travail et plus de trois mois après la connaissance de la grossesse. La
question soumise au Tribunal fédéral était celle de savoir si l'employeur
devait s'acquitter du salaire réclamé par l'employée pour la période -
antérieure à l'annonce de la grossesse - de juillet à la mi-septembre. Le
litige a été tranché sous l'angle de la demeure de l'employeur, qui a été niée,
du fait que, durant la période litigieuse, l'employée n'était pas apte à
exécuter sa prestation de travail comme convenu. Dans ce contexte bien précis,
il a été observé que le grief pouvait être adressé à l'employée de n'avoir pas
annoncé rapidement sa grossesse. En effet, si tel avait été le cas, l'employeur
aurait pu mettre en oeuvre l'assurance perte de gain. Cela étant, il ne pouvait
être reproché à l'employeur de n'avoir pas versé le salaire pour la période en
question sur la base de l'art. 324 al. 1 CO. Le Tribunal fédéral n'a toutefois
pas jugé que l'annonce faite plus de trois mois après la connaissance de la
grossesse avait pour effet de valider le licenciement, puisqu'il ne s'est pas
prononcé sur la question.

2.3 La doctrine est partagée sur le sujet.

La doctrine majoritaire est d'avis que l'employée n'a pas d'obligation
d'informer l'employeur de sa grossesse après avoir reçu le licenciement et que
la période de protection prévue par l'art. 336c CO court même si l'employée
tait cet événement à l'employeur (dans ce sens, CHRISTIANE BRUNNER ET AL.,
Commentaire du contrat de travail, 3e éd. 2004, n. 9 ad art. 336c CO; MARIANNE
FAVRE MOREILLON, Droit du travail, 2e éd. 2006, p. 95; ULLIN STREIFF/ADRIAN VON
KAENEL, in Arbeitsvertrag, 6e éd. 2006, no 9 ad art. 336c CO; ROLF A. TOBLER ET
AL., in Arbeitsrecht, 2006, no 1.13 ad art. 336c CO; ADRIAN STAEHELIN, in
Zürcher Kommentar, 1996, no 17 ad art. 336c CO; MANFRED REHBINDER, in Berner
Kommentar, 1992, no 6 ad art. 336c CO; HANS-PETER EGLI, Der zeitliche
Kündigungsschutz, ArbR 1998 p. 128). La thèse majoritaire se fonde sur la
volonté du législateur de ne pas introduire un délai pour contester le congé
(CHRISTIANE BRUNNER ET AL., op. cit., n. 9 ad art. 336c CO; ADRIAN STAEHELIN,
op. cit., no 17 ad art. 336c CO), ainsi que sur le but social de l'art. 336c
al. 1 let. c CO (ROLF A. TOBLER ET AL., op. cit., no 1.13 ad art. 336c CO;
MANFRED REHBINDER, op. cit., no 4 ad art. 336c CO; MARIANNE FAVRE MOREILLON,
op. cit., p. 95; cf. ég. FF 1984 II 603 ch. 51; DENIS HUMBERT, Der neue
Kündigungsschutz im Arbeitsrecht, 1991, p. 133 s.).

Pour RÉMY WYLER, les règles de la bonne foi imposent à la travailleuse
d'informer l'employeur de sa grossesse immédiatement après avoir reçu la
notification de la résiliation ou dès la connaissance de la grossesse, si elle
intervient postérieurement; à défaut, la travailleuse est présumée avoir
renoncé à se prévaloir de la protection et sera forclose dans ses droits. Cet
auteur précise toutefois que la notion d'immédiateté doit être appréciée avec
mansuétude, car seules des circonstances tout à fait exceptionnelles permettent
de retenir l'abus de droit de la travailleuse à se prévaloir de la protection
contre le licenciement lié à sa grossesse (RÉMY WYLER, Droit du travail, 2e éd.
2008, no 2.3 p. 573). L'opinion de WYLER est partagée par Gloor, pour qui
l'annonce de la grossesse doit se faire dans les meilleurs délais, sous peine
de perdre le droit à la protection (WERNER GLOOR, Mutterschaft,
Kündigungsschutz, Lohnfortzahlung, ArbR 1992 p. 59 s.). Pour DUC/SUBILIA, le
silence de la travailleuse, qui a connaissance de sa grossesse, équivaut à une
acceptation du congé; ces auteurs sont d'avis qu'il est contraire à la plus
élémentaire bonne foi de taire l'état de grossesse à l'employeur qui userait de
son droit de résilier le contrat et de le laisser prendre des mesures pour
remplacer la travailleuse, voire engager une nouvelle collaboratrice, pour se
prévaloir ensuite de la règle protectrice de l'art. 336c al. 1 let. c CO
(JEAN-LOUIS DUC/OLIVIER SUBILIA, Commentaire du contrat individuel de travail,
1998, no 29 ad art. 336c CO).

GABRIELA RIEMER-KAFKA est plus nuancée. Elle considère que le comportement de
l'employée qui tait sa grossesse au-delà du délai de résiliation peut, au
regard des intérêts en présence, être abusif. Elle relève que si l'employée n'a
pas d'intérêt à la continuation des rapports contractuels et qu'elle ne fait
pas valoir la nullité, son silence équivaut à une acceptation de la
résiliation, sous réserve de l'invocation de l'erreur essentielle (GABRIELA
RIEMER-KAFKA, Der neurechtliche Kündigungsschutz bei Schwangerschaft und
Niederkunft, Schweizerisches Juristen-Zeitung 1989 p. 59).

3.
L'opinion des juges cantonaux selon laquelle l'exercice des droits de
protection de l'art. 336c al. 1 let. c CO serait soumis à l'annonce immédiate,
sinon à brefs délais, de l'état de grossesse ne trouve pas appui dans la loi
(cf. supra, consid. 2.1).

Elle ne trouve pas plus appui dans l'application du principe de la bonne foi,
ancré à l'art. 2 al. 1 CC, auquel se réfèrent les tenants de la thèse de la
validation du congé. En effet, d'après la jurisprudence du Tribunal fédéral,
seules des circonstances tout à fait exceptionnelles permettent à l'employeur
de se prévaloir d'un abus de droit (art. 2 al. 2 CC) de la part du travailleur,
car, à défaut, la protection assurée au travailleur par des dispositions
impératives peut se révéler illusoire (ATF 129 III 493 consid. 5.1 p. 497, 622
consid. 5.2). Les cas typiques d'abus de droit sont l'absence d'intérêt à
l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique contrairement
à son but, la disproportion manifeste des intérêts en présence, l'exercice d'un
droit sans ménagement ou l'attitude contradictoire (cf. ATF 129 III 493 consid.
5.1 p. 497 et les arrêts cités). Dans un arrêt non publié (arrêt 4C.346/2004 du
15 février 2005), le Tribunal fédéral a eu l'occasion de juger, par pesée des
intérêts contradictoires en présence, qu'il n'était pas abusif pour un employé,
incapable de travailler - et non pas pour une femme enceinte, comme indiqué à
tort par l'autorité cantonale (cf. consid. 4b, p. 8, du jugement entrepris) -,
de vouloir bénéficier de la protection conférée par l'art. 336c al. 2 CO, après
avoir attendu le début avril pour communiquer son incapacité alors qu'il était
apte à le faire à la fin février ou au plus tard dans le courant du mois de
mars de la même année, le licenciement ayant eu lieu à la mi-janvier.

Dès lors que l'examen de l'abus de droit doit se faire au cas par cas, en
tenant compte des circonstances propres à chaque litige, on ne voit pas ce qui
pourrait justifier de poser, d'une manière générale, que le défaut
d'information immédiate de son état de grossesse par l'employée licenciée
serait abusif.

A considérer par ailleurs les circonstances du cas particulier, les conditions
de réalisation d'un abus de droit ne paraissent pas réalisées. Il ressort des
constatations de fait que la recourante a été licenciée le 24 janvier 2006 pour
le 28 février 2006, en raison de la remise de l'exploitation du café dans
lequel elle travaillait; le 14 février 2006, la société intimée confirmait à
l'employée que le contrat de travail ne pouvait être prolongé, en raison de la
fin de l'activité commerciale de la société; le 28 mars 2006, la recourante,
agissant par l'intermédiaire du syndicat Unia, contestait le licenciement, en
faisant valoir que le congé était nul, car donné alors qu'elle était enceinte.
Le 15 janvier 2006, le nouvel exploitant du café a engagé une serveuse pour le
1er mars suivant, dans le but de remplacer la recourante.

Dans la mesure où, avant même d'être licenciée, la recourante avait été
remplacée, il ne saurait lui être fait grief d'avoir, en annonçant sa grossesse
un mois après la fin du délai de résiliation, laissé l'employeuse - plus
précisément le nouvel exploitant du café (cf. art. 333 al. 1 CO) - prendre des
mesures pour la remplacer et de l'avoir ainsi privé de la possibilité de la
reprendre à son service. Aussi, l'intérêt de la travailleuse à la protection
contre le licenciement l'emporte sur celui de l'acquéreur à s'organiser et
combler un poste vacant. Au demeurant, tout porte à croire que la recourante,
qui a fait valoir ses droits par l'intermédiaire du syndicat Unia, ignorait que
le licenciement à elle notifié était nul et que, partant, elle était en droit
de poursuivre son travail au-delà de la fin du délai de résiliation. Dès lors
qu'aucune circonstance particulière propre à établir l'abus de droit ne découle
du jugement entrepris, on ne discerne pas en quoi le comportement de la
recourante serait abusif. Par conséquent, celle-ci peut valablement prétendre
au droit de protection de l'art. 336c CO.

4.
4.1 En cas de transfert des rapports de travail, la responsabilité solidaire
entre l'employeur transférant et l'employeur reprenant, instituée par l'art.
333 al. 3 CO, vise toutes les créances du travailleur échues dès avant le
transfert jusqu'au moment où les rapports de travail pourraient normalement
prendre fin (ATF 132 III 32 consid. 6.2.1 p. 45). Ainsi, l'employeur initial
reste solidairement responsable, à côté du nouvel employeur, des créances du
travailleur qui étaient échues avant le transfert ou qui le deviennent avant la
date à laquelle le contrat pouvait normalement prendre fin, ce qui correspond,
en l'absence d'opposition, au terme du délai conventionnel ou légal de congé
(GABRIEL AUBERT, in Commentaire romand, Code des obligations I, 2003, no 9 ad
art. 333 CO).

En l'occurrence, au moment du transfert de l'entreprise, le 1er janvier 2006,
la recourante était déjà enceinte. Le contrat ne pouvait donc pas être résilié
avant la fin de la période de protection de l'art. 336c al. 1 let. c CO. Cela
étant, les créances de salaires de la recourante tombent indéniablement sous le
coup de l'art. 333 al. 3 CO. Il n'y a, partant, pas lieu de remettre en cause
la légitimation passive de l'ancienne employeuse de la recourante, contre qui
celle-ci a décidé de diriger son action en justice.

4.2 Il a été constaté en fait que la recourante a attendu le 28 mars 2006 pour
contester le congé à elle notifié. Il ressort par ailleurs expressément de la
lettre de contestation du 28 mars 2006 que l'employée se tenait à disposition «
pour venir travailler ».

La nullité du licenciement sur la base de l'art. 336c al. 2 CO ne modifie pas
les droits et obligations des parties. Le travailleur doit fournir sa
prestation de travail alors que l'employeur reste tenu de payer le salaire
(art. 319 et 324 CO; arrêt 4C.259/2003 du 2 avril 2004, consid. 2.1; cf. ég.
arrêt 4C.64/1994 du 3 novembre 1994 consid. 5b, non publié in ATF 120 II 365).
S'il n'exécute pas sa prestation de travail sans être empêché par un motif
reconnu, le travailleur est en demeure (art. 102 ss CO) et l'employeur peut
alors refuser de payer le salaire (art. 82 CO). De même, l'employeur peut être
en demeure. S'il empêche par sa faute l'exécution du travail ou se trouve en
demeure de l'accepter pour d'autres motifs, l'employeur doit payer le salaire
sans que le travailleur doive encore fournir sa prestation (art. 324 al. 1 CO).
La demeure de l'employeur suppose en principe que le travailleur ait offert ses
services (ATF 115 V 437 consid. 5a p. 444; plus récemment arrêt 4C.189/2005 du
17 novembre 2005, consid. 3.3, reproduit in JAR 2006 p. 366). Le travailleur ne
peut toutefois se voir reprocher de n'avoir pas offert ses services lorsque
l'employeur l'a libéré de l'obligation de travailler jusqu'au terme du délai de
congé (ATF 118 II 139 consid. 1a p. 140 et les références; arrêt 4C.66/1994 du
20 juillet 1994, consid. 3b, reproduit in SJ 1995 p. 801) ou lorsqu'il n'aurait
de toute manière pas accepté la prestation de travail offerte (arrêt du
Tribunal fédéral 4C.346/2005 du 29 novembre 2005, consid. 3.1, reproduit in JAR
2006 p. 377; arrêt du Tribunal fédéral 4C.155/2006 du 23 octobre 2006, consid.
5.2; WOLFGANG PORTMANN, in Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 4e éd. 2007,
n. 3 ad art. 324 CO).

Il ressort du jugement entrepris que l'employeur n'avait pas connaissance de la
grossesse de l'employée le 24 janvier 2006 et que ce n'est pas parce que
celle-ci était enceinte que le contrat de travail a été résilié. Sur ce point
de fait, les juges cantonaux ont confirmé, par adoption de motifs et sans
qu'aucun grief d'arbitraire ne soit soulevé, l'appréciation des premiers juges,
qui ont déclaré ne pas être convaincus par le témoignage de C.________ - selon
lequel tous les collaborateurs du café ainsi que A.________ savaient que
l'employée était enceinte - et posé que l'état de grossesse de l'employée
n'était pas connu avant la fin des rapports de travail. Il apparaît en outre, à
la lecture de l'arrêt cantonal, que le nouvel employeur, A.________, est
l'administrateur avec signature individuelle de la société anonyme intimée et
que cette société s'est exprimée par l'intermédiaire du susnommé tant lors du
licenciement qu'en cours de procédure prud'hommale.

Au moment du licenciement de la recourante par la société intimée, A.________ -
en tant qu'employeur reprenant - avait déjà engagé une nouvelle serveuse pour
remplacer la recourante, avec effet au 1er mars 2006, et donc nécessairement
renoncé à la prestation de travail de l'employée. Il découle toutefois de
l'état de fait cantonal qu'il n'avait à ce moment-là, tout comme l'employeuse
précédente, pas connaissance de l'état de grossesse de la recourante et donc de
la nullité du licenciement. Cela étant, il appartiendra à la cour cantonale de
déterminer si, compte tenu des circonstances du cas d'espèce, le nouvel
employeur aurait ou non refusé une hypothétique offre de services présentée à
la fin février ou au début mars 2006 et si, par conséquent, la recourante était
ou non en demeure pour le mois de mars 2006.

5.
En conclusion, il y a lieu d'admettre le recours, d'annuler l'arrêt attaqué et
de renvoyer l'affaire à l'autorité cantonale pour qu'elle statue sur le montant
à allouer à la recourante au titre du salaire contractuel encore dû,
conformément aux dernières conclusions prises par la recourante.

6.
L'issue du litige commande de mettre les frais judiciaires, calculés par
application de l'art. 65 al. 4 let. c LTF, à la charge de l'intimée et de la
condamner à verser à la recourante une indemnité à titre de dépens (art. 66 al.
1 et 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouveau jugement dans le sens des considérants.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimée.

3.
Une indemnité de 2'500 fr., à payer à la recourante à titre de dépens, est mise
à la charge de l'intimée.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des
recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 12 mars 2009
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:

Klett Crittin