Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.547/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_547/2008

Arrêt du 5 février 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes les juges Klett, présidente, Rottenberg Liatowitsch et Kiss.
Greffier: M. Thélin.

Parties
X.________ SA,
demanderesse et recourante, représentée
par Me Reynald Bruttin,

contre

Y.________ SA,

défenderesse et intimée, représentée par
Me Lucien Lazzarotto.

Objet
procédure civile; appréciation des preuves

recours contre l'arrêt rendu le 17 octobre 2008 par la Cour de justice du
canton de Genève.

Faits:

A.
Y.________ SA est propriétaire d'un édifice sis sur les parcelles nos ... de la
commune de Genève, section Cité. Le 19 décembre 2003, désireuse de rénover ce
bâtiment, elle a conclu un contrat d'entreprise avec Z.________ Sàrl qui était
active dans la réalisation et l'entretien des installations de climatisation et
de ventilation. Celle-ci se chargeait d'exécuter des travaux pour un montant
total de 1'621'074 fr.30, TVA en sus; le contrat faisait notamment référence au
devis présenté par elle, daté du 2 décembre 2003, contenant le descriptif
détaillé des prestations convenues.
Le 10 juin 2004, alors que l'exécution avait commencé, Z.________ Sàrl a
elle-même conclut un contrat d'entreprise avec X.________ SA afin de lui
sous-traiter une partie des travaux. Les prestations convenues étaient
laconiquement désignées par l'expression « CFC 24 chauffage »; le prix était
fixé à 868'544 fr., TVA en sus.
X.________ SA a établi une facture finale le 31 mai 2005, au montant de 934'553
fr.35; après déductions des acomptes reçus, sa prétention résiduelle s'élevait
à 240'750 fr.35. La facture indique que tous les travaux ont été exécutés, mais
elle n'en précise pas la nature et elle n'indique pas non plus les matériaux
livrés.
Z.________ Sàrl a introduit une demande de sursis concordataire le 28 juillet
2005; sa faillite est survenue le 12 juin 2006 et la liquidation a été
suspendue, faute d'actifs, le 12 mars 2007.
Le 5 août 2005, X.________ SA a obtenu du Tribunal de première instance du
canton de Genève, par mesure d'urgence et sur demande de mesures
provisionnelles, l'autorisation de faire inscrire provisoirement une hypothèque
légale d'entrepreneur au registre foncier, sur les trois immeubles de
Y.________ SA dont l'édifice est partie intégrante. Ces immeubles devaient
garantir la prétention résiduelle au montant de 240'750 fr.35. L'inscription
provisoire fut opérée le 9 août 2005. Après débat contradictoire et appel à la
Cour de justice, l'autorisation fut confirmée le 12 janvier 2006; afin de faire
reconnaître définitivement son droit de gage immobilier, X.________ SA devait
agir contre la propriétaire dans un délai de deux mois.

B.
Le 7 mars 2006, X.________ SA a ouvert action contre Y.________ SA devant le
Tribunal de première instance. Sa demande tendait à l'inscription définitive
d'une hypothèque légale sur les immeubles concernés, garantissant une
prétention au montant de 240'750 fr.35 avec intérêts au taux de 6% par an dès
le 31 mai 2005, plus « tous légitimes accessoires ».
La défenderesse a conclu au rejet de l'action.
Le tribunal s'est prononcé le 10 avril 2008; accueillant l'action, il a ordonné
l'inscription du droit de gage litigieux. La prétention garantie portait
intérêts, toutefois, au taux de 5% par an et dès le 10 août 2005 seulement.
La Cour de justice a statué le 17 octobre 2008 sur l'appel de la défenderesse;
considérant que la preuve des travaux allégués par l'autre partie, prétendument
accomplis par elle sur les trois immeubles, n'était pas apportée, elle a annulé
le jugement et rejeté l'action.

C.
Agissant par la voie du recours en matière civile, la demanderesse requiert le
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour de justice et d'ordonner
l'inscription définitive d'une hypothèque légale sur les parcelles nos ...,
garantissant une prétention au montant de 240'750 fr.35 avec intérêts au taux
de 6% par an dès le 31 mai 2005, plus « tous légitimes accessoires ». Des
conclusions subsidiaires tendent à l'annulation de l'arrêt et au renvoi de la
cause à la Cour de justice pour nouvelle décision.
La défenderesse conclut au rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
Le recours est dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF), rendu en matière
civile (art. 72 al. 1 LTF) et en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1
LTF). Il est formé par une partie qui a pris part à l'instance précédente et
succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF). La valeur litigieuse excède
le minimum légal de 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et 74 al. 1 let. b LTF).
Introduit en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art.
42 al. 1 à 3 LTF), le recours est en principe recevable.
Le recours est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le
Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux
(art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties et il apprécie
librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire,
aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du
recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254), et il ne se
prononce sur la violation de droits fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un
grief invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83
consid. 3.2 p. 88; 134 II 244 consid. 2.2 p. 246; 133 II 249 consid. 1.4.2).
Le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des
faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF); en règle
générale, les allégations de fait et les moyens de preuve nouveaux sont
irrecevables (art. 99 al. 1 LTF). Le tribunal peut compléter ou rectifier même
d'office les constatations de fait qui se révèlent manifestement inexactes,
c'est-à-dire arbitraires aux termes de l'art. 9 Cst. (ATF 133 II 249 consid.
1.1.2 p. 252), ou établies en violation du droit (art. 105 al. 2 LTF). La
partie recourante est autorisée à attaquer des constatations de fait ainsi
irrégulières si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de
la cause (art. 97 al. 1 LTF).

2.
Aux termes de l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC, les artisans et entrepreneurs peuvent
requérir l'inscription d'une hypothèque légale sur l'immeuble pour lequel ils
ont fourni des matériaux et du travail, ou du travail seulement, en garantie de
leurs créances contre le propriétaire ou un autre entrepreneur. Selon l'art.
839 al. 1 et 2 CC, l'inscription peut intervenir dès le jour où l'entrepreneur
s'est obligé à exécuter l'ouvrage promis, et au plus tard dans les trois mois
qui suivent l'achèvement des travaux.
En l'espèce, la demanderesse prétend avoir achevé les travaux qu'elle avait
promis et elle revendique un droit de gage pour une créance échue, déterminée
aux termes de l'art. 794 al. 1 CC, correspondant à la part du prix total qui ne
lui a pas été payée. La défenderesse, propriétaire des immeubles à assujettir,
n'a pas contesté que Z.________ Sàrl dût encore 240'750 fr.35 sur le prix total
à verser par elle. Ce point semble donc établi. Il restait à élucider quels
étaient les travaux promis par la demanderesse, d'une part, et il fallait
vérifier si elle les avait entièrement accomplis, d'autre part (ATF 126 III 467
consid. 4d p. 474).
Au regard de l'art. 8 CC qui répartit le fardeau de la preuve dans les
contestations soumises au droit civil fédéral, il s'agissait de faits
générateurs dont la preuve incombait à la demanderesse (cf. ATF 130 III 321
consid. 3.1 p. 323; 128 III 271 consid. 2a/aa p. 273; 132 III 183 consid. 8.3
p. 206); en cas d'échec de la preuve, la Cour de justice devait donc statuer au
détriment de cette partie-ci (ATF 126 III 189 consid. 2b p. 191/192; voir aussi
ATF 132 III 689 consid. 4.5 p. 701/702). Pour le surplus, l'art. 8 CC ne régit
pas l'appréciation des preuves (ATF 131 III 222 consid. 4.3 p. 226; 129 III 18
consid. 2.6 p. 24/25).
Selon la décision attaquée, la preuve n'a pas été apportée et c'est pourquoi
l'action est rejetée. La demanderesse reproche à la Cour de justice, au sujet
de la preuve, d'avoir violé l'art. 9 Cst. en appréciant arbitrairement les
pièces qui lui étaient soumises.

3.
Une décision est arbitraire, donc contraire à cette disposition
constitutionnelle, lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe
juridique clair et indiscuté, ou contredit d'une manière choquante le sentiment
de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution
retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si sa décision
apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective,
adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. En outre, il
ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables; il faut
encore que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. Il ne suffit d'ailleurs
pas non plus qu'une solution différente de celle retenue par l'autorité
cantonale puisse être tenue pour également concevable ou apparaisse même
préférable (ATF 134 I 140 consid. 5.4 p. 148; 133 I 149 consid. 3.1 p. 153; 132
I 13 consid. 5.1 p. 17). En ce qui concerne spécialement l'appréciation des
preuves et la constatation des faits, l'autorité tombe dans l'arbitraire
lorsqu'elle ne prend pas en considération, sans aucune raison sérieuse, un
élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe
manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, sur la base des
éléments recueillis, elle parvient à des constatations insoutenables (ATF 129 I
8 consid. 2.1).
Le contrat souscrit le 10 juin 2004 n'indique pas, autrement que par
l'expression « CFC 24 chauffage », quels étaient les travaux auxquels la
demanderesse s'engageait envers Z.________ Sàrl. Dans son recours au Tribunal
fédéral, la demanderesse énumère une partie des prestations que cette
société-ci avait promises à la défenderesse, d'après le devis du 2 décembre
2003; selon ses affirmations, son propre contrat portait sur ces travaux qui
lui étaient désormais sous-traités. Elle fait valoir pour preuve que les
montants concernés se retrouvent dans un tableau portant son nom, daté du 10
juin 2004 et revêtu d'initiales manuscrites correspondant, apparemment, à
celles visibles sur le contrat. Il s'agit prétendument d'une annexe au contrat.
Pourtant, rien ne relie les deux documents, hormis ces paraphes et le total de
868'544 francs. Le tableau n'a d'ailleurs pas été produit en justice par la
demanderesse et avec le contrat; il se trouve au contraire dans les pièces de
la défenderesse. Il indique aussi la valeur des « travaux effectués » à la fin
de chacun des mois d'avril à septembre 2004, de sorte que la date du 10 juin
2004 est sujette à caution; le tableau semble plutôt postérieur au 30 septembre
2004.
La facture finale du 31 mai 2005 n'indique pas non plus les travaux censément
accomplis. Pour affirmer qu'elle a entièrement exécuté ce qu'elle avait promis,
la demanderesse se réfère à un procès-verbal de réception daté du 20 juin 2005.
Il s'agit de la réception, par la défenderesse, de l'ouvrage commandé à
Z.________ Sàrl. Il ressort du procès-verbal que l'ouvrage finalement livré
était moins important que celui voulu à l'origine: la défenderesse s'est
satisfaite de la pose de trois cent quatorze ventilo-convecteurs alors que le
devis en prévoyait cinquante-huit de plus. Cette diminution a très probablement
entraîné une réduction des prestations sous-traitées à la demanderesse,
puisque, selon ses affirmations, celle-ci devait exécuter le raccordement des
ventilo-convecteurs. Pour le surplus, le procès-verbal révèle bien,
conformément à l'argumentation présentée, que toutes les prestations attendues
par la défenderesse, incluant celles sous-traitées à la demanderesse, ont été
entièrement exécutées.
Les pièces invoquées ne permettent pas de reconnaître sans équivoque quelles
sont les prestations que la demanderesse avait promises en contrepartie de
868'544 francs. Elles permettent moins encore de déterminer ce qui, sur le
chantier, a été fourni respectivement par la demanderesse et par Z.________
Sàrl. Dans ces conditions, la Cour de justice retient sans arbitraire, et donc
sans violation de l'art. 9 Cst., que la demanderesse n'a pas apporté les
preuves nécessaires au regard des art. 8 et 837 al. 1 ch. 3 CC. Le recours se
révèle privé de fondement, ce qui conduit à son rejet.

4.
A titre de partie qui succombe, la demanderesse doit acquitter l'émolument à
percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre partie peut
prétendre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demanderesse acquittera un émolument judiciaire de 6'000 francs.

3.
La demanderesse versera une indemnité de 7'000 fr. à la défenderesse, à titre
de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève.

Lausanne, le 5 février 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La présidente: Le greffier:

Klett Thélin