Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.543/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_543/2008

Arrêt du 28 janvier 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges Klett, Présidente, Corboz et Rottenberg Liatowitsch.
Greffier: M. Ramelet.

Parties
X.________, Compagnie d'Assurances SA,
recourante, représentée par
Me Corinne Monnard Séchaud,

contre

Y.________,
intimée, représentée par Me Philippe Nordmann.

Objet
contrat d'assurance,

recours contre le jugement rendu le 7 décembre 2007 par la Cour civile du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Faits:

A.
Y.________, en tant que preneur, et X.________, Compagnie d'Assurances SA, en
tant qu'assureur, ont conclu, avec effet au 1er février 1992, un contrat
d'assurance de prévoyance liée garantissant, en cas d'incapacité de gain, la
libération du service des primes et le versement d'une rente annuelle de 20'000
fr. après un délai d'attente de 24 mois, ce jusqu'au 1er février 2018 au plus
tard.

Lors de la conclusion du contrat, le 14 janvier 1992, l'assurée a rempli un
questionnaire de santé et répondu par la négative notamment à la question de
savoir si elle avait souffert de surmenage ou de dépression nerveuse et à celle
de savoir si elle avait été traitée par un psychiatre ou un psychologue. La
formule attirait son attention sur le fait qu'une indication inexacte ou
incomplète autorisait la compagnie à refuser les prestations d'assurance et à
se départir du contrat conformément à l'art. 6 de la loi fédérale du 2 avril
1908 sur le contrat d'assurance (LCA; RS 221.229.1).

Le 17 août 1992, l'assurée a subi un accident de parapente, qui a entraîné une
incapacité de travail temporaire, pendant laquelle elle a été libérée du
paiement des primes (dès l'échéance du délai de carence contractuel de deux
mois).

Depuis le 19 juin 1995, Y.________ souffre d'un état d'épuisement et se trouve
dans l'incapacité durable de travailler.

Par lettre du 6 décembre 1996, l'assureur a déclaré résilier le contrat
d'assurance, exposant que l'assurée n'avait pas répondu conformément à la
vérité aux deux questions qui viennent d'être rappelées.

Y.________ a contesté la résiliation du contrat, soutenant qu'il ne s'agissait
pas d'un cas de réticence.

B.
Le 6 novembre 1997, Y.________ a ouvert action contre X.________, Compagnie
d'Assurances SA devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois, réclamant
principalement le versement de la rente annuelle de 20'000 fr. jusqu'au mois de
février 2018 inclus.

La défenderesse a conclu à sa libération.
Par jugement du 13 avril 2000, la Cour civile a admis l'action et condamné la
défenderesse à verser à la demanderesse une rente annuelle de 20'000 fr. dès le
27 janvier 1998 et jusqu'à et y compris le 1er février 2018, sous réserve d'une
modification déterminante du degré d'incapacité de gain de l'assurée.

Saisi d'un recours en réforme contre ce jugement, le Tribunal fédéral, par
arrêt du 28 septembre 2001, l'a annulé et a renvoyé la cause à l'autorité
cantonale pour nouveau jugement. Il a relevé que l'assurée avait souffert d'un
léger état dépressif et qu'elle avait eu six rendez-vous avec un psychiatre, de
sorte qu'elle n'avait pas répondu de manière véridique aux deux questions
rappelées ci-dessus et qu'il s'agissait bien d'un cas de réticence. Mais comme
les juges cantonaux, vu la solution qu'ils ont retenue, n'avaient pas examiné
singulièrement si le contrat aurait été conclu aux mêmes conditions en dépit de
la déclaration inexacte de l'assurée, le dossier devait leur être retourné.

Statuant à nouveau le 1er juillet 2005, la Cour civile vaudoise a rejeté la
demande formée par l'assurée. Cette décision a été annulée par un arrêt du 14
décembre 2005 rendu par la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois, au
motif qu'elle n'était pas compréhensible et, partant, arbitraire.

Après avoir complété l'administration des preuves, la Cour civile a statué
derechef par jugement du 7 décembre 2007. Estimant que le contrat aurait été
conclu aux mêmes conditions si des réponses véridiques avaient été données au
questionnaire, elle a condamné la compagnie d'assurances à payer à la
demanderesse une rente annuelle de 20'000 fr. dès le 27 janvier 1998 et
jusqu'au 1er février 2018, sous réserve d'une modification déterminante du
degré d'incapacité de gain de l'assurée.

C.
La défenderesse exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre
le jugement précité. Invoquant une violation des art. 8 CC, 4 et 6 aLCA, elle
conclut principalement au rejet de la demande, subsidiairement à l'annulation
du jugement attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale. Elle
requiert également l'octroi de l'effet suspensif.

L'intimée conclut à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie défenderesse qui a succombé dans ses conclusions
libératoires et qui a ainsi la qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF) et
dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu en matière civile (art. 72
al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 LTF) dans
une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr.
(art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours est en principe recevable, puisqu'il a
été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus
par la loi.
Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité
par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art.
106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le
recours, ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut
admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été articulés, ou à
l'inverse, rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle
de l'autorité précédente (ATF 134 III 102 consid. 1.1 et l'arrêt cité). Compte
tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous
peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral
n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter,
comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions
juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui
(ATF 134 III 102 consid. 1.1). Il ne peut entrer en matière sur la violation
d'un droit constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou
intercantonal que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise par la
partie recourante (art. 106 al. 2 LTF).

1.2 Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral conduit son
raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente
(art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les constatations
factuelles ont été établies de façon manifestement inexacte - ce qui correspond
à la notion d'arbitraire (ATF 134 V 53 consid. 4.3) - ou en violation du droit
au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).

La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité
précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions
d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de
quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de
celui contenu dans la décision attaquée. Le Tribunal fédéral n'entre en matière
sur un grief concernant les constatations de fait que si la correction du vice
est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Aucun
fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la
décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).
Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107
al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF).

2.
2.1 La réticence permet à l'assureur de résilier le contrat (cf. art. 6 aLCA,
applicable à la cause vu que le contrat d'assurance a été conclu avant le 1er
janvier 2006, RO 2005 IV p. 5246). Il faut cependant qu'elle porte sur un fait
important (art. 4 al. 1 LCA). On considère comme importants tous les faits de
nature à influer sur la détermination de l'assureur de conclure le contrat ou
de le conclure aux conditions convenues (art. 4 al. 2 LCA). Sont réputés
importants les faits au sujet desquels l'assureur - comme c'est le cas en
l'espèce - a posé par écrit des questions précises, non équivoques (art. 4 al.
3 LCA).

Que l'assureur ait posé une question précise permet seulement de présumer,
selon l'art. 4 al. 3 LCA, que le fait était important. Cette présomption peut
cependant être renversée par l'assuré qui peut prouver que, s'il avait répondu
de manière exacte et complète, l'assureur aurait néanmoins conclu le contrat
aux mêmes conditions (ATF 99 II 67 consid. 4e p. 82; 92 II 342 consid. 5 p.
352; arrêt 5C.262/2006 du 28 mai 2008 consid. 4.1).

En l'espèce, la cour cantonale a retenu, dans le jugement attaqué, que
l'assurée avait apporté la preuve que le contrat aurait été conclu de toute
manière et aux mêmes conditions si elle avait répondu de manière exacte et
complète aux deux questions qui ont donné lieu à la réticence.

2.2 La recourante se plaint que, ce faisant, les magistrats vaudois ont
enfreint l'art. 8 CC.

Pour toutes les prétentions fondées sur le droit fédéral, cette disposition
répartit, sauf règle spéciale, le fardeau de la preuve et détermine, sur cette
base, laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la
preuve (ATF 130 III 321 consid. 3.1 p. 323; 129 III 18 consid. 2.6; 127 III 519
consid. 2a). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle ne s'applique
que si le juge, à l'issue de l'appréciation des preuves, ne parvient pas à se
forger une conviction dans un sens positif ou négatif (ATF 132 III 626 consid.
3.4 p. 634; 128 III 271 consid. 2b/aa p. 277). Si, à l'issue de l'appréciation
des preuves, le juge reste dans le doute, il ne doit appliquer l'art. 8 CC que
s'il n'existe pas une règle spéciale de droit fédéral instituant une
présomption (ATF 130 III 321 consid. 3.1 p. 323). In casu, si le juge n'avait
pas été à même d'acquérir de conviction, il n'aurait pas dû se référer à l'art.
8 CC, mais faire usage de la présomption spéciale instituée par l'art. 4 al. 3
LCA. De toute manière, le juge n'est pas demeuré dans le doute, puisqu'il est
parvenu à la conclusion que l'assurée avait apporté la preuve dont elle avait
le fardeau pour renverser la présomption de l'art. 4 al. 3 LCA. Dès lors qu'il
conclut qu'une preuve est apportée, le juge n'a plus à appliquer des règles sur
le fardeau de la preuve, à l'exemple de l'art. 8 CC, ou des règles instituant
des présomptions. Il sied d'ailleurs d'observer qu'en constatant que l'assurée
avait apporté la preuve qui lui incombait, la cour cantonale a correctement
appliqué la règle sur le fardeau de la preuve découlant de l'art. 4 al. 3 LCA.

Il est vrai qu'il a été également déduit de l'art. 8 CC un droit à la preuve
(ATF 130 III 591 consid. 5.4. p. 601) et à la contre-preuve (ATF 133 III 81
consid. 4.2.2 p. 89), pour autant que la mesure probatoire ait été sollicitée
en respectant les règles de la loi de procédure applicable (ATF 133 III 295
consid. 7.1 p. 299), que le moyen de preuve proposé soit apte à apporter la
preuve (ATF 129 III 18 consid. 2.6 p. 24 s.), que la preuve porte sur un fait
pertinent (ATF 133 III 295 consid. 7.1 p. 299), contesté, qui n'est pas déjà
établi ou écarté à la suite d'une appréciation anticipée des preuves (ATF 129
III 18 consid. 2.6 p. 25).

Sous cet angle également, on ne discerne aucune violation de l'art. 8 CC,
puisqu'il n'appert pas que la recourante ait été entravée dans sa faculté
d'apporter les preuves utiles. Elle se plaint exclusivement de ce que la cour
cantonale n'a pas donné foi à la déclaration de son employée. Elle perd ainsi
de vue que l'art. 8 CC ne prescrit pas comment le juge doit apprécier les
preuves et sur quelles bases il peut parvenir à une conviction (ATF 128 III 22
consid. 2d p. 25; 127 III 248 consid. 3a p. 253, 519 consid. 2a p. 522). Savoir
si ce témoin était crédible ou non est une pure question d'appréciation des
preuves, qui n'est pas régie par l'art. 8 CC. Comme la recourante ne s'est pas
plainte d'arbitraire sur ce point, et n'a pas tenté de démontrer en quoi
l'arbitraire serait réalisé, il n'est pas possible d'entrer en matière sur
cette question (art. 106 al. 2 LTF). Au demeurant, il n'y a rien d'insoutenable
à considérer comme non déterminante la déposition d'une employée d'une partie,
laquelle a elle-même suivi le dossier et est interrogée sur l'interprétation
qu'il convient de donner à une clause qui est au coeur du litige.

Pour dire si la défenderesse aurait conclu aux mêmes conditions, la Cour civile
s'est fondée sur un document qui était utilisé à l'époque par la compagnie
d'assurances. Le reproche adressé au jugement attaqué de ne pas s'être placé au
moment déterminant est donc dépourvu de fondement. Comme il s'agissait d'un
document interne utilisé par la recourante, on ne se trouve pas en présence
d'une convention et il n'y a pas lieu de rechercher la réelle et commune
intention des parties (art. 18 al. 1 CO).

Faute de preuve sur la manière dont cette pièce était appliquée en 1992, la
cour cantonale a procédé à son interprétation. Parmi les paramètres à prendre
en compte, il fallait examiner si l'affection antérieure annoncée dans le
questionnaire avait ou non entraîné une incapacité de travail. Comme la légère
dépression de l'intimée n'en avait entraîné aucune, il apparaît légitime de
prendre en considération cet élément, puisqu'il est de nature à montrer le peu
d'importance de l'affection. L'autorité cantonale a donc estimé qu'il fallait
noter le chiffre zéro et en tenir compte pour la moyenne générale. La
recourante soutient au contraire que ce facteur ne doit pas intervenir dans le
calcul, car il n'y a pas d'incapacité de travail. Cet argument n'est pas
logique. Du moment que l'existence et la durée d'une incapacité de travail sont
prises en compte par l'assureur pour apprécier la gravité de l'affection, il
n'y a pas de raison de faire abstraction dans le calcul du fait qu'une maladie
n'a pas entraîné d'incapacité de travail; ce point doit au contraire être
retenu en faveur de l'assurée et non pas occulté. Dans le cas contraire, celui
qui annoncerait une très brève incapacité de travail, d'un jour par exemple,
serait mieux traité, par la prise en compte de la brièveté de ce laps de temps,
que celui pour qui la maladie n'a entraîné aucune incapacité de travail.
L'interprétation faite par la cour cantonale est convaincante et on ne voit pas
en quoi elle violerait une règle du droit fédéral.
Dès lors que la cour cantonale est parvenue à la conviction que la recourante
aurait conclu le contrat aux mêmes conditions s'il n'y avait pas eu de
réticence, il n'y a aucune violation des art. 4 et 6 aLCA à conclure que la
réticence n'autorise pas l'assureur à résilier le contrat.

Le recours doit donc être rejeté.

3.
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires et les dépens sont mis à la charge
de la défenderesse, qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).

La décision sur le fond rend sans objet la requête d'effet suspensif.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 8'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour civile
du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 28 janvier 2009
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:

Klett Ramelet