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I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.51/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_51/2008

Arrêt du 28 mars 2008
Ire Cour de droit civil

Composition
MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Kolly et Kiss.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.

Parties
Banque X.________,
recourante, représentée par Me Serge Fasel,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Pierre de Preux.

Objet
responsabilité de la banque; prescription; décision incidente,

recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de
Genève du 21 décembre 2007.

Faits:

A.
A.________, gestionnaire de fortune indépendant, s'occupait des dossiers d'une
soixantaine de clients, qui lui avaient confié environ 40'000'000 fr. Il
versait l'argent reçu des investisseurs sur plusieurs comptes privés auprès de
la Banque X.________ (ci-après: X.________). Confronté à des pertes, il a
utilisé l'argent de certains clients pour en rembourser d'autres ou pour payer
des intérêts. Le 9 juillet 2000, il s'est spontanément dénoncé auprès du
Procureur général; il a été inculpé d'escroquerie, de gestion déloyale et de
faux dans les titres. Par la suite, les deux employés de X.________
responsables des comptes de A.________ ont également été inculpés, notamment
pour avoir accepté que le client procède à de nombreuses opérations de
transfert de fonds sur ses comptes sans en vérifier l'origine ni la
destination, qu'il mélange sur ses comptes ses propres avoirs avec ceux de ses
clients de façon anonyme et qu'il indique faussement être l'ayant droit
économique des fonds placés sur ses comptes.

Le 16 février 2000, Y.________ avait confié 150'000 fr. à A.________.

B.
Le 4 août 2006, Y.________ a ouvert action contre X.________ en paiement de
150'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 16 février 2000.

Par jugement du 14 mai 2007, le Tribunal de première instance du canton de
Genève a rejeté la demande au motif qu'une éventuelle prétention était
prescrite.

Statuant le 21 décembre 2007 sur appel de Y.________, la Chambre civile de la
Cour de justice du canton de Genève a jugé que les droits du demandeur
n'étaient pas prescrits; en conséquence, elle a annulé le jugement de première
instance et renvoyé la cause au tribunal «pour décision sur les prétentions de
Y.________».

C.
X.________ interjette un recours en matière civile. Elle conclut à l'annulation
de l'arrêt de la Chambre civile «en ce qu'il n'a pas considéré que la
prétention de Y.________ est prescrite» et à la confirmation du jugement du
Tribunal de première instance.

La recourante a également déposé une requête d'effet suspensif. Par ordonnance
du 27 février 2008, le Président de la cour de céans a fait droit à cette
requête.

Y.________ propose le rejet du recours et la confirmation de l'arrêt attaqué.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 133 III 629 consid. 2 p. 630 et les arrêts cités).

1.1 La Cour de justice a rejeté l'exception de prescription et renvoyé la cause
au juge de première instance pour la suite de la procédure. Il s'agit là d'une
décision incidente sur une question préjudicielle de droit matériel. Une telle
décision n'est susceptible de recours au Tribunal fédéral qu'à titre
exceptionnel, si l'un des deux cas décrits à l'art. 93 al. 1 let. a ou b LTF
est réalisé (ATF 133 III 629 consid. 2.1 p. 631).

1.2 Aux termes de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, le recours est ouvert lorsque la
décision attaquée peut causer un préjudice irréparable. La notion de préjudice
irréparable est calquée sur celle que posait l'ancien art. 87 al. 2 OJ pour le
recours de droit public; la jurisprudence rendue à propos de cette norme peut
être transposée dans le nouveau droit. Selon cette jurisprudence, un préjudice
ne peut être qualifié d'irréparable que s'il cause un inconvénient de nature
juridique; tel est le cas lorsqu'une décision finale même favorable au
recourant ne le ferait pas disparaître entièrement, en particulier lorsque la
décision incidente contestée ne peut plus être attaquée avec la décision
finale, rendant ainsi impossible le contrôle par le Tribunal fédéral; en
revanche, un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un
accroissement des frais de celle-ci, n'est pas considéré comme un dommage
irréparable de ce point de vue. Il appartient au recourant d'alléguer et
d'établir la possibilité que la décision préjudicielle ou incidente lui cause
un dommage irréparable, à moins que celui-ci ne fasse d'emblée aucun doute (ATF
133 III 629 consid. 2.3.1 p. 632 et les arrêts cités; arrêt 4A_453/2007 du 9
janvier 2008 destiné à la publication, consid. 2.1).
En l'espèce, le rejet de l'exception de prescription ne cause manifestement pas
un dommage irréparable à la recourante. La question pourra être soulevée dans
le cadre d'un éventuel recours contre la décision finale.

1.3 Selon l'art. 93 al. 1 let. b LTF, le recours est ouvert contre les
décisions préjudicielles ou incidentes, notifiées séparément, si son admission
peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une
procédure probatoire longue et coûteuse. Cette règle est inspirée de celle
posée par l'ancien art. 50 al. 1 OJ pour le recours en réforme, si bien qu'il y
a lieu de se référer à la jurisprudence relative à cette disposition (ATF 133
III 629 consid. 2.4 p. 633). La première des deux conditions cumulatives est
réalisée si le Tribunal fédéral peut mettre fin une fois pour toutes à la
procédure en jugeant différemment la question tranchée dans la décision
préjudicielle ou incidente. Quant à la seconde condition, il appartient au
recourant d'établir qu'une décision finale immédiate permettrait d'éviter une
procédure probatoire longue et coûteuse, si cela n'est pas manifeste; il doit
en particulier indiquer de manière détaillée quelles questions de fait sont
encore litigieuses, quelles preuves - déjà offertes ou requises - devraient
encore être administrées et en quoi celles-ci entraîneraient une procédure
probatoire longue et coûteuse (même arrêt, consid. 2.4.1 et 2.4.2 p. 633 et les
références).

En l'espèce, la recourante relève à juste titre que l'admission de l'exception
de prescription mettrait fin à la cause. Pour le reste, elle ajoute, sans un
mot d'explication, que l'admission de cette exception aurait pour effet
d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. Or, il n'est pas du tout
manifeste que l'instruction de la cause au fond sera longue et coûteuse; il
semble au contraire que les faits sont acquis pour une bonne partie. Quoi qu'il
en soit, il appartenait à la recourante, dans ces conditions, de satisfaire aux
exigences de motivation rappelées ci-dessus, ce qu'elle n'a pas fait.

Il s'ensuit que le recours est irrecevable.

2.
La recourante, qui succombe, prendra à sa charge les frais judiciaires (art. 66
al. 1 LTF) et versera des dépens à l'intimé (art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'500 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 6'500 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 28 mars 2008
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Corboz Godat Zimmermann