Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.514/2008
Zurück zum Index I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2008
Retour à l'indice I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2008


Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_514/2008

Arrêt du 29 janvier 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges Klett, Présidente, Kolly et Kiss.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.

Parties
X.________,
recourante, représentée par Me Hubert Theurillat,

contre

Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura, Le Château, case postale
24, 2900 Porrentruy 2

Objet
assistance judiciaire,

recours contre l'arrêt de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura
du 25 septembre 2008.

Faits:

A.
Le 18 avril 2006, A.________, qui exploite une entreprise de chauffage et
sanitaire, a ouvert action contre X.________. Il concluait, d'une part, à la
condamnation de la défenderesse à lui payer la somme de 12'000 fr., solde d'une
facture pour divers travaux effectués sur une installation de chauffage, et,
d'autre part, à l'inscription définitive d'une hypothèque légale d'artisan sur
l'immeuble de X.________.

La défenderesse a conclu au rejet de l'action. A titre reconventionnel, elle
demandait que A.________ soit condamné à lui verser une somme à dire de justice
pour les frais de remise en état de l'installation de chauffage, qu'elle
chiffrait à 30'879 fr., ainsi que des dommages-intérêts. Elle a requis
l'assistance judiciaire gratuite.

Par décision du 11 juillet 2008, le Juge civil du Tribunal de première instance
jurassien a rejeté la requête d'assistance judiciaire. Sans se prononcer sur
l'indigence de X.________, il a jugé que les chances de succès de ses
conclusions ne pouvaient pas être considérées comme sérieuses, au motif que la
défenderesse et demanderesse reconventionnelle n'aurait pas signalé à temps les
défauts de l'ouvrage.

Par arrêt du 25 septembre 2008, la Cour civile du Tribunal cantonal jurassien a
rejeté le recours déposé par X.________. A l'instar du juge précédent, elle a
considéré comme insuffisantes les chances de succès de la requérante, mais pour
des motifs différents de ceux retenus dans la décision de première instance.
L'autorité cantonale a laissé ouverte la question de la tardiveté de l'avis des
défauts. En revanche, elle a retenu que X.________ avait exercé le droit
formateur conféré au maître par l'art. 368 al. 2 CO en cas de défaut en
choisissant la réparation de l'ouvrage par l'entrepreneur, qu'elle avait par la
suite, à une date qui n'était toutefois pas précisée, refusé qu'il procédât
lui-même à la réparation et que l'entrepreneur avait alors offert de faire
exécuter la réparation, à ses frais, par un autre installateur qui avait déjà
travaillé pour X.________. La cour cantonale en a déduit que la défenderesse et
demanderesse reconventionnelle paraissait être en demeure. Elle a ajouté, sans
plus de détails, que les conclusions prises dans le cadre de l'action
reconventionnelle, pour une partie, étaient en contradiction avec les
constatations de l'expert judiciaire et, pour l'autre, «concern[ai]ent des
revendications à plus-value qui n'[avaient] pas à être supportées par
l'entrepreneur».

B.
X.________ interjette un recours en matière civile. Elle conclut principalement
à l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure pendante devant le
Tribunal de première instance; à titre subsidiaire, elle demande l'annulation
de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à la cour cantonale.

Par ailleurs, la recourante demande l'assistance judiciaire pour la procédure
devant le Tribunal fédéral; sur requête, elle a exposé, pièces à l'appui, sa
situation patrimoniale.

Invitée à se déterminer, la cour cantonale n'a pas pris position.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 134 III 115 consid. 1 p. 117, 235 consid. 1 p. 236,
379 consid. 1 p. 381).

Le refus de l'assistance judiciaire est une décision incidente (Message du 28
février 2001 concernant la révision totale de l'organisation judiciaire
fédérale, FF 2001 4131) susceptible de causer un préjudice irréparable (ATF 129
I 129 consid. 1.1 p. 131, 281 consid. 1.1 p. 283/284) et, partant, sujette à
recours (art. 93 al. 1 let. a LTF).

La voie de recours contre une telle décision est déterminée par le litige
principal. En l'espèce, la décision attaquée a été rendue en matière civile
(art. 72 al. 1 LTF). La valeur litigieuse ouvrant la voie du recours en matière
civile est déterminée par les conclusions encore contestées devant la dernière
instance cantonale (art. 51 al. 1 let. a LTF). Le montant d'une demande
reconventionnelle et celui de la demande principale ne sont pas additionnés
(art. 53 al. 1 LTF); les deux demandes sont considérées comme indépendantes. Si
leurs conclusions s'excluent, il suffit que la valeur litigieuse requise soit
donnée pour l'une; elle est alors réputée être donnée pour l'autre, le recours
étant recevable sur les deux demandes (art. 53 al. 2 LTF). En l'espèce, la
valeur litigieuse de la demande reconventionnelle est supérieure à 30'000 fr.
et la décision attaquée a été rendue par une autorité cantonale de dernière
instance (art. 75 al. 1 LTF). Le recours en matière civile est ouvert (art. 74
al. 1 let. b LTF).

2.
Le droit à l'assistance judiciaire est déterminé en premier lieu par le droit
cantonal de procédure, dont le Tribunal fédéral ne peut contrôler le respect
que sous l'angle restreint de l'arbitraire. Ce droit découle également de
l'art. 29 al. 3 Cst., qui offre des garanties minimales dont le Tribunal
fédéral peut examiner librement le respect; il ne peut toutefois revoir que
sous l'angle de l'arbitraire les constatations de fait sur lesquelles repose la
décision attaquée (ATF 127 I 202 consid. 3a p. 204 ss).

La recourante invoque à la fois l'art. 29 al. 3 Cst. et des dispositions du
droit cantonal de procédure, spécialement l'art. 76 al. 1 CPC/JU. Cependant,
elle ne motive pas spécifiquement le grief relatif au droit cantonal, ni ne
soutient que celui-ci lui conférerait des droits plus étendus que le droit
constitutionnel fédéral. Par conséquent, seul le moyen tiré de la violation de
l'art. 29 al. 3 Cst. sera examiné.

Aux termes de cette disposition, toute personne qui ne dispose pas de
ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de
toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. En outre, elle a
droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde
de ses droits le requiert. D'après la jurisprudence, un procès est dépourvu de
chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus
faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être
considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de
condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle
s'exposerait à devoir supporter; il ne l'est pas, en revanche, lorsque les
chances de succès et les risques d'échec s'équilibrent à peu près, ou que les
premières ne sont que légèrement inférieures aux secondes (ATF 133 III 614
consid. 5 p. 616 et l'arrêt cité). Ce qui est déterminant est de savoir si une
partie disposant des ressources financières nécessaires se lancerait ou non
dans le procès après une analyse raisonnable. Une partie ne doit pas pouvoir
mener un procès qu'elle ne conduirait pas à ses frais, uniquement parce qu'il
ne lui coûte rien (ATF 129 I 129 consid. 2.3.1 p. 136). La situation doit être
appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire
(ATF 133 III 614 consid. 5 p. 616 et les arrêts cités).

L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit.
L'assistance judiciaire sera refusée s'il apparaît d'emblée que les faits
pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés;
cette hypothèse est réalisée lorsque la thèse du requérant ne tient pas debout.
L'assistance peut également être refusée s'il apparaît d'emblée que la démarche
est irrecevable ou que la position du requérant est juridiquement mal fondée;
sur le fond, on peut imaginer que les faits allégués ne correspondent pas aux
conditions de l'action. L'autorité chargée de statuer sur l'assistance
judiciaire ne doit évidemment pas se substituer au juge du fond; elle doit
seulement examiner s'il lui apparaît qu'il y a des chances que le juge adopte
la position soutenue par le requérant, chances qui doivent être plus ou moins
équivalentes aux risques qu'il parvienne à la conclusion contraire. Dire quels
sont les éléments d'appréciation pertinents et s'il existe des chances de
succès est une question de droit que le Tribunal fédéral examine librement; en
revanche, savoir si les faits sont établis ou prouvables est une question qui
relève de l'appréciation des preuves et ne peut être revue que sous l'angle de
l'arbitraire (Bernard Corboz, Le droit constitutionnel à l'assistance
juridique, SJ 2003 II p. 82 s.).

3.
La cour cantonale a retenu que la recourante avait mis l'entrepreneur -
demandeur et défendeur reconventionnel - en demeure de réparer les défauts
jusqu'au 24 décembre 2005 et qu'elle était liée par ce choix. La recourante
conteste avoir opté pour la réparation. Elle relève qu'au demeurant,
l'entrepreneur n'y a pas procédé dans le délai fixé.
3.1. Lorsque l'ouvrage fait sur le fonds du maître est si défectueux ou si peu
conforme à la convention que le maître ne puisse en faire usage ou être
équitablement contraint de l'accepter et si son enlèvement ne présente pas des
inconvénients excessifs, le maître a le droit de le refuser; le refus entraîne
la résolution du contrat d'entreprise. Si les défauts sont moindres ou s'il
renonce à refuser l'ouvrage, le maître peut réduire le prix en proportion de la
moins-value ou obliger l'entrepreneur à réparer l'ouvrage à ses frais si la
réfection est possible sans dépenses excessives (art. 368 CO). Le maître est en
principe libre d'exiger la réfection de l'ouvrage, l'annulation du contrat ou
la réduction du prix. Mais il est lié par son choix, qui procède de l'exercice
d'un droit formateur; s'il demande la réfection, il ne peut plus exercer
l'action rédhibitoire ou minutoire. Cependant, si l'entrepreneur ne procède pas
à la réparation dans le délai fixé, les règles sur la demeure s'appliquent
(art. 102 ss CO). A l'échéance du délai fixé ou, éventuellement, à l'échéance
d'un délai convenable supplémentaire (art. 107 et 108 CO), les différentes
options offertes au maître par l'art. 368 CO renaissent; il n'est alors plus
lié par son choix antérieur de demander la réparation des défauts (ATF 109 II
40 consid. 6a p. 42; Peter Gauch, Der Werkvertrag, 4e éd. 1996, nos 1789 ss, p.
481 ss; François Chaix, in Commentaire romand, 2003, nos 4 et 51 ad art. 368
CO).

Les parties peuvent déroger au système légal. En l'espèce, il ne ressort
toutefois pas de l'arrêt attaqué qu'elles auraient fait usage de cette faculté.
Au contraire, tant la décision entreprise que le recours renvoient à l'art. 368
CO.
3.2. Selon l'arrêt attaqué, la recourante a choisi de demander la réparation de
l'ouvrage. La cour cantonale se fonde manifestement sur la lettre du 5 décembre
2005 que le mandataire de la recourante a envoyée à l'entrepreneur. Cette
lettre se termine comme suit: «Pour toutes ces raisons, je vous informe que ma
cliente refuse ces travaux tels qu'ils ont été réalisés. Elle vous demande de
supprimer l'intégralité des défauts, d'ici au 24 décembre prochain. Il s'agit
là d'une mise en demeure. A défaut, elle se réserve de faire valoir ses droits
inhérents à la garantie dans le contrat d'entreprise.»

Prise au mot, la déclaration est ambiguë: la recourante déclare tant refuser
l'ouvrage qu'exiger sa réparation, deux choses qui s'excluent. Néanmoins, même
en admettant que l'entrepreneur devait objectivement comprendre que la
recourante demandait la réparation de l'ouvrage, force est de constater qu'il
n'a pas donné suite à cette injonction dans le délai fixé au 24 décembre 2005;
au surplus, il n'a pas été établi que la recourante l'en aurait empêché. Quant
aux faits survenus ultérieurement auxquels la cour cantonale fait allusion en
partie, ils n'ont pas été constatés précisément dans l'arrêt attaqué. On ne
saurait donc en l'état, c'est-à-dire sur la base des faits constatés, retenir
que la recourante semble être en demeure pour avoir refusé la réparation dans
le délai fixé à cet effet, qu'une action minutoire est exclue et que ses
conclusions en rejet de l'action de l'entrepreneur en paiement du solde du prix
de l'ouvrage sont, pour le motif retenu par la cour cantonale, dénuées de
chances de succès.

4.
Le recours doit être admis. Les faits constatés dans la décision cantonale ne
permettent pas d'examiner les chances de succès de la recourante dans l'action
que l'entrepreneur a ouverte contre elle, ni dans celle qu'elle lui intente par
voie reconventionnelle. La cause sera dès lors renvoyée à la cour cantonale
pour nouvelle décision.

5.
La recourante, qui obtient gain de cause, est indigente. L'assistance
judiciaire lui est dès lors accordée pour la procédure de recours devant le
Tribunal fédéral (art. 64 al. 1 LTF). Me Hubert Theurillat est désigné comme
avocat d'office de la recourante; la caisse du Tribunal fédéral lui versera une
indemnité (art. 64 al. 2 LTF).

Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la
cour cantonale pour nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

3.
La demande d'assistance judiciaire pour la procédure devant le Tribunal fédéral
est admise et Me Hubert Theurillat est désigné comme avocat d'office de la
recourante.

4.
La caisse du Tribunal fédéral versera à Me Hubert Theurillat une indemnité de
2'500 fr. à titre d'honoraires d'avocat d'office.

5.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante et à la Cour
civile du Tribunal cantonal du canton du Jura.

Lausanne, le 29 janvier 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:

Klett Godat Zimmermann