Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.509/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_509/2008

Arrêt du 3 février 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges Klett, présidente, Corboz et Kiss.
Greffier: M. Carruzzo.

Parties
X.________ SA,
recourante, représentée par Me Pierre Gillioz,

contre

Z.________,
intimé, représenté par Me Pierre Gabus,

Objet
contrat de travail; salaire ou gratification,

recours en matière civile contre l'arrêt rendu le
3 octobre 2008 par la Cour d'appel de la juridiction
des prud'hommes du canton de Genève.

Faits:

A.
A.a X.________ SA (ci-après: X.________), avec siège à ..., dont la raison
sociale était A.________ SA (ci-après: A.________) jusqu'au 23 mai 2003, est
une société anonyme faisant partie du groupe B.________, issu de la fusion des
groupes C.________ et D.________. Elle est active, notamment, dans le commerce
de produits pétroliers et emploie, à ..., une cinquantaine de traders, répartis
en groupes en fonction de la nature du produit pétrolier ou d'une zone
géographique déterminée.
A.b Par contrat du 8 mai 1999, prenant effet le 1er juin 1999, X.________ a
engagé Z.________ pour travailler à ... au sein du groupe "E.________", composé
de quatre traders. Le contrat a été conclu pour une durée indéterminée avec un
préavis mutuel de résiliation de trois mois. Le salaire brut initial, payable
douze fois l'an, a été fixé à 160'000 fr. Régulièrement augmenté, il a été
porté à 263'000 fr. dès le 1er janvier 2006.
A.c Au début de l'année 2001, A.________ a adopté un "règlement concernant le
plan de rémunération et d'épargne-retraite des traders". Cette démarche était
motivée par les conditions particulièrement stressantes et exigeantes dans
lesquelles s'exerçait l'activité de trader en produits pétroliers, conditions
qui conduisaient à des démissions avant l'âge de 45 ans. Il s'agissait de
permettre aux traders de se constituer plus rapidement une épargne de
prévoyance. En substance, ce plan de rémunération prévoit le versement, par
l'employeur, d'une "rémunération complémentaire en espèces (prime
complémentaire au salaire)", d'une part, ainsi qu'une contribution à un plan
d'épargne-retraite et d'assurance décès-invalidité, d'autre part.

Le montant brut de la rémunération complémentaire et la date de son versement
faisaient l'objet d'une décision prise chaque année par le président ou
l'administrateur délégué de A.________ en fonction des performances de chaque
bénéficiaire. Le versement de la prime complémentaire devait être opéré "après
déductions légales".

A cette prime venait s'ajouter un versement, au titre de l'épargne-retraite,
sous la forme du paiement, par l'employeur, des primes relatives à un contrat
d'assurance conclu avec une société tierce. Le montant de la prime annuelle
d'épargne-retraite devait correspondre à 12% au moins du salaire annuel brut du
bénéficiaire concerné; il était communiqué chaque année à l'intéressé et versé
à la compagnie d'assurance au plus tard le 31 mars de l'année suivante, une
fois les déductions légales effectuées.

En présentant le plan en question, le conseil d'administration de la société
l'a qualifié de "complément de salaire arrêté en fonction [des] performances",
versé pour partie au titre de rémunération périodique et pour partie au titre
de complément de retraite.
A.d Pour l'année 2000, Z.________ a perçu, le 31 mars 2001, une "prime
exceptionnelle" de 1'130'000 fr. brut, versée en partie à titre de "supplément
de salaire" et en partie "à titre de contribution au Fonds de pension". S'y
ajoutait une somme de16'000 USD, versée par A.________ à une compagnie
d'assurance dans le cadre du plan d'épargne-retraite des traders.

Pour les années 2001, 2002 et 2003, l'employé a touché, le 31 mars de l'année
suivante, des primes exceptionnelles brutes de 792'000 fr., 340'620 fr. et
913'590 fr. Quant aux versements opérés par l'employeur durant la même période,
au titre du complément d'épargne-retraite, ils se sont élevés, respectivement,
à 240'000 USD, 466'700 USD et 20'300 USD. La société a expliqué que les
montants attribués aux traders dépendaient de différents facteurs, à savoir ses
propres résultats, ceux de l'équipe à laquelle appartenait le trader en
question, la "valeur individuelle" de ce dernier et l'évolution de la
rémunération des traders sur le marché.

En 2004, X.________ a décidé d'introduire, à partir du 1er janvier 2005, un
élément de fidélisation dans le versement de la rémunération complémentaire.
Selon elle, cette décision était la conséquence de la concurrence acharnée que
se livraient, à ..., les différents opérateurs du marché pour engager les
traders les plus expérimentés. Ainsi a-t-elle décidé que, dorénavant, le
complément de rémunération serait versé en deux fois et que l'employé n'y
aurait droit que si les rapports de travail existaient toujours à la date du
versement. Cette décision n'a pas été concrétisée dans un document écrit et les
personnes concernées n'ont pas été invitées à confirmer par écrit leur accord
avec la modification décidée.

Par courrier du 4 février 2005, X.________ a informé Z.________ qu'il recevrait
une prime exceptionnelle de 1'110'000 fr. "en témoignage de satisfaction pour
sa contribution dans l'obtention des résultats de l'année 2004". Ce montant
serait versé en partie à titre de "supplément de salaire" et en partie à titre
de "contribution au fonds de pension", le versement devant intervenir à hauteur
de 570'000 fr. en février 2005 et de 540'000 fr. en septembre 2005, à condition
que le contrat de travail n'ait pas été dénoncé au 31 août 2005. S'y ajoutait
une somme de 19'230 EUR qui serait versée, sous la même condition, en septembre
2005 dans le cadre du plan d'épargne-retraite des traders. Z.________ dit avoir
protesté oralement, à réception de ce courrier, tant contre l'échelonnement que
contre le caractère conditionnel du versement de cette prime. Il se serait vu
répondre qu'il s'agissait d'une décision non négociable de la société et il
aurait alors compris qu'il devait soit accepter, soit partir.

Le 3 février 2006, X.________ a adressé à Z.________ une lettre de même contenu
que la précédente au sujet de la prime exceptionnelle afférente à l'exercice
2005. Fixée à 1'792'000 fr., celle-ci serait versée pour moitié en février 2006
et pour l'autre moitié en septembre 2006, à condition que le contrat de travail
n'ait pas été dénoncé au 31 août 2006. Devait s'y ajouter la somme de 371'900
EUR qui serait versée en février 2007, dans le cadre du plan d'épargne-retraite
des traders, pour autant que l'employé n'ait pas résilié son contrat de travail
au préalable.
A.e Par courrier du 27 février 2006, Z.________ a résilié les rapports de
travail pour le 31 mai 2006, motif pris d'un désaccord persistant entre les
parties relativement à des questions de "gestion personnelle". La société lui a
fait savoir, le 31 mars 2006, qu'elle le libérait de son obligation de
travailler à compter du 16 mars 2006 et qu'il toucherait son salaire jusqu'au
31 mai 2006.

Le 19 juin 2006, X.________ a informé Z.________ qu'elle lui versait, à titre
discrétionnaire, le montant de 1'422'202 fr. conformément au règlement du plan
de rémunération des traders et qu'elle considérait, dès lors, les droits de
l'employé en relation avec la prestation d'épargne-retraite comme
définitivement éteints.
A.f Z.________ a, par la suite, été engagé par une autre société, également
active dans le secteur des transactions pétrolières.

B.
B.a Le 18 avril 2007, Z.________ a assigné X.________ en paiement de 2'950'000
USD, intérêts en sus, à titre de solde de salaire pour les mois de décembre
2004 à novembre 2005 (1'850'000 USD brut), d'une part, sous déduction des
896'000 fr. déjà versés par l'employeur, et pour les mois de décembre 2005 à
mai 2006 (1'100'000 USD brut), d'autre part. Invité à le faire, le demandeur a
chiffré ses conclusions en francs suisses. Il a ainsi réclamé, pour la première
période précitée, la somme de 1'481'668 fr. 10 brut et, pour la seconde
période, 1'353'550 fr. brut, montant qu'il a ensuite porté à 1'365'855 fr.

La défenderesse a conclu au rejet de la demande.
Par jugement du 10 mars 2008, le Tribunal des prud'hommes du canton de Genève,
après avoir déclaré irrecevables le dépôt de pièces complémentaires par la
défenderesse et certains allégués figurant dans un mémoire du demandeur, a
condamné la première à payer au second la somme brute de 2'472'363 fr. 10 avec
intérêts à 5% l'an dès le 1er juin 2006 et invité la partie en ayant la charge
à opérer les déductions sociales, légales et usuelles. Il a rejeté la demande
pour le surplus.
B.b Statuant par arrêt du 3 octobre 2008, sur appel de la défenderesse, la Cour
d'appel de la juridiction des prud'hommes a confirmé le jugement de première
instance.

A l'instar des juges précédents, les magistrats de la Cour d'appel ont admis
que la rémunération complémentaire versée par la défenderesse à ses traders ne
constituait pas une gratification aléatoire, au sens de l'art. 322d CO, mais un
salaire variable. En décidant unilatéralement d'attribuer un caractère de
fidélisation à la rémunération complémentaire versée au demandeur dès le 1er
janvier 2005, la défenderesse avait péjoré les conditions salariales de cet
employé, sans que ce dernier y eût consenti d'une manière ou d'une autre. Ce
mode de faire n'étant pas admissible, elle était tenue de verser la
rémunération complémentaire impayée, à savoir 1'481'668 fr. 10 pour 2005 et
990'695 fr. pour l'année 2006 pro rata temporis, avec les intérêts y afférents
et sous déduction des charges usuelles.

C.
La défenderesse a formé un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Elle
conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal et au rejet intégral de la demande.
L'intimé conclut à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, au rejet de
celui-ci. La cour cantonale se réfère, quant à elle, aux motifs énoncés dans
son arrêt.

La requête d'effet suspensif présentée par la recourante a été rejetée par
ordonnance présidentielle du 9 décembre 2008.

Considérant en droit:

1.
1.1 Exercé par une partie qui a succombé dans ses conclusions libératoires et
dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière civile (art. 72 al.
1 LTF) dans une affaire pécuniaire en matière de droit du travail dont la
valeur litigieuse atteint le seuil de 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF), le
présent recours est recevable. Il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1
LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Quoi qu'en dise l'intimé, qui
confond recevabilité et mérite du recours, le mémoire soumis au Tribunal
fédéral satisfait de toute évidence à l'exigence de motivation fixée par l'art.
42 al. 2 LTF. Il y a lieu, partant, d'entrer en matière. Demeure réservé
l'examen de la recevabilité des différents griefs formulés par la recourante.

1.2 Le recours peut être exercé pour violation du droit, tel qu'il est délimité
par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art.
106 al. 1 LTF). Il n'est donc lié ni par les arguments soulevés dans le recours
ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut admettre un
recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un
recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité
précédente (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4). Toutefois, eu égard à l'exigence
de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité
(art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les
griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de
première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque
celles-ci ne sont plus discutées devant lui. Il ne peut pas entrer en matière
sur la violation d'un droit constitutionnel ou sur une question relevant du
droit cantonal ou intercantonal si le grief n'a pas été invoqué et motivé de
manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF).

1.3 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en
violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour
autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la
cause (art. 97 al. 1 LTF).

L'ancien droit réservait expressément la possibilité de compléter les
constatations de la dernière autorité cantonale (art. 64 OJ). Bien qu'il ne
règle pas spécifiquement la question, le nouveau droit n'exclut pas cette
faculté. Il considère que l'hypothèse de l'état de fait incomplet entre dans
les prévisions de l'art. 105 al. 2 LTF, en ce sens que l'autorité précédente
viole le droit matériel en n'établissant pas tous les faits pertinents pour
l'application de celui-ci. Ainsi, le Tribunal fédéral doit-il, en tout cas,
pouvoir continuer à sanctionner un état de fait incomplet qui l'empêcherait
d'appliquer correctement le droit privé fédéral. Mais il ne le fera pas d'une
manière plus large que celle avec laquelle il usait des pouvoirs que lui
accordait jadis l'art. 64 OJ. Cette disposition, faut-il le rappeler, ne
conférait pas aux parties la faculté de compléter ad libitum les faits
constatés par l'autorité cantonale, sous prétexte qu'un complètement desdits
faits conduirait à une solution juridique différente du litige. Elle n'entrait
en ligne de compte que si la décision attaquée ne contenait pas les
constatations nécessaires à l'application du droit fédéral, alors que les faits
pertinents passés sous silence avaient été allégués en conformité avec les
règles fixées par la procédure cantonale et qu'un complètement de l'état de
fait était encore objectivement possible (arrêt 4A_290/2007 du 10 décembre 2007
consid. 5.1 et les références; voir aussi l'ATF 133 IV 293 consid. 3.4.2).

La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité
précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions
d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées; à ce
défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de
celui contenu dans la décision attaquée (cf. ATF 130 III 138 consid. 1.4).
Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter
de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).

2.
Pour étayer ses griefs relatifs à la violation du droit fédéral, la recourante
a annexé à son mémoire un avis de droit, daté du 5 novembre 2008, émanant du
professeur Gabriel Aubert. L'intimé en conteste à tort la recevabilité. Il ne
s'agit pas d'un novum, au sens de l'art. 99 al. 1 LTF. Sous l'empire de l'OJ,
bien que le dépôt de pièces nouvelles fût proscrit tant dans la procédure du
recours en réforme (art. 55 al. 1 let. c) que dans celle du recours de droit
public pour arbitraire (ATF 121 I 367 consid. 1b p. 370 et les arrêts cités),
le Tribunal fédéral admettait néanmoins la production d'expertises juridiques
ou de précédents visant uniquement à renforcer et à développer le point de vue
du recourant, pour autant que ces pièces fussent déposées dans le délai de
recours (ATF 126 I 95; 108 II 69 consid. 1 p. 72). Il doit en aller de même
sous le régime du nouveau droit.

Rien ne fait donc obstacle, en l'espèce, à la prise en considération de l'avis
de droit que la recourante a déposé dans le délai de recours pour étayer son
argumentation.

3.
3.1 Les premiers griefs formulés dans le mémoire de recours ont trait aux
faits. La recourante commence par un rappel des principes applicables en la
matière. Elle distingue expressément trois hypothèses dans lesquelles les
constatations de l'autorité cantonale peuvent être remises en cause - violation
de l'interdiction de l'arbitraire, violation de dispositions légales visées par
l'art. 95 LTF et caractère incomplet des constatations de la dernière autorité
cantonale - et précise que c'est la dernière de ces trois hypothèses qui seule
entre en ligne de compte en l'espèce. Puis, au terme de sa démonstration, la
recourante déclare qu'elle "n'allègue pas que les faits auraient été établis de
manière manifestement inexacte par la cour cantonale, ce qui aurait été
constitutif d'arbitraire".

Il ressort ainsi de ses propres explications que la recourante se borne à
déplorer le caractère incomplet des constatations de la Cour d'appel sur les
points indiqués par elle. Par conséquent, l'examen qui suit se limitera à la
vérification du bien-fondé de cette critique. C'est dire qu'il ne portera pas,
même quant à ces points-là, sur la question de savoir si l'omission des
constatations visées par la recourante pourrait tomber sous le coup de
l'interdiction de l'arbitraire (cf. art. 106 al. 2 LTF).
3.2
3.2.1 Dans un premier chapitre, intitulé "situation du marché du travail et
nécessaire fidélisation des traders", la recourante reproche aux juges
précédents d'avoir ignoré l'ensemble des circonstances qui ont eu une influence
sur sa décision d'augmenter les primes et sur l'introduction d'un élément de
fidélisation des employés. Elle fait état, à cet égard, de la concurrence
accrue sur le marché du travail dans le négoce international des produits
pétroliers et de la difficulté qui en découlait pour les sociétés spécialisées
de trouver ou de retenir du personnel qualifié. Selon la recourante, cet état
de choses, parfaitement explicité par les déclarations de T.________, son
ancien administrateur délégué, a été passé sous silence par la Cour d'appel.
Cette dernière se voit également reprocher d'avoir ignoré l'extraordinaire
augmentation de la prime 2006 par rapport à la prime 2005 de même que
l'existence, pourtant avérée, d'un bonus d'entrée que l'intimé avait perçu de
son nouvel employeur.

Outre qu'ils revêtent un caractère appellatoire manifeste, ces reproches
tombent à faux pour la raison déjà que la décision attaquée contient les
constatations nécessaires à l'application du droit fédéral. En réalité, le
complètement requis par la recourante ne vise qu'à permettre à celle-ci
d'introduire des faits propres à étayer une solution juridique différente du
litige, ce qui n'est pas admissible. Quoi qu'il en soit, la cour cantonale n'a
pas méconnu les faits pertinents pour l'issue de celui-ci.

Les juges d'appel constatent, en effet, que les montants attribués aux traders
étaient fonction de différents facteurs, en particulier l'évolution de la
rémunération des traders sur le marché. Ils soulignent, à ce sujet, que, selon
les propres explications de la recourante, la décision, prise par cette
dernière en 2004, d'introduire un élément de fidélisation dans le versement de
la rémunération complémentaire "était la conséquence de la concurrence acharnée
que se livraient, à ..., les différents «opérateurs du marché» pour engager les
traders les plus expérimentés" (arrêt, p. 5, let. D).

Quant aux montants respectifs des primes pour les années 2005 et 2006, ils
ressortent expressément des constatations de la cour cantonale (arrêt, p. 6,
let. F). Dire que l'évolution de la prime entre ces deux années constitue une
"extraordinaire augmentation", n'est pas une constatation, mais la conséquence
tirée d'un fait avéré et retenu dans l'arrêt attaqué. Pareille démarche n'a
rien à voir avec un complètement de l'état de fait.

Pour ce qui est du bonus d'entrée, la recourante sort des limites assignées par
elle à ses griefs touchant les faits lorsqu'elle soutient que son existence a
été méconnue en violation de l'art. 8 CC et de l'art. 211 de la loi de
procédure civile genevoise. En argumentant de la sorte, elle mélange sans
raison la question du complètement des constatations de la cour cantonale avec
celles de la violation du droit à la preuve et de l'application arbitraire du
droit de procédure cantonal.
3.2.2 Dans un second chapitre, la recourante fait grief à la cour cantonale de
n'avoir pas retenu ses allégations - pourtant prouvées, notamment par les dires
de deux témoins - voulant que les primes n'aient pas été déterminées selon une
formule arithmétique, qu'elles ne fussent pas automatiques et qu'elle ne les
versât jamais l'année du départ d'un trader. Elle lui reproche, en outre, de
n'avoir donné "aucune explication mathématique au doublement de la prime entre
l'année 2005 et l'année 2006...".

Ces critiques, tout aussi appellatoires que les précédentes, sont vouées au
même sort qu'elles. Force est de relever d'emblée que la recourante indique
certes avoir allégué les faits susmentionnés, mais qu'elle ne fournit pas la
moindre référence à l'appui de cette assertion. Or, il n'appartient pas au
Tribunal fédéral d'aller lui-même vérifier dans les écritures versées au
dossier cantonal si les prétendues allégations y figurent ou non. Partant,
cette absence de motivation permet déjà, à elle seule, d'écarter la requête de
l'intéressée tendant au complètement des constatations de la Cour d'appel. De
toute façon, les juges précédents se sont exprimés, en particulier à la page
14, troisième paragraphe, de leur arrêt, sur les modalités de fixation de la
rémunération complémentaire versée aux traders et leurs constatations suffisent
amplement pour que la Cour de céans puisse appliquer correctement le droit
fédéral, d'autant plus que les calculs effectués par eux pour fixer le montant
dû à l'intimé ne font pas l'objet d'une contestation spécifique.

S'agissant, enfin, du "bond spectaculaire" fait par la prime entre 2005 et
2006, il y a lieu de renvoyer à ce qui a été dit plus haut à ce sujet (cf.
consid. 3.2.1, avant-dernier §).

3.3 Dans ces conditions, le Tribunal fédéral statuera sur la base des seuls
faits établis par l'autorité précédente (art. 106 al. 1 LTF).

4.
Le premier point litigieux a trait à la qualification juridique de la
rémunération complémentaire versée par la recourante à ses traders.

4.1 Le droit suisse ne contient aucune disposition qui définisse et traite de
façon spécifique du bonus. Selon ses caractéristiques, le bonus sera considéré
soit comme une gratification au sens de l'art. 322d CO, soit comme un élément
du salaire (art. 322 CO), pouvant revêtir, selon les cas, la forme d'une
participation au résultat de l'exploitation (art. 322a CO). On en jugera de cas
en cas sur le vu des circonstances pertinentes. Cette qualification est
déterminante, car le régime des gratifications est beaucoup plus flexible que
les règles applicables aux éléments du salaire. Ainsi, contrairement au
salaire, la gratification dépend, au moins partiellement, du bon vouloir de
l'employeur. Si elle n'a pas été convenue expressément ou par acte concluant,
la gratification est entièrement facultative et, si un versement a été convenu,
l'employeur est tenu d'y procéder, mais il jouit d'une certaine liberté dans la
fixation du montant à allouer. Il est admis que l'employeur peut, dans les
limites de l'art. 27 al. 2 CC, subordonner le droit à la gratification à des
conditions, par exemple à la présence du salarié dans l'entreprise lors de son
versement ou à l'absence de résiliation du contrat; il ne peut pas le faire, en
revanche, si la rémunération en cause constitue un élément du salaire. De plus,
en vertu de l'art. 322d al. 2 CO, si les rapports de travail ont pris fin avant
l'échéance de la gratification, le travailleur ne peut prétendre à un montant
pro rata temporis que s'il en a été convenu ainsi (arrêt 4C.426/2005 du 28
février 2006 consid. 5.1 avec de nombreuses références).

En l'absence d'un accord explicite, la gratification est considérée comme
convenue lorsque l'employeur l'a versée durant plus de trois années
consécutives sans en réserver, par une déclaration adressée au travailleur, le
caractère facultatif. Selon les circonstances, la gratification peut être due
alors même que, d'année en année, l'employeur a exprimé et répété une réserve à
ce sujet. Au demeurant, la gratification est accessoire par rapport au salaire
et elle ne peut avoir qu'une importance secondaire dans la rétribution du
travailleur. Par conséquent, un montant très élevé en comparaison du salaire
annuel, égal ou même supérieur à ce dernier, et versé régulièrement, doit être
considéré comme un salaire variable même si l'employeur en réservait le
caractère facultatif. Dans le cas de salaires modestes, un montant
proportionnellement moins élevé peut déjà présenter le caractère d'un salaire
variable (ATF 131 III 615 consid. 5.2 et les références).

4.2 Se rangeant à l'avis des premiers juges, la Cour d'appel retient, elle
aussi, que la rémunération complémentaire litigieuse ne constituait pas une
gratification aléatoire, au sens de l'art. 322d CO, mais un salaire variable.
Elle justifie cette qualification juridique par les motifs résumés ci-après.
Le contrat de travail ayant lié les parties ne prévoyait que le versement d'un
salaire annuel brut, versé douze fois l'an, et ne faisait pas mention d'une
gratification, d'une prime ou d'un bonus supplémentaire.

Dès l'an 2000, la recourante a voulu améliorer les conditions de rémunération
des traders en produits pétroliers, eu égard aux conditions particulièrement
stressantes de l'exercice de cette activité, en leur permettant de se
constituer plus rapidement une prévoyance professionnelle. A cette fin, elle a
adopté, en 2001, un règlement prévoyant le versement, par ses soins, d'une
prime complémentaire au salaire, payée en espèces au bénéficiaire, ainsi que
d'une contribution patronale à un plan d'épargne-retraite et d'assurance
décès-invalidité. Le but poursuivi par elle n'aurait pas pu être atteint par
l'allocation de gratifications laissées à sa seule discrétion. Du reste, au
cours des discussions avec l'administration fiscale antérieures à l'adoption du
règlement précité, la recourante avait elle-même qualifié la rémunération
envisagée de complément de salaire.

Par ailleurs, les montants versés à titre de rémunération complémentaire au
sens de ce règlement entre 2001 et 2004 ont régulièrement représenté des sommes
supérieures à celles du salaire annuel contractuellement convenu. Sans doute
cette rémunération complémentaire est-elle demeurée variable, son montant étant
arrêté chaque année par l'employeur. Cet état de choses s'explique, toutefois,
par le fait que le montant de ladite rémunération dépendait en particulier des
résultats de l'année écoulée.

Enfin, dans les courriers adressés à l'intimé, la recourante a elle-même
qualifié les montants annoncés pour les années 2005 et 2006 de complément de
salaire, ce qui confirme qu'elle était consciente de la nature salariale de la
prestation annoncée.

4.3 En excluant la qualification de gratification à bien plaire, au sens de
l'art. 322d CO, au profit de celle de salaire variable, les juges précédents
n'ont pas méconnu les principes sus-indiqués. Il n'est du reste pas nécessaire
de déterminer plus avant si la rémunération en cause doit être qualifiée de
salaire stricto sensu ou de gratification obligatoire dès lors qu'il y a lieu
de traiter celle-ci comme celui-là, puisqu'elle constitue un élément du
salaire.
Pour contester le bien-fondé de cette qualification juridique, la recourante
avance un certain nombre d'arguments qu'il convient de passer en revue, non
sans avoir précisé, au préalable, que nombre d'entre eux reposent sur des
allégations qui s'écartent des faits établis par l'autorité précédente, ce qui
n'est pas admissible (cf. art. 105 al. 1 LTF).
4.3.1 Contrairement à ce que soutient la recourante, la Cour d'appel n'a pas
retenu, dans la partie "en droit" de son arrêt, que la rémunération
complémentaire était fixée sur la base des seuls résultats de la société. La
locution adverbiale "en particulier", utilisée dans le passage topique de son
arrêt (p. 14, antépénultième §), démontre que l'existence d'autres facteurs
permettant de fixer la rémunération complémentaire n'a pas échappé aux juges
d'appel. A cet égard, il est certes indéniable que l'employeur jouissait, en
l'espèce, d'une assez grande liberté dans la fixation du montant à allouer à
chacun de ses traders. Il est tout aussi vrai, comme le Tribunal fédéral le
souligne dans le précédent cité par la recourante (arrêt 4A_115/2007 du 13
juillet 2007 consid. 4.3.3), que le pouvoir d'appréciation que l'employeur se
réserve, quant à la détermination du montant du bonus, est une circonstance
caractérisant la gratification. Cependant, dans le même arrêt, le Tribunal
fédéral ajoute que la gratification peut perdre son caractère facultatif
lorsqu'elle ne revêt plus un caractère accessoire par rapport au salaire. Ainsi
en va-t-il de la gratification qui atteint un montant considérable et qui est
régulièrement versée (consid. 4.3.5). Il n'est pas douteux, sur le vu des
constatations de fait souveraines de la Cour d'appel, que ces deux conditions
étaient réalisées dans la présente espèce.

Selon la recourante, ni la désignation de "salaire" utilisée par elle dans ses
discussions avec l'administration fiscale ni la manière d'imposer les
prestations en cause ne seraient pertinentes pour qualifier juridiquement ces
dernières. Que de telles circonstances ne soient pas décisives à elles seules
est exact. Il n'en demeure pas moins qu'elles constituent des indices qui sont
de nature à corroborer l'opinion de la Cour d'appel. Il en est d'autres,
d'ailleurs, sur lesquels la recourante ne s'appesantit pas, mais qui vont dans
le même sens, comme le fait que lesdites prestations étaient prévues dans un
règlement, qu'elles étaient versées à échéance fixe, qu'elles étaient soumises
aux déductions légales et que l'employeur lui-même avait indiqué, dans ses
lettres adressées en février 2005 et 2006 à l'intimé, que la prime était versée
"à titre de supplément de salaire".

Soulignant que les montants alloués au fonds de pension variaient d'une année à
l'autre, la recourante fait grief à la Cour d'appel d'avoir considéré que le
but de ce fonds de pension ne pouvait pas être atteint s'il dépendait de
gratifications variables. Cependant, elle restitue, une fois de plus, de
manière incorrecte l'opinion émise par les juges d'appel. Ceux-ci, en effet,
n'ont pas dit que le but assigné à la rémunération complémentaire, à savoir
permettre à son bénéficiaire de se constituer plus rapidement une prévoyance
professionnelle, ne pouvait pas être atteint avec une rémunération
complémentaire variant d'année en année; ils ont simplement relevé qu'il ne
pourrait l'être par l'allocation de "gratifications aléatoires laissées à la
seule discrétion de l'employeur", ce qui est autre chose.
4.3.2
4.3.2.1 La recourante tente ensuite de démontrer que la prime annoncée à
l'intimé par courrier du 3 février 2006 était exceptionnelle, eu égard à son
montant, par rapport aux montants versés précédemment. Elle en déduit que la
prime litigieuse, qui visait à fidéliser son bénéficiaire, ne pouvait avoir
acquis un caractère obligatoire, d'après les critères posés par la
jurisprudence fédérale. Il s'agissait donc d'une gratification facultative, au
sens de l'art. 322d CO, que l'employeur pouvait librement soumettre à des
conditions, telle l'absence de résiliation du contrat lors de son versement,
que l'intimé n'avait pas respectées. Aussi l'intéressé n'était-il pas en droit
de réclamer quoi que ce fût pour l'exercice 2005. Il ne pouvait pas non plus
obtenir le paiement d'une part proportionnelle de la prime 2006, vu l'art. 322d
al. 2 CO, faute pour les parties d'en être convenues.
4.3.2.2 Force est d'observer d'emblée que la recourante s'écarte derechef des
faits établis par l'autorité précédente lorsqu'elle soutient, à l'appui de sa
thèse, qu'elle a versé à l'intimé, au début de l'année 2006, une somme de
896'000 fr. qui n'était pas conditionnée au maintien des rapports de travail et
qu'elle lui a octroyé, en sus, pour le fidéliser, une prime conditionnelle de
1'481'668 fr. 10 (i.e. 896'000 fr. + la contre-valeur de 371'900 euros). La
cour cantonale se borne, en effet, à constater, à la page 6 lettre F. de son
arrêt, l'existence du courrier du 3 février 2006 adressé par la recourante à
l'intimé et son contenu. Or, la distinction prétendument faite par l'employeur
entre la part de la prime complémentaire et du complément de retraite consacrée
à la fidélisation du trader et celle octroyée sans condition ne ressort en tout
cas pas clairement de ce courrier, si bien qu'elle n'était pas forcément
perceptible pour le destinataire de celui-ci. De cette lettre, qui reprend
presque mot pour mot celle du 3 février 2005, l'intimé ne devait pas davantage
déduire le caractère exceptionnel du montant qui lui était alloué par rapport
aux montants qu'il avait touchés les années précédentes, étant donné que sa
rémunération complémentaire, liée en particulier aux résultats de l'exercice
écoulé, avait déjà fortement varié au cours de ces années-là. Il convient de
souligner, à cet égard, que, de l'avis des premiers juges, la différence entre
les montants alloués à l'intimé en 2004 et en 2005 s'explique par
l'enregistrement de résultats records dans le domaine pétrolier en 2005.

Vouloir isoler, à l'instar de la recourante, la rémunération complémentaire
promise à l'intimé pour l'année 2005 de celle versée au terme des exercices
antérieurs, pour en faire une gratification facultative, apparaît, dès lors,
comme une démarche tout à fait artificielle. La question litigieuse ne se pose
pas en ces termes. Il ne s'agit pas de se focaliser sur la prime en cause, dont
la nature juridique ne différait pas des primes versées les années passées,
mais, bien plutôt, de déterminer si l'employeur était en droit de soumettre
cette prime, qui constituait un élément du salaire, à des conditions, point qui
sera examiné plus loin (cf. consid. 5 ci-dessous).

Pour le surplus, il n'est pas nécessaire de discuter ici l'opinion d'une partie
de la doctrine (cf., parmi d'autres: RÉMY WYLER, Droit du travail, 2e éd. 2008,
p. 168 s.) et de l'auteur de l'avis de droit produit par la recourante, selon
laquelle la liberté contractuelle devrait prévaloir à un niveau de rémunération
très élevé et le travailleur ne plus bénéficier du même intérêt à invoquer la
protection du salaire excédant la rémunération de base. Dans la présente
espèce, en effet, il ne serait pas équitable d'appliquer un tel principe à
l'intimé et de priver ainsi de cette protection un travailleur dont le salaire
fixe, certes confortable, n'a pourtant représenté au mieux que moins d'un
cinquième de la rémunération globale versée, resp. promise, par l'employeur
pour les années 2000 à 2005 et, en moyenne, quelque 15% de celle-ci. Quant à
l'idée, émise par l'auteur de l'avis de droit, de ramener la part
discrétionnaire du salaire qui se révélerait excessive à une proportion
adéquate par rapport au salaire fixe, il n'y a pas lieu non plus de la creuser
ici du moment que la recourante ne fournit de toute façon pas les éléments
factuels nécessaires à sa mise en oeuvre.

Enfin, comme la rémunération complémentaire formait, en l'occurrence, une
composante du salaire et non une gratification facultative, la recourante se
réfère en vain à l'art. 322d CO pour s'opposer au versement pro rata temporis
de la prime pour les mois de décembre 2005 à mai 2006. Elle étaye de surcroît
son argumentation par des faits qui n'ont pas été constatés par la cour
cantonale. Il en est ainsi de ses allégations voulant qu'elle ne verse pas de
bonus l'année où un trader résilie ses rapports de travail, que cette pratique
serait conforme à celle du marché, l'éventuelle perte d'expectatives étant
compensée par le versement d'une prime lors de l'entrée en fonction auprès du
nouvel employeur selon des modalités négociées avec ce dernier, et que l'intimé
en aurait profité pour négocier à prix d'or son transfert dans une société
concurrente.

Les mêmes remarques peuvent d'ailleurs être faites en ce qui concerne la
description proposée par la recourante de "la situation particulière de
l'intimé".

5.
5.1 Le salaire régi par l'art. 322 al. 1 CO est une prestation en argent versée
en contre-partie du travail fourni. Il s'agit d'un élément essentiel du contrat
de travail. Contrairement à ce qui est le cas pour une gratification au sens de
l'art. 322d CO (cf. arrêt 4A_115/2007, précité, consid. 4.3.1), la fonction
même du salaire exclut donc la possibilité pour l'employeur de soumettre la
rémunération d'une prestation de travail déjà accomplie à la condition que le
salarié soit encore dans l'entreprise ou qu'il n'ait pas donné ni reçu son
congé. Que l'échéance du bonus constituant un élément du salaire soit différée
à l'année suivant la période de référence n'y change rien, car, lorsque les
parties, pour des raisons de convenance, reportent le paiement d'une partie du
salaire, il n'y a aucune raison de prévoir, pour cette partie du salaire, des
règles plus défavorables au travailleur, quant à la naissance et à
l'exigibilité de la créance qui en résulte, que pour le salaire courant. En
revanche, comme l'art. 322 CO est de droit dispositif, les parties peuvent, par
un accord, décider de diminuer le salaire en cours de contrat, avant l'échéance
du délai légal de congé. Un tel accord ne vaut toutefois que pour le futur et
ne peut se rapporter à des prestations de travail déjà accomplies (arrêt 4C.426
/2005, précité, consid. 5.2.1 et les références).

Au demeurant, même si les parties peuvent décider d'un commun accord, en cours
de contrat, de diminuer le salaire pour le futur sans observer une quelconque
forme (cf. arrêt 4C.474/1996 consid. 3.2 et les références), un accord tacite,
par exemple lorsque le travailleur a accepté à plusieurs reprises un salaire
inférieur à celui convenu à l'origine, ne peut être reconnu
qu'exceptionnellement. Aussi le juge doit-il faire preuve de retenue avant
d'inférer du silence d'un travailleur, à la suite de propositions de
modifications du contrat dans un sens qui lui est défavorable, l'acceptation de
ces propositions; celle-ci ne peut être admise que dans des situations où,
selon les règles de la bonne foi, du droit ou de l'équité, une réaction du
travailleur s'imposait en cas de désaccord de sa part (arrêt 4C.62/2003 consid.
3.2 et les références). Il n'en va pas autrement en cas de modification des
conditions de versement d'un bonus constituant un élément du salaire (cf. arrêt
4C.244/2004 du 25 octobre 2004 consid. 3.1). S'agissant du fardeau de la
preuve, il appartient à l'employeur d'établir les circonstances particulières
permettant d'admettre que le travailleur a consenti tacitement à une réduction
de salaire (arrêt 4C.242/2005 du 9 novembre 2005 consid. 4.3).

5.2 Appliquant ces principes aux circonstances du cas particulier, la Cour
d'appel considère que la décision, prise à la fin de l'année 2004 par la
recourante, d'introduire, dès le 1er janvier 2005, un "caractère de
fidélisation" dans le versement de la rémunération complémentaire a péjoré les
conditions salariales de l'intimé, puisqu'une partie de la rémunération
variable des services fournis par le trader était désormais soumise à des
conditions qui n'existaient pas jusque-là.

Selon la cour cantonale, on ne saurait suivre la recourante lorsqu'elle
soutient que l'intimé aurait accepté les nouvelles modalités de versement de la
rémunération complémentaire et, en particulier, le fait que ce versement serait
subordonné dorénavant à l'existence de rapports de travail non résiliés. Les
juges d'appel notent, à ce propos, que l'intimé n'a signé aucun document allant
dans ce sens et que l'existence, contestée, d'un accord oral n'a pas été
prouvée. Ils excluent de même la possibilité de retenir un accord tacite
résultant du fait que l'intimé a accepté, en 2005, le versement de sa
rémunération complémentaire en deux fois.

5.3 La recourante s'inscrit en faux contre cette appréciation juridique de la
situation. A l'en croire, l'existence de l'accord litigieux résulterait des
déclarations mêmes de l'intimé, de l'examen de la volonté des parties et
d'actes concluants.
5.3.1 A la page 6, lettre F., deuxième paragraphe, de son arrêt, la Cour
d'appel écrit ceci:

"[L'intimé] dit avoir protesté au reçu de ce courrier [i.e. celui du 4 février
2005], à l'encontre tant du versement de la prime en plusieurs fois que de la
condition dont le versement était assorti; il lui aurait été alors répondu
qu'il s'agissait d'une décision de la société, qui n'était pas négociable. Il a
alors compris qu'il devait soit accepter, soit partir."

Se fondant sur la dernière phrase du passage cité et sur le fait que l'intimé
est resté à son poste, la recourante en déduit que l'acceptation des nouvelles
modalités de paiement de la rémunération complémentaire résulte déjà des
déclarations de l'intéressé. Il n'en est rien. En effet, ce que l'on peut
déduire de ces déclarations, telles qu'elles ont été rapportées par la cour
cantonale, c'est, tout au plus, que l'intimé a compris que l'employeur
entendait modifier unilatéralement les modalités de versement de la
rémunération complémentaire avec ou sans l'accord des bénéficiaires de
celle-ci.
5.3.2 La recourante fait encore grief à la Cour d'appel de n'avoir pas cherché
à déterminer la réelle et commune intention des parties au regard de l'ensemble
des circonstances, lesquelles auraient dû l'amener à constater que l'intimé
avait résilié son contrat de travail en étant conscient de la situation et en
l'ayant acceptée.

A la lecture du grief en question dont le caractère appellatoire est manifeste,
on ne discerne pas quel est le véritable objet de la critique formulée par la
recourante. C'est le lieu de rappeler que la volonté interne des parties est
une question qui relève du domaine des faits et qui n'a donc pas sa place dans
un passage du mémoire consacré à la démonstration de la violation du droit
privé fédéral imputée aux juges d'appel. Aussi la recourante aurait-elle dû
soulever le grief de constatation arbitraire des faits si elle entendait
démontrer que ceux-ci avaient omis sans raison valable de constater, sur le vu
des éléments de preuve à leur disposition, le fait, dûment allégué par elle,
selon lequel les parties s'étaient mises d'accord, à fin 2004/début 2005, pour
modifier les conditions de versement de la rémunération complémentaire.
5.3.3 Enfin, selon la recourante, l'application du principe de la bonne foi
commanderait d'admettre que l'intimé a tacitement accepté les nouvelles
modalités applicables à la rémunération complémentaire en 2005 déjà. Qu'il
n'ait pas manifesté par écrit son prétendu désaccord avec ces nouvelles
modalités, mais ait maintenu les rapports de travail et encaissé, sans
protester, la prime versée en application de ces modalités-là ne laisserait
aucun doute quant à sa volonté d'accepter, par ces actes concluants, le nouveau
régime applicable à la rémunération complémentaire.
Semblable avis ne peut être partagé. Il ne tient pas compte du caractère
exceptionnel que la jurisprudence attribue à la reconnaissance d'un accord
tacite ayant pour effet de péjorer les conditions salariales du travailleur. De
surcroît, la recourante peut difficilement opposer à l'intimé le principe de la
bonne foi pour déduire de son silence l'acceptation tacite de nouvelles
modalités qu'elle lui a, en réalité, dictées, n'acceptant pas qu'il les
discutât. Enfin, s'il fallait voir un comportement concluant dans le fait que
l'intimé avait encaissé en février et septembre 2005 la rémunération
complémentaire afférente à l'exercice 2004, cela n'impliquerait pas
nécessairement qu'il avait aussi accepté, ce faisant, l'autre modalité
introduite par l'employeur - i.e. que le contrat n'ait pas été dénoncé à une
certaine date -, étant donné que la question d'une résiliation par lui des
rapports de travail n'était alors pas encore à l'ordre du jour.

Plus fondamentalement, on peut se demander, en dernier lieu, si l'accord
litigieux, à le supposer conclu de quelque manière que ce fût, l'eût été
valablement. En effet, une chose est de décréter que, dorénavant, la prestation
du travailleur sera moins bien rémunérée; autre chose est de décider que,
désormais, la prestation déjà accomplie ne sera plus rémunérée si, au moment où
elle devrait être versée, l'employé ne travaille déjà plus dans l'entreprise ou
qu'il a donné, voire reçu, son congé. Dans la première hypothèse, l'essence du
contrat de travail est sauvegardée puisque les services du travailleur sont
rémunérés. En revanche, dans la seconde hypothèse, on permet à l'employeur de
se soustraire, sous certaines conditions, à son obligation de verser une
prestation en argent en contrepartie du travail fourni. Telle était du reste la
situation qui prévalait dans la cause 4C.426/2005, précitée, où le Tribunal
fédéral a jugé non valable une stipulation contractuelle pourtant formellement
acceptée par les cocontractants qui soumettait la naissance du droit au
paiement d'un élément du salaire pour un travail accompli à la condition
sus-indiquée. Il doit en aller de même en l'espèce, de sorte que l'éventuel
accord similaire conclu par les parties ne saurait empêcher l'intimé de
réclamer son dû à la recourante.

6.
Pour ce qui est du calcul des montants alloués à l'intimé, la Cour d'appel
constate qu'ils ne sont pas spécifiquement contestés par la recourante. Il n'y
a donc pas lieu de s'y arrêter.

7.
Cela étant, il convient de rejeter le recours dans la mesure où il est
recevable et de mettre à la charge de son auteur les frais judiciaires (art. 66
al. 1 LTF) ainsi qu'une indemnité pour les dépens de l'intimé (art. 68 al. 2
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 17'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 19'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour
d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 3 février 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:

Klett Carruzzo