Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.481/2008
Zurück zum Index I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2008
Retour à l'indice I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2008


Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_481/2008/ech

Arrêt du 8 janvier 2009
Ire Cour de droit civil

Composition
Mme et MM. les juges Klett, présidente, Corboz et Kolly.
Greffier: M. Thélin.

Parties
X.________,
demandeur et recourant, représenté par
Me Pascal Pétroz,

contre

Y.________ SA,
défenderesse et intimée, représentée par
Me Jean-Marie Crettaz.

Objet
procédure civile; émolument de mise au rôle

recours contre l'arrêt rendu le 19 août 2008 par le Président de la Cour
d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

Faits:

A.
Le 21 décembre 2007, X.________ a ouvert action contre Y.________ SA devant le
Tribunal de prud'hommes du canton de Genève; la défenderesse devait être
condamnée à lui payer, en exécution d'un contrat de travail, 91'000 fr. avec
intérêts au taux de 5% par an dès le 1er juillet 2007. Le tribunal s'est
prononcé le 10 juin 2008; il a rejeté l'action.
Ayant interjeté appel, le demandeur fut requis de verser un émolument de mise
au rôle au montant de 880 fr., sous menace d'irrecevabilité de l'appel, dans un
délai de quinze jours à compter du 17 juillet 2008. Le versement n'intervint
qu'après l'échéance.
Par arrêt du 19 septembre 2008, le Président de la Cour d'appel a déclaré
l'appel irrecevable en raison du versement tardif de l'émolument de mise au
rôle.

B.
Agissant par la voie du recours en matière civile, le demandeur requiert le
Tribunal fédéral d'annuler cette dernière décision et de renvoyer la cause à la
Cour d'appel pour que celle-ci statue sur la prétention élevée contre la
défenderesse.
La défenderesse renonce à déposer un mémoire et déclare s'en rapporter à
justice.
Le Président de la Cour d'appel présente des observations tendant au rejet du
recours.

Considérant en droit:

1.
Le recours est dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF), rendu en matière
civile (art. 72 al. 1 LTF) et en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1
LTF). Il est formé par une partie qui a pris part à l'instance précédente et
succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF). La valeur litigieuse excède
le minimum légal de 15'000 fr. prévu en matière de droit du travail (art. 51
al. 1 let. a et 74 al. 1 let. a LTF). Introduit en temps utile (art. 100 al. 1
LTF) et dans les formes requises (art. 42 al. 1 à 3 LTF), le recours est en
principe recevable.
Le recours est ouvert pour violation du droit fédéral ou, au surplus, pour
violation des droits constitutionnels cantonaux (art. 95 let. a et c LTF). Le
Tribunal fédéral applique le droit d'office, hormis les droits fondamentaux
(art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties et il apprécie
librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire,
aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du
recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254), et il ne se
prononce sur la violation de droits fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un
grief invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83
consid. 3.2 p. 88; 133 II 249 consid. 1.4.2). Il conduit son raisonnement
juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée (art. 105
al. 1 LTF).

2.
Le demandeur admet qu'un émolument de mise au rôle pouvait valablement, d'après
le droit cantonal applicable, lui être imposé en instance d'appel; il admet
aussi que cette contribution a été dûment taxée et qu'il ne l'a pas versée dans
le délai assigné à cette fin. Il soutient que la sanction de son retard, soit
l'irrecevabilité de l'appel, n'est pas prévue par une règle de droit édictée
par le législateur compétent, de sorte que la décision attaquée est
prétendument contraire au principe de la séparation des pouvoirs et à la
garantie d'un procès équitable.
Le principe de la séparation des pouvoirs est garanti au moins implicitement
par l'ensemble des constitutions cantonales. Il autorise le citoyen à exiger
qu'aucun organe de l'Etat n'empiète sur les compétences constitutionnelles d'un
autre organe; en particulier, il lui permet de contester l'application des
règles de droit édictées par un organe du pouvoir exécutif lorsque ces règles
ne reposent pas sur une délégation valablement conférée par le législateur. Le
principe de la séparation des pouvoirs inclut, de ce point de vue, celui de la
légalité. Le Tribunal fédéral contrôle librement l'application des dispositions
constitutionnelles cantonales; son pouvoir d'examen est limité à l'arbitraire
s'il y a lieu d'interpréter des règles cantonales de rang inférieur à la
constitution (ATF 130 I 1 consid. 3.1 p. 5; 128 I 327 consid. 2.1 p. 329; voir
aussi ATF 134 I 322 consid. 2.2; 133 I 178 consid. 2.2 p. 179).
La garantie d'un procès équitable est prévue par l'art. 29 al. 1 Cst.; en
procédure judiciaire, sa portée est aussi déterminée, notamment, par les art.
30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH, exigeant que la cause soit portée devant « un
tribunal établi par la loi ». Cette expression reflète le principe selon lequel
la légitimité nécessaire pour connaître des causes de particuliers, dans une
société démocratique, ne peut être reconnue qu'à un organe établi conformément
à la volonté du législateur (CourEDH, arrêts Jorgic c. Allemagne du 12 juillet
2007, ch. 64 et 65, et Lavents c. Lettonie du 28 novembre 2002, ch. 114). Pour
le surplus, ces dispositions ne posent pas d'exigences particulières au sujet
de la législation en matière d'organisation judiciaire et d'accès aux
tribunaux. Il s'ensuit que dans ce domaine, quant au contrôle de la validité
des règles appliquées, la protection conférée par la garantie d'un procès
équitable se confond avec celle déjà assurée par le principe de la séparation
des pouvoirs.

3.
Selon les art. 120 al. 1 et 121 de la loi genevoise sur l'organisation
judiciaire (OJ gen.), les plaideurs avancent au greffe les émoluments fixés
d'après un tarif à édicter par le Conseil d'Etat. Cela concerne surtout un
émolument de mise au rôle que la partie demanderesse, devant le Tribunal de
première instance de la juridiction civile ordinaire, ou la partie appelante,
devant la Cour de justice de cette même juridiction, doit verser d'emblée et
sous peine d'irrecevabilité (art. 2 al. 1 et 2, art. 3 al. 1 du règlement
fixant le tarif des greffes en matière civile, ci-après: TG, du 9 avril 1997).
L'émolument est taxé par le greffe; en cas de contestation, le magistrat
compétent statue (art. 4 al. 2 TG).
Selon les art. 60 al. 1 et 76 al. 1 de la loi sur la juridiction des
prud'hommes (LJP gen.), la procédure de cette juridiction est gratuite pour les
parties (art. 76); en appel toutefois, lorsque le montant encore litigieux
excède 30'000 fr., l'appelant est astreint à un émolument de mise au rôle,
conformément au tarif fixé par le Conseil d'Etat (art. 60). Le tarif est celui
du 9 avril 1997, déjà cité.
Il est constant que les art. 121 OJ gen. et 60 al. 1 LJP gen., adoptés par le
législateur genevois, prévoient des émoluments à taxer et à encaisser d'avance,
c'est-à-dire dès l'ouverture de l'instance.
Il est tout aussi constant que ces dispositions légales ne prévoient pas
textuellement qu'un délai puisse être fixé pour le versement des émoluments, ni
que, en cas d'inobservation du délai, le tribunal concerné puisse se dessaisir
en déclarant la demande ou l'appel irrecevables. Seul l'art. 3 al. 1 TG, édicté
par le pouvoir exécutif, prévoit que « l'émolument de mise au rôle [est perçu]
de la partie demanderesse sous peine d'irrecevabilité de la demande ».
Selon un arrêt de la IIe Cour de droit social du 24 juillet 2007 (ATF 133 V
402), le principe de la perception de frais ou émoluments de justice, de même
que les aspects importants de cette perception, doivent obligatoirement être
prévus, le cas échéant, par le législateur. En tant que l'avance des frais
judiciaires, dans un délai assigné à cette fin, constitue une condition de
recevabilité d'un recours, il s'agit d'un aspect important dont le règlement ne
peut pas être délégué au pouvoir exécutif ni à une autorité judiciaire. La
possibilité d'exiger du plaideur une avance des frais de justice, d'une part,
et la sanction attachée à l'inobservation du délai, d'autre part, doivent
également être prévues par le législateur; à défaut, il y a atteinte au
principe de la légalité ou de la séparation des pouvoirs (ATF 133 V 402 consid.
3.4 p. 405). Dans cette affaire, le Tribunal fédéral a annulé une décision
cantonale qui ordonnait le versement d'une avance de frais sous menace
d'irrecevabilité du recours adressé à l'autorité. Il a retenu que la loi
fédérale applicable prévoit, certes, le principe de la perception d'un
émolument, mais que la loi cantonale de procédure n'en prévoit pas l'avance et
qu'elle ne prévoit pas non plus, si le délai imposé n'est pas respecté, la
sanction consistant dans l'irrecevabilité du recours concerné.
En procédure civile genevoise, ordinaire ou prud'homale, la loi applicable
prévoit le principe de la perception et elle prévoit aussi, de plus, celui de
l'avance. De ce point de vue, la présente cause se distingue de celle jugée le
24 juillet 2007.
Pour le surplus, il faut prendre en considération que la garantie d'un procès
équitable, consacrée par l'art. 29 al. 1 Cst., profite à toutes les parties au
procès, soit aussi à celle défenderesse ou appelée. Cette disposition exige
textuellement que toute cause soit jugée dans un délai raisonnable. Il serait
donc inconstitutionnel qu'un tribunal doive, d'après la loi cantonale qui le
régit, garder indéfiniment une cause par-devers lui, sans instruire ni statuer,
aussi longtemps que la partie demanderesse ou appelante s'abstient de verser
l'émolument à avancer par elle. Au contraire, il s'impose qu'un délai soit
assigné à cette partie, comportant une sanction en cas d'inobservation. En tant
que la législation genevoise ne règle pas cette modalité de la perception des
émoluments, elle est lacunaire au regard de l'art. 29 al. 1 Cst., et les
tribunaux doivent combler cette lacune en fixant le délai de leur propre
autorité (ATF 131 II 562 consid. 3.5 p. 567/568; voir aussi ATF 134 V 131
consid. 7.2 p. 136), dans chaque affaire où l'émolument n'est pas versé
immédiatement.
Selon l'art. 32 LPC gen., l'expiration du délai accordé pour l'exercice d'un
droit entraîne la perte de ce droit. Devant la juridiction des prud'hommes,
cette disposition est en vigueur par le renvoi de l'art. 11 al. 1 LJP gen. Elle
peut sans arbitraire être appliquée à tous les délais que les parties doivent
observer en procédure civile, y compris celui concernant l'émolument de mise au
rôle, et être interprétée en ce sens que demandeur ou appelant est éconduit
d'instance si l'émolument reste impayé. Cette solution est d'ailleurs
classique; en droit fédéral, pour les avances à fournir devant le Tribunal
fédéral ou le Tribunal administratif fédéral, elle est actuellement consacrée
par les art. 62 al. 3 LTF et 63 al. 4 PA, et elle est aussi prévue dans le code
de procédure civile suisse adopté le 19 décembre 2008 par l'Assemblée fédérale
(art. 101 al. 3; FF 2009 p. 42).
Il s'ensuit que la décision présentement attaquée trouve un fondement suffisant
dans les art. 60 al. 1 LJP gen. et 32 LPC gen., mis en oeuvre conformément au
principe de célérité inscrit à l'art. 29 al. 1 Cst. La règle d'irrecevabilité
de l'art. 3 al. 1 TG n'introduit rien qui ne se déduise pas déjà de ces
dispositions de rang supérieur. Cette décision est donc pleinement compatible
avec les garanties constitutionnelles auxquelles le demandeur se réfère, ce qui
entraîne le rejet du recours en matière civile.

4.
A titre de partie qui succombe, le demandeur doit acquitter l'émolument à
percevoir par le Tribunal fédéral. Il n'est pas alloué de dépens à l'autre
partie car celle-ci n'a pas pris de conclusions ni déposé de mémoire.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Le demandeur acquittera un émolument judiciaire de 4'500 francs.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel de la
juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 8 janvier 2009

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La présidente: Le greffier:

Klett Thélin