Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.446/2008
Zurück zum Index I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2008
Retour à l'indice I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2008


Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_446/2008/ech

Arrêt du 3 décembre 2008
Ire Cour de droit civil

Composition
MM. et Mme les juges Corboz, président, Kolly et Kiss.
Greffier: M. Thélin.

Parties
X.________ SA,
défenderesse et recourante, représentée par
Me Jean-Daniel Borgeaud,

contre

A.________,
B.________,
C.________,
demandeurs et intimés, représentés par
Me Jean-Pierre Garbade.

Objet
prétentions fondées sur le contrat de travail

recours contre l'arrêt rendu le 25 août 2008 par la Cour d'appel de la
juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

Faits:

A.
F.Z.________ a exploité en son nom un atelier de gainerie à Genève, jusqu'à sa
faillite survenue en janvier 2001. Elle était associée à son mari H.Z.________.
A.________, B.________ et C.________ ont tous trois travaillé au service de
F.Z.________. Ayant élevé des prétentions en justice, ils ont obtenu la
condamnation solidaire des deux époux à leur payer, respectivement, 57'233
fr.70, 43'132 fr.40 et 25'076 fr.15. Le procès s'est terminé par un arrêt du
Tribunal fédéral du 23 décembre 1999 (4C.293/1999).

B.
X.________ SA se consacre à la fabrication et à la vente d'articles de
maroquinerie, sacs, bagages et accessoires. Dès 1963, H.Z.________ est entré à
son service pour collaborer aux travaux de fabrication. Le 27 mars 1996, il a
résilié son contrat de travail avec effet au 31 mai suivant.
De fait, H.Z.________ a poursuivi sans changement son activité dans l'atelier
de X.________ SA, selon l'horaire appliqué à l'ensemble du personnel et
conformément aux consignes de sécurité et d'organisation de l'entreprise. Il
avait touché son avoir de prévoyance professionnelle et s'était affilié à la
Caisse cantonale genevoise de compensation en qualité d'assuré exerçant une
activité indépendante. A X.________ SA, les époux Z.________ facturaient
mensuellement un montant fixe de 4'800 fr., TVA en sus, pour « sous-traitance
écrins »; ce montant fut doublé pour chacun des mois de décembre 1996, 1997 et
1998. L'argent était versé sur un compte personnel de H.Z.________.
Les époux adressaient aussi des factures à un autre fabricant; celles-ci
portaient sur des montants très variables et elles détaillaient à l'unité près
le nombre des pièces livrées.
Dès le 13 février 2000, H.Z.________ se trouva incapable de travailler pour
cause de maladie. Il ne fut plus rémunéré par X.________ SA et il ne bénéficia,
non plus, d'aucune prestation d'assurance pour perte de gain. Il décéda le 10
octobre 2001.
La liquidation de sa succession, répudiée par les héritiers, est en cours selon
les règles de la faillite. A.________, B.________ et C.________ ont produit
leurs créances précédemment reconnues en justice. La masse leur a cédé une
prétention au montant de 96'000 fr. à élever contre X.________ SA,
correspondant à des indemnités d'assurance pour perte de gain que le défunt
n'avait pas perçues. La masse leur a également cédé une prétention de même
montant à élever contre l'assureur Y.________ SA, correspondant aux mêmes
indemnités.

C.
Le 27 avril 2004, les trois cessionnaires ont ouvert action contre X.________
SA devant le Tribunal de prud'hommes du canton de Genève. Le tribunal était
requis de constater que H.Z.________ avait fait partie du personnel de la
défenderesse du début de son incapacité de travail jusqu'à son décès, et que
son salaire mensuel net s'élevait à 5'000 fr. La défenderesse devait être
condamnée à payer 96'000 fr. aux demandeurs, avec intérêts au taux de 5% par an
dès la date de la demande.
La défenderesse a contesté toute obligation.
Le tribunal s'étant jugé incompétent pour connaître de l'action, cette décision
fut déférée à la Cour d'appel. Celle-ci rendit un arrêt le 26 juillet 2006. Le
dispositif constate que « H.Z.________ et X.________ SA étaient liés par un
contrat de travail après mai 1996 et en particulier entre le 13 février 2000 et
le 10 octobre 2001 »; pour le surplus, il reconnaît la compétence de la
juridiction des prud'hommes et renvoie la cause au tribunal pour nouvelle
décision.
Le tribunal a prononcé un nouveau jugement le 21 août 2007. Il a considéré que
d'après la convention collective de travail interne à l'entreprise de la
défenderesse, celle-ci devait procurer à son personnel une couverture
d'assurance collective portant sur des indemnités journalières en cas de
maladie, au taux de 80% du salaire dès le lendemain de la déclaration de
maladie, pendant sept cent vingt jours au plus dans une période de neuf cents
jours. La défenderesse ayant omis de fournir cette couverture à H.Z.________,
elle devait réparation du dommage ainsi causé. Le salaire net, payable treize
fois par an, s'élevait à 4'800 fr., de sorte que l'indemnité journalière eût
atteint 136 fr.75. Le dommage correspondait à six cent cinq indemnités, soit
82'733 fr.75. La défenderesse devait en outre, à la succession, deux mois du
salaire net dès le décès, soit 9'600 fr. Elle était donc condamnée à payer
92'333 fr.75 en tout, avec suite d'intérêts selon les conclusion de la demande.
Elle était enfin condamnée à remettre un certificat de travail.
La défenderesse ayant appelé du jugement, les demandeurs ont usé de l'appel
incident. Ils faisaient valoir que l'indemnité journalière devait être calculée
sur la base d'un salaire mensuel brut au montant de 5'137 fr. Statuant le 25
août 2008, la Cour d'appel a accueilli ce moyen; pour le surplus, elle a
confirmé le jugement. La défenderesse est ainsi condamnée, en définitive,
conformément aux conclusions initiales des demandeurs, à payer 96'000 fr. avec
intérêts au taux de 5% par an dès le 27 avril 2004, et à remettre un certificat
de travail.

D.
Agissant par la voie du recours en matière civile, la défenderesse requiert le
Tribunal fédéral de réformer l'arrêt du 25 août 2008 en ce sens que l'action
soit entièrement rejetée.
Les demandeurs concluent au rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
L'arrêt du 25 août 2008 est une décision finale selon l'art. 90 LTF; celui du
26 juillet 2006 est une décision incidente susceptible d'être attaquée avec la
décision finale, conformément à l'art. 93 al. 3 LTF.
La défenderesse conteste qu'elle soit restée liée par un contrat de travail à
H.Z.________ après le 31 mai 1996, mais elle ne prend pas de conclusions
destinées à l'annulation ou à la réforme de cette décision incidente. Celle-ci
a pourtant réglé cette question juridique de manière à lier la juridiction
cantonale des prud'hommes. Compte tenu que les critiques de la défenderesse se
révéleront privées de fondement (consid. 3 ci-dessous), il n'est pas nécessaire
d'examiner si, au regard des exigences de l'art. 42 al. 1 LTF, les griefs
dirigés contre une décision incidente doivent être accompagnés de conclusions
spécifiques.
En tant que les conclusions présentées portent aussi sur l'obligation de verser
deux mois du salaire net, par 9'600 fr., et sur l'obligation de remettre un
certificat de travail, le recours est irrecevable parce que dépourvu de toute
motivation.
Pour le surplus, le recours est dirigé contre deux jugement rendus en matière
civile (art. 72 al. 1 LTF) et en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1
LTF). Il est formé par une partie qui a pris part à l'instance précédente et
succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF). La valeur litigieuse excède
le minimum légal de 15'000 fr. prévu en matière de droit du travail (art. 51
al. 1 let. a et 74 al. 1 let. a LTF). Introduit en temps utile (art. 100 al. 1
LTF), le recours est en principe recevable.

2.
Le recours peut être exercé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a
LTF). Le Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits
fondamentaux (art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties
et il apprécie librement la portée juridique des faits; il s'en tient
cependant, d'ordinaire, aux questions juridiques que la partie recourante
soulève conformément aux exigences légales relatives à la motivation du recours
(art. 42 al. 2 LTF; ATF 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254), et il ne se prononce
sur la violation de droits fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un grief
invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83 consid.
3.2 p. 88; 133 II 249 consid. 1.4.2).
Le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des
faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF); en règle
générale, les allégations de fait et les moyens de preuve nouveaux sont
irrecevables (art. 99 al. 1 LTF). Le tribunal peut compléter ou rectifier même
d'office les constatations cantonales qui se révèlent manifestement inexactes
ou établies en violation du droit (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante
est autorisée à attaquer des constatations de fait ainsi irrégulières si la
correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97
al. 1 LTF). Cette partie ne peut toutefois pas se borner à contredire les
constatations litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa
propre appréciation des preuves; elle doit plutôt indiquer de façon précise en
quoi ces constatations sont contraires au droit ou entachées d'une erreur
indiscutable, et une critique qui ne satisfait pas à cette exigence est
irrecevable (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 254; voir aussi ATF 130 I 258
consid. 1.3 p. 261/262; 125 I 492 consid. 1b p. 495).

3.
Il est constant que la défenderesse et H.Z.________ ont été liés par un contrat
de travail jusqu'au 31 mai 1996. Dans son arrêt du 26 juillet 2006, la Cour
d'appel a jugé que la résiliation de ce contrat, par le travailleur, était
simulée, et que les parties avaient convenu, en réalité, de poursuivre leur
relation contractuelle tout en créant l'apparence d'une activité indépendante
exercée par ce dernier. La défenderesse conteste cette simulation et cet accord
occulte; elle tient le jugement de la Cour pour contraire à l'art. 18 al. 1 CO.
A teneur de cette disposition, pour apprécier la forme et les clauses d'un
contrat, il y a lieu de rechercher la réelle et commune intention des parties,
sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se
servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la
convention.
A teneur de l'art. 319 al. 1 CO, par le contrat individuel de travail, le
travailleur s'engage à travailler au service de l'employeur, et celui-ci
s'engage à payer un salaire. Le travailleur se place dans un rapport de
subordination envers l'employeur; cet élément est caractéristique du contrat de
travail et il le distingue des autres contrats de prestation de services (ATF
112 II 41 consid. 1a/aa in fine, consid. 1a/bb p. 46; voir aussi ATF 134 III
102 consid. 3.1.2 p. 106/107; 130 III 213 consid. 2.1 p. 216).
La Cour d'appel a constaté qu'après le 31 mai 1996, H.Z.________ avait
poursuivi sans changement son activité dans l'atelier de la défenderesse, selon
l'horaire appliqué à l'ensemble du personnel et conformément aux consignes de
sécurité et d'organisation de l'entreprise. Le rapport de subordination ressort
à l'évidence de cette simple situation et il s'impose donc de retenir, sans
plus de discussion, compte tenu que l'activité fournie était rémunérée,
l'existence d'un contrat de travail de durée indéterminée. Il est sans
importance que la défenderesse n'ait plus opéré les déductions sociales et que
le travailleur ait annoncé un revenu d'indépendant à la caisse de compensation.
Les factures établies par les époux Z.________ sont également dépourvues de
pertinence.
Ce contrat de travail n'a jamais été résilié par aucune des parties, de sorte
qu'il a pris fin, seulement, avec le décès de H.Z.________, en vertu de l'art.
338 al. 1 CO.

4.
L'art. 324a al. 1 à 3 CO règle le droit du travailleur ou de la travailleuse de
percevoir son salaire, pendant un temps limité, lorsqu'il est empêché de
fournir sa prestation pour une cause inhérente à sa personne, telle que la
maladie, l'accident ou la grossesse (al. 1 et 3). Pendant la première année de
service, ce temps limité ne peut pas être inférieur à trois semaines; par la
suite, il s'agit d'une période plus longue, à fixer équitablement d'après la
durée des rapports de travail et les circonstances particulières (al. 2).
L'art. 324a al. 4 CO permet qu'une convention collective de travail déroge aux
dispositions de l'art. 324a al. 1 à 3, à condition que les travailleurs
bénéficient de prestations au moins équivalentes. En l'occurrence, il est
constant que la convention collective applicable dans l'entreprise de la
défenderesse prévoyait, en cas d'incapacité de travail pour cause de maladie, à
la place du salaire pendant un temps limité, une couverture d'assurance
collective portant sur des indemnités journalières, au taux de 80% du salaire
dès le lendemain de la déclaration de maladie, et pendant sept cent vingt jours
au plus dans une période de neuf cents jours. La validité de cette convention
dérogatoire n'est pas douteuse, en particulier du point de vue de l'équivalence
des prestations (cf. Rémy Wyler, Droit du travail, 2e éd., 2008, p. 235 et
236), et elle est d'ailleurs incontestée.
Lorsque l'employeur ne satisfait pas aux obligations à lui imposées par la
convention dérogatoire, par exemple s'il ne conclut pas le contrat d'assurance
prévu ou n'acquitte pas les primes dues à l'assureur, ou, en cas de maladie
d'un travailleur, ne fait pas à temps l'annonce exigée par les conditions
d'assurance, il doit réparation du dommage subi par ce travailleur, et le
dommage correspond aux prestations d'assurance perdues. Sa propre prestation a
alors pour objet des dommages-intérêts pour cause de mauvaise exécution de la
convention dérogatoire, et elle est due sur la base de l'art. 97 al. 1 CO (ATF
127 III 318 consid. 5 p. 326; 124 III 126 consid. 4 p. 133).
C'est précisément ces dommages-intérêts que la juridiction des prud'hommes
alloue aux demandeurs, soit aux ayants droit de H.Z.________. La défenderesse
se plaint de violation de l'art. 324a al. 4 CO mais son argumentation tend à
dénoncer, en réalité, une application incorrecte de cette disposition-là.

5.
L'art. 8 CC répartit le fardeau de la preuve dans les contestations soumises au
droit civil fédéral. Dans l'action tendant au paiement de dommages-intérêts
pour cause d'inexécution d'un contrat, l'exécution de la prestation convenue
appartient aux faits dirimants dont la preuve incombe à la partie recherchée
(cf. ATF 130 III 321 consid. 3.1 p. 323; 128 III 271 consid. 2a/aa p. 273; 132
III 183 consid. 8.3 p. 206). Dans la présente affaire, la défenderesse aurait
d'abord dû alléguer et prouver que la couverture d'assurance existait en faveur
de H.Z.________, et ensuite que, une fois le cas de maladie survenu, elle avait
dûment accompli toutes les démarches qui, d'après le contrat d'assurance,
ressortissaient à l'employeur. La défenderesse n'a, semble-t-il, même pas
allégué de tels faits. La Cour d'appel n'a en tous cas rien constaté de
semblable et il ne lui est pas reproché d'avoir, à ce sujet, omis certaines
constatations.
En instance fédérale, la défenderesse explique qu'un contrat d'assurance
collective la liait à l'assureur Y.________ SA, que les primes étaient
calculées d'après la masse salariale et que chacun de ses collaborateurs était
couvert sans formalité individuelle, dès le début de sa relation d'emploi. Ces
développements sont tardifs au regard de l'art. 99 al. 1 LTF. La défenderesse
avoue n'avoir pas annoncé à Y.________ SA l'incapacité de travail de
H.Z.________, sinon le 9 avril 2001 seulement, après réception d'un
avertissement du conseil des demandeurs. Elle semble donc reconnaître qu'il lui
appartenait d'annoncer le cas à l'assureur et qu'elle aurait dû le faire plus
tôt. A l'audience de la Cour d'appel du 18 mars 2006, ses représentants ont
aussi avoué que le salaire de H.Z.________ n'était pas annoncé à l'assureur.
Quelle que soit la portée de ces éléments, il n'apparaît pas, à l'étude de la
décision attaquée, que la défenderesse ait apporté les preuves à fournir par
elle, relatives à l'exécution diligente et complète des obligations que,
directement ou par l'effet des conditions d'assurance, la convention collective
de travail lui imposait. Cette partie demande donc vainement que les demandeurs
soient renvoyés à agir contre Y.________ SA. Pour le surplus, le calcul du
dommage est incontesté, de sorte que la décision attaquée se révèle conforme à
l'art. 97 al. 1 CO.

6.
A titre de partie qui succombe, la défenderesse doit acquitter l'émolument à
percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels les demandeurs peuvent
prétendre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
La défenderesse acquittera un émolument judiciaire de 5'000 francs.

3.
La défenderesse versera une indemnité de 6'000 fr. aux demandeurs, créanciers
solidaires, à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel de la
juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 3 décembre 2008

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier:

Corboz Thélin