Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.438/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_438/2008/ech

Arrêt du 17 novembre 2008
Ire Cour de droit civil

Composition
M. et Mmes les Juges Corboz, président, Rottenberg Liatowitsch et Kiss.
Greffier: M. Carruzzo.

Parties
X.________ AG,
Y.________ SA,
recourantes,
toutes deux représentées par Me Christophe Wilhelm,

contre

A.________,
intimé, représenté par Mes Pierre-Louis Manfrini et Guillaume Fatio.

Objet
arbitrage international; compétence; droit d'être entendu,

recours en matière civile contre la sentence rendue le 18 août 2008 par le
Tribunal arbitral CCI.

Faits:

A.
A.a X.________ AG (ci-après: X.________), ayant son siège en Allemagne, est la
société mère du X.________ Group, un important fabricant de machines.

Par contrat du 18 mai 2001, A.________, d'une part, et le groupe anglais
V.________ Ltd, d'autre part, qui détenaient chacun, indirectement pour le
premier et directement pour le second, la moitié du capital-actions de la
société W.________ SA, ayant son siège à ..., ont vendu la totalité des actions
de cette société à X.________ qui en a transformé la raison sociale en
Y.________ SA.
A.b Le 10 mai 2001, A.________ et X.________ ont conclu un contrat de
commission, rédigé en anglais (Commission Agreement), par lequel le prénommé a
autorisé Y.________ SA à continuer à faire usage du nom "A.________" et s'est
engagé à ne pas lui faire concurrence jusqu'au 31 décembre 2005. En
contrepartie, X.________ a promis de verser à A.________ une commission de 3%
sur chaque commande de machines et d'équipement accessoire passée par des
clients de Y.________ SA durant la période comprise entre le 1er avril 2001 et
le 31 décembre 2005.

Le contrat en question comporte un art. 4 dont le contenu est le suivant, étant
précisé que l'expression "the company" y est utilisée pour désigner Y.________
SA:

" Article 4: Audit of the Commission
4.1
X.________ shall provide Mr. A.________ with a yearly statement of commission
by the 31st of January of each year for the previous calculation period,
starting from April 1st, 2001.

4.2
Such statements contain a list of all the orders received for the company's
products during the previous year(s) indicating, for each order received, (i)
the date on which the order was received, (ii) the value of the corresponding
contract(s), and (iii) the date of the goods delivery.
4.3
The yearly statement of commission shall be controlled and certified as true
and correct by an accounting firm (the "Auditor") jointly appointed by both
parties and which shall not be X.________'s and/or the company's auditors. The
Auditor shall be independent from both parties. The costs of the Auditor shall
be honored equally by each party, i.e. Mr. A.________ for 50%, X.________ for
50%. The audit review shall take place each year during the five first days of
February.

4.4
For the purpose of such control and certification, X.________ undertakes to
provide or to have the company provide the Auditor with all supporting
documentation including but not limited to certified copies of (i) the order
book of the company, (ii) all orders received regarding the company's products,
(iii) all outstanding contracts with the customers, and (iv) all documents
evidencing the delivery of the goods to the customer.

4.5
The Auditor shall have the right to request additional information and
documentation from X.________ and/or the company if it so deems necessary for
the purpose of the control and certification and X.________ undertakes to
provide such information and documentation without delay.

4.6
Mr. A.________ and X.________ shall have the right to provide the Auditor with
information and/or suggestions regarding the market of ... machines at any time
for the purpose of facilitating the Auditor's mission.

4.7
In case of discrepancies between the yearly statement prepared by X.________
and the Auditor's certification, the Auditor's opinion shall prevail and both
parties hereto undertake to respect and materialize such opinion through
corresponding payments and/or reimbursements, as the case may be. The Auditor's
decision shall be final and both parties waive all challenge of this decision."
Quant à l'art. 14 du contrat, intitulé "Arbitration", il énonce notamment ce
qui suit:
"14.1
All disputes arising out or in connection with the present contract shall be
finally settled under the Rules of Arbitration of the International Chamber of
Commerce by three arbitrators appointed in accordance with the said Rules.

The place of the arbitration shall be Geneva, Switzerland.

The language of the arbitration shall be English.

14.2
..."

D'un commun accord, les parties ont mandaté le cabinet U.________, à ..., comme
auditeur au sens de l'art. 4 du contrat de commission.

La mise en oeuvre du mécanisme de paiement des commissions a donné lieu, dès le
départ, à des difficultés d'application, en particulier à propos d'une commande
de machines passée par la Chine. Des discussions entre les parties ont permis
de régler ces difficultés.

Le décompte audité des commissions pour l'année 2005 a fait surgir un nouveau
différend entre les parties. A.________ s'est, en effet, plaint de ce qu'il
n'incluait pas des commandes effectuées par le Nigéria et la Malaisie.
X.________ a soutenu, pour sa part, que ces commandes n'avaient pas à y
figurer.

Par courrier du 28 juin 2006, U.________ a indiqué aux parties qu'elle
préférait leur laisser le soin de trouver un arrangement à ce sujet ou de
recourir à l'arbitrage prévu par l'art. 14 du contrat de commission.

B.
Le 8 février 2007, A.________ a adressé une requête d'arbitrage à la Cour
d'arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (CCI). Il a demandé au
Tribunal arbitral à constituer de constater que les commandes du Nigéria et de
la Malaisie devaient être incluses dans les relevés de commissions litigieux
(conclusions 1 et 2), puis de condamner solidairement X.________ et Y.________
SA à lui payer les sommes de 2'672'229 fr. et 3'249'522 fr., intérêts en sus,
de ce chef (conclusion 3). Le demandeur a réclamé en outre aux défenderesses,
prises solidairement, le versement de 244'044 fr. à titre d'intérêts pour
paiement tardif des commissions dues et de 93'822 fr. pour frais de procédure
additionnels, avec les intérêts y afférents (conclusion 4).
Dans leur réponse du 16 mars 2007 à la requête d'arbitrage, les défenderesses
ont contesté la compétence ratione materiae du futur Tribunal arbitral pour
statuer sur les conclusions 1 à 3 prises par le demandeur et elles ont requis
le rejet de la conclusion 4 de la demande.

Un Tribunal arbitral de trois membres a été constitué sous l'égide de la Cour
d'arbitrage de la CCI. En date du 18 août 2008, il a rendu une sentence
préjudicielle et partielle au terme de laquelle il a admis sa compétence
ratione materiae (ch. 1 du dispositif), dit que les commandes passées par le
Nigéria et la Malaisie devaient être incluses dans les relevés de commissions
(ch. 2 et 3 du dispositif), rejeté la conclusion 4 de la demande (ch. 4 du
dispositif) et réservé le prononcé d'une sentence future sur les questions en
suspens, y compris les frais de la procédure arbitrale (ch. 5 du dispositif).
Sur le fond, les arbitres, interprétant les termes "commandes passées" (orders
placed) figurant à l'art. 3.1 du contrat de commission, ont jugé, contrairement
à l'avis des défenderesses, que le demandeur avait droit à une commission pour
toute commande passée entre le 1er avril 2001 et le 31 décembre 2005, même si
la commission ne devenait exigible qu'après livraison et paiement de l'objet de
la commande. Ce principe posé, le Tribunal arbitral a estimé qu'il ne disposait
pas encore de tous les éléments factuels nécessaires pour statuer sur la
conclusion 3 du demandeur. Quant à la conclusion 4, il l'a rejetée parce que
l'intéressé n'avait pas établi l'existence d'une mise en demeure valable des
défenderesses.

C.
Le 19 septembre 2008, X.________ et Y.________ SA ont formé ensemble un recours
en matière civile. Elles y invitent le Tribunal fédéral à réformer le chiffre 1
du dispositif de la sentence attaquée, en constatant que le Tribunal arbitral
n'est pas compétent pour statuer sur les conclusions 1 à 3 prises par
A.________, et à annuler les chiffres 2 et 3 de ce dispositif. A titre
subsidiaire, les recourantes concluent à l'annulation de la sentence entreprise
et au renvoi du dossier au Tribunal arbitral afin qu'il reprenne la procédure
probatoire et ordonne l'audition des témoins requise par elles.

L'intimé s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et propose
le rejet de celui-ci.

Le Tribunal arbitral a renoncé à se déterminer sur le recours, tout en
précisant que ses membres font l'objet d'une demande de récusation déposée par
les recourantes et actuellement pendante devant la Cour d'arbitrage de la CCI.
Une requête d'effet suspensif présentée par les recourantes a été rejetée par
ordonnance présidentielle du 20 octobre 2008.

Considérant en droit:

1.
D'après l'art. 54 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une
langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée.
Lorsque cette décision est rédigée dans une autre langue (ici l'anglais), le
Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant
le Tribunal arbitral, celles-ci ont opté pour l'anglais, tandis que, dans les
mémoires qu'elles ont adressés au Tribunal fédéral, elles ont employé le
français. Conformément à sa pratique, le Tribunal fédéral rendra, par
conséquent, son arrêt dans cette langue.

2.
2.1 Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile
est recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions
prévues par les art. 190 à 192 LDIP (art. 77 al. 1 LTF).

2.2 Le siège de l'arbitrage a été fixé à Genève. L'une des parties au moins (en
l'occurrence, l'intimé et l'une des deux recourantes) n'avait pas son domicile
en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP
sont donc applicables (art. 176 al. 1 LDIP).

2.3 Sous chiffre 1 du dispositif de la sentence entreprise, le Tribunal
arbitral a constaté sa compétence ratione materiae, rendant ainsi une décision
incidente, au sens de l'art. 186 al. 3 LDIP, qui pouvait être attaquée
uniquement pour les motifs prévus à l'art. 190 al. 2 let. a et b LDIP (art. 190
al. 3 LDIP). Les recourantes s'en prennent principalement à cette décision
incidente dans leur recours en matière civile, en invoquant l'un de ces deux
motifs. Le présent recours est, dès lors, recevable sur ce point.

La question de la recevabilité du recours apparaît plus délicate en ce qui
concerne les chiffres 2 et 3 du dispositif de la sentence incriminée. Les
arbitres y constatent que les commandes du Nigéria et de la Malaisie doivent
être incluses dans les relevés de commissions. Pareille constatation n'est
qu'un préalable à l'admission de la conclusion 3 de l'intimée, qui tend au
paiement des commissions afférentes auxdites commandes et sur laquelle le
Tribunal arbitral statuera ultérieurement. Aussi la sentence déférée, qui doit
être qualifiée de sentence préjudicielle relativement aux chiffres 2 et 3 de
son dispositif, ne pouvait-elle être attaquée, sur ces deux points, que pour
les motifs énoncés à l'art. 190 al. 2 let. a et b LDIP (ATF 130 III 755 consid.
1.2.2 p. 162), à l'exclusion du grief de violation du droit d'être entendu
(art. 190 al. 2 let. d LDIP) soulevé par les recourantes dans ce contexte (cf.
mémoire de recours, p. 27 ss). Le présent recours est, partant, irrecevable en
ce qui concerne ce grief-ci. Il est vrai que la constatation litigieuse a été
faite sur la base de conclusions en constatation de droit formulées
spécifiquement par l'intimé (conclusions 1 et 2 de la demande), conclusions
dont les arbitres ont admis la recevabilité malgré l'existence de la conclusion
en paiement des commissions se rapportant aux commandes visées par les
conclusions constatatoires. Toujours est-il que, nonobstant la constatation
faite à leur sujet sous chiffres 2 et 3 du dispositif de la sentence attaquée,
les prétentions pécuniaires litigieuses n'ont pas encore été liquidées, même in
parte qua, étant donné que cette sentence ne fournit pas à l'intimé un titre
qui lui permettrait d'en obtenir l'exécution forcée, fût-elle partielle, contre
les recourantes. En d'autres termes, il s'agit, dans le cas particulier, de
l'hypothèse assez singulière où il a été statué sur l'une des diverses
conclusions se rapportant à la même prétention pécuniaire, sans qu'une décision
exécutoire ait été rendue au sujet de cette prétention. Dès lors, sauf à
confondre conclusions et prétention, force est d'admettre, pour ce qui est du
paiement des commissions liées aux commandes du Nigéria et de la Malaisie, que
le Tribunal arbitral n'a pas statué sur une partie quantitativement limitée de
la créance invoquée par l'intimé, mais qu'il s'est borné à constater
l'existence d'un élément constitutif de cette créance, à savoir le fait que les
commandes litigieuses ont été passées durant la période stipulée dans le
contrat de commission. Ce faisant, il a rendu une sentence préjudicielle et non
pas une sentence partielle à l'égard de laquelle le moyen pris de la violation
du droit d'être entendu eût été recevable.

En rejetant, sous chiffre 4 du dispositif de leur sentence, les conclusions
pécuniaires de l'intimé relatives au paiement prétendument tardif des
commissions dues, les arbitres ont, en revanche, rendu une sentence partielle
proprement dite. Cependant, ce chiffre du dispositif de la sentence, qui donne
raison aux recourantes, n'a pas été attaqué par l'intimé de sorte qu'il est
exorbitant de la procédure conduite devant le Tribunal fédéral.

2.4 Les recourantes sont directement touchées par la sentence entreprise,
puisqu'elles soutiennent que le Tribunal arbitral n'était pas compétent pour la
rendre. Elles ont ainsi un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à
faire constater que cette sentence a été rendue par un Tribunal arbitral
incompétent ratione materiae (art. 190 al. 2 let. b LDIP), ce qui leur confère
la qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF).

Déposé dans les 30 jours suivant la notification de la sentence attaquée (art.
100 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 45 al. 1 LTF), le recours, qui satisfait
aux exigences formelles posées par l'art. 42 al. 1 LTF, est recevable dans la
mesure sus-indiquée.

2.5 Le recours reste purement cassatoire (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut
l'application de l'art. 107 al. 2 LTF). Toutefois, lorsque le litige porte sur
la compétence d'un tribunal arbitral, il a été jugé, par exception, que le
Tribunal fédéral pouvait constater lui-même la compétence ou l'incompétence
(ATF 127 III 279 consid. 1b; 117 II 94 consid. 4). Aussi convient-il d'admettre
la recevabilité de la conclusion de la recourante visant à ce que le Tribunal
fédéral constate l'incompétence du Tribunal arbitral pour statuer sur les
conclusions 1 à 3 prises par l'intimé et à ce qu'il annule les constatations
faites sous chiffres 2 et 3 du dispositif de la sentence dans le cadre de cette
compétence prétendument usurpée. Est, en revanche, irrecevable la conclusion
subsidiaire par laquelle les recourantes demandent au Tribunal fédéral, non
seulement d'annuler ladite sentence, mais encore de formuler des injonctions à
l'intention des arbitres.

2.6 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par le Tribunal
arbitral (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter d'office les
constatations des arbitres, même si les faits ont été établis de manière
manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui
exclut l'application de l'art. 105 al. 2 LTF). En revanche, comme c'était déjà
le cas sous l'empire de la loi fédérale d'organisation judiciaire (cf. ATF 129
III 727 consid. 5.2.2; 128 III 50 consid. 2a et les arrêts cités), le Tribunal
fédéral conserve la faculté de revoir l'état de fait à la base de la sentence
attaquée si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à
l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux
sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du
recours en matière civile (arrêt 4A_450/2007 du 7 janvier 2008, consid. 2.2).
En l'espèce, les recourantes ne remettent pas en cause les constatations de
fait du Tribunal arbitral. Il s'ensuit que le Tribunal fédéral doit s'en tenir
aux seuls faits constatés dans la sentence attaquée.

2.7 Le recours ne peut être formé que pour l'un des motifs énumérés de manière
exhaustive à l'art. 190 al. 2 LDIP. Le Tribunal fédéral examine uniquement les
griefs qui ont été invoqués et motivés par le recourant (art. 77 al. 3 LTF).
Celui-ci doit donc formuler ses griefs conformément aux exigences strictes en
matière de motivation, posées par la jurisprudence relative à l'art. 90 al. 1
let. b OJ (cf. ATF 128 III 50 consid. 1c), lesquelles demeurent valables sous
l'empire du nouveau droit de procédure fédéral.

3.
Se fondant sur l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, les recourantes soutiennent que le
Tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent pour connaître des conclusions
1 à 3 de la demande formée par l'intimé à leur encontre.

3.1 Saisi du grief d'incompétence, le Tribunal fédéral examine librement les
questions de droit, y compris les questions préalables, qui déterminent la
compétence ou l'incompétence du tribunal arbitral. Cependant, il ne revoit
l'état de fait à la base de la sentence attaquée - même s'il s'agit de la
question de la compétence - que dans les situations exceptionnelles rappelées
plus haut (cf. consid. 2.6).

3.2 La controverse porte sur l'interprétation de l'art. 4, précité, du contrat
de commission, disposition relative à la procédure d'audit arrêtée par les
parties afin de fixer le montant annuel des commissions que les recourantes
devaient verser à l'intimé. Il s'agit plus précisément de déterminer si
l'auditeur chargé d'effectuer ce travail s'est vu confier la mission d'un
arbitre, comme le soutiennent les recourantes, ou celle d'un expert-arbitre,
ainsi que le prétend l'intimé.
3.2.1 L'expertise-arbitrage est un contrat de droit matériel au moyen duquel
les parties chargent un tiers de donner son avis sur une question de fait ou
sur un point de droit, avis auquel elles déclarent d'avance se soumettre
obligatoirement (ATF 129 III 535 consid. 2 et les références; sur cette
institution, voir en particulier: MICHAEL SCHÖLL, Réflexions sur
l'expertise-arbitrage en droit suisse, Bulletin de l'Association suisse de
l'arbitrage (ASA) 2006 p. 621 ss). La volonté commune, exprimée à l'avance, de
se soumettre à l'avis de l'expert-arbitre distingue l'expertise-arbitrage de
l'expertise privée (SCHÖLL, op. cit., p. 629).
La distinction entre la sentence arbitrale et l'expertise-arbitrage réside en
ce que la première jouit de la chose jugée, tant formelle que matérielle, et
peut être modifiée si les conditions d'une demande de révision sont réunies,
tandis que la seconde - même si elle tranche des questions de fait ou de droit
de manière à lier les parties - ne peut être invalidée que par la voie d'une
procédure ordinaire dans laquelle il faut établir que les constatations de
l'expert-arbitre sont manifestement injustes, arbitraires, défectueuses,
gravement contraires à l'équité ou reposent sur un état de fait erroné, voire
sont entachées de vices du consentement (ATF 129 III 535 consid. 2.1 et les
arrêts cités; arrêt 5P.215/1993 du 30 septembre 1993 consid. 2a). La
jurisprudence a retenu divers critères destinés à permettre une telle
distinction; elle propose d'avoir égard, notamment, aux termes utilisés dans
l'accord des parties, à l'étendue des attributions conférées au tiers à
désigner selon cet accord, ainsi qu'à l'aptitude de la décision prise par ce
tiers à constituer un titre d'exécution forcée (ATF 117 Ia 365 consid. 6 p. 368
s.; arrêt 4P.299/2006 du 14 décembre 2006 consid. 3 et les références).

Au demeurant, arbitrage et expertise-arbitrage ne s'excluent pas toujours
mutuellement, de sorte qu'il est possible de rencontrer une combinaison de ces
deux institutions (Jean-François Poudret/Sébastien Besson, Comparative Law of
International Arbitration, 2e éd. 2002, p. 14 note 62a; Schöll, op. cit., p.
645).
3.2.2 Il convient d'examiner, à la lumière de ces principes, quel rôle les
parties au contrat de commission ont entendu assigner à l'auditeur.
3.2.2.1 Le Tribunal arbitral constate, tout d'abord, que les parties ne lui ont
pas fourni les indications nécessaires à l'interprétation subjective des
dispositions pertinentes du contrat de commission. Dès lors, seule une
interprétation objective de celles-ci entre en ligne de compte en l'espèce.

Prenant en considération non seulement l'art. 4 du contrat de commission, mais
encore les autres dispositions dudit contrat, le Tribunal arbitral en déduit
que le mandat de l'auditeur consistait à contrôler la conformité des relevés de
commissions établis par les recourantes avec les pièces justificatives fournies
par elles, ce qui n'était pas un travail de nature juridique mais la tâche
typique d'un auditeur. Le caractère limité de cette mission correspond du reste
au rôle que les parties se sont réservé dans leurs rapports avec l'auditeur: il
s'agissait de fournir à l'expert des informations ou suggestions concernant des
questions techniques et non des problèmes d'ordre juridique. L'auditeur
lui-même n'avait d'ailleurs pas interprété son rôle comme celui d'un arbitre
appelé à se prononcer sur ce type de problèmes. Ainsi, lorsqu'il y avait
divergences d'opinion au sujet d'un point de droit, il suspendait sa mission
jusqu'à ce que les parties fussent parvenues à un accord sur ce point. De la
même manière, il a invité ces dernières, par lettre du 28 juin 2006, à trouver
un arrangement concernant la question des commandes litigieuses ou, à ce
défaut, à recourir à l'arbitrage conformément à l'art. 14 du contrat de
commission. En outre, toujours selon les arbitres, il est inconcevable que les
parties aient pu se mettre d'accord pour confier à une personne n'étant
manifestement pas un juriste le soin d'interpréter les notions de droit
figurant dans ledit contrat, comme celle de savoir à quel moment une commande
était censée avoir été passée. Si tel avait été le cas, l'art. 14 du contrat de
commission resterait lettre morte, qui prévoit de soumettre à l'arbitrage tous
les litiges issus de ce contrat ou en rapport avec lui. Le Tribunal arbitral
précise encore que le caractère contraignant, final et inattaquable de l'avis
de l'expert-arbitre est inhérent à l'institution de l'expertise-arbitrage, de
sorte qu'il ne constitue pas un argument de nature à justifier de qualifier
d'arbitrage la mission confiée à ce spécialiste. Enfin, de l'avis des arbitres,
il est exclu de traiter la stipulation contractuelle relative à
l'expertise-arbitrage comme une lex specialis par rapport à celle ayant trait à
l'arbitrage, étant donné la différence existant entre les tâches dévolues à un
auditeur et le mandat conféré à un arbitre.

Pour toutes ces raisons, le Tribunal arbitral considère qu'il est compétent en
vertu de l'art. 14 du contrat de commission.
3.2.2.2 Selon les recourantes, l'art. 4 du contrat de commission devrait être
interprété comme une clause compromissoire, comprenant une procédure
d'arbitrage simplifiée avec, sous chiffre 4.7, une renonciation à recourir, au
sens de l'art. 192 LDIP, contre la décision rendue par l'arbitre unique.
Cependant, les longues explications fournies par les intéressées à l'appui de
cette thèse ne sont pas de nature à infirmer la solution inverse, retenue par
le Tribunal arbitral.

Les recourantes énumèrent certes de manière correcte les différents éléments
sur lesquels la jurisprudence fédérale se fonde pour distinguer
l'expertise-arbitrage de l'arbitrage proprement dit. Toutefois, elles ne
démontrent nullement en quoi, eu égard à ces éléments-là, les circonstances du
cas particulier auraient dû amener les arbitres à admettre que, sur la question
des commissions relatives aux commandes du Nigéria et de la Malaisie,
l'auditeur avait rendu une sentence arbitrale qui les liait.

Il ne ressort pas du texte de l'art. 4 du contrat de commission que les parties
y auraient posé de véritables règles de procédure ni, surtout, qu'elles y
auraient conféré à l'auditeur la compétence de trancher des questions de droit
et de rendre des décisions susceptibles de constituer des titres d'exécution
forcée. La disposition en question, en particulier sous ses chiffres 4.1 à 4.6,
se borne, en effet, à indiquer les pièces justificatives que les recourantes
sont tenues de soumettre à l'auditeur, à permettre au spécialiste de demander
aux parties des informations et documents supplémentaires à des fins de
contrôle et de certification, ainsi qu'à autoriser les parties à fournir à
l'auditeur des renseignements et/ou des suggestions de nature technique
concernant les machines. Il ne s'agit pas là de la mise en forme d'une
véritable procédure probatoire détaillée, telle qu'on la trouve généralement
dans le domaine de l'arbitrage international, que ce soit dans un règlement
d'arbitrage ou dans un acte de mission. Quant à l'objet du mandat conféré à
l'auditeur, il était strictement délimité puisque l'intéressé se voyait confier
uniquement le soin de vérifier le relevé annuel des commissions établi par
X.________. Cette tâche, de nature essentiellement comptable, consistait à
confronter ce relevé annuel avec l'ensemble de la documentation requise
(carnets de commandes, contrats signés avec les clients, certificats de
livraison des produits aux clients). Qu'elle nécessitât, dans une certaine
mesure, le recours au procédé de l'interprétation était inévitable, mais cela
ne suffisait pas à justifier son assimilation à celle qui est généralement
dévolue à un tribunal arbitral. Il n'est pas non plus déterminant que la
décision prise par l'auditeur devait être définitive et inattaquable, en vertu
de l'art. 4.7 du contrat de commission, dès lors que le caractère contraignant
de la décision prise par l'expert est inhérent à l'expertise-arbitrage. En
revanche, ce caractère contraignant ne signifie pas encore que les parties
acceptaient d'ores et déjà que la décision prise par l'auditeur au sujet du
relevé annuel des commissions vaudrait titre d'exécution forcée quant au
montant arrêté dans cette décision. Sans doute s'engageaient-elles à respecter
cette dernière en procédant aux paiements ou remboursements qu'elle impliquait.
Cependant, il ne ressort pas de la stipulation ad hoc que la partie tenue au
paiement ou au remboursement acceptait par avance de se voir opposer le
prononcé de l'auditeur comme titre de mainlevée sans pouvoir faire valoir ses
moyens de fond - notamment ceux n'ayant aucun rapport avec cette décision,
telle la compensation - dans une procédure judiciaire ou arbitrale.
Selon les recourantes, la pratique des parties entre le 1er avril 2001 et le 31
décembre 2004 montrerait que la mission confiée à l'auditeur était
indubitablement celle d'un véritable arbitre. Force est, toutefois, de
souligner d'emblée que cet argument ne repose pas sur des constatations de fait
figurant dans la sentence attaquée, mais sur des pièces tirées du dossier de
l'arbitrage. Comme tel, il est donc irrecevable puisque les recourantes ne
soulèvent pas, à l'encontre de ces constatations, l'un des griefs mentionnés à
l'art. 190 al. 2 LDIP, sinon de manière évasive et insuffisamment motivée sous
chiffre 4.1.2.7 de leur mémoire. Quoi qu'il en soit, sur le point litigieux,
c'est-à-dire les commissions en rapport avec les commandes du Nigéria et de la
Malaisie, la pratique alléguée est démentie par un fait, dûment constaté, lui,
par le Tribunal arbitral. Il s'agit du courrier, cité sous chiffre 10.3.5 in
fine de la sentence déférée, à savoir la lettre adressée le 28 juin 2006 aux
parties par l'auditeur. Dans cette missive, ce dernier indiquait à celles-ci
que, pour suivre la position qu'il avait adoptée quelques années plus tôt
lorsqu'il s'était agi de trancher des différends issus de l'interprétation du
contrat de commission, il préférait leur laisser le soin de trouver un
arrangement ou de recourir à l'arbitrage prévu à l'art. 14 dudit contrat. Sur
le vu de cet écrit, il est exclu d'admettre que l'auditeur a tranché
définitivement la question des commandes litigieuses.

Pour le surplus, contrairement à ce que soutiennent les recourantes, le
Tribunal arbitral ne dit pas qu'il est impossible de choisir comme arbitre une
personne sans formation juridique. Il se borne à relever, avec raison, qu'il
n'est guère concevable que les parties aient pu confier à une telle personne le
soin d'interpréter le contrat de commission et à se demander, à bon droit, quel
serait, dans le cas contraire, le champ d'application de l'art. 14.1 du contrat
de commission, qui soumet à l'arbitrage tous les différends découlant de ce
contrat ou s'y rapportant.

Enfin, les explications fournies par les recourantes quant aux conditions
d'application de l'art. 192 LDIP sont hors de propos, étant donné que
l'auditeur n'a pas rendu une sentence arbitrale sur le point controversé, mais
a invité les parties à en solliciter le prononcé au cas où elles ne
parviendraient pas à trouver un arrangement.
Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du Tribunal arbitral pour
connaître du litige découlant du relevé de commissions relatif à l'année 2005
n'est pas fondé.

4.
Dans un second moyen, les recourantes font valoir que la sentence entreprise a
été rendue en violation de leur droit d'être entendues. Elles reprochent au
Tribunal arbitral d'avoir procédé à une interprétation objective du texte de
l'art. 3.1 du contrat de commission, en particulier de l'expression "orders
placed" qui y figure, sans leur avoir donné la possibilité de faire entendre
des témoins au sujet du déroulement de la négociation dudit contrat et de la
pratique interne suivie depuis 2001 par les parties dans le cadre de
l'exécution de cet accord.

Comme on l'a exposé au considérant 2.3 ci-dessus, le Tribunal arbitral, en
interprétant l'expression litigieuse et en retenant qu'elle s'appliquait aux
commandes passées par le Nigéria et la Malaisie, a rendu, non pas une sentence
partielle, mais une sentence préjudicielle. En effet, en statuant sur ce point,
même s'ils l'ont formalisé par une constatation ad hoc dans le dispositif de
leur sentence, les arbitres se sont uniquement prononcés sur l'une des
conditions de fond constituant le préalable à l'admission des conclusions
condamnatoires prises par l'intimé en vue d'obtenir le paiement des commissions
afférentes auxdites commandes. En tant qu'il soulève le grief de violation du
droit d'être entendu à l'encontre de cette sentence préjudicielle, le présent
recours est, dès lors, irrecevable (cf. considérant cité).

5.
Les recourantes, qui succombent, seront condamnées solidairement à payer les
frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 et 5 LTF) et à verser des dépens
à l'intimé (art. 68 al. 1 et 4 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 20'000 fr., sont mis à la charge des
recourantes, solidairement entre elles.

3.
Les recourantes sont condamnées solidairement à verser à l'intimé une indemnité
de 22'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au Président du
Tribunal arbitral CCI.

Lausanne, le 17 novembre 2008

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Corboz Carruzzo