Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.422/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_422/2008/ech

Arrêt du 21 novembre 2008
Ire Cour de droit civil

Composition
MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Kolly.
Greffière: Mme Crittin.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Claire-Lise Oswald,

contre

Y.________,
intimée, représentée par Me Christian van Gessel.

Objet
contrat de travail; licenciement,

recours contre l'arrêt de la Cour de cassation civile du Tribunal cantonal du
canton de Neuchâtel du 5 août 2008.

Faits:

A.
A.a Le 25 octobre 2004, la société X.________ a engagé Y.________, en qualité
de collaboratrice au bureau commercial.

A la suite d'un vol d'argent commis sans effraction dans un des bureaux de la
société, plusieurs employés de X.________ ont été entendus par la police.
Y.________ l'a été aux fins de renseignements le 9 mai 2006. Le 31 du même
mois, une circulaire interne annonçait que l'enquête de police avait permis
d'identifier l'auteur du vol: il s'agissait d'un inspecteur de régulation, qui
avait agi seul et sans complicité au sein de la compagnie.
A.b Le 14 juillet 2006, le contrat de travail liant les parties a été résilié
avec effet le 31 octobre 2006, « en raison d'une irrémédiable rupture de
confiance ».

Le 15 juillet 2006, Y.________ s'est opposée à son congé.

B.
Le 8 août 2006, Y.________ a assigné X.________ devant le Tribunal des
prud'hommes du district de Neuchâtel. Après avoir modifié ses conclusions, la
demanderesse concluait au paiement de 1'941 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le
17 août 2006, à titre de dommage résultant de la fin prématurée de ses cours de
formation et de 27'728 fr.40 avec intérêts à 5% l'an dès le 10 août 2006, à
titre d'indemnité pour résiliation abusive, correspondant à six mois de salaire
brut, y compris la part au treizième salaire. La défenderesse a conclu au rejet
de la demande, sous suite de dépens.

Par jugement du 21 mai 2007, le Tribunal des prud'hommes a condamné la
défenderesse à verser à la demanderesse le montant de 18'480 fr. nets à titre
d'indemnité pour licenciement abusif; cette indemnité correspondait à quatre
mois de salaire.

Statuant le 5 août 2008 sur recours de la défenderesse, la Cour de cassation
civile du Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté le recours. La cour cantonale
a considéré que les premiers juges ont retenu avec raison l'application de
l'art. 336 CO; pour les magistrats cantonaux, le licenciement était bien abusif
au sens de cette disposition, dès lors qu'il apparaissait comme une mesure de
représailles, signifiée suite aux hypothèses formulées par l'employée alors
qu'elle était interrogée par la police et devait répondre à des questions
précises.

C.
La défenderesse exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Elle
conclut à l'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause aux
instances inférieures pour nouveau jugement.

La demanderesse propose le rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
1.1 Le jugement attaqué a été rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par
une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 LTF) dans une affaire
pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 15'000 francs (art. 74
al. 1 let. a LTF). Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les
formes requises (art. 42 al. 1 à 3 LTF) par la partie qui a succombé dans ses
conclusions (art. 76 al. 1 LTF), le recours en matière civile est en principe
recevable.

La recourante a certes formulé une conclusion cassatoire, alors que le recours
en matière civile n'est pas un recours en cassation mais un recours en réforme
(art. 107 al. 2 LTF; BERNARD CORBOZ, Introduction à la nouvelle loi sur le
Tribunal fédéral, in SJ 2006 II p. 329 s.). Il ressort toutefois du mémoire de
recours que la recourante entend être libérée de toute condamnation pécuniaire
à l'égard de l'intimée. Comprise dans ce sens, sa conclusion cassatoire ne
s'oppose pas à l'entrée en matière sur le recours.

1.2 Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit,
tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique
le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les
arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4
p. 140). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et
2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal
fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de
traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui (ATF 134 III 102 consid. 1.1 p. 104).

2.
La recourante dénonce une fausse application du droit matériel, en particulier
des art. 335c et 336 CO. Elle dit également, en préambule du chapitre consacré
aux motifs et moyens du recours, « intervenir pour arbitraire ».

2.1 Le contrat de travail conclu pour une durée indéterminée peut être résilié
par chacune des parties (art. 335 al. 1 CO), dans les délais de résiliation
prévus à l'art. 335c CO. En droit suisse du travail, la liberté de la
résiliation prévaut, de sorte que, pour être valable, un congé n'a en principe
pas besoin de reposer sur un motif particulier. Le droit de chaque
cocontractant de mettre unilatéralement fin au contrat est cependant limité par
les dispositions sur le congé abusif (art. 336 ss CO; ATF 132 III 115 consid.
2.1 p. 116; 131 III 535 consid. 4.1 p. 537 s.).

Un congé est abusif, lorsqu'il est donné par une partie parce que l'autre
partie accomplit une obligation légale lui incombant sans qu'elle ait demandé
de l'assumer (art. 336 al. 1 let. e CO). La pratique admet que d'autres
situations que celles énumérées par la loi sont constitutives de congé abusif;
ces situations doivent cependant comporter une gravité comparable aux cas
expressément mentionnés à l'art. 336 CO (ATF 132 III 115 consid. 2.1 p. 117;
131 III 535 consid. 4.2 p. 538).

2.2 Pour la recourante, la résiliation ne peut pas constituer une mesure de
représailles, comme jugé par la cour cantonale, dès lors que les propos tenus
par l'employée à la police cantonale n'ont pas créé une situation allant à
l'encontre des intérêts de l'employeur. En cela, la situation du cas d'espèce
n'est pas la même que celle qui prévalait dans l'arrêt genevois publié à la SJ
1988 p. 586, puisque cet arrêt sanctionnait un licenciement clairement signifié
à des fins de vengeance à la suite du préjudice subi consécutivement au
témoignage de l'employé.

L'atteinte aux intérêts de l'employeur, invoquée par la recourante, ne
constitue pas une condition d'application de l'art. 336 al. 1 let. e CO. Elle
ne saurait en outre entrer nécessairement en ligne de compte pour qualifier un
congé d'abusif en dehors de l'état de fait expressément mentionné à la
disposition précitée, dès lors que l'appréciation du caractère abusif d'un
licenciement suppose l'examen de toutes les circonstances de l'espèce (cf. ATF
132 III 115 consid. 2.1 à 2.5 p. 117 ss; 131 III 535 consid. 4.2 p. 538). Par
conséquent, le grief est dénué de fondement.
2.3
2.3.1 La recourante allègue que les propos tenus par l'employée ne sont pas
conformes à la vérité et sont diffamatoires; elle ajoute que de tels propos ne
se justifient aucunement, en dépit du fait qu'ils découlent d'un devoir légal,
et sont ainsi à même d'entraîner la perte du rapport de confiance et, partant,
de justifier la rupture de la relation contractuelle.

Une fois encore l'argumentation de la recourante, de caractère appellatoire,
est vaine. Il ressort en effet clairement du jugement entrepris que l'employée
a, en répondant à des questions expresses et précises, comme « avez-vous des
soupçons quant à l'auteur de ces faits », émis des hypothèses - habilement
suggérées par l'auteur du délit - qu'elle pouvait croire fondées.

Comme aucun grief d'arbitraire n'est soulevé et, encore moins, démontré en lien
avec cet élément de fait, qui lie le Tribunal fédéral, il n'y a pas lieu
d'examiner plus avant la critique.
2.3.2 En réponse à l'un des griefs soulevés devant elle, l'autorité cantonale a
précisé que l'intimée n'avait pas qualité de témoin lors de son audition par la
police, tout en indiquant qu'elle n'était pas moins tenue de répondre à la
convocation policière et, si elle pouvait se taire, elle n'y avait pas intérêt
si elle ne voulait pas paraître plus suspecte que d'autres. La recourante
reproche à la cour cantonale d'avoir ainsi traité « une fragilité de l'intimée
totalement inexistante dans les dossiers pénal et civil de la cause », ce qui
constituerait un arbitraire flagrant.

L'argumentation de la recourante est insuffisamment motivée. Elle n'explique en
effet pas dans quelle mesure l'argument de fait dénoncé serait susceptible
d'exercer une influence sur le sort de la cause. Elle ne tente même pas de
plaider l'absence de toute obligation légale incombant à l'employée « sans
qu'elle ait demandé de l'assumer », en tant que condition d'application de
l'art. 336 al. 1 let. e CO. En outre, l'élément discuté par la recourante ne
constitue pas une circonstance propre à remettre en cause l'appréciation faite
par les juges cantonaux du caractère abusif du licenciement. Cela étant, le
grief tombe à faux.
2.3.3 Dans la mesure où il ressort des faits retenus - qui lient le Tribunal
fédéral - que la résiliation a été signifiée suite aux hypothèses formulées par
l'employée alors qu'elle était interrogée par la police et devait répondre à
des questions précises, on ne voit pas que l'autorité cantonale aurait violé le
droit fédéral en considérant le congé comme abusif.

2.4 Lorsqu'enfin, la recourante reproche à la juridiction cantonale de n'avoir
pas examiné la question de la résiliation dans les délais contractuels et
légaux donnés par la recourante à son employée et d'avoir ainsi faussement
confirmé l'application par les premiers juges de l'art. 336 al. 1 let. e CO,
elle fait totalement fi du raisonnement - exempt de tout reproche - suivi par
la cour cantonale en lien avec le caractère abusif de la résiliation
contractuelle. La recourante semble perdre de vue, dans son argumentation
difficilement compréhensible, que le droit fondamental de chaque cocontractant
de mettre unilatéralement fin au contrat est, comme rappelé ci-dessus, limité
par les dispositions sur le congé abusif.

3.
Dans ces circonstances, le recours ne peut être que rejeté pour autant qu'il
soit recevable.

4.
Compte tenu de l'issue du recours, il convient de mettre les frais judiciaires
à la charge de la recourante et de la condamner à verser à l'intimée une
indemnité à titre de dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Une indemnité de 2'500 fr., à payer à l'intimée à titre de dépens, est mise à
la charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour de
cassation civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 21 novembre 2008

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Corboz Crittin