Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.403/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_403/2008/ech

Arrêt du 9 décembre 2008
Ire Cour de droit civil

Composition
MM. et Mmes les Juges Corboz, Président, Klett, Rottenberg Liatowitsch, Kolly
et Kiss.
Greffier: M. Ramelet.

Parties
Compagnie X.________ SA,
recourante, représentée par Mes Alain Veuillet et Jean-Jacques Martin,

contre

Fédération Y.________,
intimée, représentée par Me Maurice Harari.

Objet
reconnaissance et exécution d'une sentence arbitrale étrangère,

recours contre l'arrêt rendu le 7 août 2008 par la 1ère Section de la Cour de
justice du canton de Genève.

Faits:

A.
A.a A la requête de la Compagnie X.________ SA (ci-après: la Compagnie
X.________), l'Office des poursuites de Genève a notifié le 27 février 2003 à
la Fédération Y.________ un commandement de payer la somme de 1'185'600'000 CHF
(poursuite n° ...), contre-valeur de la somme de 800'000'000 USD que la
Fédération Y.________ s'était engagée à payer à la Compagnie X.________ en
vertu d'un Protocole d'accord conclu le 31 juillet 2002 entre les parties.

Par jugement du 7 juillet 2003, le Tribunal de première instance de Genève a
levé provisoirement l'opposition à cette poursuite formée par la Fédération
Y.________.

La Compagnie X.________ et la Fédération Y.________ avaient inséré une clause
d'arbitrage dans le Protocole d'accord en cause, selon laquelle tous les
différends auxquels celui-ci pourrait donner lieu seraient soumis à un ou trois
arbitres statuant selon le Règlement d'arbitrage de la Chambre de Commerce
Internationale (CCI). Le siège de l'arbitrage a été fixé à Paris, le français
étant choisi comme langue de la procédure arbitrale. Les parties avaient
assujetti le Protocole d'accord susmentionné au droit luxembourgeois.

Par demande du 30 juillet 2003, la Fédération Y.________ a présenté le litige
résultant du Protocole d'accord à la Cour internationale d'arbitrage de la CCI
à Paris, conformément à la clause arbitrale dudit accord.

Le 19 octobre 2004, la Compagnie X.________ et la Fédération Y.________ ont
signé un acte de mission, fixant les règles que le Tribunal arbitral, formé de
trois arbitres, aurait à appliquer à la procédure arbitrale.

Le 5 juin 2007, le Tribunal arbitral a rendu une sentence à la majorité de ses
membres, à teneur de laquelle notamment la créance visée par la poursuite n°
... en Suisse a été déclarée en l'état inexistante, faute de réalisation, à la
date du prononcé de la sentence, de la condition à laquelle est subordonnée
l'efficacité singulièrement du Protocole d'accord du 31 juillet 2002. Cette
sentence a été communiquée aux plaideurs le 7 juin 2007.
Le 5 juillet 2007, la Compagnie X.________ a déposé une requête en correction
et interprétation de la sentence arbitrale rendue le 5 juin 2007.
A.b A la demande de la Fédération Y.________, la sentence arbitrale susrappelée
a été revêtue de l'exequatur en France le 25 juin 2007 et signifiée à la
Compagnie X.________ le 13 juillet 2007 à Genève, par l'intermédiaire du
Parquet du Procureur général de Genève. Cette signification mentionnait en
particulier le délai dans lequel un appel de la décision accordant l'exequatur
pouvait être interjeté devant la Cour d'Appel de Paris, soit trois mois dès le
13 juillet 2007.
Dans un document appelé « Addendum », daté du 17 octobre 2007, le Tribunal
arbitral a partiellement admis la requête en correction d'erreurs matérielles
et rejeté la requête en interprétation qu'avait formées la Compagnie
X.________. Aucune ordonnance d'exequatur de cet « Addendum », communiqué aux
parties à une date indéterminée, n'a été signifiée à celles-ci.
A.c Par requête du 8 janvier 2008, la Fédération Y.________ a demandé la
reconnaissance en Suisse de la sentence arbitrale du 5 juin 2007.

La compagnie X.________ s'est opposée à cette requête. Se fondant sur un avis
de droit rédigé par un professeur de droit français, elle soutient que la
sentence du 5 juin 2007 n'a pas de caractère obligatoire, aux motifs que le
délai de recours en annulation de ladite sentence arbitrale a été prorogé par
la reddition de l' « Addendum » du 17 octobre 2007, que ce délai ne commencera
à courir qu'après la signification d'une ordonnance conférant l'exequatur à
l'ensemble formé de la sentence et de l'« Addendum » ou de l'« Addendum »
seulement, que le délai de recours expirera trois mois après ce terme et que,
jusque-là, ce délai demeure suspensif de toute exécution en application de
l'art. 1506 du Nouveau Code de Procédure civile français (NCPC).
A.d Par jugement du 13 mars 2008, le Tribunal de première instance de Genève a
reconnu le « jugement » rendu le 5 juin 2007 par la Cour internationale
d'arbitrage de la CCI à Paris dans la cause divisant la Fédération Y.________
d'avec la Compagnie X.________.

B.
Saisie d'un appel interjeté par la Compagnie X.________ contre le jugement du
13 mars 2008, la 1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève, par
arrêt du 7 août 2008, a confirmé cette décision.
La cour cantonale a fait application de la Convention de New York du 10 juin
1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères
(ci-après: la Convention de New York; RS 0.277.12). Elle a laissé indécise la
question de savoir si le délai d'exercice du recours en annulation qui pourrait
être dirigé contre la sentence du 5 juin 2007 avait été prorogé par la
notification de l' « Addendum » du 17 octobre 2007, thèse soutenue par la
Compagnie X.________. L'autorité cantonale, en accord avec la doctrine
majoritaire, a considéré que l'effet suspensif d'un recours déposé contre la
sentence arbitrale ne constitue un motif d'opposition selon l'art. V ch. 1 let.
e de la Convention de New York que dans la mesure où l'effet suspensif a été
accordé par l'autorité judiciaire. Elle en a conclu que l'effet suspensif
découlant directement de l'art. 1506 NCPC « ne suffi(sait) pas pour refuser
l'exequatur de la sentence arbitrale du 5 juin 2007 et de la sentence
corrective du 17 octobre 2007 ». Or, la Compagnie X.________ n'avait pas
prétendu avoir interjeté un recours en annulation en France contre les
sentences en question ni avoir obtenu du juge compétent la suspension de
l'exécution desdites sentences. En définitive, la Cour de justice a retenu que
rien ne s'opposait à la reconnaissance en Suisse de la sentence arbitrale du 5
juin 2007.

C.
La Compagnie X.________ exerce un recours en matière civile contre l'arrêt
précité. Elle conclut à la mise à néant de cet arrêt, la Fédération Y.________
devant être déboutée de toutes ses conclusions.

L'intimée propose le rejet du recours et la confirmation de l'arrêt du 7 août
2008.

Par ordonnance du 13 octobre 2008, le Président de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral a rejeté la demande d'effet suspensif présentée par la
recourante.

Considérant en droit:

1.
1.1 Interjeté par une partie qui a pris part à l'instance précédente et
succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF), dirigé contre une décision
finale (art. 90 LTF) concernant la reconnaissance et l'exécution d'une sentence
arbitrale étrangère (art. 72 al. 2 let. b ch. 1 LTF) prise par une autorité
cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF) dans une affaire pécuniaire
dont la valeur litigieuse dépasse très largement le seuil de 30'000 fr. de
l'art. 74 al. 1 let. b LTF, le recours est par principe recevable, puisqu'il a
été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus
par la loi.

1.2 Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit,
tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Saisi, ainsi qu'on le verra,
d'un recours pour violation d'un traité international (cf. art. 95 let. b LTF),
le Tribunal fédéral examine librement le mérite des moyens pris d'une
transgression du droit conventionnel (YVES DONZALLAZ, Loi sur le Tribunal
fédéral, n. 3514 ad art. 95 LTF).

En vertu de l'exception ancrée à l'art. 106 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral
n'entre pas en matière sur la violation d'un droit de rang constitutionnel ou
sur une question afférente au droit cantonal ou intercantonal si le grief n'a
pas été invoqué et motivé de manière détaillée par la partie recourante. Pour
le reste, il applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité
par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue dans la
décision déférée; il peut donc admettre un recours pour d'autres motifs que
ceux qui ont été articulés, ou à l'inverse, rejeter un recours en adoptant une
argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 134 III 102
consid. 1.1 et l'arrêt cité). Toutefois, compte tenu de l'exigence de
motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité
(art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les
griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de
première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque
celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 134 III 102 consid. 1.1).
En instance de recours en matière civile, le Tribunal fédéral conduit son
raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente
(art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les constatations
factuelles de l'autorité cantonale ont été établies de façon manifestement
inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst.
(ATF 134 V 53 consid. 4.3) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF
(art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible
d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Il appartient au
recourant de soulever expressément un grief à ce propos et de présenter une
démonstration claire et circonstanciée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 133 II 249
consid. 1.4.2 p. 254).
Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter
de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).

Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107
al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF).

2.
La recourante expose, dans un premier grief, que la sentence arbitrale rendue
en France en matière d'arbitrage international peut uniquement faire l'objet du
recours en annulation instauré par l'art. 1504 al. 1 NCPC. L' « Addendum » du
17 octobre 2007 faisant partie intégrante de la sentence du 5 juin 2007, le
recours en annulation doit être dirigé contre l'ensemble formé par la sentence
et son « Addendum ». La Compagnie X.________ en infère que le délai pour
recourir en annulation contre la sentence du 5 juin 2007 ne saurait commencer à
courir avant que soit signifiée une nouvelle ordonnance revêtant d'exequatur
l'ensemble constitué par cette sentence et son addendum. Pour ne pas l'avoir
compris, la cour cantonale aurait enfreint l'art. V ch. 1 let. e de la
Convention de New York.

2.1 Il résulte de l'état de fait que les sentences incriminées dont la
reconnaissance est requise en Suisse émanent d'un Tribunal arbitral dont le
siège était à Paris. Ce n'est donc pas la LDIP qui est applicable à ce litige
d'exequatur (cf. art. 176 al. 1 LDIP), mais bien la Convention de New York,
comme le prescrit l'art. 194 LDIP.

L'art. V. ch. 1 de ce traité indique les motifs d'opposition à l'exequatur,
lesquels ne sont pris en compte que s'ils sont invoqués et prouvés par la
partie qui conteste la reconnaissance de la sentence arbitrale dans l'Etat
requis de l'exécuter (ATF 110 Ib 191 consid. 2c p. 195; 108 Ib consid. 3 p. 88;
arrêt du 8 décembre 2003 dans la cause 4P.173/2003, consid. 3.1).

Les motifs d'opposition, énumérés aux let. a à e, sont exhaustifs (JAN
PAULSSON, The New York Convention in International Practice - Problems of
Assimilation, in Association suisse de l'arbitrage (ASA), Special Series n° 9,
août 1996, p. 107-108; ALBERT JAN VAN DER BERG, The New York Arbitration
Convention of 1958, The Hague 1981, p. 264-265; JEAN-FRANÇOIS POUDRET/SÉBASTIEN
BESSON, Droit comparé de l'arbitrage international, ch. 902, p. 880).
La recourante ne se prévaut que du motif d'opposition ancré à l'art. V ch. 1
let. e de la Convention de New York. Cette norme a la teneur suivante:

« La reconnaissance et l'exécution de la sentence ne seront refusées, sur
requête de la partie contre laquelle elle est invoquée, que si cette partie
fournit à l'autorité compétente du pays où la reconnaissance et l'exécution
sont demandées la preuve:

e. Que la sentence n'est pas encore devenue obligatoire pour les parties ou a
été annulée ou suspendue par une autorité compétente du pays dans lequel, ou
d'après la loi duquel, la sentence a été rendue. ».

2.2 Il convient donc de vérifier si la sentence arbitrale du 5 juin 2007 et l'
« Addendum » du 17 octobre 2007 sont dénués de caractère obligatoire au sens de
la Convention de New York, comme le prétend la recourante.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la sentence arbitrale étrangère est
obligatoire (« binding ») pour les parties lorsqu'un recours ordinaire n'est
pas ou plus ouvert à son encontre (arrêt 5P.292/2005 du 3 janvier 2006, consid.
3.2, reproduit partiellement in: RSDIE 1/2007 p. 80). Cette conception est
approuvée par la doctrine moderne (POUDRET/BESSON, op. cit., ch. 918 p. 895;
PAOLO MICHELE PATOCCHI/CESARE JERMINI, Commentaire bâlois, 2e éd., 2007, n. 116
ad art. 194 LDIP; LES MÊMES, International Arbitration in Switzerland, The
Hague 2000, ch. 116 ad art. 194 LDIP, p. 666/667).

Pour qu'elle soit qualifiée d' »obligatoire », la sentence étrangère n'a pas
besoin d'être exécutoire dans le pays d'origine, la Convention de New York
ayant voulu éviter le « double exequatur » (ATF 108 Ib 85 consid. 4e; arrêt
5P.292/2005 du 3 janvier 2006 déjà cité, consid. 3.2; PATOCCHI/JERMINI, op.
cit., n. 114 ad art. 194 LDIP; KURT SIEHR, Commentaire zurichois, 2e éd., 2004,
n. 26 ad art. 194 LDIP).
Le seul motif qu'un recours en annulation est possible ou a été déposé dans
l'Etat d'origine contre la sentence dont la reconnaissance est requise dans un
Etat tiers ne retire pas son caractère « obligatoire » à cette sentence
(POUDRET/BESSON, op. cit., ch. 920, p. 897; PHILIPPE FOUCHARD ET AL., Traité de
l'arbitrage commercial international, Paris 1996, ch. 1684, p. 992).

En l'espèce, la recourante affirme qu'une sentence arbitrale rendue en France
en matière d'arbitrage international ne peut faire l'objet que du recours en
annulation prévu par l'art. 1504 al. 1 NCPC. Or, à suivre les avis doctrinaux
exposés ci-dessus, la possibilité d'intenter un tel recours ne suffit pas à
rendre la sentence non obligatoire au sens de la Convention de New York. A cela
s'ajoute que la recourante n'a pas démontré que le recours en annulation du
droit français présenterait la caractéristique d'un recours ordinaire.

Il s'ensuit que la recourante a échoué à établir que la sentence du 5 juin 2007
et son « Addendum » ne sont pas devenus « obligatoires » selon l'art. V ch. 1
let. e de la Convention de New York.

La critique doit être rejetée.

3.
A l'appui d'un deuxième moyen, la recourante déclare que la Cour de justice a
derechef violé l'art. V ch. 1 let. e de la Convention de New York en admettant
que l'effet suspensif d'un recours contre une sentence arbitrale n'est un motif
d'opposition selon la norme précitée de ce traité qu'à la condition que la
suspension résulte de la décision d'une autorité judiciaire. Pour la
recourante, au contraire, l'effet suspensif découlant de l'art. 1506 NCPC
suffirait pour empêcher l'exequatur de la sentence arbitrale. La position de
l'autorité cantonale, basée sur des opinions de doctrine, ne serait pas
conforme à la jurisprudence des tribunaux suisses. La Compagnie X.________ se
réfère à ce propos à l'ATF 110 Ib 191 consid. 2c p. 195 et à un arrêt rendu en
1987 par la Cour de justice genevoise se conformant à ce précédent.

3.1 La Compagnie X.________ ne soutient pas, à bon droit, que les sentences
dont l'exequatur est demandé en Suisse ont été annulées par un tribunal
français. Elle n'a de toute façon jamais prétendu avoir formé un recours en
France contre lesdites sentences.

Elle se limite à faire valoir que les sentences ont été suspendues dans l'Etat
du siège (i. e. en France) en raison de l'effet suspensif résultant de l'art.
1506 NCPC, norme qui dispose que le délai pour exercer notamment le recours en
annulation de l'art. 1504 al. 1 NCPC suspend l'exécution de la sentence
arbitrale, le recours exercé dans le délai étant également suspensif.

3.2 A l'ATF 110 Ib 191 consid. 2c, cité par la recourante, le Tribunal fédéral
a retenu, sans se rapporter à aucun avis de doctrine, que l'effet suspensif ex
lege du pourvoi en cassation du droit français alors applicable constituait un
motif d'opposition selon l'art. V ch. 1 let. e de la Convention de New York.
Dans l'arrêt 5P.371/1999 du 21 mars 2000 consid. 2b, publié in ASA 20/2002 p.
266 ss, spéc. p. 268, la juridiction fédérale a affirmé que le motif tiré de la
norme conventionnelle précitée pour refuser l'exequatur d'une sentence
arbitrale anglaise ne pouvait trouver application in casu, car les magistrats
de la Cour d'appel de Londres n'avaient pas suspendu formellement la sentence.
Les juges fédéraux ont étayé ce changement d'opinion en se reportant à ALBERT
JAN VAN DER BERG, The New York Convention: Summary of Court Decisions, in: ASA
Special Series n° 9, p. 90 et PAULSSON, op. cit., p. 112, auteurs qui, tous
deux, ont renvoyé à un arrêt de la Cour suprême suédoise du 13 août 1979
portant sur l'exequatur en Suède d'une sentence arbitrale rendue en France
susceptible d'y faire l'objet d'un recours en nullité (cause Götaverken Arendal
AB c/ General National Maritime Transport Company, publiée in: Revue de
l'arbitrage, Paris 1980, p. 555 ss).

Le 8 décembre 2003, le Tribunal fédéral a rendu un arrêt 4P.173/2003, dont le
consid. 3.1 in medio spécifie que l'exequatur d'une sentence arbitrale
étrangère doit être refusé « lorsque l'effet suspensif a été accordé à un
recours en nullité par l'autorité compétente ». Cette phrase est suivie d'une
référence à PATOCCHI/JERMINI, Commentaire bâlois, 1re édition, 1996, n. 117 ad
art. 194 LDIP.

Dans son arrêt 5P.292/2005 du 3 janvier 2006, mentionné au consid. 2.2
ci-dessus, le Tribunal fédéral a confirmé implicitement les deux arrêts
susrappelés non publiés au Recueil officiel, en écrivant que le motif
d'opposition à l'exequatur de l'art. V ch. 1 let. e de la Convention de New
York était réalisé si les effets de la sentence « pour la durée d'une procédure
d'annulation en cours ... ont été suspendus par l'autorité compétente ». Cet
arrêt renvoie, outre à l'avis précité de PATOCCHI/JERMINI, à ceux de SIEHR, op.
cit., n. 26 ad art. 194 LDIP, et de ANDREAS BUCHER/ANDREA BONOMI, Droit
international privé, 2e éd., 2004, n. 1330.

La nouvelle opinion du Tribunal fédéral, selon laquelle la suspension de la
sentence dans l'Etat d'origine ne constitue un motif d'opposition, tel que
l'entend l'art. V ch. 1 let. e de la Convention de New York, que si elle a été
octroyée par une décision de justice, mais non pas si elle résulte simplement
de plein droit du recours ouvert contre la sentence, a été saluée par la
doctrine (GABRIELLE KAUFMANN-KOHLER/ANTONIO RIGOZZI, Arbitrage international,
2006, ch. 895 p. 359; DANIEL GIRSBERGER/NATHALIE VOSER, International
Arbitration in Switzerland, 2008, ch. 1196, p. 359).

3.3 La jurisprudence initiée par l'arrêt 5P.371/1999 du 21 mars 2000 doit être
confirmée.

Elle est tout d'abord en harmonie avec le texte même de la Convention de New
York, qui, au regard du motif de refus en question, fait état d'une sentence «
suspendue par une autorité compétente du pays dans lequel, ou d'après la loi
duquel, la sentence a été rendue ». Une suspension ex lege sort manifestement
du cadre de cette norme.

Ensuite, les motifs de refus de l'art. V de la Convention de New York doivent
être interprétés restrictivement pour favoriser l'exequatur de la sentence
arbitrale (POUDRET/BESSON, op. cit., ch. 902, p. 881; VAN DER BERG, The New
York Arbitration Convention of 1958, p. 267/268).

Enfin, il semble délicat, au point de vue de la théorie du droit, de faire
obstacle à une Convention internationale ayant pour but de faciliter la
reconnaissance des sentences arbitrales étrangères en s'appuyant sur une simple
règle de procédure de l'Etat du siège, qui suspend l'exécution de la sentence
dans cet Etat tant qu'il est possible d'y attaquer celle-ci par un recours
extraordinaire.

3.4 Au vu de ce qui précède, il y a lieu d'admettre que le caractère suspensif
attaché par l'art. 1506 NCPC au recours en annulation ne constitue pas un moyen
de défense permettant à la recourante d'empêcher l'exequatur en Suisse de la
sentence du 5 juin 2007 et de l' »Addendum » du 17 octobre 2007.

Le moyen est infondé

4.
Ce résultat dispense le Tribunal fédéral d'examiner le grief de la recourante
relatif aux voies de recours qui sont ouvertes en droit français lorsqu'une
sentence arbitrale rendue en France et soumise au Règlement de la CCI est
assortie d'un addendum correctif ou interprétatif.

5.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté.
La recourante, qui succombe, paiera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF)
et versera à l'intimée une indemnité à titre de dépens (art. 68 al. 1 et 2
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 100'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 110'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour de
justice du canton de Genève.

Lausanne, le 9 décembre 2008

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Corboz Ramelet