Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.385/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_385/2008/ech

Arrêt du 3 novembre 2008
Ire Cour de droit civil

Composition
MM. et Mme les Juges Corboz, président, Klett et Kolly.
Greffière: Mme Cornaz.

Parties
X.________SA,
recourante, représentée par Me Antoine Kohler,

contre

Y.________ SA,
Z.________,
intimés, tous deux représentés par Me Grégoire Mangeat.

Objet
contrat de transport,

recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de
Genève du 20 juin 2008.

Faits:

A.
En 2000, Z.________, artiste allemand, a exposé diverses oeuvres dans une
galerie d'art exploitée par Y.________ SA. L'oeuvre intitulée "A.________"
était proposée à la vente au prix de 80'000 euros. Elle n'a pas trouvé preneur
et est restée en possession de Y.________ SA jusqu'en octobre 2003. Le 23
octobre 2003, celle-ci a mandaté l'entreprise de transport X.________SA pour
transporter diverses oeuvres dont "A.________" vers l'Allemagne. Informé que la
caisse contenant cette dernière oeuvre avait été transportée en position
horizontale et non verticale comme requis, Z.________ s'est rendu à Cologne
pour l'examiner. En présence de témoins, il a constaté seize fissures et émis
l'avis que l'oeuvre ne pouvait pas être réparée.

B.
Le 1er novembre 2004, Y.________ SA et Z.________ ont assigné X.________SA
devant le Tribunal de première instance du canton de Genève en paiement des
sommes de 80'000 euros et 401 fr. 75 avec intérêt. Par jugement du 6 décembre
2007, ladite autorité les a déboutés de leurs conclusions.

Statuant sur appel de Y.________ SA et Z.________ par arrêt du 20 juin 2008, la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a annulé le jugement
du 6 décembre 2007, renvoyé la cause au Tribunal de première instance pour
instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants et débouté
Y.________ SA et Z.________ de leur conclusion en paiement de 401 fr. 75 avec
intérêt. En substance, elle a admis le principe de la responsabilité de
X.________SA; elle a ensuite retenu que celle-ci ne se prévalait d'aucun fait
d'exonération de la responsabilité prévu à l'art. 17 de la Convention du 19 mai
1956 relative au contrat de transport international de marchandises par route
(CMR; RS 0.741.611) et ne pouvait pas se prévaloir du plafond de l'indemnité
prévu à l'art. 23 ch. 3 CMR, dès lors qu'elle avait commis une faute grave;
elle a enfin constaté qu'elle n'était pas en mesure de juger si l'oeuvre était
réparable et si, même réparable, celle-ci n'avait pas perdu toute valeur vénale
au regard du marché de l'art, de sorte qu'elle a renvoyé la cause au Tribunal
de première instance afin qu'il ordonne une expertise.

C.
X.________SA (la recourante) a interjeté un recours en matière civile au
Tribunal fédéral, dans lequel elle a conclu à l'annulation de l'arrêt du 20
juin 2008 sauf en tant qu'il déboute Y.________ SA et Z.________ de leur
conclusion en paiement de 401 fr. 75, avec suite de dépens; dans le cadre de
nombreux griefs, elle a contesté tant le principe et la portée de sa
responsabilité que la légitimation active de ses adverses parties; elle a
également requis l'octroi de l'effet suspensif au recours, qui a été accordé
par ordonnance présidentielle du 23 septembre 2008. Y.________ SA et Z.________
(les intimés) ont proposé l'irrecevabilité, subsidiairement le rejet du
recours, sous suite de frais et dépens.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 134 III 235 consid. 1).

1.1 L'arrêt attaqué rejette la conclusion des intimés portant sur 401 fr. 75.
Dans cette mesure, il n'est pas remis en cause, étant précisé que n'étant pas
lésée, la recourante n'était pas habilitée à le faire, et que les intimés n'ont
pas recouru. Ce point est donc définitivement acquis.

1.2 Cela étant, l'arrêt attaqué est contesté en tant qu'il renvoie la cause au
Tribunal de première instance afin qu'il statue à nouveau sur la conclusion des
intimés portant sur 80'000 euros. Cette décision est une décision incidente
(ATF 133 IV 121 consid. 1.3). Dès l'instant où elle ne porte pas sur la
compétence ou sur une demande de récusation (cf. art. 92 LTF), elle ne peut
faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral que si l'une des deux conditions
posées par l'art. 93 al. 1 LTF est réalisée: soit elle peut causer un préjudice
irréparable (let. a), soit l'admission du recours peut conduire immédiatement à
une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et
coûteuse (let. b), cas de figure que la recourante estime en l'occurrence
réalisé. Si le recours n'est pas recevable au regard de ces conditions ou s'il
n'a pas été utilisé, les décisions préjudicielles et incidentes peuvent être
attaquées par un recours contre la décision finale dans la mesure où elles
influent sur le contenu de celle-ci (art. 93 al. 3 LTF). Cette réglementation
est fondée sur des motifs d'économie de la procédure: en tant que cour suprême,
le Tribunal fédéral ne doit en principe connaître qu'une seule fois de la même
affaire, à la fin de la procédure, à moins que l'on ne se trouve dans l'un des
cas où la loi autorise exceptionnellement, précisément pour des raisons
d'économie de la procédure, un recours immédiat contre une décision
préjudicielle ou incidente (ATF 133 III 629 consid. 2.1 p. 631; cf. également
ATF 134 III 188 consid. 2.2).

1.3 La première des deux conditions cumulatives de l'art. 93 al. 1 let. b LTF
est réalisée si le Tribunal fédéral peut mettre fin une fois pour toutes à la
procédure en jugeant différemment la question tranchée dans la décision
préjudicielle ou incidente (ATF 133 III 629 consid. 2.4.1). Quant à la seconde
condition, il appartient à la partie recourante d'établir qu'une décision
finale immédiate permettrait d'éviter une procédure probatoire longue et
coûteuse, si cela n'est pas manifeste; il doit en particulier indiquer de
manière détaillée quelles questions de fait sont encore litigieuses, quelles
preuves - déjà offertes ou requises - devraient encore être administrées et en
quoi celles-ci entraîneraient une procédure probatoire longue et coûteuse (ATF
133 III 629 consid. 2.4.2 p. 633).

1.4 En l'espèce, le mémoire de recours ne satisfait pas à ces exigences.
Reproduisant simplement le texte légal, la recourante se limite à affirmer sans
autre mot d'explication qu'une procédure probatoire longue et coûteuse pourrait
être évitée. Or, cela n'est pas évident, la seule question ouverte étant celle
de savoir si l'oeuvre endommagée peut être réparée et si elle n'en perdrait pas
néanmoins toute valeur vénale sur le marché de l'art. Rien ne permet de penser
que l'expertise à ordonner sera particulièrement complexe et coûteuse. Il
s'ensuit l'irrecevabilité du recours.

2.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais judiciaires et dépens sont mis à la
charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Une indemnité de 6'000 fr., à payer aux intimés, créanciers solidaires, à titre
de dépens, est mise à la charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 3 novembre 2008

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Corboz Cornaz