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I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.373/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_373/2008

Arrêt du 11 novembre 2008
Ire Cour de droit civil

Composition
MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Rottenberg Liatowitsch et Kolly.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.

Parties
X.________,
recourante, représentée par Lucien Bachelard,

contre

Y.________,
intimée, représentée par Me Julien Blanc.

Objet
bail à loyer; restitution anticipée de la chose louée; locataire de
remplacement,

recours en matière civile contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de
baux et loyers du canton de Genève du 16 juin 2008.

Faits:

A.
Par contrat du 26 juin 2003, Y.________ a remis à bail à X.________ une maison
mitoyenne sise à ...; le loyer mensuel était fixé à 3'150 fr., charges non
comprises. Conclu pour une durée initiale de deux ans à partir du 1er juillet
2003, le bail se renouvelait ensuite tacitement d'année en année.

Le 23 décembre 2005, la locataire a résilié le bail pour le 31 janvier 2006;
elle s'engageait à présenter au plus vite une personne solvable disposée à
reprendre le bail aux mêmes conditions. A la suite d'annonces que la locataire
avait fait paraître, A.________, B.________ et C.________ ont visité la maison;
elle ont souhaité la louer ensemble, ce que leurs revenus mensuels cumulés de
15'000 fr. leur permettaient.

Le 10 février 2006, X.________ a informé la gérance qu'en raison du refus de la
candidature conjointe de A.________, B.________ et C.________, elle était
déliée de ses obligations, de sorte que le bail était réputé résilié au 15
février 2006. Le 16 février 2006, la régie a rappelé à la locataire que la
prochaine échéance contractuelle du bail correspondait au 30 juin 2006; elle
indiquait par ailleurs qu'aucun candidat de remplacement n'avait jusqu'alors
déposé un dossier accompagné des pièces usuellement requises, soit en
particulier une attestation de non-poursuite et un certificat de salaire.

Le 30 mars 2006, Y.________ a fait notifier à X.________ un commandement de
payer le montant de 3'150 fr. plus intérêts, correspondant au loyer de mars
2006. La poursuivie a formé opposition.

B.
Par requête du 27 mars 2006, X.________ a ouvert action contre Y.________,
concluant notamment à ce qu'il soit constaté qu'elle était libérée de ses
obligations dès le 15 février 2006 et à ce que la bailleresse soit condamnée à
lui payer les montants de 1'500 fr. et 1'575 fr. plus intérêts.

Non conciliée, l'affaire a été portée devant le Tribunal des baux et loyers du
canton de Genève.

Y.________ a conclu à ce qu'il lui soit donné acte de son engagement de
rembourser à la locataire le montant de 1'500 fr. plus intérêts et, pour le
surplus, à ce que X.________ soit déboutée de ses conclusions. A titre
reconventionnel, la bailleresse demandait la condamnation de la locataire à lui
payer 18'298 fr. plus intérêts, la levée de l'opposition formée au commandement
de payer et la libération en sa faveur de la garantie bancaire. Le montant de
18'298 fr. représentait les loyers jusqu'à l'échéance contractuelle (4 x 3'150
fr. = 12'600 fr.), la facture relative à la taille de la haie (4'198 fr.) et
les frais de remise en état de la maison (1'500 fr.).

Par jugement du 28 novembre 2007, le Tribunal des baux et loyers a condamné la
locataire à payer à la bailleresse 12'600 fr. avec intérêts à 5% dès le 30
avril 2003 (recte: 2006) (chiffre 1), prononcé la mainlevée de l'opposition
(chiffre 2), donné acte à la bailleresse de son engagement à verser à la
locataire le montant de 1'500 fr. plus intérêts (chiffre 3) et débouté les
parties de toutes autres conclusions (chiffre 4).

X.________ a interjeté appel. Pour sa part, Y.________ a formé un appel
incident; à cette occasion, elle a augmenté sa prétention en remboursement des
frais de remise en état de 1'500 fr. à 1'680 fr. Statuant le 16 juin 2008, la
Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève a annulé les
chiffres 1 et 4 du jugement entrepris; statuant à nouveau, elle a condamné la
locataire à payer à la bailleresse le montant de 12'600 fr. avec intérêts à 5%
dès le 15 avril 2006, ordonné la libération de la garantie bancaire en faveur
de la bailleresse à concurrence de ce montant et confirmé le jugement de
première instance pour le surplus. La cour cantonale a retenu notamment les
éléments suivants: le 9 janvier 2006, une femme a appelé la régie immobilière
pour faire part de son intérêt à la location de la maison par elle-même et deux
colocataires; le contenu de l'entretien n'a pas pu être établi, les deux
interlocutrices soutenant, sous la foi du serment, des versions
contradictoires; il n'est pas établi que la régie ait reçu un dossier,
comportant les éléments nécessaires pour permettre à la bailleresse de se
déterminer en connaissance de cause au sujet des trois personnes, dont elle
ignorait du reste les coordonnées exactes; les trois candidates ont certes
indiqué avoir «certainement» adressé un dossier à la gérance, mais aucune
d'entre elles ne se souvenait avoir elle-même procédé à une telle démarche, et
la régie a contesté qu'un tel dossier lui soit parvenu; s'il était ainsi établi
qu'une candidate à la location de la maison avait pris contact oralement avec
la régie, il n'en demeurait pas moins que sa solvabilité n'était pas connue, la
seule affirmation selon laquelle les trois colocataires potentielles
gagneraient ensemble 15'000 fr. par mois n'étant pas suffisante.

C.
X.________ interjette un recours en matière civile. Elle conclut à l'annulation
de l'arrêt cantonal, puis à ce qu'il soit constaté qu'elle est libérée de ses
obligations contractuelles dès le 15 février 2006, à ce que la libération de la
garantie bancaire soit ordonnée en sa faveur et à ce qu'il soit donné acte à la
bailleresse de son engagement de lui verser 1'500 fr. avec intérêts à 5% dès le
1er juillet 2003.

Y.________ propose que le recours soit déclaré irrecevable, subsidiairement
qu'il soit rejeté.

Considérant en droit:

1.
1.1 L'intimée conteste la recevabilité du recours au motif que la valeur
litigieuse nécessaire ne serait pas atteinte.

En matière de bail à loyer, la valeur litigieuse ouvrant la voie du recours en
matière civile est de 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF). Elle est
déterminée par les conclusions restées litigieuses devant la dernière instance
cantonale (art. 51 al. 1 let. a LTF). Le montant d'une demande
reconventionnelle et celui de la demande principale ne sont pas additionnés
(art. 53 al. 1 LTF); les deux demandes sont considérées comme indépendantes. Si
leurs conclusions s'excluent, il suffit que la valeur litigieuse requise soit
donnée pour l'une; elle est alors réputée réalisée pour l'autre, le recours
étant alors recevable sur les deux demandes (art. 53 al. 1 LTF).

En l'espèce, les conclusions de l'intimée encore litigieuses au moment où la
Chambre d'appel a statué s'élevaient à 18'478 fr. (12'600 fr. + 4'198 fr. +
1'680 fr.). Les deux demandes, qui portent pour l'essentiel sur le loyer pour
la période de mars à juin 2006, s'excluent. La valeur litigieuse de 15'000 fr.
est ainsi réputée atteinte pour les deux, de sorte que le recours en matière
civile est recevable ratione valoris.

1.2 Au surplus, la recourante a succombé dans ses conclusions devant la cour
cantonale (art. 76 al. 1 LTF). Son recours est dirigé contre un arrêt final
(art. 90 LTF) rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité
cantonale de dernière instance (art. 75 LTF). Enfin, il a été déposé dans le
délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi, de
sorte qu'il convient d'entrer en matière.

2.
La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir apprécié les preuves de
manière arbitraire en retenant, d'une part, que le contenu de l'entretien
téléphonique du 9 janvier 2006 n'avait pu être établi et, d'autre part, que la
solvabilité des trois locataires potentielles n'était pas démontrée.

2.1 Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire au sens de l'art. 9
Cst. lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme
ou un principe juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière
choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas que sa
motivation soit insoutenable; encore faut-il que la décision apparaisse
arbitraire dans son résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de
la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction
manifeste avec la situation effective, adoptée sans motif objectif et en
violation d'un droit certain. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre
solution paraît également concevable, voire même préférable (ATF 133 I 149
consid. 3.1 p. 153; 132 III 209 consid. 2.1 p. 211; 131 I 57 consid. 2, 217
consid. 2.1; 129 I 8 consid. 2.1).

En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, l'autorité
tombe dans l'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas en compte, sans raison
sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se
trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se
fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations
insoutenables (ATF 134 V 53 consid. 4.3; 129 I 8 consid. 2.1; 118 Ia 28 consid.
1b et les arrêts cités).

2.2 Selon l'arrêt attaqué, le contenu de l'entretien téléphonique du 9 janvier
2006 entre l'une des trois personnes intéressées à louer la maison et une
collaboratrice de la régie n'a pas pu être établi, car les témoignages
divergent sur ce point; la locataire n'a ainsi pas prouvé le fait qu'elle
alléguait, soit que la gérance avait d'emblée refusé la candidature au motif
que l'intimée ne voulait pas de colocataires.

La recourante fait grief à la Chambre d'appel d'avoir accordé autant de poids
au témoignage de la collaboratrice de la régie qu'aux déclarations concordantes
des trois personnes intéressées par la location de la maison. Cela est inexact
dans le sens que la cour cantonale n'a pas retenu non plus le témoignage de la
collaboratrice en cause. Au demeurant, ne pas accorder foi à la version des
faits donnée par le plus grand nombre n'est pas critiquable en soi, puisque le
juge apprécie les preuves selon son intime conviction, et non selon le principe
de la majorité.

La recourante reproche en outre aux juges cantonaux de n'avoir pas pris en
considération le fait que la collaboratrice de la régie était l'employée de
l'époux de l'intimée. Ce fait ne ressort toutefois pas de l'arrêt attaqué; par
ailleurs, la recourante ne démontre pas qu'il aurait été valablement allégué en
instance cantonale. Par conséquent, il doit être considéré comme un fait
nouveau, que la recourante n'est pas recevable à présenter dans la présente
procédure (art. 99 al. 1 LTF).

Enfin, la lettre de la régie du 16 février 2006 n'est d'aucun secours à la
recourante. Ce courrier est la réponse à la lettre du 10 février 2006 de la
locataire, dans laquelle celle-ci se prétend libérée de ses obligations à la
suite du refus de la bailleresse d'accepter la candidature des trois personnes
intéressées à une colocation; la régie y relève d'abord que la recourante a
failli à ses incombances en ne fournissant aucun dossier, ni même les
coordonnées des trois personnes intéressées, puis elle ajoute qu'elle a
présenté les courriers de la recourante à la Chambre immobilière et que
celle-ci lui a confirmé qu'un locataire sortant ne pouvait pas imposer des
colocataires au bailleur. Quoi qu'en dise la recourante, la lettre de la régie
du 16 février 2006 ne dit ni n'implique nécessairement que la collaboratrice de
la régie aurait opposé un refus lors de l'entretien téléphonique du 9 janvier
2006.

Sur le vu de ce qui précède, le moyen tiré de la violation de l'art. 9 Cst. est
mal fondé en tant qu'il est recevable.

3.
La recourante se plaint ensuite d'une violation de l'art. 264 CO. Elle fait
valoir que la candidature qu'elle a présentée remplissait toutes les conditions
posées à l'al. 1 de cette disposition, dès lors que les intéressées étaient
disposées à reprendre le bail, solidairement, dès le départ de la locataire,
qu'elles ont fait acte de candidature par téléphone du 9 janvier 2006 et
qu'elles disposaient d'un revenu suffisant.

3.1 A teneur de l'art. 264 al. 1 CO, le locataire restituant la chose sans
observer les délai ou terme de congé n'est libéré de ses obligations envers le
bailleur que s'il lui présente un nouveau locataire qui soit solvable et que le
bailleur ne puisse raisonnablement refuser. Il appartient au locataire de
rechercher et de présenter une telle personne (Peter Higi, Zürcher Kommentar,
n° 45 ad art. 264 CO); le bailleur doit recevoir tous les renseignements utiles
sur le candidat et disposer ensuite d'un délai de réflexion suffisant (David
Lachat, Commentaire romand, n° 7 ad art. 264 CO; cf. également le même, Le bail
à loyer, 2008, p. 615; SVIT-Kommentar, 3e éd., 2008, p. 385, n° 6a i.f. ad art.
264 CO). S'il ne satisfait pas aux exigences minimales en la matière, le
locataire ne respecte pas son incombance, de sorte que son offre sera tenue
pour insuffisante (Higi, op. cit., n° 46 ad art. 264 CO).

3.2 Selon les constatations de fait cantonales non remises en cause, les trois
personnes intéressées à reprendre le bail n'ont, non seulement, pas déposé de
dossier, en particulier de pièces attestant de leur situation financière, mais
elles n'ont même pas fourni à l'intimée, respectivement à la régie, leurs
coordonnées exactes, ne permettant ainsi pas à la bailleresse ou à sa
représentante de se renseigner elles-mêmes. Pour sa part, la locataire n'a pas
non plus procuré ces données à l'intimée ou à la gérance. Dans ces
circonstances, la recourante n'a manifestement pas satisfait à son incombance
de présenter un nouveau locataire. Dès lors, la question de savoir si les
personnes intéressées, mais non valablement présentées, étaient solvables ou
non est sans pertinence.

Aucune violation de l'art. 264 CO ne saurait être imputée à la cour cantonale.

4.
4.1 En dernier lieu, la recourante fait valoir que la cour cantonale a violé
l'art. 156 CO, aux termes duquel une condition est réputée accomplie quand
l'une des parties en a empêché l'avènement au mépris des règles de la bonne
foi. A suivre la locataire, la Chambre d'appel aurait dû retenir l'existence
d'une candidature valable dès lors que la bailleresse avait dissuadé les trois
candidates, sans motif légitime, de déposer un dossier.

4.2 Il n'est pas nécessaire d'examiner en l'espèce si l'art. 156 CO peut
s'appliquer par analogie à l'accomplissement d'une incombance. En effet, on ne
discerne pas en quoi l'intimée aurait empêché la recourante de satisfaire à son
incombance de proposer une candidature valable, ce qui pouvait simplement se
faire par l'envoi d'une lettre présentant de manière suffisamment détaillée les
personnes intéressées à la reprise du bail.

En tout état de cause, l'argumentation de la recourante est fondée sur la
prémisse selon laquelle la régie aurait opposé un refus aux personnes
intéressées lors de l'entretien téléphonique du 9 janvier 2006. Or, comme on
l'a vu plus haut, ce fait n'est précisément pas établi et l'appréciation des
preuves à laquelle la cour cantonale s'est livrée sur ce point est dénuée
d'arbitraire. Le grief est dès lors irrecevable.

5.
Comme elle succombe, la recourante prendra à sa charge les frais judiciaires
(art. 66 al. 1 LTF) et les dépens de l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Une indemnité de 2'500 fr., à payer à l'intimée à titre de dépens, est mise à
la charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre
d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 11 novembre 2008

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Corboz Godat Zimmermann