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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.32/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_32/2008/ech

Arrêt du 20 mai 2008
Ire Cour de droit civil

Composition
MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Kolly.
Greffier: M. Ramelet.

Parties
X.________ SA,
recourante, représentée par Me Daniel Richard,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Maurice Harari,
Caisse Cantonale Genevoise de Chômage,
intervenante.

Objet
contrat de travail; licenciement immédiat,

recours contre l'arrêt de la Cour d'appel de la
juridiction des prud'hommes du canton de Genève
du 10 décembre 2007.

Faits:

A.
A.a X.________ SA (ci-après: X.________ SA) a pour but social le négoce et le
courtage dans le domaine aéronautique. Alors que B.________ est administrateur
unique de la société, A.________, qui détient la majorité du capital-actions, a
la fonction de directeur général. Depuis mai 1998, Z.________ était employé en
qualité de directeur par X.________ SA.
Y.________, ingénieur en aéronautique né en 1950, a été engagé dès le 1er août
1999 par X.________ SA en qualité de directeur commercial. En octobre 2003, le
salaire mensuel brut du précité s'élevait à 21'000 fr., payé treize fois l'an;
un appartement était en outre mis à sa disposition.
A.b Le 31 octobre 2003, Y.________ et Z.________ ont déposé une plainte pénale
à l'encontre de A.________, pour escroquerie, abus de confiance et gestion
déloyale.

A l'appui de leurs accusations, Y.________ et Z.________ ont expliqué qu'ils
avaient conclu avec A.________ un accord de partenariat, sous la forme d'une
société simple, portant sur l'achat et la vente de cinq avions. La transaction
devait être passée par l'entremise de X.________ SA, laquelle agissait comme
mandataire de deux sociétés « off shore » qui lui avaient prêté les fonds
nécessaires à l'affaire. X.________ SA devait percevoir la moitié du bénéfice
généré par l'opération, l'autre moitié étant répartie entre les trois associés.
Or A.________ aurait constamment tenu à renégocier l'accord de partenariat pour
repousser la répartition du bénéfice, de sorte que les associés ainsi que
X.________ SA, mis sous pression, auraient finalement signé en particulier un «
sharing agreement » apparemment défavorable. Par le biais d'une convention
secrète passée avec une des sociétés « off shore », A.________ aurait en outre
permis que celle-ci retienne le montant de 2'500'000 US$ du bénéfice procuré
par le négoce en question. Les plaignants estimaient enfin que A.________, par
un autre subterfuge, aurait détourné, sans aucune justification, les sommes de
1'100'000 US$ et de 410'000 US$ sur les gains réalisés.

Le déroulement de l'instruction pénale diligentée contre A.________ sera relaté
ci-dessous.

Par lettre du 5 novembre 2003, X.________ SA a signifié à Y.________ son
licenciement avec effet immédiat par suite du dépôt de la plainte pénale
précitée. Le lendemain, elle a agi de même à l'endroit de Z.________.
A.c Par acte déposé le 5 décembre 2003, Y.________ a ouvert action contre
X.________ SA devant les autorités prud'homales genevoises. Sa demande tendait
au paiement en capital de 276'958 fr.15 à titre de salaire et de 126'000 fr. à
titre d'indemnité pour licenciement injustifié. La défenderesse a formé une
reconvention.
Le 27 juillet 2005, le Tribunal de prud'hommes a ordonné la suspension de la
cause jusqu'à droit connu sur la plainte pénale dirigée contre A.________. Le
demandeur a appelé de ce jugement. Par un arrêt présidentiel du 15 novembre
2005, la Cour d'appel a annulé cette décision et renvoyé la cause à l'autorité
prud'homale pour poursuite de l'instruction et jugement.

En dernier lieu, le demandeur a requis paiement des montants suivants: 306'916
fr. au total à titre de salaires impayés avant la résiliation de son contrat,
de salaires afférents au délai de congé et de jours travaillés durant les
week-ends; 126'000 fr. au titre d'une indemnité pour congé donné sans droit;
72'301 US$ correspondant au remboursement d'un prêt octroyé à X.________ SA.

Quant à la défenderesse, elle a conclu reconventionnellement au versement de
25'200 fr. au titre des loyers de l'appartement acquittés après le congé et
80'014 fr.70 pour remboursement de dépenses personnelles opérées sans
justification par le travailleur avec deux cartes de crédit de X.________ SA.
Le demandeur a admis devoir à son adverse partie 23'451 fr.25 et 23'100 fr.
pour rembourser respectivement différentes dépenses privées et les loyers de
l'appartement de février à juillet 2004.

La Caisse cantonale genevoise de chômage est intervenue au procès pour se
subroger aux prétentions du demandeur en raison des indemnités qu'elle avait
versées à celui-ci de novembre 2003 à janvier 2004, à concurrence de 12'579
fr.10.

Par jugement du 3 mai 2006, le Tribunal de prud'hommes a déclaré injustifié le
licenciement immédiat et accordé au travailleur une indemnité au sens de l'art.
337c al. 3 CO de 15'000 fr. plus intérêts à 5% dès le 5 novembre 2003. Cette
autorité a jugé que la défenderesse restait débitrice de créances de salaire se
montant à 215'156 fr.05 brut, avec intérêts à 5% dès la même date, moins la
somme nette de 12'579 fr.10 correspondant à la prétention de la caisse de
chômage. Elle a octroyé la somme nette de 12'579 fr.10 à ladite caisse, avec
intérêts à 5% dès le 9 février 2004. Elle a enfin condamné la défenderesse à
verser au demandeur un montant de 122'639 fr. représentant un prêt que celle-ci
avait reçu du travailleur en 2001 et donné acte à ce dernier qu'il
reconnaissait devoir à son ancien employeur 23'451 fr.25 pour le remboursement
de dépenses personnelles privées effectuées avec les cartes de crédit de
X.________ SA.

Saisie d'un appel de la défenderesse et d'un appel incident du demandeur, la
Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève, par arrêt
du 3 janvier 2007, a confirmé que le licenciement immédiat était injustifié,
fixé l'indemnité punitive et réparatrice à 42'000 fr., soit deux mois de
salaire, arrêté à 231'662 fr.50 les arriérés de salaire et la rémunération due
pendant le délai de congé et confirmé la subrogation partielle de la caisse de
chômage, les autres postes du jugement déféré étant maintenus.

Statuant sur le recours en matière civile déposé par la défenderesse, le
Tribunal fédéral, par arrêt du 27 juin 2007 (cause 4A_15/2007), a partiellement
admis le recours, annulé l'arrêt cantonal et dit que la défenderesse devait
payer au demandeur les montants qui suivent: 147'291 fr.70 brut à titre de
salaire jusqu'au congé, somme soumise aux déductions sociales, plus intérêts à
5% l'an dès le 5 novembre 2003; 99'187 fr.75 net avec les mêmes intérêts
correspondant au remboursement du prêt de 2001, après déduction des dépenses
personnelles admises par le travailleur en procédure. Il a par ailleurs renvoyé
la cause à la Cour d'appel afin de réexaminer si les conditions d'un renvoi
immédiat étaient remplies. Reconnaissant que la plainte pénale portait une
accusation grave contre la probité de A.________ et qu'elle constituerait sans
aucun doute un juste motif de licenciement immédiat si elle se révélait
calomnieuse ou simplement téméraire, la juridiction fédérale a enjoint la cour
cantonale de vérifier si l'accusation était au moins partiellement fondée ou,
dans la négative, si son auteur avait pu croire de bonne foi qu'une infraction
avait été commise contre lui, points sur lesquels la Cour d'appel n'avait
procédé à aucune constatation.
A.d Sur le plan pénal, le Juge d'instruction a entendu le prévenu, le plaignant
Y.________, l'administrateur B.________ et C.________, administrateur d'une
société « off shore » impliquée dans l'achat des cinq aéronefs.
Le 29 mars 2007, le Juge d'instruction, constatant qu'il n'avait pas été
possible de savoir si les opérations litigieuses avaient donné lieu à une
distribution de bénéfice, a transmis la procédure au Parquet, sans prononcer
d'inculpation.
Le 29 juin 2007, le Procureur général du canton de Genève a classé la procédure
au motif que les éléments tant subjectifs qu'objectifs des infractions
reprochées à A.________ n'étaient pas suffisamment démontrés et qu'il y avait
en outre lieu de considérer que le litige présentait un caractère civil
prépondérant.
Statuant sur le recours déposé par Y.________ contre la décision de classement,
la Chambre d'accusation l'a confirmée par arrêt du 14 novembre 2007. A l'instar
du Parquet, elle a retenu que le dossier ne contenait pas d'éléments suffisants
permettant de retenir une prévention suffisante de commission d'une
escroquerie, d'un abus de confiance ou d'un délit de gestion déloyale lors de
l'opération portant sur l'achat et la vente de cinq avions. Elle a en
particulier relevé que rien ne permettait d'affirmer que A.________ aurait
contracté un prêt de 2'500'000 US$ à l'égard d'une société « off shore »
impliquée dans le négoce des aéronefs dans le but délibéré d'empêcher le
partage des profits avec Y.________ et Z.________. De toute manière, l'accord
passé entre X.________ SA, représentée par Y.________, et les deux sociétés «
off shore » prévoyait expressément la possibilité pour celles-ci de déduire des
bénéfices à verser à X.________ SA après l'opération les montants que cette
dernière restait leur devoir. La voie civile était donc susceptible d'apporter
au plaignant une protection suffisante de ses intérêts, du moment que le litige
portait sur les relations contractuelles nouées entre les parties dans le cadre
de rapports de société simple.

B.
B.a Après que le Tribunal fédéral lui a retourné le dossier, la Cour d'appel a
ordonné une instruction complémentaire écrite.

X.________ SA a ainsi fait valoir que l'absence d'inculpation et le classement
de la procédure, intervenu le 29 juin 2007, démontraient avec clarté que le
dépôt de la plainte pénale de Y.________ était dénué de fondement, de sorte
qu'il y avait lieu d'admettre que, ce faisant, l'intéressé avait définitivement
ruiné les liens de confiance avec l'employeur.
Quant à Y.________, il a exposé qu'il ignorait que A.________ avait obtenu un
prêt personnel de 2'500'000 US$ qui devait être prélevé sur les bénéfices
devant revenir à X.________ SA à la suite de la transaction portant sur les
aéronefs, si bien qu'il avait eu de sérieuses raisons de penser que A.________
l'avait trompé. Y.________ a encore soutenu que son ex-employeur, après lui
avoir donné congé, l'a laissé organiser un cocktail à Madrid pour fêter la
passation par X.________ SA d'accords avec le gouvernement espagnol ayant pour
objet la vente d'avions. Un témoin a déclaré que ce cocktail s'était tenu le 27
novembre 2003 en présence de A.________, B.________ et Y.________ et que
l'ambiance « avait été un peu crispée entre ces hommes ».
B.b Par arrêt du 10 décembre 2007, la Cour d'appel a annulé le jugement du
Tribunal des prud'hommes rendu le 3 mai 2006 et, statuant à nouveau, condamné
la défenderesse à verser au demandeur la somme brute de 64'458 fr.30, sous
déduction de la somme nette de 12'579 fr.10, avec intérêts à 5% l'an dès le 5
novembre 2003, cela à titre de salaires si le contrat avait pris fin à
l'échéance du délai de congé ordinaire, ainsi que le montant net de 42'000 fr.
avec les mêmes intérêts au titre d'une indemnité pour licenciement injustifié.
Elle a également astreint la défenderesse à payer à la caisse de chômage la
somme nette de 12'579 fr.10, avec intérêts à 5% l'an dès le 9 février 2004.

Retenant que le licenciement immédiat du demandeur a été motivé exclusivement
par le dépôt de la plainte pénale contre A.________, la cour cantonale a
considéré en substance que le fait que la procédure pénale se soit terminée par
un classement définitif ne permettait pas, pour trois motifs, de considérer que
le demandeur aurait porté plainte contrairement à la bonne foi ou avec
témérité. Premièrement, puisque Y.________ ignorait qu'une société « off shore
» avait consenti un prêt à A.________, la « retenue » de 2'500'000 US$ qui a
été opérée par ladite société sur les bénéfices à verser à X.________ SA
pouvait apparaître de bonne foi pour le premier comme une soustraction indue
sur ses gains et ceux de Z.________. Deuxièmement, s'il est vrai que le
demandeur savait que la société « off shore » en question pouvait compenser ses
propres créances avec les créances que X.________ SA possédait contre elle, la
compensation qui est intervenue en l'espèce a eu lieu entre A.________ et la
société « off shore », et non entre celle-ci et X.________ SA. Troisièmement,
en octobre 2003, la signature de A.________ venait d'être « ajoutée » sur le
compte bancaire ouvert par la défenderesse auprès de l'établissement sur lequel
le demandeur « pensait qu'allaient transiter les bénéfices de l'opération », si
bien que ce dernier pouvait nourrir des craintes de voir disparaître le montant
généré par la vente des aéronefs. L'autorité cantonale a déduit de ces éléments
que la plainte pénale du demandeur, accompagnée de 25 pièces, ne pouvait être
qualifiée ni de calomnieuse ni de téméraire, d'autant que la Chambre
d'accusation n'a pas considéré comme téméraire le recours contre le classement
dont elle avait été saisi. Partant, a poursuivi la Cour d'appel, le dépôt de la
plainte pénale ne constituait pas pour le demandeur un manquement grave à ses
obligations contractuelles, de sorte que le congé sans délai était injustifié.
Dans une motivation subsidiaire, l'autorité cantonale a estimé que la
défenderesse a montré que le lien de confiance n'était pas irrémédiablement
rompu avec le demandeur le 5 novembre 2003, du moment qu'elle a laissé ce
dernier organiser et participer à un cocktail à Madrid quelque 20 jours après
la signification du licenciement abrupt. Etant parvenue à ce résultat, la Cour
d'appel a octroyé à Y.________ son salaire jusqu'à la fin du délai de congé
ordinaire, par 64'458 fr.30, sous déduction de la somme de 12'579 fr.10 versée
par la Caisse de chômage, plus une indemnité pour licenciement injustifié fixée
à 42'000 fr., représentant deux mois de salaire. Elle a enfin confirmé que
l'intervenante était subrogée à l'endroit de la défenderesse dans les droits du
demandeur à concurrence des indemnités de chômage versées au travailleur.

C.
X.________ SA exerce un recours en matière civile contre l'arrêt du 10 décembre
2007. Elle requiert principalement que cette décision soit mise à néant et que
le demandeur soit débouté de toutes ses conclusions. Subsidiairement, elle
conclut au renvoi de la cause à la cour cantonale si le Tribunal fédéral
n'était pas à même de statuer sur la base des constatations de l'arrêt déféré.

L'intimé propose le rejet du recours.

L'intervenante renonce à se déterminer.

Par ordonnance du 25 février 2008, le Président de la Ire Cour de droit civil a
rejeté la requête d'effet suspensif présentée par la recourante.

Considérant en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie défenderesse qui a partiellement succombé dans ses
conclusions tant libératoires que reconventionnelles et qui a ainsi la qualité
pour recourir (art. 76 al. 1 LTF), dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF)
rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de
dernière instance (art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire de droit du travail
dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 15'000 fr. de l'art. 74 al. 1
let. a LTF, le recours est par principe recevable, puisqu'il a été déposé dans
le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit, tel
qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. En vertu de l'exception ancrée à
l'art. 106 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur la
violation d'un droit de rang constitutionnel ou sur une question afférente au
droit cantonal ou intercantonal si le grief n'a pas été invoqué et motivé de
manière détaillée par la partie recourante. Pour le reste, il applique le droit
d'office (art. 106 al. 1 LTF), cela sans être limité par les moyens du recours
ni par le raisonnement de la cour cantonale, ce qui implique qu'il peut
admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui ont été articulés ou, à
l'inverse, rejeter un recours en substituant une nouvelle argumentation à celle
de l'autorité précédente (ATF 134 III 102 consid. 1.1 et l'arrêt cité).
Toutefois, compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1
et 2 LTF, sanctionnée par l'irrecevabilité des recours dont la motivation est
manifestement insuffisante (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral
n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est donc pas tenu de
traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui (ATF 134 III 102 consid. 1.1 p. 105).

1.2 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). L'auteur du
recours ne peut critiquer les faits que s'ils ont été établis de façon
manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art.
97 al. 1 LTF; cf aussi art. 105 al. 2 LTF); il faut encore que la correction du
vice soit susceptible d'influer sur le sort de la querelle (art. 97 al. 1 LTF).
La notion de "manifestement inexacte" évoquée ci-dessus correspond à celle
d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (Message du Conseil fédéral concernant la
révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001 p. 4135 ch.
4.1.4.2; ATF 133 II 384 consid. 4.2.2). La partie recourante qui entend
s'écarter des constatations de l'autorité précédente doit expliquer de manière
circonstanciée en quoi les conditions d'une exception à l'art. 105 al. 1 LTF
seraient réalisées, faute de quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un
état de fait qui diverge de celui contenu dans la décision attaquée (cf. ATF
133 III 462 consid. 2.4; 133 II 249 consid. 1.4.3). Aucun fait nouveau ni
preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de
l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).

Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107
al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF).

2.
La recourante prétend que c'est en violation de l'art. 337 CO que l'autorité
cantonale a jugé injustifié le licenciement immédiat du demandeur. Elle fait
valoir qu'aucune des accusations portées à l'encontre de A.________ n'a trouvé
grâce devant la Chambre d'accusation, que l'intimé n'a pas pu croire de bonne
foi qu'une infraction avait été commise contre son patrimoine et qu'il a opté
de façon inconsidérée pour la voie pénale, lors même que seule la voie civile
était à même de garantir ses droits. Elle soutient que la plainte pénale en
cause était tout à la fois calomnieuse et téméraire et que, conséquemment, la
condition de juste motif au sens de la norme susrappelée était réalisée, à
telle enseigne que l'intimé pouvait être licencié abruptement.

La recourante s'en prend également à la motivation subsidiaire de la Cour
d'appel. Elle affirme que cette autorité a mené des investigations sur une
question qui ne lui avait pas été soumise par l'arrêt de renvoi du Tribunal
fédéral rendu le 27 juin 2007, à savoir sur la persistance du lien de confiance
entre parties en dépit du dépôt par le demandeur d'une plainte pénale contre
son supérieur hiérarchique. La défenderesse y voit une violation du pouvoir de
cognition limité qui revenait à la cour cantonale après la reddition de l'arrêt
de renvoi susrappelé.

3.
3.1 Selon l'art. 337 al. 1 1ère phrase CO, l'employeur et le travailleur
peuvent résilier immédiatement le contrat de travail en tout temps pour de
justes motifs. Doivent notamment être considérées comme tels toutes les
circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger
de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (cf. art.
337 al. 2 CO).
Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate pour justes motifs doit être
admise de manière restrictive. D'après la jurisprudence, les faits invoqués à
l'appui d'un renvoi immédiat doivent avoir entraîné la perte du rapport de
confiance qui constitue le fondement du contrat de travail. Seul un manquement
particulièrement grave du travailleur justifie son licenciement immédiat; si le
manquement est moins grave, il ne peut entraîner une résiliation immédiate que
s'il a été répété malgré un avertissement (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 31,
213 consid. 3.1 p. 221; 129 III 380 consid. 2.1). Par manquement du
travailleur, on entend généralement la violation d'une obligation découlant du
contrat de travail, comme l'obligation de loyauté ou de discrétion ou celle
d'offrir sa prestation de travail. Mais d'autres faits peuvent aussi justifier
un congé abrupt (ATF 129 III 380 consid. 2.2 p. 382 s.).

A raison de son obligation de fidélité, le travailleur est tenu de sauvegarder
les intérêts légitimes de son employeur (art. 321a al. 1 CO) et, par
conséquent, de s'abstenir de tout ce qui peut lui nuire (ATF 117 II 560 consid.
3a p. 561). Cette obligation accessoire générale vaut dans une mesure accrue
pour les cadres, eu égard au crédit particulier et à la responsabilité que leur
confère leur fonction dans l'entreprise de l'employeur (ATF 104 II 28; Adrian
Staehelin, Commentaire zurichois, n. 8 ad art. 321a CO; Wolfgang Portmann,
Commentaire bâlois, n. 14 ad art. 321a CO).

Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs (art. 337 al. 3 in
initio CO). Il applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC). A cet
effet, il prendra en considération tous les éléments du cas particulier,
notamment la position et les responsabilités du travailleur, le type et la
durée des rapports contractuels, ainsi que la nature et l'importance des
manquements (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 32; 127 III 351 consid. 4a p. 354.
Le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec réserve la décision d'équité prise en
dernière instance cantonale. Il intervient lorsque celle-ci s'écarte sans
raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence en matière de
libre appréciation, ou lorsqu'elle s'appuie sur des faits qui, dans le cas
particulier, ne devaient jouer aucun rôle, ou, à l'inverse, lorsqu'elle n'a pas
tenu compte d'éléments qui auraient absolument dû être pris en considération;
il sanctionnera en outre les décisions rendues en vertu d'un pouvoir
d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou
à une iniquité choquante (ATF 130 III 213 consid. 3.1 p. 220; 129 III 380
consid. 2 p. 382).

3.2 S'agissant de la motivation subsidiaire adoptée par la cour cantonale, la
recourante fait grief à la Cour d'appel d'avoir outrepassé le cadre de l'arrêt
de renvoi du Tribunal fédéral (cause 4A_15/2007) en menant des investigations
sur le point de savoir si les rapports de travail avaient en partie perduré
après la résiliation du contrat du demandeur avec effet immédiat.

A bon droit.

En effet, selon la jurisprudence rendue sous l'ancienne loi fédérale
d'organisation judiciaire, laquelle est transposable sous l'empire de la LTF
(cf arrêt 4A_71/2007 du 19 octobre 2007, consid. 2.2), le juge auquel la cause
est retournée voit sa cognition limitée par les motifs de l'arrêt de renvoi, ce
qui signifie qu'il est lié par ce qui a été tranché définitivement par le
Tribunal fédéral ainsi que par les constatations de fait qui n'ont pas été
attaquées devant lui. Des faits nouveaux ne peuvent être pris en compte à moins
de porter sur les points qui ont fait l'objet du renvoi. Ceux-ci ne peuvent
être ni étendus ni fixés sur une base juridique nouvelle (ATF 133 III 201
consid. 4; 131 III 91 consid. 5.2 et les arrêts cités).

Dans l'arrêt de renvoi 4A_15/2007, le Tribunal fédéral a retourné l'affaire à
la Cour d'appel uniquement pour qu'elle élucide les faits permettant de
vérifier si l'accusation proférée contre A.________ était au moins
partiellement fondée ou, dans la négative, si l'auteur de la plainte (i.e. le
demandeur) avait pu croire de bonne foi qu'une infraction avait été commise
contre lui. Or, l'autorité cantonale a mené des investigations sur une question
entièrement nouvelle, qui n'avait pas été abordée précédemment, soit celle de
savoir si la défenderesse, en laissant le demandeur organiser et participer à
un cocktail quelques jours après la signification du licenciement abrupt, a
donné à penser que la continuation des rapports de travail était possible
jusqu'à la fin du délai de congé. Il suit de là que la cour cantonale, en
retenant la motivation subsidiaire en cause, ne s'est pas conformée aux
réquisits de l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral. Partant, il ne sera pas
tenu compte de celle-ci, qui repose sur des faits nouveaux au sens de la
jurisprudence précitée.

3.3 Cela posé, il sied de vérifier si la motivation principale de la cour
cantonale, d'après laquelle la plainte formée par le demandeur contre
A.________ n'était pas téméraire ou contraire à la bonne foi, est conforme au
droit fédéral.
3.3.1 Il a été retenu définitivement (art. 105 al. 1 LTF) que A.________,
actionnaire majoritaire et directeur général de la défenderesse, Z.________,
alors directeur de celle-ci, ainsi que l'intimé, qui en était directeur
commercial, ont formé une société simple pour acquérir et vendre cinq avions.
L'opération, qui était financée par deux sociétés « off shore », a été réalisée
par X.________ SA. Il était prévu que cette dernière devait recevoir la moitié
du bénéfice tiré de l'affaire, la seconde moitié devant être répartie entre les
trois associés précités.

On ne sait rien du quantum du profit qui a été obtenu à cette occasion. Le
demandeur a estimé que A.________, qui aurait sans cesse cherché à repousser la
répartition du bénéfice, avait retenu par un stratagème 2'500'000 US$ des gains
réalisés et encore détourné de ceux-ci, par une autre machination, le montant
total de 1'510'000 US$, d'où un prélèvement illicite de plus de 4'000'000 US$.

Le 31 octobre 2003, sans avoir pris langue avec A.________, le demandeur a
formé une plainte pénale contre le prénommé pour escroquerie, abus de confiance
et gestion déloyale.

Après une enquête qui a duré plus de trois ans, le Juge d'instruction a
transmis la procédure au Parquet genevois le 29 mars 2007, sans avoir prononcé
d'inculpation. Le 29 juin 2007, le Procureur général a classé la procédure, car
aucun des éléments constitutifs des trois infractions reprochées à A.________
n'étaient établis, le litige présentant du reste un caractère civil
prépondérant. Sur recours du demandeur, la Chambre d'accusation a confirmé le
classement par adoption de motifs.
3.3.2 Ces éléments conduisent la juridiction fédérale à développer le
raisonnement suivant.

Il appert tout d'abord que l'intimé a formé une plainte pénale contre son
supérieur hiérarchique direct A.________, cela sans même essayer de le
rencontrer au préalable afin de discuter de la manière dont avaient été
répartis les gains importants générés par une opération à caractère complexe au
regard de son mode de financement et des différents acteurs qui y ont
participé. Il n'a ainsi pas été établi que A.________ n'ait pas pu être joint à
la fin du mois d'octobre 2003, ni qu'il se soit dérobé aux demandes
d'explications du demandeur, et encore moins qu'il se soit refusé à accorder
tout entretien sur la question à l'intéressé.

Le demandeur a déposé plainte pour des délits graves concernant la probité du
directeur général et principal actionnaire de la défenderesse. Ainsi l'abus de
confiance (art. 138 CP) et l'escroquerie (art. 146 CP) sont-ils des crimes
(art. 10 al. 2 CP et 9 al. 1 aCP). Il en est résulté une longue instruction
pénale, qui était susceptible d'entacher durablement l'honorabilité et la
réputation en affaires de A.________.

Pourtant, aucune des trois accusations formulées n'a été suivie d'une
inculpation et la procédure a finalement été classée par le Parquet. La
décision de classement a par la suite été confirmée sur recours par la Chambre
d'accusation.

Les motifs présentés par la Cour d'appel pour démontrer néanmoins que le
demandeur n'a pas déposé plainte notamment de manière téméraire ne résistent
pas à l'examen.

Il n'est tout d'abord pas possible de soutenir, ainsi qu'elle l'a fait, que la
retenue de 2'500'000 US$ effectuée par une des sociétés « off shore » sur les
bénéfices revenant à la recourante pouvait apparaître aux yeux de l'intimé
comme une soustraction indue des gains qu'il devait retirer lui-même de
l'affaire. Il ne ressort en effet pas de l'état de fait déterminant (art. 105
al. 1 LTF) que l'intimé avait des motifs réels ou supposés de penser que cette
retenue affectait de manière illicite la part des gains qui lui était dévolue.
Ce dernier n'a d'ailleurs même pas fait état de la clé de répartition interne
des bénéfices qui avait été adoptée entre les trois associés.

En outre, la circonstance - parfaitement banale au vu de la position et du rôle
joués par A.________ au sein de la recourante dont il détient la majorité du
capital-actions - qu'avait été conféré au précité un droit de signature sur le
compte bancaire de la défenderesse par lequel le demandeur présumait que
transiteraient les gains de l'opération, n'était nullement susceptible
d'éveiller en tant que telle chez ce dernier le soupçon qu'une grave infraction
pouvait être perpétrée à son détriment.

Enfin, il est sans aucune pertinence que la Chambre d'accusation n'ait pas
qualifié de téméraire le recours du demandeur exercé contre le classement du
Parquet. Seule importe la question de savoir si la plainte pénale, au moment où
elle a été déposée, devait être considérée comme un acte téméraire.

Il suit de là que, pourtant revêtu du statut de cadre qui confère à son
titulaire une obligation accrue de sauvegarder les intérêts légitimes de son
employeur (cf. consid. 3.1 ci-dessus), le demandeur n'a pas hésité à s'engager
sur la voie pénale en portant plainte contre celui qui en est le principal
actionnaire, sans avoir des motifs objectifs de le faire et sans avoir ne
serait-ce que tenté préalablement d'éclaircir la situation peu claire née de
rapports compliqués de droit civil noués entre les trois associés, la
recourante et deux sociétés « off shore ». L'intimé n'a au demeurant
apparemment pas usé de la voie civile contre A.________ pour obtenir de
celui-ci restitution des gains qu'il se serait prétendument appropriés sans
droit. Dans un pareil contexte, la plainte pénale que l'intimé a déposée contre
A.________ le 31 octobre 2003 était téméraire.

A défaut d'avoir pris en compte l'ensemble de ces paramètres, qui étaient
décisifs pour l'appréciation du litige restant à juger, l'autorité cantonale a
fait une application erronée de la notion de juste motif ancrée à l'art. 337
CO.

Le moyen est bien fondé, si bien que le recours doit être admis, l'arrêt
attaqué doit être annulé et il sera prononcé que le licenciement immédiat
signifié à l'intimé le 5 novembre 2003 était justifié.

4.
L'intimé, qui succombe, paiera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et
versera à la recourante une indemnité à titre de dépens (art. 68 al. 1 et 2
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et il est prononcé que le
licenciement immédiat signifié à l'intimé le 5 novembre 2003 était justifié.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de l'intimé.

3.
L'intimé versera à la recourante une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour
d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.
Lausanne, le 20 mai 2008
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Corboz Ramelet