Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.320/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_320/2008/ech

Arrêt du 6 octobre 2008
Ire Cour de droit civil

Composition
M. et Mmes les Juges Corboz, Président, Rottenberg Liatowitsch et Kiss.
Greffière: Mme Crittin.

Parties
X.________ SA,
recourante, représentée par Me Laurent Strawson,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Marco Crisante.

Objet
contrat de travail,

recours contre l'arrêt de la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du
canton de Genève du 28 mai 2008.

Faits:

A.
A.a X.________ SA (ci-après: X.________), de siège à ..., a pour but social la
gestion, l'exploitation et l'animation des activités professionnelles et
commerciales d'un secteur professionnel de hockey sur glace.

En qualité de joueur de hockey sur glace professionnel, Y.________ a évolué au
sein du X.________ durant les saisons 2002-2003 et 2003-2004. Il était au
bénéfice d'un contrat de travail de durée déterminée, qui a débuté le 1er mai
2002 et s'est terminé le 30 avril 2004.

Le 1er février 2004, Y.________ et X.________, représentée par A.________ et
B.________, respectivement directeur technique et président du club, ont signé
un document intitulé « contrat de principe ». Le contrat devait débuter le 1er
mai 2004; sa durée s'étendait aux saisons 2004-2005, 2005-2006 et 2006-2007 et
à une saison en option (en faveur du joueur). Le contrat prévoyait, par saison,
un salaire de base de 300'000 fr., plus une allocation de 3'500 fr. pour le
matériel, ainsi que le paiement de diverses primes en fonction des résultats
obtenus.
A.b Le 18 mars 2004, le contrat du 1er février 2004 a été résilié par
X.________. Les parties sont entrées en négociation afin d'aboutir à un
règlement amiable, mais ne sont pas parvenues à un accord.
A.c Y.________ a conclu avec W.________ AG, qui exploite le club de hockey de
..., un contrat de travail, daté du 29 avril 2004. Les rapports contractuels
ont débuté le 1er mai 2004 pour se terminer le 30 avril 2006.

Pour les saisons 2006-2007 et 2007-2008, Y.________ a signé un contrat avec le
Hockey Club V.________.

B.
B.a Le 25 août 2005, Y.________ a assigné X.________ en paiement de 970'000
fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 1er mai 2004. En cours de procédure, il a
réduit ses prétentions et les a chiffrées à 688'800 fr., soit 538'800 fr. bruts
à titre de dommages-intérêts au sens de l'art. 337c al. 1 CO et 150'000 fr.
nets à titre d'indemnité au sens de l'art. 337c al. 3 CO, le tout portant
intérêts à 5% l'an dès le 1er mai 2004.

Par jugement du 16 octobre 2006, le Tribunal des prud'hommes a condamné la
défenderesse à payer au demandeur la somme brute de 538'800 fr. à titre de
dommages-intérêts fondés sur l'art. 337c al. 1 CO, ainsi que la somme nette de
150'000 fr. à titre d'indemnité fondée sur l'al. 3 de cette même disposition.
Les juges ont tout d'abord admis l'existence d'un contrat de travail entre les
parties; ils ont ensuite retenu que la résiliation de ce contrat résultait
d'une décision unilatérale de l'employeur et ont considéré que ce licenciement
immédiat était injustifié.
B.b Statuant par arrêt du 28 mai 2008, sur appel de la défenderesse, la Cour
d'appel de la juridiction des prud'hommes a annulé le jugement du Tribunal des
prud'hommes et condamné la défenderesse à verser au demandeur la somme brute de
370'800 fr. et la somme nette de 75'000 fr., le tout avec intérêts moratoires à
5% l'an dès le 1er mai 2004.

L'autorité cantonale a confirmé que les parties étaient liées par un contrat de
travail. Pour cette autorité, le fait que le joueur ait terminé la saison
courante, qui faisait l'objet d'un précédent contrat, ne s'opposait pas à la
résiliation du contrat du 1er février 2004, dès lors que les deux contrats
portaient sur des périodes distinctes. La cour cantonale a rappelé que le
demandeur n'avait aucune intention de quitter le club et que la fin des
rapports de travail ne résultait pas d'un accord entre les parties mais d'une
décision de la défenderesse. Les juges genevois ont confirmé que cette dernière
a souhaité « se débarrasser » du demandeur pour des raisons financières et
qu'elle a dès lors résilié, en date du 18 mars 2004, le contrat de travail du
1er février 2004, ne semblant plus vouloir ou pouvoir en assurer le coût. La
juridiction cantonale a arrêté à 370'800 fr. la somme due à titre de
dommages-intérêts pour résiliation immédiate injustifiée, après avoir pris en
considération les éléments de la rémunération du joueur auprès du club
V.________ pour les saisons 2006 à 2008. Quant à l'indemnité fondée sur l'art.
337c al. 3 CO, elle a été réduite de six à trois mois de salaire, sur le vu des
circonstances du cas d'espèce et de la durée, particulièrement courte, du
contrat de travail du 1er février 2004.

C.
C.a La défenderesse a formé un recours en matière civile. A titre principal,
elle invite le Tribunal fédéral à annuler l'arrêt attaqué et à rejeter la
demande. Subsidiairement, elle requiert le renvoi de la cause à l'autorité
cantonale pour qu'elle statue à nouveau dans le sens des considérants.

Dans sa réponse, le demandeur propose le rejet du recours. Quant à la cour
cantonale, elle n'a pas d'observations à formuler.
C.b Par ordonnance présidentielle du 27 août 2008, l'effet suspensif a été
accordé au recours.

Considérant en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie qui a partiellement succombé dans ses conclusions
(art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu en
matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière
instance (art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse
atteint le seuil de 15'000 francs (art. 74 al. 1 let. a LTF), le recours en
matière civile est en principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai
(art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

1.2 Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit,
tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique
le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les
arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4).
Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF,
sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral
n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter,
comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions
juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui
(ATF 134 III 102 consid. 1.1).

1.3 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en
violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF) et pour autant
que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause
(art. 97 al. 1 LTF). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être
présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99
al. 1 LTF).

2.
La recourante se plaint d'arbitraire dans la constatation des faits.

La Cour d'appel a retenu que l'intimé n'avait aucune intention de quitter le
club et que la résiliation des rapports de travail ne résultait pas d'un accord
entre les parties mais d'une décision unilatérale de l'employeur. L'autorité
cantonale a confirmé que la recourante a souhaité « se débarrasser » de
l'intimé pour des raisons financières et a dès lors résilié, en date du 18 mars
2004, le contrat de travail du 1er février 2004.

2.1 Ne trouvant strictement aucun appui dans le dossier, la constatation
relative à la résiliation du contrat intervenue le 18 mars 2004 serait
manifestement insoutenable et consacrerait l'arbitraire prohibé par l'art. 9
Cst.

Le moyen est dénué de fondement. En effet, après avoir rappelé, à la lettre F.
de la partie « en fait » du jugement déféré, que l'instruction de la cause a
porté sur les circonstances liées à la cessation de la collaboration du joueur
au sein du club, l'autorité cantonale a confronté les déclarations des parties
avec les dépositions des témoins C.________, D.________, E.________ et
B.________, qui - à l'exception du dernier nommé - se sont prononcés sur le
transfert et/ou les circonstances de départ de l'intimé; deux d'entre eux ont
fait état des difficultés financières du club, sans être contredits par les
autres témoins entendus, qui ne se sont pas exprimés sur la question. Les
constatations portant sur la résiliation par l'employeur du contrat de travail
du 1er février 2004 reposent donc sur des éléments de preuve concrets, dont il
n'est pas démontré qu'ils auraient été appréciés de façon insoutenable.

Selon la recourante, la date de la résiliation ne correspondrait « à aucun
événement en relation avec une éventuelle résiliation de contrat ». Une telle
affirmation est erronée, dès lors qu'il ressort de l'arrêt attaqué que la date
de résiliation coïncide avec celle d'une discussion qui a eu lieu entre les
deux parties au litige à l'issue du match ... de ... en mars 2004. Par
ailleurs, à supposer que la date du 18 mars 2004 ait été établie de façon
manifestement inexacte - ce qui n'est nullement démontré -, la recourante
n'explique pas en quoi cette constatation serait susceptible d'exercer une
influence sur le sort de la cause.

2.2 La cour cantonale se voit ensuite reprocher d'avoir passé sous silence
l'attitude adoptée par la recourante: celle-ci aurait insisté pour que l'intimé
signe et lui retourne le contrat de travail définitif, ce qu'attestent les
courriers datés des 1er, 3, 4, 8, 9, 10, 16, 17, 21, 22 juin et 5 juillet 2004.
Contrairement à ce que retient l'arrêt cantonal en violation de l'art. 9 Cst.,
ces éléments manifestent tout sauf la volonté de la recourante de résilier le
contrat du 1er février 2004.

L'argumentation de la recourante tombe à faux, dès lors qu'il ressort des
dépositions de B.________ et de E.________ que le contrat de travail définitif
n'a jamais été envoyé à l'intimé. Sur la base de ces témoignages concordants -
qu'il n'y a pas lieu de remettre en cause -, la recourante ne pouvait, de bonne
foi, enjoindre l'intimé de signer puis de lui retourner le contrat définitif.
Il ne faut par ailleurs pas perdre de vue que ces titres ont été rédigés alors
que les parties étaient à la recherche d'un règlement amiable, ce qui n'exclut
en rien que le contrat ait été préalablement résilié.

La recourante évoque encore la convocation à un test d'aptitude physique pour
le 3 mai 2004. De toute évidence, il s'agit là d'une circonstance isolée,
apparaissant en contradiction avec les moyens de preuve qui ont permis
d'aboutir à la constatation d'une résiliation par l'employeur en mars 2004. Il
n'est en outre pas impossible que l'organisation de ce test soit liée aux
négociations que les parties ont menées pour trouver une solution amiable. Cela
étant, cette circonstance n'est pas à même de rendre insoutenable l'existence
d'une résiliation préalable.

2.3 Enfin, la recourante prétend que la constatation de la résiliation apparaît
d'autant plus insoutenable qu'elle se heurte aux propres déclarations de
l'intimé.

En guise de motivation, la recourante affirme qu'outre la convocation à un test
d'aptitude physique pour le 3 mai 2004, l'intimé a expressément admis que la
recourante aurait préféré ne pas s'engager par contrat du 1er février 2004 et
qu'elle « ne souhaitait pas que l'intimé continue à jouer dans le club ». En
l'absence de toute démonstration de l'arbitraire, il n'y a pas lieu d'entrer en
matière sur le grief. Il sied par ailleurs de relever que les propos de
l'intimé reproduits par la recourante ne valident en rien la thèse soutenue par
celle-ci.

2.4 Au regard de ce qui précède, il n'y a pas lieu de s'écarter des faits
retenus par l'autorité précédente.

3.
La recourante dénonce également une mauvaise application de l'art. 337c al. 1
et 3 CO.

3.1 A suivre la recourante, l'autorité cantonale a enfreint l'art. 337c al. 1
et 3 CO pour avoir considéré que le contrat du 1er février 2004 a été résilié
avec effet immédiat de manière injustifiée.

Dans son argumentation, la recourante reconnaît qu'il n'existait pas de justes
motifs pour licencier l'employé, puisqu'elle affirme que « la logique veut que
l'employeur a mené des négociations précisément parce qu'il ne disposait pas de
justes motifs ». Il n'y a donc pas lieu d'examiner la violation du droit
fédéral sous l'angle des justes motifs de résiliation.

Pour le surplus, la recourante soutient que les faits de la cause ne laissent
aucune place à une manifestation unilatérale de volonté de l'employeur valant
résiliation immédiate du contrat. Pour elle, le fait d'avoir mené des
négociations dément l'existence d'une résiliation immédiate. Il est manifeste
que, sous le couvert d'une violation du droit, la recourante remet en cause,
une nouvelle fois, la constatation des faits, puisqu'elle cherche à démontrer
que l'employeur n'avait pas la volonté de résilier les rapports de travail la
liant à l'intimé. Dès lors qu'il ressort des faits souverainement retenu que la
résiliation a été donnée unilatéralement par l'employeur en raison de ses
difficultés financières, et non pas - comme reproduit à tort par la recourante
- parce qu'aucun accord n'a été trouvé entre les parties, le grief tombe à
faux.

La recourante prétend encore qu'une éventuelle déclaration unilatérale de
résilier le contrat conclu pour une durée déterminée n'aurait strictement
aucune portée juridique, sauf à invoquer une faute grave de l'employé.
L'argument est infondé, puisque la résiliation immédiate, qu'elle soit
justifiée ou non, entraîne la fin immédiate des rapports de travail (ATF 117 II
270 consid. 3b).

3.2 Dans un autre grief et à titre subsidiaire, la recourante conteste le
calcul de la prétention en dommages-intérêts due sur la base de l'art. 337c al.
1 CO. Elle reproche à la cour cantonale de l'avoir condamnée à payer la
différence entre le salaire prévu par le contrat du 1er février 2004 pour la
quatrième saison 2007/2008 à « option » et celui que l'intimé a effectivement
reçu du Hockey Club V.________. La recourante soutient que les juges cantonaux
ont considéré à tort que le contrat aurait dû prendre fin à l'issue de la
saison de hockey 2007/2008, dès lors qu'il a été constaté que le contrat ne
durait que trois saisons.

Il ressort des faits de la cause que la durée du contrat est de trois saisons,
soit les saisons 2004-2005, 2005-2006 et 2006-2007, plus une saison en option
(en faveur du joueur). Comme il a été retenu que la saison 2007-2008 était une
saison en option en faveur du joueur, la cour en a déduit que le contrat aurait
dû prendre fin à l'issue de cette saison. La recourante ne démontre pas, ni
même ne soutient, que ces faits auraient été constatés de manière arbitraire.
Il n'y a donc pas lieu de s'en écarter. Cela étant, on ne voit pas en quoi
l'autorité cantonale aurait violé le droit fédéral en ayant pris en compte,
dans le calcul de l'indemnité fondée sur l'art. 337c al. 1 CO, la rémunération
qui devait être perçue par l'employé durant la saison 2007-2008.

4.
En dernier lieu, la recourante prétend que la cour cantonale a violé le droit
fédéral en n'ayant pas admis que le contrat du 1er février 2004 a pris fin par
un accord des parties intervenu par actes concluants. Selon la recourante, les
juges genevois auraient dû interpréter le comportement adopté par les parties,
conformément à l'art. 18 CO, pour savoir si un tel accord était intervenu.

Dès lors qu'il a été constaté en fait que la relation contractuelle litigieuse
a été résiliée unilatéralement par l'employeur et non pas d'un commun accord
entre les parties, le moyen soulevé est dépourvu de fondement.

5.
Par conséquent, le recours en matière civile est rejeté dans la mesure de sa
recevabilité.

6.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais judiciaires et dépens sont mis à la
charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours en matière civile est rejeté dans la mesure de sa recevabilité.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Une indemnité de 8'000 fr., à payer à l'intimé à titre de dépens, est mise à la
charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour
d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 6 octobre 2008

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Corboz Crittin