Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.319/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_319/2008

Arrêt du 16 décembre 2008
Ire Cour de droit civil

Composition
MM. et Mmes les Juges Corboz, Président, Klett, Rottenberg Liatowitsch, Kolly
et Kiss.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.

Parties
X.________,
recourante, représentée par Me Michel Bosshard,

contre

Y.________,
intimée.

Objet
contrat de travail; effets de droit civil d'un engagement envers l'Etat,

recours contre l'arrêt de la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du
canton de Genève du 27 mai 2008.

Faits:

A.
En 1999, A.________, alors diplomate au sein d'une mission permanente, à
Genève, voulait engager, en qualité d'employée de maison, Y.________,
ressortissante des Philippines résidant dans ce pays.

La procédure d'engagement était soumise à la directive du 1er mai 1998 du
Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) sur l'engagement des
domestiques privés par les fonctionnaires internationaux (ci-après: directive
du DFAE de 1998 ou la directive), en vigueur jusqu'au 30 avril 2006. Parmi les
conditions d'admission et de séjour du domestique privé, le chiffre 3.1 de la
directive instituait notamment l'obligation de travailler à plein temps pour un
seul et même employeur; à titre exceptionnel, un domestique privé engagé selon
le chiffre 3.1 pouvait être autorisé à travailler pour deux employeurs,
lesquels devaient tous deux être autorisés à engager un domestique privé au
bénéfice d'une carte de légitimation (chiffre 3.21 de la directive).
L'établissement d'une carte de légitimation supposait que l'organisation de
l'employeur adressât à la Mission suisse, avant la prise d'emploi, diverses
pièces justificatives, parmi lesquelles devaient figurer trois exemplaires
originaux de la déclaration de garantie de l'employeur, signés par celui-ci,
ainsi que trois exemplaires originaux de la déclaration du domestique privé,
signés par ce dernier.

Par la déclaration susmentionnée, l'employeur garantissait vis-à-vis des
autorités suisses le paiement de cotisations et frais déterminés (cotisations
aux assurances conformément aux dispositions de la directive, frais médicaux
non couverts pas les assurances, frais de voyage du retour dans le pays
d'origine du domestique privé) ainsi que la fourniture du logement et de la
nourriture conformément à la directive; par ailleurs, l'employeur déclarait
avoir pris connaissance des dispositions de la directive et de la déclaration
faite par son futur domestique privé, auquel il devait remettre copie de la
déclaration de l'employeur.

Dans la déclaration de l'employé, le domestique privé prenait note, entre
autres, qu'il devait travailler à plein temps pour un seul et même employeur, à
moins d'avoir été autorisé par la Mission suisse à travailler simultanément
pour deux employeurs.

Le 1er août 1999, Y.________ a signé la déclaration du domestique privé; le 16
septembre 1999, A.________ a signé la déclaration de garantie de l'employeur,
avant de faire parvenir les deux déclarations à la Mission suisse. Le 14
décembre 1999, les parties ont signé un contrat de travail préformulé, soumis
au droit suisse; A.________ s'engageait à occuper Y.________ à raison de huit
heures par jour, six jours par semaine, à lui verser un salaire mensuel de
1'500 fr., à lui accorder le logement ainsi qu'une allocation «nourriture» de
300 fr. par mois et à prendre en charge différents frais.

Ayant obtenu le visa demandé, Y.________ est arrivée en Suisse le 9 janvier
2000. Le 21 janvier 2000, elle s'est vu délivrer, par la Mission suisse, une
carte de légitimation F. Fin février 2000, elle a commencé à travailler chez
A.________. Dès le début des rapports de travail, l'employeur a informé
Y.________ qu'il n'était pas à même de l'occuper à plein temps et qu'elle
devait chercher un travail complémentaire ailleurs. Elle a rapidement trouvé un
tel emploi, chez B.________, fonctionnaire internationale. Ce deuxième emploi
n'a pas été porté à la connaissance de la Mission suisse et n'a pas été
autorisé par le DFAE. Dans un premier temps, B.________ n'a occupé Y.________
comme employée de maison qu'à raison de trois heures par semaine; à partir de
l'été 2003, elle lui a donné davantage de travail. Cet emploi complémentaire a
duré jusqu'en juin 2005.

Avant son départ de Suisse, à fin mars 2001, A.________ a suggéré à Y.________
d'entrer au service de C.________, également diplomate, lequel a déféré à la
procédure d'engagement prévue par la directive. A son tour, le nouvel employeur
a fait savoir à Y.________ qu'il ne pouvait lui fournir un emploi à plein
temps, mais tout au plus une mise à contribution de neuf heures par semaine. Le
17 octobre 2001, les parties ont signé un contrat de travail, prévoyant, entre
autres, un salaire mensuel brut de 948 fr.50 pour une durée de travail
hebdomadaire de neuf heures. De fait, les rapports de travail avaient commencé
en mai 2001 et se sont poursuivis jusqu'au 30 avril 2003, date à laquelle
C.________ a quitté la Suisse.

Avant son départ, l'employeur a recommandé Y.________ à X.________, alors
diplomate auprès d'une mission permanente; il lui a fait part de sa
préoccupation au sujet de la carte de légitimation de l'employée et, partant,
de son droit de rester en Suisse. Conformément à la procédure d'engagement
prévue par la directive du DFAE de 1998, X.________ a fait signer à Y.________
la déclaration du domestique privé et a signé la déclaration de garantie de
l'employeur, puis elle a fait parvenir ces documents, par les soins de sa
mission permanente, à la Mission suisse, laquelle a alors établi à l'intention
de Y.________, le 27 mai 2003, une carte de légitimation F. X.________ a
d'emblée fait savoir à Y.________ qu'elle n'était pas à même de lui fournir un
emploi à plein temps, mais tout au plus une occupation équivalente à son
travail précédent, à savoir neuf heures par semaine, pour un salaire identique,
soit 20 fr. de l'heure. Elle l'a encouragée à trouver un autre employeur pour
le temps restant. Au moment de l'engagement de Y.________, X.________ ne
connaissait pas B.________; à aucun moment il n'y a eu concertation entre ces
deux employeuses. Le 8 août 2003, X.________ a fait signer à Y.________ un
contrat de travail, identique à celui que la travailleuse avait conclu avec
C.________; le contrat prévoyait notamment une durée de travail de neuf heures
par semaine et un salaire mensuel brut de 948 fr.50. En réalité, les rapports
de travail avaient commencé fin mai 2003. Dès le début, X.________ n'a occupé
Y.________ que trois heures par semaine, le vendredi matin. L'employée recevait
240 fr. par mois, montant qui lui était remis de la main à la main; X.________
a pris en charge la totalité des primes d'assurance-maladie de la travailleuse.
Le contrat de travail a pris fin le 26 juillet 2004.

Du 1er juin 2003 au 31 juillet 2004, Y.________ a réalisé en sus un revenu
mensuel de 1'340 fr., correspondant à des prestations de travail effectuées
auprès d'autres employeurs que X.________, dont B.________. Elle n'a pas pris
de vacances pendant cette période.

B.
Le 4 décembre 2006, Y.________ a assigné X.________ en paiement de 43'916
fr.95, soit 40'540 fr. à titre de différence entre le salaire payé et le
salaire prévu pour un emploi à plein temps par le contrat-type genevois pour
les travailleurs de l'économie domestique et 3'376 fr.95 à titre d'indemnité de
vacances non prises, le tout avec intérêts à 5 % dès le 1er septembre 2004.
Par jugement du 7 août 2007, le Tribunal des prud'hommes du canton de Genève a
condamné X.________ à payer à Y.________ le montant brut de 280 fr. avec
intérêts à 5 % dès le 1er septembre 2004, à titre d'indemnité pour vacances non
prises.

Y.________ a formé appel, concluant à ce que X.________ lui verse 29'725 fr.75,
soit 27'440 fr. à titre de salaire et 2'285 fr.75 à titre d'indemnité pour
vacances non prises. Statuant le 27 mai 2008, la Cour d'appel de la juridiction
des prud'hommes a annulé le jugement de première instance et condamné
l'employeuse à verser à Y.________ la somme nette de 6'815 fr.50 avec intérêts
à 5 % dès le 1er septembre 2004. Selon l'arrêt cantonal, la travailleuse
pouvait prétendre à un salaire pour un emploi à plein temps pendant quatorze
mois, soit du 1er juin 2003 au 31 juillet 2004. En substance, la cour cantonale
a considéré qu'en signant la déclaration de garantie, l'employeuse avait
attesté savoir que l'engagement à plein temps de la domestique constituait
l'une des conditions d'admission et de séjour en Suisse de ladite employée; ce
faisant, l'employeuse était tenue, en vertu d'une obligation de droit public,
de respecter cet engagement, dont la travailleuse pouvait se prévaloir devant
les tribunaux civils, conformément à l'art. 342 al. 2 CO («effet horizontal» de
l'engagement). La Cour d'appel excluait par ailleurs tout abus de droit de la
part de l'employée. Au montant de 33'700 fr. représentant le salaire dû pendant
quatorze mois pour un travail à temps plein, il convenait d'ajouter l'indemnité
pour les vacances par 1'244 fr.50. De la somme totale de 34'944 fr.50 ainsi
obtenue, la cour cantonale a déduit le salaire perçu de X.________ (3'360 fr.),
les revenus réalisés chez d'autres employeurs (18'760 fr.) et les primes
d'assurance-maladie payées par l'employeuse (6'009 fr.) pour aboutir à un solde
de 6'815 fr.50 encore dû à Y.________.

C.
X.________ interjette un recours en matière civile et un recours
constitutionnel subsidiaire. Elle demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt
cantonal du 27 mai 2008 et de confirmer le jugement de première instance du 7
août 2007.

Y.________ n'a pas déposé de réponse dans le délai qui lui avait été imparti à
cette fin.

L'autorité cantonale a formulé des observations.

La cour de céans a délibéré sur les recours en séance publique.

Considérant en droit:

1.
1.1 L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière
civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance
(art. 75 al. 1 LTF) dans une affaire dont la valeur litigieuse, déterminée par
les conclusions encore contestées devant l'autorité précédente (art. 51 al. 1
let. a LTF), atteint le seuil de 15'000 fr. prévu en matière de droit du
travail (art. 74 al. 1 let. a LTF). Le recours en matière civile est ainsi
ouvert de sorte que le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable
(art. 113 LTF).

1.2 Le recours a été interjeté par la partie qui a succombé partiellement dans
ses conclusions libératoires (art. 76 al. 1 LTF). Par ailleurs, il a été déposé
dans le délai (art. 45 al. 1 et art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF)
prévus par la loi. Il convient dès lors d'entrer en matière.

1.3 Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit
fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris les droits constitutionnels (ATF 133
III 446 consid. 3.1 p. 447, 462 consid. 2.3). Saisi d'un tel recours, le
Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF) sur la base
des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), que le
recours ne peut critiquer que s'ils ont été établis de façon manifestement
inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst.
(ATF 134 V 53 consid. 4.3) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF,
et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort
de la cause (art. 97 al. 1 LTF).

En l'espèce, les éléments de fait présentés dans le recours ne seront pris en
compte que s'ils ressortent de l'arrêt entrepris ou si la recourante démontre
qu'une exception telle que définie ci-dessus est réalisée.

1.4 Au surplus, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1
LTF), sans être limité par les moyens du recours ni par le raisonnement de la
cour cantonale, ce qui implique qu'il peut admettre un recours pour d'autres
motifs que ceux qui ont été articulés ou, à l'inverse, rejeter un recours en
substituant une nouvelle argumentation à celle de l'autorité précédente (ATF
134 III 102 consid. 1.1 et l'arrêt cité). Cependant, compte tenu de l'exigence
de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sanctionnée par
l'irrecevabilité des recours dont la motivation est manifestement insuffisante
(art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les
griefs invoqués; il n'est donc pas tenu de traiter, comme le ferait une
autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent,
lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 134 III 102 consid.
1.1 p. 105).

2.
Invoquant l'art. 9 Cst., la recourante soutient tout d'abord que l'arrêt
attaqué est entaché d'arbitraire. La cour cantonale aurait admis de manière
insoutenable, d'une part, que la déclaration de garantie signée par
l'employeuse comprenait la promesse d'occuper la domestique à plein temps et,
d'autre part, que cet engagement conditionnait l'octroi d'une carte de
légitimation par le DFAE. La recourante fait observer à cet égard que, dans sa
déclaration de garantie, elle a uniquement attesté avoir pris connaissance de
la directive du DFAE de 1998, mais ne s'est pas engagée à en respecter les
termes. En effet, la déclaration de garantie distingue les éléments -
expressément énumérés - que l'employeur garantit vis-à-vis des autorités
suisses, comme le paiement de certaines cotisations, de ceux dont il déclare
simplement avoir pris connaissance, comme la directive en général; or, la
fourniture d'un travail à plein temps au domestique ne fait pas partie de la
liste des garanties expresses de la déclaration de l'employeur. La recourante
en déduit que la délivrance d'une carte de légitimation à l'employé de maison
n'est pas soumise à la promesse de l'employeur d'occuper le domestique à plein
temps. L'arrêt attaqué serait ainsi arbitraire dans son résultat, dans la
mesure où il condamne l'employeuse à verser à la travailleuse un salaire pour
une occupation à temps complet, alors que les parties ont passé un contrat
portant sur trois heures de travail par semaine et que l'intimée n'a jamais
effectué plus d'heures que celles convenues.

La recourante voit également un abus de droit dans l'attitude de l'intimée.
Elle fait valoir que l'employée a signé une déclaration dans laquelle elle
s'engage envers le DFAE à travailler à plein temps pour un seul employeur et
qu'elle a insisté pour que la recourante lui obtienne une nouvelle carte de
légitimation, tout en sachant qu'elle ne travaillerait pas plus de trois heures
par semaine pour cette employeuse.

La recourante se plaint enfin d'une violation de la liberté contractuelle,
consacrée aux art. 1er et 19 CO et découlant tant de la liberté économique
garantie par l'art. 27 Cst. que de la liberté personnelle. L'obligation pour un
fonctionnaire international d'occuper un domestique privé à temps complet
constituerait une restriction portant une atteinte grave à la liberté
contractuelle et, partant, ne pourrait être fondée que sur une base légale
satisfaisant aux exigences de l'art. 36 Cst. Or, la directive du DFAE de 1998
ne remplirait pas ces conditions.

3.
3.1 Selon le contrat de travail signé par les parties, l'intimée devait fournir
sa prestation à raison de neuf heures par semaine. En réalité, la recourante
n'a occupé l'employée de maison que trois heures par semaine. Il ne résulte pas
de l'état de fait déterminant que l'intimée, qui travaillait par ailleurs pour
une autre employeuse, ait demandé à effectuer six heures hebdomadaires
supplémentaires auprès de la recourante ou, à tout le moins, ait offert ses
services dans cette mesure. Dans ces conditions, il convient de retenir
l'existence d'un accord implicite sur un taux d'occupation de trois heures par
semaine.

3.2 La question litigieuse en l'espèce est la suivante: l'intimée ne peut-elle
réclamer à la recourante que le salaire afférent aux heures de travail fournies
effectivement et conformément au contrat? Ou alors peut-elle prétendre au
salaire correspondant à un emploi à plein temps, en se prévalant, par le biais
de l'art. 342 al. 2 CO, d'une obligation de droit public de la recourante
portant sur l'engagement d'une domestique privée à temps complet?
3.2.1 L'art. 342 al. 2 CO autorise une partie à un contrat de travail à agir
civilement afin d'obtenir l'exécution d'une obligation de droit public imposée
à son cocontractant par des dispositions fédérales ou cantonales sur le travail
et susceptible d'être l'objet d'un contrat individuel de travail. L'obligation
de droit public peut résulter directement d'une norme générale et abstraite,
mais elle peut aussi être fondée sur une décision (STAEHELIN/VISCHER, Zürcher
Kommentar, n° 15 ad art. 342 CO; REHBINDER, Berner Kommentar, n° 14 ad art. 342
CO).

Dans le domaine du droit des étrangers ordinaire, le Tribunal fédéral a
appliqué l'art. 342 al. 2 CO en rapport avec l'art. 9 al. 1 de l'ordonnance du
6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers (OLE, en vigueur jusqu'au 31
décembre 2007; cf. actuellement art. 22 LEtr [RS 142.20] et art. 22 OASA [RS
142.201]), disposition qui soumet l'autorisation nécessaire pour exercer une
activité lucrative, notamment, à la garantie que le travailleur bénéficie des
conditions de rémunération usuelles dans la localité et la profession en
question. Il a ainsi admis qu'une fois l'autorisation délivrée, l'employeur est
tenu, en vertu d'une obligation de droit public, de respecter les conditions
qui l'assortissent, en particulier le salaire approuvé par l'autorité
administrative; le travailleur dispose alors d'une prétention qu'il peut
exercer devant les juridictions civiles, le juge civil étant lié par les
conditions de rémunération fixées dans l'autorisation délivrée pour un emploi
donné. Dans ce contexte, le Tribunal fédéral a rappelé le but visé par l'art. 9
OLE, qui tend à maintenir la paix sociale en préservant les travailleurs
suisses d'une sous-enchère salariale induite par la main d'oeuvre étrangère,
d'une part, et en protégeant les travailleurs étrangers eux-mêmes, d'autre part
(ATF 122 III 110 consid. 4d p. 114/115; 129 III 618 consid. 5.1 p. 621/622 et
et consid. 6.1 p. 623).
3.2.2 La procédure permettant à l'intimée, de nationalité étrangère, de
travailler en Suisse pour la recourante, diplomate auprès d'une mission
permanente, n'était pas régie par le droit des étrangers ordinaire. Aux termes
de l'art. 25 al. 1 let. f de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement
des étrangers applicable à l'époque (LSEE; cf. actuellement art. 98 al. 2
LEtr), le Conseil fédéral est autorisé à régler, dans le domaine de la police
des étrangers, le traitement spécial des représentants d'Etats étrangers ou des
membres d'organisations internationales. Il a ainsi soustrait à l'application
de l'OLE, en particulier, les membres de missions diplomatiques et permanentes
ainsi que le personnel privé au service de ces personnes, pour autant qu'ils
soient titulaires d'une pièce de légitimation établie par le DFAE (art. 4 al. 1
let. a et d OLE; cf. actuellement, art. 43 al. 1 let. a et d OASA). C'est en
effet le DFAE qui est compétent pour délivrer la carte de légitimation, valant
à la fois titre de séjour et autorisation de travail dans un domaine délimité
(cf. arrêt 2A.432/1999 du 12 avril 2000 consid. 2; LUCIUS CAFLISCH, La pratique
suisse en matière de droit international public, in ASDI 1988, p. 238/239).

Le séjour du domestique privé étranger en Suisse est soumis à certaines
conditions, dont celle de travailler à plein temps pour un seul et même
employeur (art. 3.1 de la directive du DFAE de 1998); l'unique dérogation
concerne la possibilité de répartir ce temps de travail entre deux employeurs
autorisés à engager un tel travailleur étranger (art. 3.21 de la directive).
L'exigence d'un emploi à temps complet, voire de deux emplois représentant
ensemble une activité à cent pour cent, vise à garantir des moyens de
subsistance suffisants au domestique, dès lors qu'un emploi à temps partiel
dans ce secteur ne permet guère de réaliser un revenu assurant une existence
décente. Cette condition tend ainsi à protéger l'employé de maison étranger,
mais également à éviter le travail au noir, source de dumping salarial
défavorable aux travailleurs suisses. Ce double objectif de protection, qui
cherche à préserver la paix sociale, correspond au but visé par l'art. 9 OLE en
imposant le respect des conditions salariales usuelles par l'employeur qui
occupe un travailleur étranger. A cet égard, le taux d'occupation imposé, qui
influe nécessairement sur la rémunération, joue un rôle similaire au salaire
agréé par l'autorité cantonale dans le régime ordinaire applicable aux
étrangers voulant travailler en Suisse.

Pour obtenir une carte de légitimation en faveur d'un domestique privé,
l'employeur n'a pas à fournir un contrat de travail écrit, contrairement à ce
qui est exigé dans le droit des étrangers ordinaire (art. 9 al. 3 OLE); en
revanche, il doit remettre aux autorités suisses différents documents, dont la
déclaration de garantie de l'employeur.

En l'espèce, la recourante a déposé une telle pièce, dans laquelle elle déclare
avoir pris connaissance des dispositions de la directive du DFAE de 1998;
l'exigence du travail à plein temps figure parmi ces dispositions. Cette
déclaration ne peut se comprendre que comme un engagement de l'employeuse
envers la Confédération d'occuper la domestique à temps complet et de la payer
en conséquence. En déclarant savoir que le séjour en Suisse suppose un emploi à
temps complet, l'employeur promet par là-même d'engager le domestique à ce taux
d'occupation. Contrairement à ce que la recourante soutient, la distinction
opérée dans la déclaration entre les points garantis par l'employeur et ceux
simplement connus de celui-ci relève de la pure forme et ne saurait traduire
une différence de fond, en tout cas sur un élément aussi important que la durée
du temps de travail conditionnant l'octroi de la carte de légitimation.
L'engagement de l'employeur à cet égard est encore renforcé par la remise aux
autorités suisses, par le fonctionnaire international, de la déclaration de
l'employé, dont l'employeur atteste connaître la teneur; en effet, le
domestique y déclare précisément avoir pris connaissance du fait qu'il doit
travailler à plein temps pour le même employeur. Il s'ensuit que, comme la cour
cantonale l'a bien vu, la recourante s'est obligée envers les autorités suisses
à engager l'intimée à temps complet.

Il reste à examiner si l'employée de maison peut se prévaloir de cette
obligation de droit public devant le juge civil. Dans le droit des étrangers
ordinaire, l'octroi d'une autorisation de travail dépend en particulier de
l'approbation par l'autorité du salaire convenu par les parties, lequel doit
correspondre au niveau de la rémunération en usage dans la localité et la
profession considérées. Dans le droit spécial applicable en l'espèce, la
délivrance d'une carte de légitimation au domestique privé par le DFAE suppose
notamment l'engagement susmentionné de l'employeur d'offrir à l'employé un
travail à plein temps. Comme déjà relevé, les conditions exigées dans les deux
procédures présentent une analogie et poursuivent le même but. Rien ne justifie
dès lors de traiter différemment les deux situations dans leurs effets de droit
civil.

Au surplus, la recourante ne peut se prévaloir de la liberté économique, et
singulièrement de la liberté contractuelle, pour se soustraire à son propre
engagement envers l'Etat et, par extension, envers son employée. Au demeurant,
l'employeuse n'a pas été entravée dans sa liberté économique puisqu'elle
pouvait engager comme domestique une ressortissante suisse ou étrangère au
bénéfice d'une autorisation ordinaire (cf. CAROLINE KRAEGE, in Ausländerrecht,
2e éd. 2009, n° 5.133, p. 182). La liberté économique n'emporte pas le droit
pour le fonctionnaire international de prendre à son service comme employé de
maison n'importe quel ressortissant étranger, indépendamment de toute procédure
d'admission en Suisse.

Sur le vu de ce qui précède, l'intimée disposait d'une prétention de droit
privé, fondée sur la déclaration de garantie de l'employeur, à être occupée à
plein temps par la recourante. La conclusion dans ce sens de la cour cantonale
ne consacre aucune violation du droit fédéral.

3.3 Il convient encore d'examiner si, comme la recourante le prétend, l'intimée
commet un abus de droit en se prévalant de cette prétention.
3.3.1 A teneur de l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas
protégé par la loi. La règle prohibant l'abus de droit permet au juge de
corriger les effets de la loi dans certains cas où l'exercice d'un droit
allégué créerait une injustice manifeste (ATF 134 III 52 consid. 2.1 p. 58 et
les références). L'existence d'un abus de droit se détermine selon les
circonstances concrètes du cas, en s'inspirant des diverses catégories mises en
évidence par la jurisprudence et la doctrine (ATF 129 III 493 consid. 5.1 p.
497 et les arrêts cités). L'emploi dans le texte légal du qualificatif
«manifeste» démontre que l'abus de droit doit être admis restrictivement. Les
cas typiques en sont l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation
d'une institution juridique contrairement à son but, la disproportion manifeste
des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement ou l'attitude
contradictoire (ATF 129 III 493 consid. 5.1 p. 497; 127 III 357 consid. 4c/bb
p. 364). Dans cette dernière catégorie, le comportement de celui qui accepte
d'abord de conclure une convention et qui, par la suite, en considération de
règles impératives, excipe de l'invalidité de cette même convention, n'est
toutefois constitutif d'abus de droit que si des conditions particulières sont
réalisées (ATF 133 III 61 consid. 4.1 p. 76; 129 III 493 consid. 5.1 p. 497).
Une telle limitation s'impose spécialement en matière de contrat de travail
car, à défaut, la protection assurée au travailleur par des dispositions
impératives peut se révéler illusoire (ATF 129 III 493 consid. 5.1 p. 497, 618
consid. 5.2 p. 622). Il incombe à la partie qui se prévaut d'un abus de droit
d'établir les circonstances particulières qui autorisent à retenir cette
exception (ATF 133 III 61 consid. 5.1 p. 76 et les références).
3.3.2 En l'espèce, l'intimée a accepté de ne travailler que trois heures par
semaine pour la recourante; or, elle avait signé la déclaration de l'employé et
pris ainsi note qu'elle devait travailler à cent pour cent pour le même
employeur, sauf dérogation n'entrant pas en ligne de compte dans le cas
présent. La seule contradiction résultant de ces deux actes ne suffit pas à
qualifier la prétention de l'intimée d'abusive, d'autant plus que la recourante
elle-même a adopté la même attitude inconséquente et n'a pas hésité à tromper
les autorités pour pouvoir engager la domestique philippine. Pour le reste, les
constatations de l'autorité cantonale ne laissent pas apparaître des
circonstances particulières qui justifieraient de ne pas reconnaître la
prétention de l'intimée à un travail à plein temps.

Le moyen tiré de l'art. 2 al. 2 CC est par conséquent mal fondé.

3.4 A juste titre, la recourante ne critique pas les considérants de l'arrêt
attaqué sur la demeure de l'employeur. Si elle pouvait prétendre à travailler à
cent pour cent pour la recourante, l'intimée n'avait pas à offrir ses services
pour la durée du temps de travail dépassant trois heures par semaine, dès lors
que l'employeuse lui avait fait clairement savoir qu'elle ne pouvait l'occuper
plus longtemps que l'horaire convenu (cf. entre autres, arrêt 4A_332/2007 du 15
novembre 2007 consid. 2.1; GABRIEL AUBERT, in Commentaire romand, n° 3 ad art.
324 CO). La recourante en demeure restait dès lors tenue de payer le salaire
pour un emploi à plein temps (art. 324 al. 1 CO; cf. également CAROLINE KRAEGE,
op. cit., n° 5.142, p. 184), sous réserve de l'imputation liée aux revenus
réalisés en exécutant un autre travail (art. 324 al. 2 CO). Le calcul effectué
en l'espèce par la cour cantonale, qui aboutit à un solde de 6'815 fr.50 en
faveur de l'intimée, n'est pas remis en cause par la recourante et n'a pas à
être examiné par la cour de céans.

3.5 En conclusion, le recours en matière civile doit être rejeté.

4.
La recourante, qui succombe, prendra à sa charge les frais judiciaires (art. 66
al. 1 LTF). Comme la valeur litigieuse, calculée selon les prétentions à
l'ouverture de l'action (cf. ATF 115 II 30 consid. 5b p. 41), dépasse le seuil
de 30'000 fr., le montant de l'émolument judiciaire sera fixé selon le tarif
ordinaire (art. 65 al. 3 let. b LTF), et non réduit (art. 65 al. 4 let. c LTF).

Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimée, qui n'a pas déposé de
réponse.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.

2.
Le recours en matière civile est rejeté.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

4.
Il n'est pas alloué de dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel de la
juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 16 décembre 2008

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Corboz Godat Zimmermann