Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.317/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_317/2008/ech

Arrêt du 11 août 2008
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les juges Klett, juge présidant, Rottenberg Liatowitsch et Kolly.
Greffier: M. Thélin.

Parties
A.________,
B.________,
recourants, représentés par Me Laurence Casays,

contre

C.________,
D.________ SA,
intimés, représentés par Me Pierre-André Veuthey.

Objet
vente d'actions; mesures provisionnelles

recours contre le jugement rendu le 10 juin 2008 par le Tribunal cantonal du
canton du valais, autorité de cassation.

Faits:
-
A.________ et B.________ ont détenu chacun cinq cents actions nominatives liées
de la société X.________ SA (ci-après: X.________), à ..., soit la totalité du
capital-actions de dite société dont ils étaient les administrateurs inscrits
avec signature individuelle. Le 3 juin 2005, ils ont conclu, avec D.________ SA
(ci-après: D.________), à Martigny, un contrat portant sur la cession à
celle-ci de toutes les actions de X.________. L'acquéresse s'est engagée à
mettre à leur disposition un montant de 10 millions de francs afin de leur
permettre de rembourser les créanciers de X.________. Le solde actif, après
épuration des dettes de cette société, pourrait être conservé par les cédants à
titre de prix de vente des actions. Un décompte final devait être établi le 31
mars 2006. Jusque-là, la moitié des actions de X.________ serait bloquée chez
un notaire.
Le 3 juin 2005, jour de la signature du contrat précité, A.________ et
B.________ ont remis chacun à D.________, contre paiement d'un acompte de
500'000 fr., un certificat endossé représentant les actions de X.________. Le
dépôt de la moitié des titres auprès d'un notaire n'a pas été effectué.
Toujours à la même date, les cédants ont adressé chacun à D.________ une lettre
dans laquelle ils déclaraient démissionner le jour même de leur fonction
d'administrateurs de X.________.
Entre le 3 juin 2005 et le 28 février 2006, D.________ a versé aux cédants un
total de 8'290'000 fr., l'acompte précité inclus. A ce jour, le contrat du 3
juin 2005 ne semble pas avoir été entièrement exécuté: les cédants se plaignent
de n'avoir pas reçu l'intégralité des 10 millions de francs promis par
l'acquéresse; celle-ci leur reproche d'avoir utilisé les actifs circulants de
X.________ pour épurer les dettes de cette société au lieu d'y affecter les
sommes versées par elle.
-
Lors de l'assemblée générale ordinaire de X.________, tenue le 30 juin 2006,
A.________ et B.________ ont remis leur démission du conseil d'administration.
Il leur a été demandé d'assumer la gestion intérimaire de la société jusqu'à la
désignation de nouveaux organes et l'établissement d'un décompte final de
transition.
Une assemblée ordinaire de X.________ s'est déroulée le 21 septembre 2007. Le
procès-verbal y afférent, dont le contenu est formellement contesté par
D.________, relate que les démissions des administrateurs A.________ et
B.________ ont été annulées du fait que D.________ n'a pas entièrement rempli
les obligations découlant du contrat du 3 juin 2005.
Le 29 novembre 2007, le président du conseil d'administration de D.________ a
convoqué une assemblée générale extraordinaire de X.________ pour le 4 décembre
2007, en vue, notamment, de procéder à la nomination de nouveaux
administrateurs. Le 3 décembre 2007, A.________ et B.________, par l'entremise
de leur avocat, ont contesté la régularité de cette convocation; ils ont invité
le préposé au registre du commerce de ... à ne pas donner suite aux
réquisitions qui pourraient lui être présentées en exécution des décisions de
l'assemblée générale, au motif qu'ils jugeaient cette assemblée illégale et
qu'ils revendiquaient la compétence exclusive d'exercer les droits sociaux liés
aux actions vendues. Lors de ladite assemblée générale, C.________ a été nommé
administrateur unique de X.________, avec signature individuelle.
Le 18 décembre 2007, D.________ a requis le préposé d'inscrire C.________ en
qualité d'administrateur. Le préposé, se référant à l'art. 32 al. 2 de
l'ordonnance sur le registre du commerce (ORC; RS 221.411), a alors imparti à
A.________ et à B.________ un délai de quarante-cinq jours pour obtenir du juge
compétent une ordonnance provisionnelle qui lui ferait interdiction de procéder
à cette inscription.
-
Le 24 janvier 2008, A.________ et B.________ ont déposé une requête de mesures
provisionnelles dirigée contre C.________ et D.________. Cette requête visait à
faire interdiction au préposé de donner suite à la réquisition tendant à
l'inscription de C.________ en qualité d'administrateur de X.________, jusqu'à
droit connu sur l'action en contestation des décisions prises lors de
l'assemblée générale de X.________ du 4 décembre 2007 que les requérants
s'apprêtaient à ouvrir. Cette action au fond a été introduite par eux le 1er
février 2008.
Admise à titre préprovisionnel le 29 janvier 2008, ladite requête a été rejetée
en date du 11 février 2008 par le Juge I du district de ..., lequel a levé la
mesure préprovisionnelle. Le juge de district a considéré, en substance, que le
transfert des actions de X.________, en exécution du contrat du 3 juin 2005,
avait été régulièrement opéré, de sorte que D.________, devenue la seule
actionnaire de X.________, avait valablement convoqué l'assemblée générale du 4
décembre 2007 au cours de laquelle C.________ avait été désigné en qualité
d'administrateur unique de cette société.
-
A.________ et B.________ ont déposé, le 22 février 2008, un pourvoi en nullité
au Tribunal cantonal du canton du Valais en vue d'obtenir l'annulation de la
décision du 11 février 2008 et d'obtenir la mesure provisionnelle formant
l'objet de leur requête du 24 janvier 2008. Ils ont également requis l'octroi
de l'effet suspensif et, partant, le prononcé de la même mesure provisionnelle
jusqu'à droit connu sur le pourvoi.
-
Par décision du 7 mars 2008, le Président de la Cour de cassation civile du
Tribunal cantonal valaisan a rejeté la requête d'effet suspensif.
Selon le magistrat cantonal, le pourvoi en nullité n'avait pas d'effet
suspensif de plein droit dès lors que l'inscription d'un administrateur d'une
société anonyme au registre du commerce n'a qu'une portée déclarative. Un tel
effet ne pouvait lui être conféré, conformément à l'art. 231 al. 2 du Code de
procédure civile valaisan (CPC), qu'à la double condition que le pourvoi eût,
prima facie, des chances de succès et que ses auteurs fussent exposés à un
dommage sérieux en cas d'exécution immédiate de la décision attaquée. Le juge
cantonal a soulevé la question de savoir si les auteurs du pourvoi avaient un
réel intérêt juridique à l'admission de leur requête de mesures
provisionnelles, du moment que l'inscription de C.________ au registre du
commerce, étant donné sa portée purement déclarative, n'aurait eu aucun effet,
à l'interne, sur le pouvoir ou l'absence de pouvoir du ou des prétendus
administrateurs de X.________. Il l'a cependant laissée ouverte, la mesure
requise devant être refusée de toute façon pour d'autres motifs. A cet égard,
rejetant l'affirmation des auteurs du pourvoi selon laquelle le refus
d'ordonner cette mesure impliquerait que la qualité d'actionnaires de
X.________ leur serait irrémédiablement déniée, le juge cantonal a souligné que
cette qualité-là ne dépendait pas de l'inscription de tel ou tel administrateur
au registre du commerce, mais de la réponse à apporter à des questions - la
validité et la bonne exécution du contrat du 3 juin 2005, d'une part, le
respect des modalités relatives à la cession des actions, d'autre part - qui
seraient examinées dans l'instance visant à faire constater la nullité, ou à
obtenir l'annulation des décisions de l'assemblée générale de X.________ du 4
décembre 2007. De ce fait, contrairement à ce que soutenaient les auteurs du
pourvoi, le rejet de leur requête ne les priverait pas de la légitimation
active dans la procédure au fond.
Le magistrat valaisan a ensuite réfuté leur argument selon lequel l'inscription
de C.________ en qualité d'administrateur unique de X.________ pourrait rendre
impossible la preuve de l'importance de leur créance envers D.________, parce
qu'ils n'auraient plus alors la maîtrise de la comptabilité de X.________. Il a
rappelé, à ce propos, que cette société, à l'instar de D.________, a le devoir
de tenir une comptabilité (art. 957 CO), ce qui permettra de chiffrer le
montant de ladite créance, au besoin par voie d'expertise. Le juge cantonal a
encore noté que les auteurs du pourvoi ne mettaient pas en doute la solvabilité
de D.________ et qu'ils ne prétendaient pas non plus que l'inscription de
C.________ au registre du commerce mettrait en péril les intérêts de X.________
ou ceux des actionnaires.
-
Le 13 mars 2008, A.________ et B.________ ont formé un recours en matière
civile contre cette décision, dont ils requéraient l'annulation. Le Tribunal
fédéral a déclaré ce recours irrecevable par arrêt du 11 avril 2008 (arrêt
4A_137/2008). Le refus de l'effet suspensif était une décision incidente qui
n'était en principe pas susceptible d'un recours séparé, sauf si elle pouvait
causer un préjudice irréparable selon l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Il eût
incombé aux recourants d'alléguer et d'établir la possibilité que ce refus leur
causât un préjudice irréparable, à moins que cette conséquence ne fît d'emblée
aucun doute (ATF 133 III 629 consid. 2.3.1). Cette hypothèse-ci n'était pas
réalisée; pour le surplus, la motivation du recours était insuffisante: ses
auteurs ne tentaient pas de « rendre à tout le moins vraisemblable que, si les
juges valaisans venaient à admettre leur pourvoi en nullité et, partant, à
ordonner au préposé de ne pas inscrire C.________ au registre du commerce en
qualité d'administrateur unique de X.________, cette décision, qui leur serait
favorable, n'en ferait pas disparaître entièrement pour autant l'inconvénient
de nature juridique attaché [au refus de l'effet suspensif] ». Faute d'avoir
démontré que la décision entreprise pourrait leur causer un préjudice
irréparable, les recourants avaient saisi le Tribunal fédéral d'un recours
irrecevable (consid. 2.2).
-
Le Tribunal cantonal a connu du pourvoi en nullité par un juge unique,
conformément à l'art. 227bis CPC; il l'a rejeté par jugement du 10 juin 2008.
Agissant derechef par la voie du recours en matière civile, A.________ et
B.________ requièrent le Tribunal fédéral, à titre principal, de réformer ce
dernier prononcé en ce sens que les mesures provisionnelles demandées le 24
janvier 2008, devant le Juge de district de ..., soient ordonnées. Des
conclusions subsidiaires tendent à l'annulation du jugement et au renvoi de la
cause au Tribunal cantonal pour nouvelle décision.
C.________ et D.________ concluent au rejet du recours.

Considérant en droit:
-
D'après les art. 90, 92 et 93 al. 1 LTF, le recours au Tribunal fédéral est
recevable contre les décisions finales, soit celles qui mettent fin à la
procédure (art. 90); il est recevable contre des décisions préjudicielles ou
incidentes concernant la compétence et les demandes de récusation (art. 92),
ainsi que contre d'autres décisions préjudicielles ou incidentes, notifiées
séparément de la décision finale, à condition que ces décisions puissent causer
un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a) ou, autre hypothèse, que
l'admission du recours puisse conduire immédiatement à une décision finale
permettant d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1
let. b).
Selon la jurisprudence, les décisions relatives à des mesures provisionnelles
ne sont finales, aux termes de l'art. 90 LTF, que si elles sont prises au terme
d'une procédure indépendante. Si, en revanche, elles interviennent au cours
d'une procédure principale pour avoir effet seulement jusqu'à l'issue de
celle-ci, il s'agit de décisions incidentes; il en est de même lorsqu'elles
interviennent déjà avant le commencement de la procédure principale, sous
condition résolutoire que celle-ci soit effectivement introduite dans un
certain délai. En règle générale, il est admis que les décisions incidentes de
ce genre peuvent causer un préjudice irréparable et que le recours au Tribunal
fédéral est donc ouvert selon l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 134 I 83 consid.
3.1 p. 86/87).
Dans la présente affaire, toutefois, la condition relative au risque d'un
préjudice irréparable n'est pas satisfaite. En effet, ce qui a été retenu par
la cour de céans dans son arrêt du 11 avril 2008, au sujet du refus d'accorder
l'effet suspensif dans la procédure du pourvoi en nullité devant le Tribunal
cantonal, peut être transposé sans changement à la décision du Juge de district
rejetant la demande de mesures provisionnelles présentée par les recourants, et
aussi à la décision présentement attaquée rejetant le pourvoi en nullité.
Contrairement aux affirmations présentées dans le recours, le refus des mesures
provisionnelles, même définitif sur le plan cantonal, n'est pas une décision
finale car ces mesures ne devaient avoir effet que pour la durée de l'action en
contestation des décisions de l'assemblée générale. On ne discerne pas d'emblée
en quoi l'inscription de C.________ au registre du commerce, en qualité
d'administrateur de la société, peut menacer les recourants d'un préjudice qui
se prolongerait au delà du succès de cette action, et ceux-ci ne l'indiquent
pas. Le recours en matière civile est donc irrecevable au regard de l'art. 93
al. 1 let. a LTF.
-
A cela s'ajoute que selon l'art. 98 LTF, le recours dirigé contre une décision
portant sur des mesures provisionnelles ne peut être formé que pour violation
des droits constitutionnels. Les recourants tiennent la décision du Tribunal
cantonal pour arbitraire et ils invoquent l'art. 9 Cst. Or, d'après la
jurisprudence relative à l'art. 106 al. 2 LTF concernant la motivation du
recours pour violation de droits constitutionnels, celui qui se plaint
d'arbitraire doit indiquer de façon précise en quoi la décision qu'il attaque
est entachée d'un vice grave et indiscutable; à défaut, le grief est
irrecevable (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 254; 133 II 396 consid. 3.2 p.
400). Le Tribunal cantonal ayant lui-même statué avec un pouvoir d'examen
limité à l'arbitraire (consid. 3.1 de la décision attaquée), les recourants
peuvent diriger leurs arguments contre la solution retenue par le premier juge
(cf. ATF 111 Ia 353 consid. 1b p. 355; 116 III 70 consid. 2b p. 71/72).
Les recourants discutent longuement de nombreux éléments de l'affaire, en
particulier la convention du 3 juin 2005 et l'interprétation que celle-ci doit,
à leur avis, recevoir, et le comportement ultérieur des parties jusqu'à
l'assemblée générale dont la validité est contestée. Tout cela tend à
substituer leur propre opinion, quant à la justification des mesures
provisionnelles litigieuses, à celle du Juge de district. A la lecture de cet
exposé, on ne trouve pas sur quel point il est reproché à ce magistrat d'avoir
commis une erreur indéniable ou d'avoir fait une appréciation absolument
insoutenable. Le recours est donc irrecevable aussi au regard de l'art. 106 al.
2 LTF, faute d'une motivation suffisante.
-
A titre de partie qui succombe, les recourants doivent acquitter l'émolument à
percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels les intimés peuvent
prétendre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

-
Le recours est irrecevable.
-
Les recourants acquitteront un émolument judiciaire de 5'000 francs.
-
Les recourants verseront, solidairement entre eux et à titre de dépens, une
indemnité de 6'000 fr. aux intimés, créanciers solidaires.
-
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
du valais.
Lausanne, le 11 août 2008
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La juge présidant: Le greffier:

Klett Thélin