Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.310/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_310/2008/ech

Arrêt du 25 septembre 2008
Ire Cour de droit civil

Composition
M. et Mmes les Juges Corboz, Président, Klett et Kiss.
Greffière: Mme Crittin.

Parties
X.________ SA,
recourante, représentée par Me Wana Catto,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Bruno Mégevand.

Objet
contrat de travail,

recours contre l'arrêt de la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du
canton de Genève du 20 mai 2008.

Faits:

A.
A.a Le 10 septembre 1999, Y.________, A.________ et B.________ ont fondé la
société X.________ SA. Cette société a pour but social le développement et la
commercialisation de logiciels d'aide à l'analyse financière.

En 2001 et 2002, face à d'importants problèmes de liquidités, X.________ SA a
dû faire appel à de nouveaux investisseurs. Y.________, qui ne détenait plus
que 14,8% du capital-actions contre 56,99% lors de la création de la société, a
conservé sa place au conseil d'administration.

Le 6 mai 2002, les nouveaux investisseurs, X.________ SA et Y.________ ont
concrétisé leur accord dans un document intitulé « Term Sheet », lequel
prévoyait à son article 5 un contrat de travail entre X.________ SA et
Y.________, libellé en anglais. Cet article réglait les conditions salariales,
ainsi que les modalités de licenciement.

Le 30 septembre 2003, l'employeur a résilié le contrat de travail de Y.________
avec effet au 31 décembre 2003, avec pour motif le manque de performances de
l'employé, qui n'avait pas conclu de contrat de vente, contrairement à ce qui
avait été fixé par courrier du 29 juillet 2003.
A.b Le 21 mai 2004, les parties ont conclu un nouveau contrat. Au terme de ce
contrat, Y.________ s'engageait, en qualité d'agent de vente et de marketing
indépendant, à conclure des contrats de vente pour X.________ SA.

Le 27 juillet 2005, le contrat a été résilié avec effet au 30 septembre 2005 au
motif que Y.________ n'était pas parvenu aux objectifs de vente convenus entre
les parties.

B.
Le 12 décembre 2006, Y.________ a saisi le Tribunal des prud'hommes d'une
demande en paiement à l'encontre de X.________ SA. En dernier lieu, il
réclamait le paiement de 171'250 fr., avec intérêts à 5% dès le 15 juin 2003, à
titre de salaire, de 117'000 fr., avec intérêts à 5% dès le 31 décembre 2003, à
titre d'indemnité de licenciement, de 26'000 fr., avec intérêts à 5% dès le 31
décembre 2002, à titre d'indemnité pour vacances non prises, de 4'078 fr.82,
avec intérêts à 5% dès le 4 janvier 2004, à titre de remboursement de frais
professionnels, et de 120'000 fr. à titre de bonus.

Par jugement du 11 septembre 2007, le Tribunal des prud'hommes a condamné la
défenderesse à payer au demandeur la somme brute de 156'000 fr., avec intérêts
à 5% l'an dès le 1er juillet 2003, à titre de salaires des mois de janvier à
décembre 2003, y compris le treizième salaire 2003, la somme nette de 108'000
fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 1er janvier 2004, à titre d'indemnité de
licenciement, la somme brute de 1'951 fr.50, avec intérêts à 5% l'an dès le 1er
janvier 2004, à titre d'indemnité pour les vacances non prises, et la somme
nette de 4'078 fr.82, avec intérêts à 5% l'an dès le 4 janvier 2004, à titre de
remboursement des frais professionnels. Les parties ont été déboutées de toute
autre ou contraire conclusion.

Statuant par arrêt du 20 mai 2008, sur appel de la défenderesse et appel
incident du demandeur, la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes a
annulé le jugement attaqué en tant qu'il condamne la défenderesse à payer au
demandeur la somme nette de 108'000 francs. Se prononçant à nouveau sur ce
point, la cour cantonale a condamné la défenderesse à payer au demandeur la
somme nette de 117'000 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 1er janvier 2004.
Pour le surplus, le jugement entrepris a été confirmé. Les motifs du jugement
seront exposés ci-après, dans la mesure utile à l'examen des griefs soulevés.

C.
C.a La défenderesse exerce un recours en matière civile. Elle invite le
Tribunal fédéral à annuler l'arrêt attaqué, en tant qu'il la condamne à payer
la somme nette de 117'000 fr., à débouter le demandeur de toutes ses
conclusions, en tant qu'elles concernent le paiement de la somme en question,
et à confirmer l'arrêt entrepris pour le surplus.
C.b Par ordonnance présidentielle du 16 juillet 2008, la demande d'effet
suspensif a été rejetée.

Considérant en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie qui a partiellement succombé dans ses conclusions
(art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu en
matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière
instance (art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse
atteint le seuil de 15'000 francs (art. 74 al. 1 let. a LTF), le recours en
matière civile est en principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai
(art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

1.2 Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit,
tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique
le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les
arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4).
Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF,
sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral
n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter,
comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions
juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui
(ATF 134 III 102 consid. 1.1).

1.3 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en
violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Aucun fait
nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la
décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).

2.
Dans le présent recours, seule la question de l'indemnité de licenciement
prévue à l'art. 5 du « Term Sheet » demeure litigieuse.

Selon cet article, rédigé en anglais, l'employé avait droit à une indemnité de
licenciement équivalente à neuf mois de salaire, à payer mensuellement. Cette
clause tombait toutefois si la résiliation intervenait pour « due cause ».

3.
La recourante dénonce une violation des art. 1 et 18 CO. Elle soutient que les
termes « due cause » signifient « causes justifiées » et non pas « justes
motifs » au sens de l'art. 337 CO, comme jugé par l'autorité cantonale.

3.1 Pour interpréter un contrat, le juge doit commencer par rechercher la
réelle et commune intention des parties, le cas échéant sur la base d'indices
(cf. art. 18 al. 1 CO). Les circonstances survenues postérieurement à la
conclusion du contrat, notamment le comportement des parties, constituent un
indice de la volonté réelle des cocontractants (ATF 118 II 365 consid. 1; 112
II 337 consid. 4a et l'arrêt cité). Cette interprétation dite subjective relève
des constatations de fait, qui lient en principe le Tribunal fédéral
conformément à l'art. 105 LTF (ATF 133 III 675 consid. 3.3; 131 III 606 consid.
4.1). Lorsque la volonté intime et concordante des parties ne peut pas être
établie, le juge doit rechercher leur volonté présumée en interprétant leurs
déclarations de volonté selon le principe de la confiance; cette interprétation
dite objective consiste à rechercher le sens que chacune des parties pouvait et
devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre, en tenant
compte des termes utilisés ainsi que du contexte et de l'ensemble des
circonstances dans lesquelles elles ont été émises; il s'agit de
l'interprétation dite objective (ATF 133 III 675 précité; 132 III 268 consid.
2.3.2, 626 consid. 3.1). L'application du principe de la confiance est une
question de droit que le Tribunal fédéral examine librement (art. 106 al. 1
LTF). Pour ce faire, il doit cependant se fonder sur le contenu de la
manifestation de volonté et sur les circonstances, lesquelles relèvent du fait
(ATF 133 III 675 précité; 131 III 586 consid. 4.2.3.1; 130 III 417 consid. 3.2;
129 III 118 consid. 2.5).

3.2 La cour cantonale s'est déclarée convaincue du fait que la réelle et
commune intention des parties était de protéger l'intimé et de lui garantir une
indemnité de départ de neuf mois de salaire, dont le paiement ne pourrait être
refusé qu'en cas de licenciement pour justes motifs. Pour arriver à cette
constatation de fait, l'autorité cantonale a pris appui sur les circonstances
qui ont entouré la conclusion du « Term Sheet ». Elle a ainsi relevé que
l'intimé est l'un des trois fondateurs de la recourante, qu'en raison de la
recapitalisation en 2001 et 2002 de la société, l'intimé a perdu sa position
d'actionnaire majoritaire, que les nouveaux investisseurs ont toutefois
souhaité conserver l'intimé comme administrateur et directeur, dès lors que ses
compétences en tant que concepteur étaient reconnues, qu'après le licenciement
de l'intimé, les administrateurs l'ont réengagé, car ils se sentaient
redevables envers lui. Les juges se sont aussi référés aux dépositions du
témoin C.________, selon lequel les parties voulaient mettre une clause de
protection pour que l'intimé ne se fasse pas licencier sans raison une fois que
l'entreprise serait recapitalisée. L'indemnité de licenciement devait ainsi
être considérée comme une protection envers l'intimé.

La cour cantonale a ajouté qu'en application du principe de la confiance, la
clause litigieuse devrait être interprétée dans le même sens, compte tenu des
circonstances dans lesquelles elle a été rédigée. La juridiction inférieure a
encore précisé que cette appréciation ne pouvait être remise en cause par le
fait que l'intimé n'ait pas réclamé immédiatement après son licenciement
l'indemnité litigieuse.

3.3 Tout en dénonçant une violation du principe de la confiance, la recourante
rediscute en partie les circonstances sur lesquelles la cour cantonale a pris
appui pour aboutir à la constatation que les parties avaient pour réelle et
commune intention de protéger l'intimé et de lui garantir une indemnité de
départ de neuf mois de salaire. Ainsi, elle prétend que la cour cantonale a
omis de prendre en compte la situation catastrophique dans laquelle se trouvait
la société lors de la conclusion du contrat de travail. Compte tenu de cette
situation, l'intimé devait nécessairement se rendre compte que l'indemnité de
neuf mois de salaire ne lui serait versée qu'à des conditions très strictes. La
déclaration du témoin C.________ venait par ailleurs confirmer que l'indemnité
de neuf mois de salaire ne devait être octroyée que dans le cas d'un
licenciement pour une raison non imputable à l'employé. La recourante évoque
aussi la traduction française du contrat de travail, qui traduit « due cause »
par « avec causes », le fait que l'intimé a contresigné pour accord la lettre
de résiliation, laquelle ne fait aucune mention de l'octroi d'une quelconque
indemnité, le contenu du courriel du 21 mai 2003, qui n'a jamais été contesté
et les trente et un mois écoulés entre la résiliation du contrat et la demande
d'octroi de l'indemnité litigieuse. La recourante soutient encore que
l'argumentation de la cour relative à la non-réclamation de l'indemnité par
l'intimé est douteuse.

Conformément à l'art. 105 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral ne peut s'écarter des
faits établis par l'autorité précédente que si ces faits ont été établis de
façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF.
Le Tribunal fédéral ne sanctionne par ailleurs la violation de droits
fondamentaux tels que la protection contre l'arbitraire que si ce moyen est
invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF).

En l'occurrence, la recourante ne soutient pas et encore moins ne démontre que
la constatation relative à la réelle et commune intention des parties est
arbitraire; elle ne prétend pas plus que cette constatation aurait été établie
en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). Elle
se borne en effet à remettre en cause la décision entreprise sous l'angle du
principe de la confiance, en critiquant de manière appellatoire les
circonstances de fait sur lesquelles l'autorité cantonale a pris appui, sans
faire de distinction entre les deux motivations développées, l'une constatant
en fait la réelle et commune intention des parties et l'autre, subsidiaire,
reposant sur le principe de la confiance.

Dans la mesure où la recourante échoue à critiquer valablement la première des
deux motivations convergentes, le grief tombe déjà à faux, sans qu'il ne soit
nécessaire de l'examiner plus avant.

4.
L'autorité cantonale a retenu que l'indemnité de licenciement de neuf mois
devait se calculer sur la base du salaire mensuel de 12'000 fr. dû à l'intimé
et du 9/12ème du treizième salaire, ce salaire faisant partie intégrante de la
rémunération de l'intimé. Il a ainsi été jugé que l'employeur devait à titre
d'indemnité de licenciement la somme nette de 117'000 fr. [(12'000 x 9) +
(12'000 fr. x 9/12)], avec intérêts à 5% l'an dès le 1er janvier 2004,
lendemain de la fin des rapports de travail.

La recourante dénonce une violation de l'art. 9 Cst. Elle reproche en substance
à la cour cantonale d'avoir admis, dans le paiement de l'indemnité, la part du
treizième salaire et de s'être contentée d'en faire le calcul, sans citer de
bases légales, d'arrêts de jurisprudence ou un quelconque article de doctrine à
l'appui de sa décision.

Les parties sont convenues du versement d'une indemnité de licenciement de neuf
mois de salaire. La recourante ne conteste pas que l'expression « nine months
compensation » de l'art. 5 par. 3 du « Term Sheet » permet de retenir une
indemnité de licenciement de neuf mois de salaire annuel. Elle ne conteste pas
plus que l'intimé percevait un salaire annuel brut de 156'000 fr. ou un salaire
mensuel de 12'000 fr. versé treize fois l'an.

Comme le treizième salaire fait partie intégrante du salaire annuel, la cour
cantonale n'a pas violé l'art. 9 Cst. en l'ayant intégré dans le calcul de
l'indemnité de licenciement. Au demeurant, le montant de l'indemnité pouvait se
calculer sur la seule base du salaire annuel - sans référence au salaire
mensuel et au treizième salaire -, puisqu'il suffisait de diviser le salaire
annuel par douze (une année comprenant douze mois), puis de multiplier le
résultat par neuf ([156'000 fr.: 12] x 9 = 117'000 fr.). Enfin, quoi qu'en dise
la recourante, les juges genevois n'avaient pas à imputer les charges sociales
usuelles du montant final de l'indemnité de licenciement, dès lors que cette
indemnité, au même titre que celle prévue à l'art. 337c al. 3 CO, n'équivaut
pas à un salaire de remplacement; les magistrats n'avaient pas plus à fonder
leur calcul sur d'autres bases que celles contractuellement prévues.

La critique est dénuée de fondement.

5.
Par conséquent, le recours en matière civile est rejeté dans la mesure de sa
recevabilité.

6.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais judiciaires et dépens sont mis à la
charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours en matière civile est rejeté dans la mesure de sa recevabilité.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Une indemnité de 6'000 fr., à payer à l'intimé à titre de dépens, est mise à la
charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour
d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 25 septembre 2008

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Corboz Crittin