Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.301/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_301/2008/ech

Arrêt du 1er octobre 2008
Ire Cour de droit civil

Composition
MM. et Mme les Juges Corboz, président, Kolly et Kiss.
Greffière: Mme Cornaz.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Nicolas Gagnebin,

contre

Y.________ SA,
intimée, représentée par Me François Bellanger.

Objet
contrat de surveillance; honoraires,

recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de
Genève du 16 mai 2008.

Faits:

A.
Y.________ SA est une société anonyme ayant pour but les investigations et les
enquêtes dans différents domaines, notamment commerciaux et financiers. Son
directeur A.________ est inscrit au tableau des agents de renseignements
commerciaux prévu à l'art. 1 al. 2 de la loi genevoise sur les agents
intermédiaires du 20 mai 1950 (LAInt/GE; RSG I 2 12).

Le 18 mai 2001, X.________ a approché Y.________ SA en vue d'effectuer
plusieurs missions de recherche d'informations et de surveillance dans le cadre
d'un litige l'opposant à un ancien associé. Deux missions ont été effectuées
sous les noms de code "V.________" et "W.________". Y.________ SA s'est en
outre employée à trouver un acheteur pour des actions que X.________ détenait
ainsi qu'à négocier une issue au litige divisant X.________ de son ancien
associé.

Le 10 septembre 2001, Y.________ SA a adressé à X.________ une première note
d'honoraires no 10'901, d'un montant de 86'080 fr. Le 1er octobre 2001,
celle-là a adressé à celui-ci une seconde note d'honoraires no 11'001 d'un
montant de 129'120 fr. pour l'ensemble des activités déployées jusqu'au 30
septembre 2001, à l'exclusion des activités de surveillance, facturées
séparément. Cette seconde note comportait quatre postes: recherches sur
différentes personnes et sociétés, 10'000 fr.; consultation de bases de
données, 1'500 fr.; débours, 2'500 fr.; honoraires pour le temps consacré par
A.________ et ses collaborateurs à l'étude du dossier, aux entretiens avec les
avocats de X.________, aux travaux de coordination et d'organisation de sa
défense et à l'assistance logistique et technique dans le cadre de l'opération
"W.________", 116'000 fr. (deux cent dix-huit heures à 350 fr., cent
quarante-huit heures à 250 fr. et vingt-sept heures à 100 fr.). Le montant
total des quatre postes était réduit d'un rabais de 10'000 fr. et augmenté de
la TVA à concurrence de 9'120 fr., ce qui donnait le montant final de 129'120
francs.

Le 28 février 2002, Y.________ SA a mis X.________ en demeure de lui verser le
solde impayé des factures, soit 95'000 fr. Le 7 mai 2002, elle lui a fait
notifier un commandement de payer auquel le poursuivi a formé opposition.

B.
Le 1er avril 2003, Y.________ SA a déposé devant le Tribunal de première
instance du canton de Genève une demande tendant au paiement par X.________ de
95'000 fr. avec intérêt.

Par jugement du 6 mai 2004, le tribunal, se référant à la jurisprudence
cantonale en matière de taxation des honoraires d'avocat, a invité la partie la
plus diligente à saisir la Commission de taxation des honoraires prévue à
l'art. 15 du règlement genevois d'exécution de la loi sur les agents
intermédiaires du 31 octobre 1950 (RAInt/GE; RSG I 2 12.01). Statuant sur appel
de Y.________ SA par arrêt du 12 novembre 2004, la Cour de justice du canton de
Genève a confirmé cette décision.

Saisie par Y.________ SA, la Commission de taxation des agents intermédiaires a
rendu sa décision le 24 novembre 2006. Elle a confirmé la note d'honoraires no
10'901 d'un montant de 86'080 fr. et écarté de la note d'honoraires no 11'001
les trois postes de 10'000 fr., 1'500 fr. et 2'500 fr. Elle s'est enfin
déclarée incompétente pour taxer le poste de 116'000 fr. de la note
d'honoraires no 11'001, au motif qu'il ne correspondait absolument pas aux
activités classiques d'un agent de renseignements commerciaux ou d'un détective
privé.

Par la suite, les parties ont modifié leurs conclusions dans la procédure
devant le Tribunal de première instance. Y.________ SA a conclu à ce que
X.________ soit condamné à lui payer 81'095 fr. plus intérêt et celui-ci a
reconnu devoir 12'150 francs.

Par jugement du 11 octobre 2007, le Tribunal de première instance a condamné
X.________ à payer à Y.________ SA 81'095 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le
1er mars 2002.

Statuant le 16 mai 2008 sur appel de X.________, la Chambre civile de la Cour
de justice a confirmé le jugement du 11 octobre 2007.

C.
X.________ (le recourant) interjette un recours en matière civile et un recours
constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral. Il conclut en particulier à
l'annulation de l'arrêt du 16 mai 2008 et au renvoi de la cause à la Cour de
justice afin qu'elle-même renvoie l'instruction de la cause en mains de la
Commission genevoise de taxation des honoraires des agents intermédiaires aux
fins de taxation, avec suite de frais et dépens.
Alp Service SA (l'intimée) propose le rejet du recours en matière civile et
l'irrecevabilité, subsidiairement le rejet, du recours constitutionnel
subsidiaire, sous suite de dépens.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 134 III 235 consid. 1).

1.1 L'objet du présent litige est la rémunération due au mandataire; la
question relève du droit civil (cf. art. 394 al. 3 CO) et donc du recours en
matière civile (art. 72 al. 1 LTF). La valeur litigieuse, déterminée par le
montant encore litigieux devant la dernière instance cantonale (art. 51 al. 1
let. a LTF), est en l'espèce de (81'095 fr. - 12'150 fr. =) 68'945 fr., montant
supérieur au seuil de 30'000 fr. ouvrant la voie du recours en matière civile
(art. 74 al. 1 let. b LTF). Il s'ensuit l'irrecevabilité du recours
constitutionnel subsidiaire (art. 113 LTF).

1.2 Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions (art. 42 al. 1 LTF).
Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral peut en principe
statuer lui-même sur le fond (art. 107 al. 2 LTF), comme au demeurant aussi
lorsqu'il est saisi d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 117 LTF). Le
recourant ne peut dès lors pas se borner à demander l'annulation de la décision
attaquée, mais doit prendre des conclusions sur le fond du litige; des
conclusions tendant uniquement à l'annulation de la décision attaquée et au
renvoi de la cause à l'autorité cantonale ne suffisent pas et entraînent
l'irrecevabilité du recours. Il en va différemment uniquement lorsque le
Tribunal fédéral, en cas d'admission du recours, ne serait pas en situation de
statuer lui-même sur le fond et ne pourrait que renvoyer la cause à l'autorité
cantonale (ATF 133 III 489 consid. 3.1 p. 489 s.). Tel est le cas en l'espèce,
où le recourant conteste la compétence de la Cour de justice pour statuer.

1.3 Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit,
tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique
le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les
arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente. Toutefois, compte tenu de
l'exigence de motivation (art. 42 al. 1 et 2 LTF), sous peine d'irrecevabilité
(art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les
griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de
première instance, toutes les questions juridiques qui se posent lorsque
celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 134 III 102 consid. 1.1 p. 104
s.). En outre, il ne peut pas entrer en matière sur la violation d'un droit
constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou intercantonal
si le grief n'a pas été invoqué et motivé de manière précise par la partie
recourante (art. 106 al. 2 LTF). Pour ces griefs, les exigences en matière de
motivation correspondent à celles prévues à l'art. 90 al. 1 let. b OJ pour
l'ancien recours de droit public; le recourant doit discuter les attendus de la
décision attaquée et exposer de manière claire et circonstanciée en quoi
consiste la violation du droit constitutionnel (ATF 133 III 393 consid. 6).

Le recours en matière civile ne peut par contre pas être formé pour violation
du droit cantonal en tant que tel; en revanche, il est possible de faire valoir
que la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit
fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou
contraire à d'autres droits constitutionnels (ATF 133 III 462 consid. 2.3).

2.
En l'occurrence, le recourant soulève un seul grief. Il se plaint d'une
violation de l'interdiction constitutionnelle de l'arbitraire (art. 9 Cst.)
dans l'application de l'art. 15 RAInt/GE. En résumé, il soutient que la
Commission de taxation était compétente pour se prononcer sur le poste de
116'000 fr. et que la Cour de justice ne pouvait dès lors pas le faire
elle-même mais devait, nonobstant le fait que la Commission s'était déclarée
incompétente, lui retourner le dossier afin qu'elle statue.

2.1 Selon la jurisprudence, l'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une
autre solution que celle retenue par l'autorité cantonale pourrait entrer en
considération ou même serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la
décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, se
trouve en contradiction claire avec la situation de fait, viole gravement une
norme ou un principe juridique indiscuté, ou encore heurte de manière choquante
le sentiment de la justice et de l'équité. En outre, il ne suffit pas que la
motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision
apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 133 I 149 consid. 3.1).
En matière d'application du droit cantonal, arbitraire et violation de la loi
ne doivent pas être confondus; une violation de la loi doit être manifeste et
reconnaissable d'emblée pour être considérée comme arbitraire. Le Tribunal
fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que
l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit
uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Il n'y
a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution paraît également
concevable, voire même préférable (ATF 132 I 13 consid. 5.1 p. 18).

2.2 A teneur de l'art. 1 LAInt/GE, la loi est applicable aux "agents
intermédiaires" exerçant les professions d'agents en fonds de commerce ou
d'agents de renseignements (agents de renseignements commerciaux et détectives
privés). L'agent intermédiaire en fonds de commerce est celui qui fait
profession de s'entremettre dans la vente, l'achat, la cession, la remise ou la
reprise d'un fonds de commerce, quel que soit le genre de commerce exploité
(art. 7 LAInt/GE). L'agent de renseignements commerciaux est celui qui fait
profession de donner des renseignements d'ordre commercial sur un tiers ou une
affaire déterminée (art. 13 al. 1 LAInt/GE). Enfin, le détective privé est
celui qui fait profession de donner des renseignements sur un tiers (art. 13
al. 2 LAInt/GE).

Sous le titre "taxation", l'art. 15 RAInt/GE prévoit que tout différend quant
aux honoraires, provisions, commissions, déboursés ou émoluments réclamés par
un agent intermédiaire peut faire l'objet d'une demande de taxation adressée au
département (al. 1). Celui-ci transmet la demande à une commission de taxation
de trois membres, composée d'un juge au Tribunal de première instance, qui la
préside, d'un représentant du département et d'un représentant de la profession
entrant en considération (al. 2). La commission juge en dernier ressort après
avoir entendu les parties (al. 3 phr. 2).

2.3 Le droit genevois connaît une procédure similaire pour la taxation des
honoraires d'avocat; le Tribunal de première instance s'est d'ailleurs référé à
la jurisprudence rendue en cette matière dans sa décision du 6 mai 2004.

La Commission de taxation des honoraires d'avocat, prévue par la loi genevoise
sur la profession d'avocat du 26 avril 2002 (LPAv/GE; RSG E 6 10), statue en
cas de contestation relative au montant des honoraires et des débours d'un
avocat en matière judiciaire ou extrajudiciaire (art. 36 al. 1 LPAv/GE). Elle
se borne à fixer le montant des honoraires et débours. Les questions relatives
à l'existence et au montant de la créance, notamment celles qui ont trait à
l'exécution du mandat ou au règlement des comptes entre les parties, sont du
ressort du juge ordinaire (art. 39 al. 1 LPAv/GE). Sa décision ne constitue par
un titre exécutoire, mais elle lie le juge civil (cf. arrêt P.23/1981 du 11
novembre 1981, reproduit in SJ 1982 p. 452, consid. 4b p. 452). La décision de
la commission de taxation ne peut être frappée de recours (art. 38 al. 2 LPAv).

Il a été jugé que la décision de la Commission de taxation des honoraires
d'avocat était ainsi rendue en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF)
et qu'elle terminait la procédure pour ce qui concernait la fixation du nombre
d'heures de travail et du tarif horaire. La jurisprudence l'a considérée comme
décision finale susceptible de recours (art. 90 LTF) nonobstant la possibilité
des parties d'en appeler au juge civil pour fixer le montant finalement dû par
le mandant à l'avocat (cf. arrêt 4A_212/2008 du 15 juillet 2008, consid. 1.1).

2.4 Dans la présente cause, la décision attaquée est l'arrêt de la Cour de
justice rendu sur appel contre le jugement du Tribunal de première instance,
arrêt dans lequel cette autorité-ci s'est prononcée sur le poste de 116'000 fr.
La question litigieuse est celle de savoir si elle était compétente pour le
faire, plus précisément si elle a appliqué de manière arbitraire le droit
cantonal en admettant qu'elle avait cette compétence et en statuant en
conséquence.

Le recourant soutient que ce faisant, la Cour de justice a appliqué
arbitrairement l'art. 15 RAInt/GE, et il tente de démontrer que la Commission
de taxation était en réalité compétente pour taxer le poste de 116'000 fr. La
question n'est toutefois pas tellement de savoir si la Commission de taxation a
eu tort ou raison, mais si le Tribunal de première instance puis la Cour de
justice pouvaient se prononcer sur ce poste dès lors que la Commission s'était
déclarée incompétente pour le faire.

Hormis l'art. 15 RAInt/GE, le recourant ne cite aucune autre disposition qui
ferait interdiction aux tribunaux civils genevois de connaître de la question
des honoraires des mandataires inscrits au tableau des agents intermédiaires.
Il ne cite en particulier aucune disposition de la LAInt/GE qui limiterait la
compétence générale des tribunaux civils découlant de l'art. 22 de la loi
genevoise sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ/GE; RSG E 2
05); on n'en trouve d'ailleurs pas.

L'art. 15 RAInt/GE ne prévoit pas explicitement une telle limitation; il n'en
dit mot. Cette disposition prévoit par contre que la Commission juge en dernier
ressort (al. 3 phr. 2), donc que sa décision ne peut pas faire l'objet d'un
recours cantonal; cette réglementation correspond à celle applicable aux
décisions de la Commission de taxation des honoraires d'avocat, qui prévoit que
le juge civil est lié par la décision de la Commission. Or, il n'y a rien
d'insoutenable, bien au contraire, à considérer que le juge civil, lié par les
décisions de la Commission de taxation en matière d'agents intermédiaires,
l'est aussi par celle par laquelle elle se déclare incompétente. Permettre au
juge civil de ne pas accepter une telle décision d'incompétence et d'obliger la
Commission à entrer en matière reviendrait à lui reconnaître la compétence
d'examiner et de refuser la décision de la Commission alors que l'art. 15 RAInt
/GE prévoit qu'elle statue en dernier ressort. Le grief d'application
arbitraire de l'art. 15 RAInt/GE par la Cour de justice est ainsi infondé.

Au demeurant, on peut relever, bien que cela ne soit pas déterminant en
l'espèce, que la Commission de taxation n'est pas tombée dans l'arbitraire en
se déclarant incompétente. Il n'est en effet nullement insoutenable de limiter
l'application de la procédure de taxation aux activités typiques des agents
intermédiaires, telles qu'elles sont décrites aux art. 7 et 13 LAInt/GE, et de
l'exclure pour d'autres prestations fournies par une personne inscrite au
tableau des agents intermédiaires.

Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours en matière
civile.

3.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens sont mis à la charge du
recourant, qui succombe (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.

2.
Le recours en matière civile est rejeté.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'500 fr., sont mis à la charge du recourant.

4.
Une indemnité de 5'500 fr., à payer à l'intimée à titre de dépens, est mise à
la charge du recourant.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 1er octobre 2008

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Corboz Cornaz