Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.294/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_294/2008/ech

Arrêt du 28 octobre 2008
Ire Cour de droit civil

Composition
MM. et Mme les Juges Corboz, président, Rottenberg Liatowitsch et Kolly.
Greffier: M. Carruzzo.

Parties
X.________,
recourante, représentée par Me Laurent Panchaud,

contre

Y.________,
intimée, représentée par Me Herbert Winter.

Objet
arbitrage international; droit d'être entendu; égalité de traitement; ordre
public,

recours en matière civile contre la sentence finale rendue le 13 mai 2008 par
un arbitre unique désigné par la Chambre de commerce, d'industrie et des
services de Genève (CCIG).

Faits:

A.
La société de droit V.________ X.________ et la société Y.________ sont toutes
deux spécialisées dans le commerce de produits pétrochimiques.

Par contrat du 8 mai 2007, X.________ s'est engagée à vendre à Y.________ 1'000
tonnes métriques de styrène monomer, un produit pétrochimique d'origine russe,
au prix de 1'255 US$ l'unité. La marchandise devait être livrée dans un port
russe pour y être chargée, entre les 28 et 30 mai 2007, sur un navire affrété
par Y.________. Le contrat, soumis au droit suisse, prévoyait que tous les
différends y relatifs seraient tranchés par voie d'arbitrage sous l'égide de la
Chambre de commerce, d'industrie et des services de Genève (CCIG). Le siège de
l'arbitrage a été fixé dans cette ville.

Le navire affrété par Y.________ n'a pas pu respecter la période de chargement
stipulée dans le contrat. Y.________ en a immédiatement informé X.________ en
sollicitant une prolongation de cette période jusqu'au 2 juin 2007. Le 31 mai
2007, X.________ lui a fait savoir qu'elle considérait le contrat de vente
comme résolu et qu'elle avait vendu la marchandise à un tiers. Sur quoi,
Y.________ s'est adressée à un autre fournisseur qui lui a vendu du styrène
monomer au prix de 1'487 US$ la tonne métrique.

Le 29 juin 2007, Y.________ a obtenu des tribunaux de Genève et d'Amsterdam
(Pays-Bas) le séquestre d'avoirs appartenant à X.________. Le séquestre
néerlandais a été retiré, après que la société V.________ eut fourni une
garantie bancaire.

B.
Le 24 juillet 2007, Y.________ a adressé une requête d'arbitrage à la CCIG en
demandant, dans le dernier état de ses conclusions, que X.________ soit
condamnée à lui payer, intérêts en sus, les montants de 349'207,50 US$, 101'840
fr. 65 et 603,19 euros ainsi que les débours et honoraires d'avocat en relation
avec la procédure arbitrale.

X.________ a conclu au rejet de la demande et, reconventionnellement, au
paiement, par Y.________, de la somme minimum de 367'438,53 US$, avec les
intérêts y afférents, et de divers autres montants de moindre importance.
La CCIG a informé les parties que l'arbitrage serait conduit en la forme
accélérée, en application de l'art. 42 par. 2 du Règlement Suisse d'Arbitrage
International (ci-après: le Règlement). Elle a nommé le Dr A.________ comme
arbitre unique en date du 9 novembre 2007.

Par sentence finale du 13 mai 2008, l'arbitre unique a admis les conclusions
pécuniaires prises par Y.________, rejeté la demande reconventionnelle et
condamné X.________ à rembourser à sa partie adverse les coûts de l'arbitrage,
arrêtés à 122'840 fr. 14, dont 104'190 fr. 70 d'honoraires d'avocat. Il a
considéré, en substance, que X.________ ne pouvait pas résoudre le contrat du
seul fait que le navire affrété par Y.________ pour prendre en charge la
marchandise vendue n'avait pas été en mesure de le faire dans le délai prévu à
cet effet. Aussi Y.________ était-elle en droit de se faire indemniser des
pertes directes consécutives à la résolution du contrat de vente, lesquelles ne
tombaient pas sous le coup de la clause de limitation de responsabilité
figurant dans ce contrat. En revanche, X.________, qui avait violé ses
engagements contractuels, ne pouvait pas réclamer des dommages-intérêts à
Y.________, l'existence du préjudice allégué par elle n'étant de surcroît pas
établie.

C.
Le 12 juin 2008, X.________ a formé un recours en matière civile. Elle y invite
le Tribunal fédéral à annuler la sentence attaquée et à renvoyer la cause à
l'arbitre unique pour qu'il statue à nouveau dans le sens des considérants de
l'arrêt fédéral.

L'intimée conclut principalement à l'irrecevabilité du recours et,
subsidiairement, au rejet de celui-ci. L'arbitre unique a formulé des
observations dans lesquelles il conteste les reproches que lui adresse la
recourante.
La requête d'effet suspensif présentée par la recourante a été rejetée par
ordonnance présidentielle du 7 juillet 2008.

Sur requête de l'intimée, la recourante a été invitée à déposer des sûretés
d'un montant de 12'000 fr. en garantie des dépens de sa partie adverse. Elle
s'est exécutée en temps utile.
Considérant en droit:

1.
D'après l'art. 54 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une
langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée.
Lorsque cette décision est rédigée dans une autre langue (ici l'anglais), le
Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant
l'arbitre unique, celles-ci ont opté pour l'anglais, tandis que, dans les
mémoires qu'elles ont adressés au Tribunal fédéral, elles ont employé le
français. Conformément à sa pratique, le Tribunal fédéral rendra, par
conséquent, son arrêt dans cette langue.

2.
2.1 Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile
est recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions
prévues par les art. 190 à 192 LDIP (art. 77 al. 1 LTF).

2.2 Le siège de l'arbitrage a été fixé à Genève. L'une des parties au moins (en
l'occurrence, la recourante) n'avait pas son domicile en Suisse au moment
déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont donc applicables
(art. 176 al. 1 LDIP).

2.3 La recourante est directement touchée par la sentence finale attaquée,
puisque celle-ci la contraint à payer divers montants à l'intimée et rejette
les prétentions pécuniaires qu'elle a fait valoir à titre reconventionnel. Elle
a ainsi un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette
sentence n'ait pas été rendue en violation des garanties découlant de l'art.
190 al. 2 LDIP, ce qui lui confère la qualité pour recourir (art. 76 al. 1
LTF).

Déposé dans les 30 jours suivant la notification de la sentence attaquée (art.
100 al. 1 LTF), le recours, qui satisfait aux exigences formelles posées par
l'art. 42 al. 1 LTF, est recevable.

2.4 Le recours ne peut être formé que pour l'un des motifs énumérés de manière
exhaustive à l'art. 190 al. 2 LDIP. Le Tribunal fédéral examine uniquement les
griefs qui ont été invoqués et motivés par le recourant (art. 77 al. 3 LTF).
Celui-ci doit donc formuler ses griefs conformément aux exigences strictes en
matière de motivation, posées par la jurisprudence relative à l'art. 90 al. 1
let. b OJ (cf. ATF 128 III 50 consid. 1c), qui demeurent valables sous l'empire
du nouveau droit de procédure fédéral.

3.
Dans un premier moyen, la recourante soutient que l'arbitre unique a violé son
droit d'être entendue, à maints égards, tant au cours de la procédure arbitrale
que dans sa sentence.

3.1 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par les art. 182 al. 3 et
190 al. 2 let. d LDIP, confère à chaque partie la faculté d'exposer tous ses
moyens de fait et de droit sur l'objet du litige et de rapporter les preuves
nécessaires, ainsi que le droit de participer aux audiences et de se faire
représenter ou assister devant les arbitres (ATF 133 III 139 consid. 6.1 et les
arrêts cités).
De jurisprudence constante, le droit d'être entendu en procédure
contradictoire, au sens des dispositions susmentionnées, n'exige pas qu'une
sentence arbitrale internationale soit motivée (ATF 134 III 186 consid. 6.1 et
les références). Il impose, toutefois, aux arbitres un devoir minimum
d'examiner et de traiter les problèmes pertinents (ATF 133 III 235 consid. 5.2
p. 248 et les arrêts cités).
3.2
3.2.1 S'agissant de la procédure probatoire, la recourante se plaint, en
premier lieu, de la violation de son droit d'être entendue en relation avec une
requête présentée le 19 mars 2008 par l'intimée. L'examen de ce grief nécessite
un bref rappel des circonstances ayant entouré le dépôt de ladite requête.
3.2.1.1 Le 15 février 2008, la recourante a déposé son mémoire de réponse et
demande reconventionnelle, ainsi qu'un bordereau de 41 pièces. A réception de
cette écriture, le conseil de l'intimée a téléphoné à l'arbitre unique pour
s'enquérir de la possibilité de produire une écriture supplémentaire. Il lui a
été indiqué qu'une telle requête devait être formulée par écrit.

Ensuite de quoi, par lettre du 19 mars 2008, l'intimée a demandé à l'arbitre
unique l'autorisation de déposer une nouvelle écriture et de présenter des
pièces supplémentaires concernant 15 allégations "inconnues, surprenantes et
imprévisibles" contenues dans l'écriture précitée de la recourante.

Le même jour, l'arbitre unique a invité la recourante à se prononcer sur la
requête de l'intimée jusqu'au 26 mars 2008.

Le 19 mars 2008 également, la recourante, s'opposant à la requête de l'intimée,
a demandé à l'arbitre unique de rejeter cette requête et d'inviter l'intimée à
déposer, dans un délai expirant le 31 du même mois, sa réponse à la demande
reconventionnelle.

Par ordonnance de procédure n° 2 du 20 mars 2008, l'arbitre unique, tenant
compte du caractère accéléré de la procédure, a imparti à l'intimée un délai,
expirant le 3 avril 2008, pour déposer une "réponse limitée" (limited reply)
contenant uniquement les déterminations de cette partie sur les nouvelles
allégations formulées par la recourante dans son mémoire de réponse du 15
février 2008, cette faculté lui étant accordée sans préjudice de son droit de
déposer, jusqu'au 31 mars 2008, une réponse complète à la demande
reconventionnelle contenue dans la même écriture. Il a également fixé à la
recourante un délai de deux semaines à compter de la réception de la réponse
limitée pour déposer une réplique limitée (limited rejoinder) aux points
traités dans ce mémoire, en précisant qu'il n'y aurait pas d'autre échange
d'écritures par la suite. Un calendrier provisoire révisé était annexé à cette
ordonnance.

Le 26 mars 2008, la recourante s'est adressée à la CCIG pour porter à sa
connaissance de prétendus manquements de l'arbitre unique dans la conduite de
la procédure, en particulier quant à l'échange supplémentaire d'écritures
accordé sur requête de l'intimée, et pour lui demander d'inviter l'arbitre à
les corriger, à titre d'avertissement au sens de l'art. 12 du Règlement. Eu
égard à cette requête, elle a en outre sollicité une suspension de la procédure
arbitrale. Par ordonnance de procédure n° 3 du 10 avril 2008, l'arbitre unique
a refusé de suspendre la procédure et confirmé sa précédente ordonnance.
Estimant ne pas être compétente pour intervenir dans la gestion de la procédure
arbitrale, la CCIG a rejeté la requête de la recourante par lettre du 14 avril
2008.

En date du 17 avril 2008, la recourante a déposé sa réplique limitée,
accompagnée de 7 pièces.

Par lettre du 29 avril 2008, l'arbitre unique a déclaré la procédure close.

3.2.1.2 La recourante soutient, tout d'abord, que le déroulement de la phase
procédurale ainsi résumée a porté atteinte à son droit d'être entendue. Selon
elle, l'arbitre unique aurait statué sur l'admissibilité de la requête de
l'intimée du 19 mars 2008 sans attendre l'expiration du délai au 26 mars 2008
qu'il lui avait fixé pour se déterminer au sujet de cette requête, la privant
ainsi de la possibilité qu'il lui avait accordée de présenter ses observations
sur cette écriture. Le moyen n'est pas fondé.

Il ressort de ses propres explications que la recourante a reçu, par fax du 19
mars 2008, à 17 h 03, une copie de la requête adressée le même jour par
l'intimée à l'arbitre unique; que, par fax du même jour, reçu à 17 h 29, elle a
pris connaissance de l'invitation, faite par l'arbitre unique, de se déterminer
sur ladite requête jusqu'au 26 mars 2008; que ce même 19 mars 2008, à 18 h 03,
elle a envoyé un fax de deux pages à l'arbitre unique dans lequel elle prenait
une série de conclusions précises et lui demandait notamment de rejeter la
requête en question, au motif que son mémoire de réponse du 15 février 2008 ne
contenait pas de faits nouveaux; qu'elle n'a, en revanche, pas manifesté
l'intention, dans ce fax, de compléter ses observations au sujet de la requête
incriminée avant le 26 mars 2008 (mémoire de recours, p. 18, allégués 105 à
107, et p. 24, ch. 1.1). Il appert de cette relation chronologique des actes
procéduraux effectués le 19 mars 2008 que la recourante s'est adressée à
l'arbitre unique après avoir reçu la requête de l'intimée et le fax de ce
dernier. Comme il le relève à la page 3 de ses observations à la CCIG du 9
avril 2008, l'arbitre unique pouvait raisonnablement partir de l'idée, en
lisant le fax de la recourante, que celle-ci n'entendait pas formuler
ultérieurement d'autres observations au sujet de cette requête.

Quoi qu'il en soit, on ne voit pas en quoi l'arbitre unique aurait violé le
droit d'être entendu de la recourante du moment qu'il a permis à cette partie
de présenter ses observations sur les points soulevés dans la réponse limitée
de l'intimée, faculté dont l'intéressée a fait usage en déposant sa réplique
limitée le 17 avril 2008.
3.2.1.3 Toujours sous l'angle du droit d'être entendu, la recourante déplore,
par ailleurs, l'absence de "réelle motivation" de la décision de l'arbitre
unique d'accueillir la requête de l'intimée du 19 mars 2008.

Le grief est dénué de fondement. En effet, l'arbitre unique, si tant est qu'il
ait eu l'obligation de motiver sa décision d'ordre procédural, y a satisfait en
indiquant brièvement, sous chiffre 6 de son ordonnance du 20 mars 2008, pour
quel motif il estimait devoir faire droit à la requête de l'intimée.
3.2.2 La recourante se plaint ensuite de la violation de son droit d'être
entendue du fait que l'arbitre unique a eu un contact téléphonique avec le
conseil de l'intimée, méconnaissant ainsi une ordonnance procédurale du 20
novembre 2007 dans laquelle il avait décidé que toute communication entre les
parties et l'arbitre se ferait par écrit.

Il ressort des explications fournies par l'arbitre unique sous chiffre 39 de sa
sentence et par l'intimée sous chiffres 60 et 61 de sa réponse au recours que
l'entretien téléphonique litigieux a eu pour seul objet la demande, faite à
l'arbitre unique par le conseil de l'intimée, de pouvoir se déterminer sur les
faits nouveaux avancés par la recourante dans son mémoire de réponse du 15
février 2008, demande que l'intéressé a été invité à formuler par écrit. Du
fait de son objet, pareil entretien téléphonique entre l'arbitre unique et
l'une des parties n'était pas susceptible de porter atteinte au droit d'être
entendu de l'autre partie. La même conclusion s'imposerait s'il fallait
admettre que cette communication orale violait une modalité procédurale arrêtée
par l'arbitre (cf. ATF 117 II 346 consid. 1b/aa et les références).
3.2.3 L'arbitre unique se voit encore reprocher d'avoir violé le droit d'être
entendu de la recourante dans sa sentence finale en ne respectant pas son
devoir d'examiner et de traiter tous les problèmes pertinents et en commettant
une inadvertance manifeste. A l'instar des griefs examinés plus haut, les
critiques censées étayer ces reproches tombent manifestement à faux.
3.2.3.1 La recourante fait valoir, en premier lieu, que l'arbitre unique n'a
pas interprété correctement le contrat, et singulièrement la notion de laycan,
en retenant qu'elle n'était pas en droit de résoudre le contrat bien que
l'intimée n'eût pas été en mesure de respecter le délai dans lequel la
marchandise achetée par elle devait être chargée sur un bateau affrété par ses
soins. Semblable argument ne consiste qu'en une critique purement appellatoire
de la solution juridique choisie par l'arbitre unique. Il est donc irrecevable.
Force est de constater, pour le surplus, que ce dernier explique, sur trois
pages de sa sentence (p. 17 à 20, ch. 6.3.1) pourquoi, selon lui, la recourante
n'était pas légitimée à résoudre le contrat de vente. Lui reprocher de n'avoir
pas traiter ce problème n'est, dès lors, pas sérieux.

La même remarque s'impose en ce qui concerne la clause de limitation de
responsabilité. Il appert de la sentence attaquée que l'arbitre unique, loin
d'ignorer l'existence de cette clause, a estimé qu'elle n'entrait pas en ligne
de compte en l'espèce, puisque les dommages invoqués par l'intimée revêtaient,
selon lui, un caractère direct alors que la clause d'exclusion ne concernait
que le dommage indirect.
3.2.3.2 Il y a violation du droit d'être entendu dans le cas spécifique où une
inadvertance manifeste conduit le tribunal arbitral à ne pas prendre en
considération des éléments que l'une des parties lui a pourtant soumis. En
effet, la partie concernée est alors lésée dans son droit d'obtenir que ses
arguments soient examinés par les arbitres; elle est placée dans la même
situation que si elle n'avait pas eu l'occasion de les leur présenter (ATF 121
III 331 consid. 3b; voir aussi ATF 127 III 576). Il incombe à cette partie de
démontrer, à l'appui de son recours dirigé contre la sentence, en quoi
l'inadvertance manifeste l'a empêchée de se faire entendre sur un point
important (ATF 127 III 576 consid. 2f p. 580).

En l'espèce, semblable démonstration est absente du mémoire de recours. La
recourante se contente, en effet, d'alléguer qu'à la suite d'une inadvertance
manifeste touchant l'existence ou non d'une réponse de sa part à une mise en
demeure de l'intimée de réparer le dommage subi, l'arbitre unique a jugé que
les séquestres pratiqués sur les avoirs de la recourante étaient nécessaires
(cf. sentence attaquée, p. 21, ch. 84 iv). Ce disant, elle affirme certes que
la prétendue inadvertance manifeste a conduit l'arbitre unique à constater de
manière insoutenable la nécessité d'opérer les séquestres litigieux. En
revanche, elle n'établit pas, ni même n'affirme, que cette prétendue
inadvertance l'a empêchée de faire valoir son point de vue quant à la
justification des séquestres contestés.

Le moyen apparaît ainsi voué à l'échec.

4.
La recourante estime, en outre, avoir été victime d'une inégalité de
traitement.

4.1 L'art. 182 al. 3 LDIP impose au tribunal arbitral le devoir de garantir
l'égalité des parties, quelle que soit la procédure choisie. En vertu du
principe d'égalité, le tribunal arbitral doit traiter les parties de manière
semblable à toutes les étapes de la procédure (ATF 133 III 139 consid. 6.1 p.
143 et les auteurs cités).
4.2
4.2.1 En rapport avec les faits relatés au considérant 3.2.1.1 du présent
arrêt, la recourante allègue une prétendue inégalité dans les délais accordés
aux parties. A l'en croire, l'intimée aurait bénéficié d'un délai de six
semaines pour préparer sa réponse limitée, alors qu'elle-même n'aurait disposé
que de deux semaines pour déposer sa réplique limitée. La recourante considère,
en effet, que l'intimée aurait pu commencer la rédaction de sa réponse limitée
dès la réception du mémoire de réponse du 15 février 2008, tandis que, pour la
préparation de sa réplique limitée, elle-même n'aurait disposé que du délai
courant du 3 au 17 avril 2008, conformément à l'ordonnance de procédure n° 2 du
20 mars 2008.

Le grief n'est pas fondé. Comme l'intimée le relève avec raison sous chiffre 87
de sa réponse au recours, si elle avait certes identifié les 15 points de fait
nouveaux contenus dans le mémoire de réponse de la recourante, elle attendait
bien évidemment que l'arbitre unique fît droit à sa requête de nouvel échange
d'écritures pour se mettre à la rédaction de la réponse limitée. Pour rédiger
cette écriture, elle avait donc disposé de deux semaines (du 20 mars 2008 [date
de la notification de l'ordonnance de procédure n° 2], au 3 avril 2008 [fin du
délai fixé dans ladite ordonnance pour déposer cette écriture], tout comme la
recourante pour produire sa réplique limitée.

Au demeurant, la recourante, qui dit avoir dénoncé la prétendue inégalité de
traitement à la CCIG, ne soutient pas qu'elle aurait invité en vain l'arbitre
unique à prolonger le délai qu'il lui avait fixé pour déposer sa réplique
limitée, ni, surtout, qu'elle a déposé cette écriture sans avoir eu le temps
nécessaire pour y formuler l'ensemble de ses arguments.
4.2.2 La recourante fait aussi valoir une inégalité de traitement tenant au
fait que l'arbitre unique a écarté les trois affidavits annexés à son mémoire
de réponse et demande reconventionnelle, mais seulement l'un des deux
affidavits produits par l'intimée à l'appui de sa demande. Elle a tort sur ce
point également. En effet, comme l'intimée le souligne à juste titre sous
chiffre 93 de sa réponse au recours, si l'un des deux affidavits de l'intimée
n'a pas été écarté du dossier, c'est parce qu'il s'agissait d'une pièce
antérieure à l'introduction de la procédure arbitrale, laquelle pièce ne
constituait donc pas un affidavit, i.e. la déclaration écrite d'un témoin faite
pour les besoins de la cause. Quant aux véritables affidavits produits par
chacune des parties, l'arbitre les a traités de la même manière de sorte que la
recourante ne peut rien lui reprocher à cet égard.

5.
Dans un dernier moyen, fondé sur la violation de l'ordre public, la recourante
fait grief à l'arbitre unique de l'avoir condamnée à verser à l'intimée des
honoraires d'avocat d'une ampleur telle que "le grotesque le dispute à
l'indécence".

Semblable assertion, outre son caractère désobligeant, ne saurait remplacer une
motivation digne de ce nom du grief formulé. La recourante ne précise pas si la
sentence attaquée viole, sur ce point, l'ordre public procédural ou l'ordre
public matériel. De plus, elle mélange, dans ses calculs, les frais d'avocats
en rapport avec les procédures de séquestre, qui constituent un élément des
dommages-intérêts alloués à l'intimée, avec les honoraires d'avocat afférents à
la procédure arbitrale, lesquels constituent les dépens relatifs à cette
procédure. Pour le reste, sa critique ne consiste qu'en des accusations
proférées gratuitement à l'adresse de l'arbitre unique.

Il en résulte l'irrecevabilité de cet ultime moyen.

6.
La recourante, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale
(art. 66 al. 1 LTF) et verser des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF);
ceux-ci seront prélevés sur les sûretés fournies à la Caisse du Tribunal
fédéral par la recourante.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 12'000 fr. à titre de
dépens; cette indemnité sera prélevée sur les sûretés fournies par la
recourante à la Caisse du Tribunal fédéral.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à l'arbitre
unique.

Lausanne, le 28 octobre 2008

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Corboz Carruzzo