Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.262/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_262/2008/ech

Arrêt du 23 septembre 2008
Ire Cour de droit civil

Composition
M. et Mmes les Juges Corboz, Président,
Rottenberg Liatowitsch et Kiss.
Greffier: M. Abrecht.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Mes Manuel Bianchi Della Porta et Mathieu Simona,

contre

Banque Y.________ SA,
intimée, représentée par Me Donatella Amaducci.

Objet
mandat; responsabilité de la banque,

recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de
Genève du 18 avril 2008.

Faits:

A.
A.a X.________, homme d'affaires expérimenté demeurant au Caire, a ouvert le 14
octobre 1975 un compte bancaire auprès de la Banque Y.________ SA (ci-après:
Y.________), à Genève, compte qu'il utilisait principalement en relation avec
son activité professionnelle.

Parmi les documents contractuels que X.________ a signés lors de l'ouverture de
la relation bancaire figurent les conditions générales de la Banque et une
lettre-formule relative au courrier gardé, soit une convention de banque
restante. Ces documents stipulent notamment que toute réclamation relative à
l'exécution ou l'inexécution d'un ordre quelconque doit être formulée par le
client au plus tard dans un délai d'un mois après notification de l'avis de
transaction ou de l'extrait de compte correspondant, faute de quoi l'opération
y relative est réputée acceptée. Ils stipulent en outre que tous les avis et
extraits de compte conservés en banque restante à la demande du client sont
réputés valablement notifiés à la date qu'ils portent.

En pratique, X.________ se rendait deux ou trois fois par année à Genève pour
retirer son courrier conservé en banque restante au sein de Y.________ et y
rencontrer le responsable de la relation bancaire, A.________. Celui-ci se
rendait aussi deux ou trois fois par année au Caire pour visiter son client et
discuter de l'état du compte.
A.b X.________ n'a confié aucun mandat de gestion à Y.________, qui ne pouvait
effectuer une opération déterminée pour le compte de son client que sur
instructions de ce dernier. Les opérations sur le compte étaient effectuées sur
instructions téléphoniques de X.________ et confirmées par une télécopie de la
Banque au client. En relation avec ce mode opératoire, Y.________ a demandé à
X.________, dans le courant de l'année 2002, de lui retourner signé le
formulaire « Télex-Télégramme-Téléphone or Facsimilé Instructions », par lequel
la Banque était notamment autorisée à exécuter, sans nécessité d'une
confirmation écrite et à sa décharge, les instructions téléphoniques de son
client. Ce document était exigé par les auditeurs de la Banque. X.________ l'a
retourné dûment signé le 27 juillet 2002.
A.c Dans le cadre de son activité commerciale, X.________ se procurait des
marchandises qu'il payait en dollars (USD) et revendait à des clients qui
réglaient en euros (EUR). Il était donc exposé à un risque de change, notamment
en cas de fluctuation de la parité dollar/euro. X.________ souhaitait
neutraliser ce risque et se prémunir contre une hausse du dollar par une
opération de couverture (hedging). À cette fin, il pouvait soit contracter un
emprunt en euros pour acheter immédiatement des dollars et rembourser
ultérieurement cet emprunt avec les euros attendus, soit vendre à terme les
euros attendus contre des dollars.
A.d Le 5 novembre 2002, X.________ a instruit par téléphone A.________, selon
une note téléphonique établie par la Banque, d'effectuer une opération de
hedging sous la forme d'un achat à terme de dollars contre des euros. La Banque
était ainsi instruite d'acheter USD 2'000'000.-, au cours du jour, pour le prix
de EUR 2'007'830.54 payables à l'échéance de l'achat à terme, fixée au 7
février 2003. Par télécopie du 5 novembre 2002, la Banque a confirmé à
X.________ l'exécution de cet ordre en ajoutant, sur la confirmation, la
mention « good luck », car A.________ considérait, au contraire de X.________,
que le dollar allait se déprécier par rapport à l'euro.
A.e Le 15 novembre 2002, X.________ a retiré sa correspondance conservée en
banque restante auprès de Y.________, notamment l'avis de transaction du 5
novembre 2002 concernant l'achat/vente à terme de USD 2'000'000.- pour le prix
de EUR 2'007'830.54, payables à l'échéance du 7 février 2003.

Contrairement aux prévisions de X.________, le cours du dollar, à cette
échéance, avait baissé par rapport à celui de l'euro, de sorte que les USD
2'000'000.- acquis pour le prix de EUR 2'007'830.54 lors de l'achat/vente à
terme du 5 novembre 2002 ne valaient plus que EUR 1'843'317.97 EUR au 7 février
2003, générant ainsi une perte de change de EUR 164'512.57.
A.f L'opération d'achat/vente à terme de USD 2'000'000.- a été renouvelée par
la Banque pour le compte de X.________ - l'opération arrivée à échéance étant
liquidée par le paiement de la différence entre le taux de change de l'achat à
terme et le taux au jour de l'échéance - une première fois le 5 février 2003
pour le prix de EUR 1'850'323.62, avec échéance au 7 mai 2003, date à laquelle
les USD 2'000'000.- valaient EUR 1'780'151.31, impliquant une perte de change
de EUR 70'672.31; elle a ensuite été renouvelée une seconde fois le 5 mai 2003
pour le prix de EUR 1'782'531.19, avec échéance au 10 juin 2003, date à
laquelle les USD 2'000'000.- valaient EUR 1'687'763.71, impliquant une perte de
change de EUR 94'767.48; enfin, elle a été renouvelée une troisième fois le 6
juin 2003 pour le prix de EUR 1'689'902.83, avec échéance au 10 juillet 2003,
date à laquelle les USD 2'000'000.- valaient EUR 1'762'891.-, impliquant un
gain de change de EUR 72'988.17. Pendant cette période, la Banque a facturé à
son client, à titre d'intérêts débiteurs, les montants respectifs de EUR
1'105.03, EUR 2'625.40 et EUR 417.94, soit au total EUR 4'148.37. La perte
totale sur ces opérations s'établissait ainsi à EUR 261'112.56 (EUR 64'512.57 +
EUR 70'672.31 + EUR 94'767.48 - EUR 72'988.17 + EUR 4'148.37).
A.g Au début du mois de mars 2003, A.________ a rencontré X.________ au Caire.
Y.________ a allégué qu'à cette occasion, X.________ était informé des pertes
de change résultant de l'opération à terme initiale du 5 novembre 2002 et
n'avait formulé aucune critique sur le renouvellement de cette opération. De
son côté, X.________ a admis avoir parlé de manière générale de l'évolution des
taux de change avec son gestionnaire, mais a contesté avoir abordé le sujet de
l'opération d'achat/vente à terme prétendument instruite le 5 novembre 2002.
A.h Les avis de transaction liés à l'opération du 5 novembre 2002 et à ses
renouvellements successifs ont été déposés dans le dossier banque restante de
X.________ auprès de Y.________ aux dates considérées et consultées par le
client le 19 juin 2003. À cette date, X.________ a reproché à la Banque d'avoir
effectué les opérations à terme sans instructions, relevant que sa seule
demande avait été de procéder à une opération de couverture au moyen non d'un
achat/vente de dollars à terme, mais d'un emprunt en euros qui devait être
immédiatement converti en dollars et placé fiduciairement.

B.
B.a Le 3 octobre 2005, X.________ a assigné Y.________ devant le Tribunal de
première instance du canton de Genève en paiement notamment de la somme de EUR
261'112.56, plus intérêt à 5% l'an dès le 25 février 2003, à titre de
réparation du dommage causé par la perte de change liée aux opérations non
instruites des 5 novembre 2002, 5 février 2003, 5 mai 2003 et 6 juin 2003. La
Banque a conclu au déboutement de X.________ des fins de sa demande.
B.b Par jugement du 10 mai 2007, le Tribunal de première instance a débouté
X.________ des fins de sa demande, avec suite de dépens. Il a considéré en
substance que l'opération d'achat/vente à terme initiée le 5 novembre 2002 ne
nécessitait pas une confirmation écrite du client selon la formule «
Télex-Télégramme-Téléphone or Facsimilé Instructions » signée le 27 juillet
2002 par X.________. Le tribunal a relevé que la transaction du 5 novembre 2002
avait au demeurant été confirmée par la Banque au moyen d'une télécopie
adressée au client, lequel n'avait pas soulevé de contestation à sa réception,
et que celui-ci avait pu prendre connaissance de l'avis de transaction du 5
novembre 2002 relatif à l'opération litigieuse lors de la consultation de son
dossier le 15 novembre 2002. Enfin, la convention de banque restante pouvait
être opposée à X.________ pour les renouvellements successifs de cette
opération, qui s'inscrivaient dans la politique de placement voulue par le
client.
B.c Statuant par arrêt du 18 avril 2008 sur appel de X.________, la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève a confirmé le jugement de
première instance, avec suite de dépens.

C.
Agissant par la voie du recours en matière civile au Tribunal fédéral,
X.________ conclut avec suite de frais et dépens à la réforme de cet arrêt en
ce sens que Y.________ soit condamné à lui payer la somme de EUR 261'112.56,
plus intérêt à 5% l'an dès le 25 avril 2003. L'intimée conclut avec suite de
frais et dépens au rejet du recours, dans la mesure où il est recevable.

Considérant en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie demanderesse qui a succombé dans ses conclusions en
paiement prises devant l'autorité précédente et qui a donc qualité pour
recourir (art. 76 al. 1 LTF; ATF 133 III 421 consid. 1.1), le recours est
dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile (art.
72 al. 1 LTF) par un tribunal supérieur statuant sur recours en dernière
instance cantonale (art. 75 al. 1 et 2 LTF). Portant sur une affaire pécuniaire
dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b
LTF), le recours est donc en principe recevable, puisqu'il a été déposé en
temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prévues par la loi (art. 42
LTF).

1.2 Le Tribunal fédéral, qui applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF) -
sous réserve de l'exception prévue par l'art. 106 al. 2 LTF pour la violation
de droits fondamentaux ou de dispositions de droit cantonal et intercantonal
(cf. ATF 133 II 249 consid. 1.4.2) -, conduit son raisonnement juridique sur la
base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne
peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement
inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2
LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur
le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). La notion de faits qui ont été établis
de façon manifestement inexacte, utilisée à l'art. 105 al. 2 LTF, correspond à
celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (Message du Conseil fédéral
concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001
4135, ch. 4.1.4.2; cf. ATF 134 V 53 consid. 4.3; 133 II 249 consid. 1.4.3, 384
consid. 4.2.2).

En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, l'autorité
tombe dans l'arbitraire, selon la jurisprudence, lorsqu'elle ne prend pas en
compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la
décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou
encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des
constatations insoutenables (ATF 134 V 53 consid. 4.3; 129 I 8 consid. 2.1; 118
Ia 28 consid. 1b et les arrêts cités). Il n'y a pas arbitraire du seul fait
qu'une autre solution paraît également concevable, voire préférable (ATF 133 I
149 consid. 3.1; 132 III 209 consid. 2.1; 129 I 8 consid. 2.1).

La partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi
l'appréciation des preuves respectivement l'établissement des faits par
l'autorité précédente est arbitraire, faute de quoi il n'est pas possible de
tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui contenu dans la décision
attaquée (ATF 134 I 65 consid. 1.5; 133 III 462 consid. 2.4; 133 II 249 consid.
1.4.3; 133 IV 150 consid. 1.3, 286 consid. 1.4). Le Tribunal fédéral n'a pas à
entrer en matière sur une argumentation appellatoire, c'est-à-dire sur celle
qui ne fait que l'inviter à substituer sa propre appréciation des preuves à
celle du juge du fait (ATF 133 III 585 consid. 4.1; 130 I 258 consid. 1.3; 117
Ia 10 consid. 4b; 110 Ia 1 consid. 2a), sans tenter de démontrer que le
raisonnement suivi par celui-ci, ou le résultat auquel il est parvenu, est
insoutenable.

2.
Avant d'examiner la cause à la lumière des griefs soulevés par le recourant, il
sied de rappeler les principes juridiques applicables.

2.1 L'exécution par la banque des ordres du client et la responsabilité qui
peut en découler à l'égard de celui-ci est en principe soumise aux règles du
mandat au sens des art. 394 ss CO (cf. arrêt 4C.97/1997 du 29 octobre 1997,
reproduit in SJ 1998 p. 198, consid. 3a; Carlo Lombardini, Droit bancaire
suisse, 2002, n. 39 p. 466). L'étendue du mandat est déterminée, si la
convention ne l'a pas expressément fixée, par la nature de l'affaire à laquelle
il se rapporte (art. 396 al. 1 CO). En l'absence d'un mandat de gestion -
contrat par lequel la banque s'oblige à gérer tout ou partie de la fortune du
mandant en déterminant elle-même les opérations à effectuer, dans les limites
fixées par le client (arrêt 4C.97/1997 du 29 octobre 1997, reproduit in SJ 1998
p. 198, consid. 3a et les arrêts cités) -, une banque ne peut effectuer une
opération déterminée sur le compte de son client que sur instructions ou avec
l'accord de ce dernier. La banque qui effectue des opérations bancaires sans
instructions ou sans l'accord de son client répond du dommage qui en résulte
pour celui-ci, selon les règles de la gestion d'affaires sans mandat (art. 419
ss CO; Alessandro Bizzozero, Le contrat de gérance de fortune, thèse Fribourg
1992, p. 88 s.; Walter Fellmann, Berner Kommentar, Band VI/2/4, 1992, n. 39 ad
art. 396 CO; Georg Gautschi, Berner Kommentar, Band VI/2/4, 1971, n. 4c ad art.
396 CO; arrêt 4C.97/1997 précité, reproduit in SJ 1998 p. 198, consid. 3a;
arrêt 4C.285/1993 du 5 mai 1994, reproduit in SJ 1994 p. 729, consid. 2b/aa;
cf. Daniel Guggenheim, Les contrats de la pratique bancaire suisse, 4e éd.
2000, p. 226).

2.2 Les conditions générales des banques prévoient habituellement que toute
réclamation relative à une opération doit être formulée par le client au plus
tard dans un certain délai - généralement un mois -après la réception de l'avis
de transaction ou de l'extrait de compte correspondant, faute de quoi
l'opération est réputée acceptée (Lombardini, op. cit., n. 70 p. 146;
Guggenheim, op. cit., p. 127). Le Tribunal fédéral a admis la validité d'une
telle disposition contractuelle, laquelle a pour effet que le client qui ne
formule pas d'objection dans le délai contre une opération que la banque a
effectuée sans instructions perd le droit d'agir en dommages-intérêts (arrêt
4C.194/2005 du 28 septembre 2005, consid. 3.2.3 et 3.2.4, reproduit in Pra 2006
n° 119 p. 834 et commenté par Eric Sibbern et Hans Caspar von der Crone, RSDA
78/2006 p. 70, ainsi que par Mario Giovanoli, Jurisprudence bancaire et
financière 2005-2006 en Suisse (droit privé), in Journée 2006 de droit bancaire
et financier, Genève 2007, p. 129 ss, 139-141; cf. aussi ATF 127 III 147
consid. 2c).

2.3 Les parties étaient liées par une convention de banque restante. Selon la
jurisprudence, lorsqu'une banque accepte de conserver par devers elle les avis
qu'elle adresse à ses clients, ses communications sont opposables à ceux-ci
comme s'ils les avaient effectivement reçues (ATF 104 II 190 consid. 2a p. 194/
195). De même, on doit admettre que le client qui adopte ce mode de
communication est censé avoir pris connaissance immédiatement des avis qui lui
sont adressés de cette façon (arrêt 4C.378/2004 du 30 mai 2005, reproduit in SJ
2006 I 1, consid. 2.2; arrêt 4C.116/1995 du 9 août 1995, consid. 5b, reproduit
in SJ 1996 p. 193; arrêt C.357/1984 du 7 décembre 1984, consid. 2b, reproduit
in SJ 1985 p. 246). En effet, l'option banque restante n'est pas utilisée dans
l'intérêt de la banque mais bien dans celui du client, qui pour des raisons de
discrétion n'entend pas recevoir les communications que la banque doit lui
adresser (cf. Lombardini, op. cit., n. 74 p. 147). En pareil cas, la banque,
qui a l'obligation de rendre compte à ses clients des opérations qu'elle
accomplit pour ceux-ci, a un intérêt légitime à ce que le destinataire du
courrier en banque restante soit traité de la même manière que le client qui a
réellement reçu le courrier en ce qui concerne l'obligation, découlant des
règles de la bonne foi, de réagir en cas de refus ou de désaccord avec une
opération dont il a reçu communication. Le client qui choisit l'option banque
restante prend donc un risque, dont il doit supporter les conséquences s'il se
réalise (arrêt 4C.378/2004 précité, reproduit in SJ 2006 I 1, consid. 2.2;
Lombardini, op. cit., n. 74 p. 147).

Cependant, en raison des conséquences choquantes que pourrait avoir, dans
certaines circonstances, l'application stricte de la fiction de la réception du
courrier, le juge conserve la faculté d'apprécier le cas en équité. Ainsi, une
situation manifestement contraire à l'équité peut être sanctionnée au titre de
l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC). Tel est le cas lorsque la banque profite de
la fiction de la réception du courrier pour agir sciemment au détriment du
client, ou lorsqu'après avoir géré un compte pendant plusieurs années
conformément aux instructions orales du client, la banque s'en écarte
intentionnellement alors que rien ne le laissait prévoir, ou encore lorsque la
banque sait que le client n'approuve pas les actes communiqués en banque
restante (arrêt 4C.378/2004 précité, reproduit in SJ 2006 I 1, consid. 2.2;
arrêt non publié 4C.81/2002 du 1er juillet 2002, consid. 4.3; arrêt 4C.116/1995
précité, consid. 5b, reproduit in SJ 1996 p. 193; arrêt C.357/1984 précité,
consid. 2b, reproduit in SJ 1985 p. 246).

3.
Il convient de distinguer la question de l'opération initiale d'achat/vente à
terme du 5 novembre 2002 (cf. lettre A.d supra), qui sera examinée ci-après, de
celle des renouvellements successifs de cette opération effectués les 5 février
2003, 5 mai 2003 et 6 juin 2003 (cf. lettre A.f supra), qui sera examinée dans
un deuxième temps (cf. consid. 4 infra).

3.1 La Cour de justice a exposé que par le document intitulé «
Télex-Télégramme-Téléphone or Facsimilé Instructions » qu'il avait signé le 27
juillet 2002, le recourant avait expressément autorisé la Banque à exécuter,
sans nécessité d'une confirmation écrite, ses ordres téléphoniques; l'intimée
était ainsi autorisée à lui opposer cette documentation bancaire qui avait été
mise en oeuvre antérieurement aux opérations de change à terme litigieuses. Les
juges cantonaux ont ensuite exposé qu'il ressortait d'une note d'entretien
téléphonique conservée par la Banque, datée du 5 novembre 2002, que le
recourant avait instruit ce même jour par téléphone l'intimée d'acheter à terme
USD 2'000'000.- contre des euros payables à l'échéance de l'achat fixée au 7
février 2003; il ressortait également du dossier que par télécopie de ce même 5
novembre 2002, la Banque avait confirmé à son client l'exécution de cet ordre
et que l'envoi de cette télécopie n'avait suscité aucune contestation de sa
part. En outre, il était établi que le 15 novembre 2002, le recourant avait
retiré toute sa correspondance conservée en banque restante, dont l'avis de
transaction du 5 novembre 2002 concernant l'achat/vente avec échéance au 7
février 2003; là également, le recourant n'avait formulé aucune contestation
sur l'opération ainsi effectuée.

3.2 Le recourant reproche à la Cour de justice une constatation arbitraire des
faits à trois égards, soit pour avoir retenu: premièrement, que le recourant
avait instruit le 5 novembre 2002 A.________ d'effectuer une opération de
hedging sous la forme d'un achat à terme de dollars contre des euros (cf.
lettre A.d et consid. 3.1 supra); deuxièmement, que le 15 novembre 2002, le
recourant avait retiré toute sa correspondance conservée en banque restante,
dont l'avis de transaction du 5 novembre 2002 concernant l'achat/vente à terme
avec échéance au 7 février 2003 (cf. lettre A.e et consid. 3.1 supra);
troisièmement, que la Banque était autorisée à exécuter, sans nécessité d'une
confirmation écrite, les ordres téléphoniques du recourant (cf. lettre A.b et
consid. 3.1 supra).

En substance, le recourant affirme que lors de l'entretien téléphonique du 5
novembre 2002, il aurait fait part à l'intimée de son souhait d'effectuer une
opération de hedging sous la forme d'un prêt en euros sur trois mois pour
acheter immédiatement des dollars, et non sous la forme d'un achat à terme de
dollars contre des euros; en effectuant cette opération sous cette dernière
forme, l'intimée se serait écartée délibérément des instructions de son client,
au préjudice de ce dernier. Le recourant conteste par ailleurs que l'avis de
transaction du 5 novembre 2002 ait fait partie des documents qui lui ont été
remis le 15 novembre 2002; il soutient n'avoir alors reçu que les relevés
trimestriels des mois précédents. Enfin, le recourant fait valoir que le
document intitulé « Télex-Télégramme-Téléphone or Facsimilé Instructions »
n'avait pour vocation que d'exempter la Banque de toute responsabilité en
relation avec les risques inhérents attachés aux instructions données par ses
clients au moyen de modes de communication particuliers et qu'il ne réglait
nullement la question du mode de communication effectivement convenu entre les
parties, lesquelles auraient en l'espèce convenu de la transmission
d'instructions par le moyen d'appels téléphoniques toujours suivis d'une
confirmation par télécopie.
3.3
3.3.1 Il n'est pas contesté que le recourant est lié par la clause, figurant
dans les documents qu'il a signés lors de l'ouverture de la relation bancaire,
qui stipule que toute réclamation relative à l'exécution ou l'inexécution d'un
ordre quelconque doit être formulée par le client au plus tard dans un délai
d'un mois après notification de l'avis de transaction ou de l'extrait de compte
correspondant, faute de quoi l'opération y relative est réputée acceptée (cf.
lettre A.a supra). Une telle disposition contractuelle est parfaitement valable
et a pour effet que le recourant, s'il entendait formuler une objection contre
une opération que la banque aurait effectuée sans instructions, aurait dû le
faire au plus tard dans un délai d'un mois après avoir reçu l'avis de
transaction correspondant, sous peine de perdre le droit d'agir en
dommages-intérêts (cf. consid. 2.2 supra).
3.3.2 La cour cantonale a constaté que par télécopie du 5 novembre 2002,
l'intimée a confirmé au recourant l'exécution de l'ordre d'achat à terme de USD
2'000'000.-, au taux de 0.9961 (correspondant à un prix de EUR 2'007'830.54),
avec échéance au 7 février 2003. Le recourant ne démontre pas que ce fait
aurait été établi de manière manifestement inexacte, si bien qu'il y a lieu de
s'en tenir sur ce point à l'état de fait de l'arrêt attaqué (cf. consid. 1.2
supra).
3.3.3 Au surplus, l'autorité cantonale a retenu que le 15 novembre 2002, le
recourant avait retiré toute sa correspondance conservée en banque restante,
dont l'avis de transaction du 5 novembre 2002 concernant l'achat/vente à terme
de USD 2'000'000.- avec échéance au 7 février 2003. Le recourant échoue à
démontrer que cette constatation procède d'une appréciation arbitraire des
preuves. En effet, il résulte des pièces produites que l'opération litigieuse
exécutée le 5 novembre 2002 a été enregistrée dans le système informatique de
la Banque le même jour et qu'elle fait partie des 104 documents enregistrés
informatiquement entre les deux retraits de banque restante considérés. Or, par
sa signature apposée le 15 novembre 2002 sur le document intitulé « retrait de
courrier banque restante », le recourant a confirmé avoir bien reçu, à cette
date, 104 documents sous pli fermé. Le témoin B.________, qui était à l'époque
cadre dans le département de supports informatiques de l'intimée, a confirmé
que le document relatif à l'opération litigieuse avait été stocké dans le
dossier banque restante du recourant le 5 novembre 2002 et qu'il figurait parmi
les documents visés par le « retrait de courrier banque restante » signé le 15
novembre 2002. Dans ces conditions, les juges cantonaux pouvaient sans
arbitraire tenir pour établi que le recourant avait bel et bien reçu le 15
novembre 2002 l'avis de transaction du 5 novembre 2002 relatif à l'opération
litigieuse.
3.3.4 Il doit ainsi être tenu pour constant (cf. art. 105 LTF) que le recourant
a reçu le 5 novembre 2002 une télécopie lui confirmant l'exécution de
l'opération d'achat/vente à terme de USD 2'000'000.- avec échéance au 7 février
2003 et qu'il a en outre reçu le 15 novembre 2002 sous pli fermé l'avis relatif
à cette transaction. N'ayant formulé aucune réclamation dans le mois qui a
suivi l'une et l'autre de ces communications, il est réputé avoir accepté
l'opération litigieuse et ne peut agir en dommages-intérêts en relation avec
celle-ci.

3.4 Dans ces circonstances, il est superfétatoire de se pencher sur les autres
griefs soulevés par le recourant contre les constatations de fait de l'arrêt
attaqué (cf. consid. 3.2 supra). En effet, même en admettant que lors de la
conversation téléphonique du 5 novembre 2002, le recourant n'ait pas donné à
l'intimée l'instruction d'effectuer l'opération de hedging sous la forme d'un
achat à terme de dollars contre des euros (cf. sur ce point consid. 3.5 infra),
et même à supposer que les parties aient convenu que tous les ordres
téléphoniques devaient être confirmés par télécopie, l'opération litigieuse est
réputée avoir été acceptée par le recourant dès lors que celui-ci n'a formulé
aucune objection en temps utile après que l'exécution de cette transaction lui
eut été confirmée par télécopie le 5 novembre 2005, ni après que l'avis y
relatif lui eut été remis en mains propres dix jours plus tard.
3.5
3.5.1 Le recourant soutient que la Banque a violé son devoir d'information
respectivement de conseil en lui proposant d'effectuer l'opération de hedging
visée par l'entretien téléphonique du 5 novembre 2002 non pas sous la forme
souhaitée d'un prêt en euros sur trois mois pour acheter immédiatement des
dollars, mais sous la forme d'un achat à terme de dollars contre des euros,
alors que cette opération n'était pas appropriée pour atteindre les buts
recherchés par le recourant et que la banque ne lui avait jamais expliqué les
risques importants liés aux opérations de change à terme. Selon le recourant,
la cour cantonale aurait ainsi violé le droit fédéral en omettant de constater
que la Banque avait failli à ses devoirs découlant des art. 397 et 398 CO.
3.5.2 La Cour de justice a retenu que l'opération consistant à acheter à terme
des dollars contre des euros - forme proposée par l'intimée, qui a toujours
soutenu qu'il s'agissait d'une solution moins onéreuse pour le recourant dès
lors qu'elle n'entraînait pas de perception par la Banque d'intérêts débiteurs
- était équivalente à celle consistant à emprunter des euros pour acheter
immédiatement des dollars, au regard des buts poursuivis par le recourant qui
souhaitait se prémunir, dans le cadre de son activité commerciale, contre une
hausse du dollar par rapport à l'euro.
3.5.3 Le recourant ne démontre pas que cette constatation soit manifestement
inexacte. Il soutient, exemples à l'appui, que si les méthodes sont
effectivement équivalentes dans l'hypothèse où l'opération commerciale
sous-jacente a bien lieu, la méthode du prêt en euros serait plus avantageuse
en cas d'annulation de l'opération commerciale, car dans cette hypothèse, le
recourant n'aurait pas besoin d'utiliser cet argent et pourrait prendre la
décision de rembourser le prêt en tout temps en fonction de l'évolution du taux
de change. Ce faisant, le recourant prend toutefois en compte de pures
spéculations sur l'évolution du taux de change au-delà de la date qui est seule
déterminante, soit celle de l'échéance du prêt en euros à trois mois
respectivement de l'achat à terme de dollars à trois mois. Or si l'opération
commerciale est annulée et que le recourant ne reçoit pas le paiement en euros
de la part de l'acheteur, il se retrouve à l'échéance avec un dépôt en dollars
ne couvrant pas le prêt en euros et donc avec la même perte de change qu'en cas
d'achat à terme de dollars pour la même échéance.
3.5.4 Il ne résulte ainsi pas de l'état de fait déterminant (art. 105 LTF) que
la Banque ait violé ses obligations envers le recourant en effectuant
l'opération de couverture sous la forme d'un achat à terme de dollars plutôt
que sous la forme d'un prêt en euros. Au surplus, on ne voit pas que l'intimée
ait eu l'obligation d'attirer expressément l'attention du recourant, homme
d'affaires expérimenté, sur les risques liés à l'opération d'achat à terme de
dollars, risques qui étaient d'ailleurs équivalents à ceux du prêt en euros.

4.
4.1 L'opération initiale d'achat/vente à terme de USD 2'000'000.- effectuée le
5 novembre 2002 a été renouvelée par la Banque pour le compte du recourant -
l'opération arrivée à échéance étant liquidée par le paiement de la différence
entre le taux de change de l'achat à terme et le taux au jour de l'échéance -
une première fois le 5 février 2003 avec échéance au 7 mai 2003, ce qui a
généré une perte de change de EUR 70'672.31, puis une seconde fois le 5 mai
2003 avec échéance au 10 juin 2003, ce qui a généré une perte de change de EUR
94'767.48, et une troisième fois le 6 juin 2003 avec échéance au 10 juillet
2003, ce qui a généré un gain de change de EUR 72'988.17 (cf. lettre A.f
supra).

La Cour de justice a exposé qu'il était peu vraisemblable que, lors de leurs
entretiens tenus en mars 2003 au Caire (cf. lettre A.g supra), le recourant et
son gestionnaire n'aient pas abordé la question de la perte de change
substantielle résultant de la première opération de change à terme échue le 7
février 2003 et de la suite à donner à cette opération de couverture
déficitaire. En outre, à supposer que les deux premiers renouvellements des 5
février et 5 mai 2003, pour les échéances respectives des 7 mai et 10 juin
2003, aient été effectués sans instructions du recourant, ces opérations
étaient conformes à ses intérêts et ne présentaient aucun caractère irrégulier
ou insolite, dès lors qu'elles s'inscrivaient dans la suite logique de
l'opération initiale du 5 novembre 2002 instruite par le recourant. Les juges
cantonaux ont considéré au surplus que ces transactions de renouvellement ne
pouvaient constituer des opérations que le client aurait refusées et pour
lesquelles les fictions de communication en banque restante des avis de
transaction, et d'acceptation tacite desdites transactions faute de
contestation dans le délai utile, seraient inopérantes. Comme les avis de
transactions liés aux renouvellements des 5 février et 5 mai 2003 avaient été
notifiés en banque restante aux dates correspondantes et n'avaient pas été
contestés dans le délai d'un mois dès leur communication en banque restante,
ils étaient réputés acceptés et ratifiés par le recourant, lequel était forclos
à vouloir être indemnisé des pertes de change résultant de ces opérations.
Quant au dernier renouvellement du 6 juin 2003, avec échéance au 10 juillet
2003, il avait bien été contesté dans le délai utile d'un mois, mais s'était
traduit par un gain et non par une perte de change.
4.2
4.2.1 Le recourant fait d'abord valoir que les avis relatifs aux transactions
litigieuses étaient conservés sous forme électronique jusqu'à ce que le client
vienne retirer son courrier placé en banque restante, de sorte que ces avis de
transaction ne seraient pas entrés dans sa sphère d'influence avant leur
impression par la banque lors de sa visite le 19 juin 2003 et que le délai de
trente jours pour contester les opérations n'aurait donc commencé à courir qu'à
cette date.
4.2.2 Ce grief est dénué de pertinence. Que les avis de transaction et extraits
de compte conservés en banque restante à la demande du client le soient sous
forme électronique plutôt que sous forme de documents imprimés jusqu'au moment
où le client vient les retirer ne saurait avoir d'incidence sur la date à
laquelle ils sont réputés valablement notifiés selon la convention de banque
restante.
4.3
4.3.1 Le recourant invoque également la jurisprudence selon laquelle une banque
ne saurait s'abriter derrière la fiction de la réception du courrier conservé
en banque restante lorsqu'elle a profité de cette fiction pour agir sciemment
au détriment du client, lorsqu'après avoir géré un compte pendant plusieurs
années conformément aux instructions orales du client, elle s'en est écartée
intentionnellement alors que rien ne le laissait prévoir, ou lorsqu'elle savait
que le client n'approuvait pas les actes communiqués en banque restante (cf.
consid. 2.3 supra). Il soutient que l'intimée aurait décidé de renouveler
l'opération de change à terme initiale du 5 novembre 2002 sans avoir reçu
aucune instruction dans ce sens; en outre, l'intimée savait que l'opération de
couverture souhaitée par le client ne portait que sur la période novembre
2002-février 2003 et elle savait donc que le recourant n'aurait jamais accepté
les opérations suivantes.
4.3.2 Comme on l'a vu, il doit être tenu pour constant que le recourant a à
tout le moins ratifié tacitement l'opération de change à terme initiale du 5
novembre 2002, après avoir pris connaissance par télécopie le même jour, puis
par remise en mains propres le 15 novembre 2002, de l'avis de transaction
correspondant (cf. consid. 3.3.2 à 3.3.4 supra). En outre, la cour cantonale a
retenu, sur la base notamment de l'interrogatoire de A.________, que lorsque le
recourant a rencontré celui-ci au Caire au début du mois de mars 2003, il était
informé des pertes de change résultant de l'opération à terme initiale du 5
novembre 2002 et n'avait formulé aucune critique sur le renouvellement de cette
opération; le recourant ne démontre pas que les faits auraient sur ce point été
établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit, de sorte
qu'il y a lieu sur ce point également de s'en tenir aux constatations de fait
de l'autorité précédente. Dans ces circonstances, on ne voit pas comment on
pourrait retenir qu'en procédant aux renouvellements des 5 février et 5 mai
2003, qui s'inscrivaient dans la logique de l'opération initiale dont on
rappelle qu'elle avait été en tous les cas ratifiée tacitement par le
recourant, la Banque aurait sciemment agi au détriment de son client ou dû
savoir que celui-ci n'approuverait pas les actes communiqués en banque
restante. On ne voit ainsi pas trace d'un abus de droit qui commanderait en
l'espèce d'écarter la fiction de notification en banque restante.

5.
Il résulte de ce qui précède que le recours, mal fondé, doit être rejeté. Le
recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF)
et versera à l'intimée une indemnité à titre de dépens (art. 68 al. 1, 2 et 4
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Une indemnité de 8'000 fr., à payer à l'intimée à titre de dépens, est mise à
la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 23 septembre 2008

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Corboz Abrecht