Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.258/2008
Zurück zum Index I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2008
Retour à l'indice I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2008


Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_258/2008/ech

Arrêt du 7 octobre 2008
Ire Cour de droit civil

Composition
MM. et Mme les Juges Corboz, président, Klett et Kolly.
Greffier: M. Carruzzo.

Parties
X.________,
recourante, représentée par Mes Philipp Dickenmann et Aline Wey,

contre

Y.________,
intimée, représentée par Me Jean-Louis Dupont,
Z.________,
intimée, représentée par Mes J.________, S.________ et T.________.

Objet
arbitrage international,

recours en matière civile contre la sentence rendue le 23 avril 2008 par le
Tribunal Arbitral du Sport (TAS).

Faits:

A.
A.a X.________ est une fédération sportive nationale ayant son siège à
A.________. Elle est membre de Y.________ en tant que fédération de tenpin
bowling (jeu des dix quilles).
Y.________ est une fédération sportive internationale fondée en 1952. Elle a
notamment pour but d'encourager le développement du bowling au niveau mondial
et de soutenir les organisations nationales qui encouragent la pratique du
ninepin (jeu des neuf quilles) et du tenpin bowling sur leurs territoires
respectifs et dans le monde. Elle est domiciliée à B.________ (Etats-Unis
d'Amérique).

Z.________ est une fédération sportive régionale, qui a notamment pour but la
promotion et la pratique d'activités sportives liées au bowling et à ses
différentes disciplines, à savoir tant le ninepin que le tenpin bowling. Elle a
son siège à C.________.
A.b En novembre 2006, Y.________ a convoqué ses membres à une assemblée
générale biennale, prévue pour se dérouler le 30 août 2007 à D.________
(Mexique). L'ordre du jour de l'assemblée biennale, qui est fixé par une
disposition statutaire, comporte, entre autres objets, l'admission et
l'expulsion de membres. La convocation à une telle assemblée ne contient jamais
la liste des membres potentiels qui demandent leur admission au sein de la
fédération. X.________ a été avisée en temps utile de la date et du lieu de
l'assemblée générale biennale.

Le 15 août 2007, Z.________ a adressé au secrétaire général de Y.________ une
demande écrite d'admission en tant que membre de cette fédération. Le
Présidium, organe directeur de Y.________, a siégé à D.________ le 28 août
2007. Il a décidé à l'unanimité de recommander à l'assemblée générale
d'admettre Z.________ en qualité de membre de Y.________ et l'a admise en tant
que membre provisoire.

La candidature de Z.________ a été soumise à l'assemblée générale de Y.________
du 30 août 2007 avec les candidatures de quatre fédérations nationales. Elle a
été admise à l'unanimité. X.________ n'a pas participé à cette assemblée et
elle ne s'y est pas fait représenter.
A.c Le 18 septembre 2007, X.________ a saisi le Présidium d'une requête visant
à faire constater la nullité de la décision de l'assemblée générale admettant
Z.________ comme membre de Y.________.

Par décision du 18 novembre 2007 notifiée le même jour à l'intéressée, le
Présidium a constaté qu'il n'était pas compétent pour rapporter une décision
prise par l'assemblée générale. Il a indiqué qu'il se soumettrait à la
juridiction du Tribunal Arbitral du Sport (TAS) si sa décision venait à être
frappée d'un appel.

B.
Les 28 novembre et 18 décembre 2007, X.________ a déposé successivement une
déclaration d'appel et un mémoire d'appel auprès du TAS. Elle a conclu à la
constatation de la nullité de la décision prise par l'assemblée générale au
motif que cette décision violait tant les statuts de Y.________ que la
législation de son pays.

Dans sa réponse du 16 janvier 2008, Y.________ a conclu au rejet de l'appel.
Z.________, appelée en cause par Y.________, en a fait de même dans une
écriture du 11 février 2008.

La Formation du TAS, composée de trois arbitres, a entendu les parties au cours
d'une audience tenue le 5 mars 2008 à Lausanne. A la fin de cette audience, les
parties ont expressément reconnu que leur droit d'être entendues avait été
respecté et qu'elles étaient satisfaites de la manière dont elles avaient été
traitées au cours de la procédure arbitrale.

Par sentence du 23 avril 2008, le TAS a rejeté l'appel. Pour ce faire, il a
tout d'abord exclu l'applicabilité du droit du pays de X.________ au présent
litige, fût-ce à titre de loi de police ou d'application immédiate. Examinant
ensuite les statuts de Y.________, il en a déduit que le droit de veto conféré
par ceux-ci à un membre, afin de lui permettre de s'opposer à une dérogation au
principe selon lequel une seule organisation par Etat est admise au sein de
Y.________, peut être définitivement écarté par une décision de l'assemblée
générale, prise à la majorité des trois quarts des votes exprimés, d'admettre
un nouveau membre, quel qu'il soit. Or, en l'espèce, la candidature de
Z.________ avait été admise à l'unanimité. C'est dire qu'une éventuelle
opposition soulevée par X.________ n'eût sorti aucun effet dans ces conditions.
Quoi qu'il en soit, X.________ n'avait pas valablement soulevé pareille
opposition, puisqu'elle avait renoncé à participer à l'assemblée générale du 30
août 2007 ou à s'y faire représenter. La Formation a encore expliqué pourquoi,
à son avis, Y.________ avait respecté la lettre et l'esprit de ses statuts dans
la mise en oeuvre du processus ayant conduit à l'admission de Z.________ en son
sein. Elle a souligné, dans ce contexte, que les membres de Y.________ ne
siégeant pas au Présidium ne sont jamais avisés des demandes d'adhésion avant
l'assemblée générale et que le point de l'ordre du jour statutaire y relatif
n'est jamais précisé par l'envoi d'une liste des membres potentiels qui
formulent pareilles demandes.

C.
Le 23 mai 2008, X.________ a déposé un recours en matière civile au Tribunal
fédéral. Elle conclut à l'annulation de la sentence attaquée.

Y.________ n'a pas déposé de réponse dans le délai qui lui avait été imparti à
cette fin et elle n'a pas non plus donné suite à l'invitation qui lui avait été
faite d'élire en Suisse un domicile de notification.

Quant à Z.________, elle a remis sa réponse, le dernier jour du délai, à un
bureau de poste de C.________, faxé le même jour une copie de cette écriture au
Tribunal fédéral et élu un domicile de notification en Suisse.

Le TAS a produit son dossier tout en renonçant à déposer une réponse.

Considérant en droit:

1.
La sentence attaquée est rédigée en français. La recourante a utilisé
l'allemand pour la rédaction de son mémoire. Conformément à l'art. 54 al. 1 LTF
et à la pratique du Tribunal fédéral en la matière, l'arrêt sera rendu en
français.

2.
Par ordonnance présidentielle du 18 juin 2008, un délai, expirant le 19 août
2008, a été imparti à Z.________ pour déposer sa réponse éventuelle au recours.
Donnant suite à cette ordonnance, Z.________ a adressé au Tribunal fédéral sa
réponse écrite, datée du 18 août 2008, sous pli recommandé, avec accusé de
réception, qu'elle a remis le 19 du même mois à un bureau de poste de
C.________. Le pli en question a été réceptionné le 21 août 2008 au centre
postal international de Zurich. L'intimée a, en outre, envoyé au Tribunal
fédéral une copie de sa réponse par fax du 19 août 2008.
En vertu de l'art. 48 al. 1 LTF, les mémoires doivent être remis au plus tard
le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce
dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire
suisse. Hormis celui du Liechtenstein, les offices postaux étrangers ne sont
pas assimilés à un bureau de poste suisse. La remise d'un mémoire à un tel
office n'équivaut donc pas à la remise à un bureau de poste suisse (ATF 125 V
65 consid. 1 p. 67). Pour que le délai soit sauvegardé en pareille hypothèse,
il faut que le pli contenant le mémoire arrive le dernier jour du délai au plus
tard au greffe du Tribunal fédéral ou que la Poste Suisse en prenne possession
avant l'expiration du délai (KATHRIN AMSTUTZ/PETER ARNOLD, Commentaire bâlois,
Bundesgerichtsgesetz, n. 10 ad art. 48; YVES DONZALLAZ, Commentaire de la loi
sur le Tribunal fédéral, n. 1238). Au demeurant, le dépôt d'une écriture par
télécopie ne permet pas de respecter le délai (ATF 121 II 252 consid. 4;
AMSTUTZ/ARNOLD, op. cit., n. 6 ad art. 48; DONZALLAZ, op. cit., n. 1253).

Considéré à la lumière de ces règles, le dépôt de la réponse de Z.________
apparaît comme tardif. Cette écriture ne peut ainsi pas être prise en
considération par la Cour de céans. En effet, La Poste Suisse n'a pris
possession du pli la contenant que deux jours après l'expiration du délai de
réponse. Quant à l'envoi de l'écriture par télécopie, le dernier jour du délai,
il n'a pas permis d'observer ce délai.

3.
3.1 Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile
est recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions
prévues par les art. 190 à 192 LDIP (art. 77 al. 1 LTF).

3.2 Le siège du TAS se trouve à Lausanne. L'une des parties au moins (en
l'occurrence, les trois) n'avait pas son domicile en Suisse au moment
déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont donc applicables
(art. 176 al. 1 LDIP).

3.3 La recourante est directement touchée par la sentence finale attaquée,
puisque celle-ci la contraint à souffrir qu'une fédération régionale du pays où
elle a son siège soit membre à part entière de la fédération internationale du
sport considéré. Elle a ainsi un intérêt personnel, actuel et juridiquement
protégé à ce que cette sentence n'ait pas été rendue en violation des garanties
découlant de l'art. 190 al. 2 LDIP, ce qui lui confère la qualité pour recourir
(art. 76 al. 1 LTF).

Déposé dans les 30 jours suivant la notification de la sentence attaquée (art.
100 al. 1 LTF), le recours, qui satisfait aux exigences formelles posées par
l'art. 42 al. 1 LTF, est recevable.

Point n'est besoin d'examiner ici la question - controversée - de savoir si le
recours en matière civile est soumis à la condition d'une valeur litigieuse
minimale lorsqu'il a pour objet une sentence arbitrale internationale. A
supposer que ce soit le cas, une telle exigence ne saurait aller au-delà de
celle qui est applicable au recours en matière civile visant une décision prise
par une autorité cantonale de dernière instance. Or, selon la jurisprudence, le
différend ayant trait à la qualité de membre d'une association, telle la
présente contestation, ne constitue pas une affaire pécuniaire, au sens de
l'art. 74 LTF, et n'est donc pas soumis à l'exigence d'une valeur litigieuse
minimale (arrêt 5A_260/2007 du 7 août 2007, consid. 1 et les arrêts cités,
notamment l'ATF 108 II 15 consid. 1a).

3.4 Le recours ne peut être formé que pour l'un des motifs énumérés de manière
exhaustive à l'art. 190 al. 2 LDIP (ATF 128 III 50 consid. 1a p. 53; 127 III
279 consid. 1a p. 282; 119 II 380 consid. 3c p. 383). Le Tribunal fédéral
examine uniquement les griefs qui ont été invoqués et motivés par le recourant
(art. 77 al. 3 LTF). Celui-ci doit donc formuler ses griefs conformément aux
exigences strictes en matière de motivation, posées par la jurisprudence
relative à l'art. 90 al. 1 let. b OJ (cf. ATF 128 III 50 consid. 1c), qui
demeurent valables sous l'empire du nouveau droit de procédure fédéral.

4.
Dans un unique moyen, la recourante soutient que la sentence attaquée viole
l'ordre public, au sens de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP.

4.1 Une sentence est incompatible avec l'ordre public si elle méconnaît les
valeurs essentielles et largement reconnues qui, selon les conceptions
prévalant en Suisse, devraient constituer le fondement de tout ordre juridique
(ATF 132 III 389 consid. 2.2.3). On distingue un ordre public matériel et un
ordre public procédural.

L'ordre public procédural garantit aux parties le droit à un jugement
indépendant sur les conclusions et l'état de fait soumis au Tribunal arbitral
d'une manière conforme au droit de procédure applicable; il y a violation de
l'ordre public procédural lorsque des principes fondamentaux et généralement
reconnus ont été violés, ce qui conduit à une contradiction insupportable avec
le sentiment de la justice, de telle sorte que la décision apparaît
incompatible avec les valeurs reconnues dans un Etat de droit.

Une sentence est contraire à l'ordre public matériel lorsqu'elle viole des
principes fondamentaux du droit de fond au point de ne plus être conciliable
avec l'ordre juridique et le système de valeurs déterminants; au nombre de ces
principes figurent, notamment, la fidélité contractuelle, le respect des règles
de la bonne foi, l'interdiction de l'abus de droit, la prohibition des mesures
discriminatoires ou spoliatrices, ainsi que la protection des personnes
civilement incapables.

4.2 En l'espèce, la recourante méconnaît totalement ces principes, car elle ne
cherche, sous le couvert d'une prétendue violation de l'ordre public, qu'à
provoquer, par ce biais, un examen de l'application du droit de fond, ce qui
n'est pas admissible (ATF 116 II 373 consid. 7b). Ce qu'elle dénonce, en
réalité, par des arguments purement appellatoires au demeurant et en retouchant
indûment les faits, c'est la manière dont Y.________ a organisé l'assemblée
générale au cours de laquelle Z.________ a été admise comme membre de cette
fédération internationale ainsi que la validité de la décision prise sur ce
point à cette occasion. Il ressort, en effet, des arguments avancés dans la
partie juridique du mémoire de recours que la recourante conteste que ladite
assemblée ait été convoquée en conformité avec les statuts de Y.________ et
dans le respect de son droit d'être entendue et qu'elle s'inscrit par ailleurs
en faux contre l'interprétation faite par le TAS du droit de veto statutaire
ainsi que d'une autre disposition des statuts dont les arbitres ont tiré
l'existence d'un mode alternatif d'affiliation à Y.________.

On ne voit pas comment rattacher une telle argumentation à la notion de l'ordre
public propre à l'arbitrage international. A l'instar du processus
d'interprétation d'un contrat et des conséquences qui en sont logiquement
tirées en droit, l'interprétation faite par un tribunal arbitral des
dispositions statutaires d'un organisme de droit privé est, elle aussi, exclue
du champ d'application de l'ordre public et ne saurait être revue par le
Tribunal fédéral dans le cadre d'un recours fondé sur l'art. 190 al. 2 let. e
LDIP. Il n'apparaît pas non plus que le simple fait de tolérer la coexistence
d'une fédération régionale et d'une fédération nationale au sein d'une
fédération internationale viole des principes fondamentaux au point de ne plus
être conciliable avec l'ordre juridique et le système de valeurs déterminants.
Dans ces conditions, le présent recours ne peut qu'être rejeté si tant est
qu'il soit recevable.

5.
La recourante, qui succombe, devra payer les frais judiciaires (art. 66 al. 1
LTF). En revanche, elle n'aura pas à verser une indemnité à titre de dépens aux
intimées, étant donné que l'une d'elles (Y.________) n'a pas déposé de réponse
et que l'autre (Z.________) a déposé la sienne hors délai.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au Tribunal
Arbitral du Sport (TAS).

Lausanne, le 7 octobre 2008

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Corboz Carruzzo