Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.220/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_220/2008/ech

Arrêt du 7 août 2008
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les juges Klett, juge présidant, Rottenberg Liatowitsch et Kolly.
Greffier: M. Thélin.

Parties
X.________ SA,
défenderesse et recourante, représentée par
Me Hrant Hovagemyan,

contre

Y.________ SA,
demanderesse et intimée, représentée par Me Jean-Marc Siegrist.

Objet
bail à loyer; restitution anticipée de la chose

recours contre l'arrêt rendu le 7 avril 2008 par la Chambre d'appel en matière
de baux et loyers du
canton de Genève.

Faits:

A.
Dès le 1er août 2004, X.________ SA a pris à bail de Y.________ SA des locaux
commerciaux sis dans le centre de Genève. Le contrat était conclu pour dix ans
et devait prendre fin le 31 juillet 2014. Le loyer s'élevait à 113'100 fr. par
année et serait indexé à l'indice suisse des prix à la consommation; les
charges étaient dues en sus. Sur un compte bancaire, la locataire a déposé une
garantie au montant de 28'275 francs.
Dès mars 2005, la locataire fit connaître son souhait d'être libérée du
contrat; elle proposait, à cette fin, de verser neuf mois du loyer et des
charges. La bailleresse refusa en rappelant que pour obtenir sa libération, la
locataire devait présenter un candidat solvable à la reprise du bail.
En septembre suivant, par l'intermédiaire d'un mandataire, la locataire
présenta la candidature de A.________ Sàrl. La bailleresse déclara n'accepter
que sous deux conditions: d'une part, cette société devrait faire un dépôt de
garantie plus important que celui opéré par X.________ SA; d'autre part, l'un
de ses associés devrait s'engager conjointement avec elle. La bailleresse
expliqua avoir fait des expériences défavorables avec des commerces tels que
celui envisagé par A.________ Sàrl; de plus, le capital de celle-ci, au montant
de 20'000 fr., était insuffisant au regard d'un loyer mensuel d'environ 10'000
fr. A.________ Sàrl aurait accepté la première de ces exigences; en revanche,
ses associés refusèrent un engagement conjoint avec elle. Le mandataire de la
locataire en informa la bailleresse le 29 septembre 2005; son courriel
comportait le passage ci-après:
Etant donné que vous avez modifié les conditions de location et que X.________
SA vous a présenté un locataire solvable disposé à reprendre le bail aux mêmes
conditions, nous vous prions de considérer la présente comme résiliation
anticipée au 15 octobre 2005 [...] si le transfert devait échouer en raison de
votre modification des conditions actuelles du bail.
En dépit de cette déclaration, la locataire prit part à des démarches tendant à
la remplacer dans les locaux concernés. Elle signa des conventions de transfert
de bail en faveur de trois candidats successifs, à savoir B.________ SA, le 3
octobre 2005, C.________, le 5 octobre 2006, puis D.________ SA, le 23 novembre
2006. La locataire a ainsi promis de libérer les locaux pour le 15 octobre 2005
en faveur de B.________ SA, pour le 1er novembre 2006 en faveur de C.________,
puis pour le 1er décembre 2006 en faveur de D.________ SA; elle répondrait du
loyer et des charges solidairement avec le locataire reprenant, cela pendant
deux ans au plus dès la date convenue pour le transfert. Les candidatures de
B.________ SA et de C.________ ont échoué; D.________ SA a effectivement repris
les locaux.
Au cours de ces pourparlers, par courriel du 7 décembre 2005, la locataire
avait communiqué qu'elle ne paierait aucun loyer après le 15 octobre 2005 et
qu'elle se tenait à disposition de la bailleresse pour lui « remettre les clefs
des locaux à [sa] convenance ».

B.
Le 21 août 2006, devant la commission de conciliation compétente puis devant le
Tribunal des baux et loyers du canton de Genève, Y.________ SA a ouvert action
contre X.________ SA. Après qu'elle eut amplifié ses conclusions le 19 mars
2007, sa demande tendait au paiement de 135'031 fr.85, avec intérêts au taux de
5% par an dès le 15 janvier 2006, à titre de loyer et de charges du 1er octobre
2005 au 30 novembre 2006. Le tribunal était requis de donner mainlevée
définitive de l'opposition de la défenderesse à un commandement de payer qui
lui avait été notifié le 21 juin 2006, au montant de 63'130 fr.85.
La défenderesse a conclu au rejet de l'action; elle a pris des conclusions
reconventionnelles tendant à faire constater la nullité de divers documents, en
particulier celle des trois conventions de transfert de bail, à faire annuler
la poursuite pour dette entreprise contre elle en juin 2006, et à faire libérer
le dépôt de garantie qu'elle avait constitué lors de la conclusion du contrat.
Le Tribunal des baux et loyers s'est prononcé le 3 septembre 2007. Il a jugé
que la défenderesse devait le loyer du 15 octobre 2005 au 30 novembre 2006. Il
fallait prendre en considération que la demanderesse, usant de la clause
d'indexation convenue, avait augmenté le loyer annuel à 116'400 fr. dès le 1er
janvier 2006. Elle devait elle-même compte de diverses sommes, de sorte qu'elle
pouvait encore prétendre à 128'217 fr.70 avec intérêts dès le 1er avril 2006;
l'opposition au commandement de payer était levée, et les conclusions
reconventionnelles étaient entièrement rejetées.
La défenderesse ayant appelé du jugement, la demanderesse a usé de l'appel
incident. Statuant le 7 avril 2008, l'autorité saisie a retenu que cette
partie-ci était fondée à réclamer le loyer d'octobre 2005 en entier; pour le
surplus, elle a confirmé le jugement. En définitive, la défenderesse est
condamnée à payer 133'135 fr.20, avec intérêts au taux de 5% par an dès le 1er
avril 2006.

C.
Agissant par la voie du recours en matière civile, la défenderesse requiert le
Tribunal fédéral, à titre principal, d'annuler l'arrêt de la Chambre d'appel en
matière de baux et loyers, de rejeter l'action de la demanderesse et
d'accueillir ses conclusions reconventionnelles concernant, notamment, la
libération de son dépôt de garantie; des conclusions subsidiaires tendent à
l'annulation de l'arrêt et au renvoi de la cause à la Chambre d'appel pour
nouvelle décision.
La demanderesse conclut au rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
Le recours est dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF), rendu en matière
civile (art. 72 al. 1 LTF) et en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1
LTF). La valeur litigieuse excède le minimum légal de 15'000 fr. prévu en
matière de droit du bail à loyer (art. 51 al. 1 let. a et 74 al. 1 let. a LTF).
Il est formé par une partie qui a pris part à l'instance précédente et succombé
dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF). Introduit en temps utile (art. 100
al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 al. 1 à 3 LTF), le recours est
en principe recevable.
Le recours peut être exercé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a
LTF). Le Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits
fondamentaux (art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties
et il apprécie librement la portée juridique des faits; il s'en tient
cependant, d'ordinaire, aux questions juridiques que la partie recourante
soulève conformément aux exigences légales relatives à la motivation du recours
(art. 42 al. 2 LTF; ATF 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254), et il ne se prononce
sur la violation de droits fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un grief
invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83 consid.
3.2 p. 88; 133 II 249 consid. 1.4.2). En règle générale, il conduit son
raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision
attaquée (art. 105 al. 1 LTF).

2.
Il est constant que les parties se sont liées par un contrat de bail à loyer et
que la défenderesse s'est obligée à payer le loyer convenu, ou régulièrement
indexé, en principe jusqu'en juillet 2014. La débitrice prétend avoir
valablement résilié ce contrat conformément à l'art. 264 CO, avec effet au 15
octobre 2005; elle conteste devoir le loyer au delà de cette date et elle tient
la décision attaquée pour contraire à cette disposition.
A teneur de l'art. 264 al. 1 et 2 CO, lorsque le locataire restitue la chose
sans observer les délai ou terme de congé, il n'est libéré de ses obligations
envers le bailleur que s'il lui présente un nouveau locataire qui soit solvable
et que le bailleur ne puisse pas raisonnablement refuser; le nouveau locataire
doit en outre être disposé à reprendre le bail aux mêmes conditions (al. 1). A
défaut, le locataire doit s'acquitter du loyer jusqu'à l'expiration de la durée
du bail ou jusqu'au prochain terme de congé contractuel ou légal (al. 2).
La défenderesse prétend s'être libérée en présentant la candidature de
A.________ Sàrl. La Chambre d'appel n'a pas examiné si cette société était
solvable et devait raisonnablement, aux termes de l'art. 264 al. 1 CO, être
acceptée par la demanderesse. Elle a retenu que la défenderesse n'a de toute
manière pas restitué les locaux avant le 30 novembre 2006, ce qui lui interdit
de se considérer comme libérée avant cette date.

3.
Parmi d'autres conditions, l'application de l'art. 264 CO suppose que le
locataire manifeste clairement et sans ambiguïté son intention de restituer la
chose à son cocontractant. Le locataire doit ensuite procéder effectivement à
la restitution complète et définitive; cela implique en principe, s'il s'agit
de locaux, qu'il en remette toutes les clés au bailleur. Laisser les locaux
vides et inoccupés n'est pas suffisant (Peter Higi, Commentaire zurichois, ch.
21 ad art. 264 CO; Basil Huber, Die vorzeitige Rückgabe der Mietwohnung, thèse,
Saint-Gall 2000, ch. 257 et 258 p. 113; David Lachat, La restitution anticipée
de la chose louée [...], Cahiers du bail 1998 p. 129, ch. 7 p. 133 et 10 p.
135; arrêt 4C.224/1997 du 17 février 1998, consid. 3a, Mietrechtspraxis 1998 p.
183). Conformément à l'art. 8 CC, les faits constitutifs de la restitution
effective des locaux doivent être prouvés par le locataire qui réclame le
bénéfice de l'art. 264 al. 1 CO (Huber, op. cit., ch. 278 p. 122).
La Chambre d'appel constate que la défenderesse s'est bornée à tenir les clés à
la disposition de l'autre partie, dès le 7 décembre 2005, sans les lui délivrer
réellement. Dans cette situation où les cocontractantes se trouvaient en
désaccord quant à la libération de la défenderesse, il incombait à celle-ci de
prévenir toute équivoque et de mettre la demanderesse en possession complète et
exclusive des clés, et, si elle les refusait, de les consigner selon ce que
prévoit l'art. 92 al. 1 CO. Conformément à l'opinion des précédents juges, la
restitution des clés n'est donc pas intervenue. La juridiction cantonale n'a
par ailleurs constaté aucun fait qui puisse être considéré comme une
restitution des locaux loués. La défenderesse insiste sur sa volonté de rompre
le contrat, volonté qu'elle avait manifestée des plus clairement, mais à elle
seule, une simple manifestation de volonté n'est pas suffisante au regard de
l'art. 264 al. 1 CO. La Chambre d'appel retient ainsi à bon droit que la
défenderesse n'a pas restitué les locaux et qu'elle ne peut donc pas se
prévaloir de cette disposition.
La Chambre d'appel a aussi constaté, « enfin et surtout », que la défenderesse
a signé deux conventions de transfert de bail dans lesquelles elle s'engageait
à libérer les locaux au 1er novembre ou au 1er décembre 2006. De cela, les
juges déduisent que les locaux n'ont pas été restitués plus tôt. En instance
fédérale, la défenderesse conteste très longuement ce raisonnement. Selon son
exposé, la demanderesse lui a proposé directement ces conventions, sans les
adresser à son mandataire, de manière à la priver du conseil qu'elle aurait
reçu de celui-ci, dans l'exécution d'une véritable machination destinée à la
dépouiller des droits qu'elle pouvait faire valoir sur la base de la
candidature de A.________ Sàrl et de l'art. 264 CO. Sa bonne foi a été
surprise; elle a signé ces documents sans soupçonner l'utilisation spécieuse
qui en serait faite, en croyant qu'il s'agissait d'une « modalité légale de
l'art. 264 CO ». Elle fait grief à la Chambre d'appel de n'avoir pas constaté
ce procédé déloyal de la demanderesse. Cependant, il n'y a pas lieu de
s'attarder à cette thèse ni de discuter la portée des deux conventions car même
si l'on en fait entièrement abstraction, il demeure que la défenderesse n'a pas
prouvé la restitution des locaux à une date antérieure au 1er décembre 2006.

4.
Le recours se révèle privé de fondement, ce qui conduit à son rejet. A titre de
partie qui succombe, son auteur doit acquitter l'émolument à percevoir par le
Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre partie peut prétendre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La défenderesse acquittera un émolument judiciaire de 5'500 francs.

3.
La défenderesse versera à la demanderesse, à titre de dépens, une indemnité de
6'500 francs.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre d'appel en matière
de baux et loyers du canton de Genève.
Lausanne, le 7 août 2008
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La juge présidant: Le greffier:

Klett Thélin