Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.207/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 1/2}
4A_207/2008

Arrêt du 23 septembre 2008
Ire Cour de droit civil

Composition
MM. et Mmes les Juges Corboz, Président, Klett, Rottenberg Liatowitsch, Kolly
et Kiss.
Greffière: Mme Crittin.

Parties
Commission paritaire professionnelle du commerce de détail,
recourante, représentée par Me Christian Bruchez,

contre

Association des artisans boulangers-pâtissiers du Canton de Genève,
intimée, représentée par Me Karine Jean-Cartier-Fracheboud.

Objet
convention collective de travail,

recours contre la décision de la Chambre des relations collectives de travail
du canton de Genève du 22 janvier 2008.

Faits:

A.
Par requête du 28 août 2007, l'Association des artisans boulangers-pâtissiers
du canton de Genève (ci-après: l'Association) a saisi la Chambre des relations
collectives de travail du canton de Genève pour qu'elle intervienne comme
instance de conciliation, voire, le cas échéant, de jugement. Le litige soumis
à l'autorité cantonale opposait l'Association à la Commission paritaire
professionnelle du commerce de détail au sujet d'un conflit de conventions
collectives, non étendue pour l'une (la convention collective nationale de
travail de la boulangerie-pâtisserie-confiserie artisanale suisse et son
avenant genevois) et étendue pour l'autre (la convention collective cadre dans
le commerce de détail du canton de Genève). Il s'agissait de déterminer quelle
convention - ou quelle clause conventionnelle - était applicable au personnel
occupé à la vente dans les secteurs de la boulangerie, pâtisserie et confiserie
en cas d'incapacité de travail de ce personnel.

B.
Le 22 janvier 2008, la Chambre des relations collectives de travail a déclaré
la requête recevable et dit que les rapports de travail dans le domaine de la
boulangerie et de la pâtisserie dans le canton de Genève sont réglés par « la
CCNT de la boulangerie-pâtisserie-confiserie artisanale suisse, ainsi que son
avenant genevois ».

C.
Contre ce prononcé, la défenderesse exerce un recours en matière civile au
Tribunal fédéral. Elle requiert l'annulation de la décision attaquée, le rejet
de la demande en constatation de droit, la condamnation de la demanderesse aux
frais et dépens de procédure et le déboutement de celle-ci de toutes autres ou
contraires conclusions.

La demanderesse propose, à titre principal, l'irrecevabilité du recours, la
condamnation de la défenderesse aux frais judiciaires de la procédure devant le
Tribunal fédéral et le déboutement de cette dernière de toute autre conclusion.
A titre subsidiaire, elle demande, à la forme, de prendre acte de ce qu'elle
s'en rapporte à justice s'agissant de la recevabilité formelle du recours
interjeté par la défenderesse. Au fond, elle demande de débouter la partie
adverse de ses conclusions, de rejeter le recours de celle-ci, de la condamner
aux frais judiciaires de la procédure devant le Tribunal fédéral et de la
débouter de toute autre conclusion.
Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 134 III 115 consid. 1; 134 II 120 consid. 1; 134 IV 36
consid. 1).

La recevabilité d'un recours en matière civile suppose, entre autres
conditions, que le recourant ait un intérêt juridique à l'annulation ou à la
modification de la décision attaquée (art. 76 al. 1 let. b LTF).

1.1 Les développements que les parties consacrent à la recevabilité et à la
question de la légitimation montrent d'emblée que la procédure qui donne lieu
au présent recours est insolite.

Il est constant que les deux parties à la procédure ne sont liées entre elles
par aucune convention collective ou autre rapport contractuel. Il en résulte
que la recourante n'a aucune obligation contractuelle envers l'intimée et ne
peut faire valoir aucune prétention contractuelle contre elle; de la même
manière, l'intimée ne peut invoquer aucun droit de nature contractuelle contre
la recourante et n'assume aucune obligation contractuelle envers elle.

Il n'apparaît aucune relation extra-contractuelle entre les parties, que ce
soit sur la base d'un acte illicite, du principe de la confiance, de
l'enrichissement illégitime ou de la gestion d'affaires. Sous cet angle
également, on ne voit pas que l'une des parties puisse faire valoir un droit à
l'encontre de l'autre.

On ne discerne donc pas sur quelle base juridique les parties pourraient
prendre des conclusions l'une contre l'autre.

Parler ici d'une action en constatation de droit ne change rien à la situation,
puisque la décision attaquée n'a pas pour objet de constater l'inexistence
d'une relation juridique entre les parties.

1.2 L'intimée a soutenu, en procédure cantonale, qu'elle défendait les intérêts
de ses membres. Il est vrai qu'une association professionnelle peut, à
certaines conditions, être habilitée à agir en justice pour défendre les
intérêts de ses membres (cf. ATF 125 III 82 consid. 1a; 121 III 168 consid.
4b). Cela suppose cependant qu'elle défende les intérêts de ses membres, par
exemple en s'opposant à un acte normatif ou une décision étatique défavorables,
ou encore en s'opposant à un comportement individuel nuisible à la profession.
Il n'y a rien de semblable en l'espèce. L'intimée ne s'est pas opposée à une
décision de la recourante qui porterait atteinte aux droits de ses membres ou
aux intérêts généraux de la profession.

Elle a en réalité pris l'initiative de poser à l'organisme cantonal une pure
question théorique, en dehors de tout litige concret entre un employeur et un
travailleur. Cette question de droit pouvait recevoir une réponse défavorable
aux intérêts des membres de l'intimée; on ne saurait dire dans ces
circonstances qu'il s'agissait de faire valoir ou de défendre les droits ou
intérêts des membres. On ne voit d'ailleurs pas par quel mécanisme juridique
une décision défavorable rendue entre les parties pourrait lier des employeurs
qui ne sont pas parties à la procédure, n'y ont pas consenti et n'ont même pas
pu exercer le droit d'être entendu. Un jugement, par principe, ne déploie ses
effets qu'entre les parties; aussi ne perçoit-on pas comment la décision
d'espèce pourrait lier des employeurs et des travailleurs, qui seraient en
litige sur le champ d'application des conventions collectives et n'ont
nullement participé à la présente procédure.
Même entre les parties, on ne discerne pas quel pourrait être l'effet de la
décision attaquée, puisqu'elle ne se prononce pas, dans son dispositif, sur
l'existence ou l'inexistence d'une relation juridique entre les parties, ni sur
un droit ou une obligation que l'une des parties pourrait faire valoir contre
l'autre.

En définitive, cette décision n'a pas d'effet contraignant pour quiconque,
l'intimée n'étant pas un employeur qui devrait appliquer telle ou telle
convention collective. Cette décision ne constitue qu'un avis de droit sur une
question théorique, dépourvu de tout effet juridique.

1.3 Même si les considérations émises par l'organisme cantonal déplaisent à la
recourante - qui est chargée de veiller au respect d'une convention collective
-, cette dernière n'a pas d'intérêt juridique (au sens de l'art. 76 al. 1 let.
b LTF) à demander l'annulation ou la modification d'une décision dépourvue
d'effet juridique.

En conséquence, il n'est pas possible d'entrer en matière sur ce recours.

2.
On peut certes considérer que la recourante succombe puisque son recours est
irrecevable. D'un autre côté, on ne peut pas ignorer que c'est l'intimée qui a
pris l'initiative de demander une prise de position juridique à l'organisme
cantonal et qui a ainsi provoqué une situation ambiguë. Dans ces circonstances,
il se justifie de partager les frais (art. 66 al. 1 LTF) et de compenser les
dépens (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Il n'est pas entré en matière sur le recours.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont répartis à raison de
1'500 fr. à la charge de chacune des parties.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des
relations collectives de travail du canton de Genève.

Lausanne, le 23 septembre 2008

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Corboz Crittin