Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.200/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_200/2008/ech

Arrêt du 18 août 2008
Ire Cour de droit civil

Composition
M. et Mmes les Juges Corboz, Président,
Rottenberg Liatowitsch et Kiss.
Greffier: M. Abrecht.

Parties
X.________ SA,
recourante, représentée par Me Philippe Girod,

contre

Y.________ Compagnie d'Assurances,
intimée, représentée par Me Christian Grosjean.

Objet
contrat d'assurance; péremption,

recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de
Genève du 14 mars 2008.

Faits:
-
- Par courrier du 22 juin 2002, Y.________ Compagnie d'Assurances (ci-après:
Y.________) a confirmé à X.________ SA (ci-après: X.________) l'octroi d'une
couverture d'assurance provisoire pour le restaurant « A.________ » que
celle-ci exploitait à Genève. Selon l'offre du 24 juin 2002, les risques
incendie et perte d'exploitation étaient couverts à hauteur de respectivement
1'000'000 fr. et 1'200'000 fr.; sur la page de signature de l'offre figurait
une mention selon laquelle étaient annexées les conditions générales
d'assurance (ci-après: CGA) applicables au contrat.

Selon les art. 18 et 19 CGA, le dommage est évalué soit par les parties
elles-mêmes, soit par un expert commun, soit encore dans une procédure
d'expertise qui peut être demandée par chacune des parties et dans laquelle
chaque partie désigne son expert, les experts désignant un arbitre.

Selon l'art. 28 CGA, intitulé « prescription et déchéance », les créances qui
dérivent du contrat d'assurance se prescrivent par deux ans à dater du fait
d'où naît l'obligation; les demandes d'indemnité qui ont été rejetées et qui
n'ont pas fait l'objet d'une action en justice dans les deux ans qui suivent le
sinistre sont frappées de déchéance.
- Dans la nuit du 19 au 20 octobre 2002, le restaurant « A.________» a subi un
incendie qui a détruit la véranda et endommagé le mobilier qui s'y trouvait, y
compris les quinze tableaux garnissant les murs. Par courrier du 24 octobre
2002, Y.________ a informé X.________ que, compte tenu de cet événement, la
couverture d'assurance provisoire cesserait de déployer ses effets à partir du
25 octobre 2002. Le restaurant a été fermé du 20 au 25 octobre 2002; il a
ensuite été exploité de façon réduite, à raison du tiers de sa capacité totale.
- Le 6 novembre 2002, X.________ et Y.________ ont convenu de désigner deux
experts, chargés d'évaluer le montant du dommage perte d'exploitation incendie.
Le 23 août 2004, les experts ont rendu un rapport selon lequel le montant du
dommage perte d'exploitation devait être fixé à 175'398 fr.; après déduction
des acomptes déjà versés par 124'000 fr., Y.________ restait donc devoir 51'398
fr. à X.________. Le 1er novembre 2004, X.________ a formulé plusieurs
critiques à l'égard de l'expertise, qui n'ont toutefois pas amené les experts à
modifier leurs conclusions.
Les parties ne se sont pas accordées sur la valeur des tableaux endommagés lors
de l'incendie. Selon l'estimation effectuée sur demande de Y.________ en
janvier 2004, ces tableaux avaient une valeur totale comprise entre 39'740 fr.
et 44'740 fr., tandis que selon X.________, ils devaient être estimés à 103'800
fr. au total. X.________ a refusé de nommer un expert chargé d'évaluer la
valeur de ces tableaux, ainsi que Y.________ l'avait proposé le 13 mai 2004 en
application de l'art. 19 CGA.

Le 19 octobre 2004, X.________ a requis la poursuite de Y.________ pour un
montant en capital de 899'303 fr. 20 (soit 676'533 fr. 35 de solde indemnités
perte d'exploitation, 141'015 fr. de solde indemnités choses et 81'754 fr. 85
de frais de procédure). Y.________ a formé opposition au commandement de payer,
qui lui a été notifié le 5 janvier 2005.
- Par courrier de son conseil du 11 avril 2005 à Y.________, X.________ a
persisté à chiffrer sa perte d'exploitation à 684'175 fr. et a contesté le
montant retenu pour la perte sur choses; elle a proposé un ultime entretien en
vue de transaction, à défaut de quoi elle agirait en justice.

Le 29 avril 2005, Y.________ a persisté dans sa position et a transmis à
X.________, pour signature, une convention d'indemnisation pour la perte
d'exploitation à hauteur de 49'112 fr. 10 (175'398 fr. de dommage selon
l'expertise sous déduction de 124'000 fr. d'acomptes versés et de 2'285 fr. 90
de prime d'assurance pour la couverture provisoire); elle s'est référée à ses
courriers précédents s'agissant de l'indemnisation des tableaux.

Le 31 octobre 2005, le conseil de X.________, constatant que les négociations
n'avaient pas abouti, a demandé à Y.________ l'envoi d'un exemplaire de l'offre
d'assurance du 24 juin 2002 et des conditions générales d'assurance, dont une
partie avait disparu dans l'incendie, afin de déposer une action en justice.
-
- Le 3 janvier 2006, X.________ a assigné Y.________ devant le Tribunal de
première instance du canton de Genève en paiement de 817'548 fr. 35 avec
intérêts à 6% l'an dès le 1er novembre 2004.
Y.________ a conclu au déboutement de X.________ de toutes ses conclusions, en
faisant notamment valoir que la demande de X.________ était périmée en
application de l'art. 28 CGA.
- Par jugement du 29 mai 2007, le Tribunal de première instance a condamné
Y.________ à verser à X.________ 62'316 fr., compensé les dépens et débouté les
parties de toutes autres conclusions. Il a considéré en substance que la
créance de X.________ était périmée, mais que Y.________ lui devait les
montants qu'elle avait admis lors des négociations, à savoir le montant de
49'112 fr. 10 admis le 29 avril 2005 pour la perte d'exploitation et le montant
de 42'240 fr. correspondant à l'estimation moyenne des tableaux, sous déduction
d'un montant de 29'036 fr. opposé en compensation au titre du paiement des
primes de diverses polices d'assurances conclues par X.________.
- Statuant par arrêt du 14 mars 2008 sur appel de X.________ et appel incident
de Y.________, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a
confirmé le jugement de première instance et compensé les dépens d'appel.
-
Agissant par la voie du recours en matière civile au Tribunal fédéral,
X.________ conclut, avec suite des frais et dépens des instances cantonales et
fédérale, à la réforme de cet arrêt en ce sens que Y.________ soit condamnée à
lui payer le montant de 817'548 fr. 35 avec intérêts à 6% l'an dès le 1er
novembre 2004; à titre subsidiaire, elle conclut à l'annulation de l'arrêt
attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle
décision. Y.________ conclut avec suite de frais et dépens au rejet du recours.

Considérant en droit:
-
- Interjeté par la partie demanderesse qui a succombé dans ses conclusions en
paiement prises devant l'autorité précédente et qui a donc qualité pour
recourir (art. 76 al. 1 LTF; ATF 133 III 421 consid. 1.1), le recours est
dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile (art.
72 al. 1 LTF) par un tribunal supérieur statuant sur recours en dernière
instance cantonale (art. 75 al. 1 et 2 LTF). Portant sur une affaire pécuniaire
dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b
LTF), le recours est donc en principe recevable, puisqu'il a été déposé en
temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prévues par la loi (art. 42
LTF).
- Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est
délimité par les art. 95 et 96 LTF. Sous réserve de l'exception prévue par
l'art. 106 al. 2 LTF pour la violation de droits fondamentaux ou de
dispositions de droit cantonal et intercantonal (cf. ATF 133 II 249 consid.
1.4.2), le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF).
Toutefois, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2
LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal
fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de
traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui (ATF 134 III 102 consid. 1.1; 133 II 249 consid. 1.4.1; 133 IV 150
consid. 1.2).
- Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits
établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter
que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - c'est-à-dire
arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (Message du Conseil fédéral concernant la
révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001 4135, ch.
4.1.4.2; cf. ATF 134 V 53 consid. 4.3; 133 II 249 consid. 1.4.3, 384 consid.
4.2.2) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2
LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur
le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). La partie recourante qui entend
s'écarter des constatations de l'autorité précédente doit expliquer de manière
circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al.
2 LTF seraient réalisées, faute de quoi il n'est pas possible de tenir compte
d'un état de fait qui diverge de celui contenu dans la décision attaquée (ATF
133 III 462 consid. 2.4; 133 II 249 consid. 1.4.3; 133 IV 150 consid. 1.3, 286
consid. 1.4).
-
- L'autorité précédente a considéré que le délai de péremption contractuel
instauré par l'art. 28 CGA était valable au regard de l'art. 46 al. 2 LCA et
qu'il ne constituait par ailleurs pas une clause insolite. Le sinistre étant
survenu dans la nuit du 18 au 19 octobre 2002, il n'était pas contesté que le
délai de péremption, à l'instar du délai de prescription de l'art. 46 al. 2
LCA, échoyait le 20 octobre 2004. Néanmoins, comme les parties étaient entrées
en négociation en vue de trouver un accord sur l'indemnisation du sinistre et
avaient poursuivi ces négociations postérieurement au 20 octobre 2004,
X.________ pouvait être mise au bénéfice de l'art. 45 al. 3 LCA : ayant été
empêchée d'agir en justice dans le délai de péremption de deux ans en raison
des négociations, elle était justifiée sur la base de cette disposition à
introduire son action après l'écoulement du délai, à condition toutefois de le
faire sitôt après la disparition de l'empêchement (ATF 74 II 91).

À cet égard, la Cour de justice a retenu que X.________ n'avait pas établi,
alors que la preuve lui en incombait (art. 8 CC), que les négociations avaient
continué postérieurement à la proposition de transaction envoyée par Y.________
le 29 avril 2005. Il fallait donc en déduire que les négociations avaient pris
fin en avril 2005. Or dans la mesure où le conseil de X.________ était déjà
mandaté pour la représenter auprès de Y.________ depuis de nombreux mois, un
délai de huit mois pour agir en justice ne pouvait être considéré comme une
réaction immédiate au sens de l'art. 45 al. 3 LCA.
-
- Aux termes de l'art. 46 al. 1 LCA, les créances qui dérivent du contrat
d'assurance se prescrivent par deux ans à dater du fait d'où naît l'obligation.
L'obligation visée par l'art. 46 al. 1 LCA est celle de l'assureur de verser
les prestations convenues à raison de l'événement assuré (ATF 119 II 468
consid. 2a; 118 II 447 consid. 2b p. 454). Dans l'assurance incendie, c'est la
survenance du sinistre lui-même, soit l'endommagement ou la destruction de
l'objet assuré, qui ouvre le droit aux prestations de l'assureur et, en
conséquence, fait courir la prescription (ATF 75 II 227 consid. 2; 126 III 278
consid. 7a p. 280; arrêts non publiés 5C.237/2004 du 23 mars 2005, consid. 2.2,
et 5C.43/2001 du 25 mai 2001, consid. 4a).
- L'art. 46 al. 2 LCA dispose qu'est nulle, en ce qui a trait à la prétention
contre l'assureur, toute stipulation d'une prescription plus courte ou d'un
délai de déchéance plus bref que le délai de prescription légal. Il découle
ainsi a contrario de cette disposition que la loi tolère la stipulation d'un
délai de déchéance dans le contrat d'assurance, à condition que la durée du
délai prévu ne soit pas plus courte que le délai de prescription de deux ans
prévu à l'art. 46 al. 1 LCA (ATF 74 II 97 consid. 2; arrêt non publié 5C.215/
1999 du 9 mars 2000, consid. 3; Christoph Graber, Basler Kommentar,
Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, 2001, n. 39 ad art. 46 LCA).
- L'art. 45 al. 3 LCA dispose que lorsque le contrat ou la loi fait dépendre de
l'observation d'un délai un droit qui découle de l'assurance, le preneur ou
l'ayant droit qui est en demeure sans faute de sa part peut, aussitôt
l'empêchement disparu, accomplir l'acte retardé. Cette disposition s'applique
notamment lorsque le contrat prévoit un délai de déchéance, soumis aux
exigences de l'art. 46 al. 2 LCA (cf. consid. 2.2.2 supra), pour agir en
justice (ATF 74 II 97 consid. 4 p. 100; Jürg Nef, Basler Kommentar,
Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, 2001, n. 21 ad art. 46 LCA; Graber,
op. cit., n. 43 ad art. 46 LCA).

Selon la jurisprudence, un délai est écoulé sans la faute du preneur
d'assurance ou de l'ayant droit, au sens de l'art. 45 al. 3 LCA, non seulement
lorsque des circonstances dont il ne répond pas l'ont empêché d'agir dans le
délai, mais aussi lorsque, bien qu'il lui eût été possible d'agir dans le
délai, cela ne pouvait être raisonnablement exigé de lui, selon les règles de
la bonne foi, au regard des circonstances; ainsi, on ne saurait en règle
générale exiger du créancier qu'il ouvre action aussi longtemps que les parties
discutent sérieusement un règlement transactionnel du différend; l'omission
d'agir dans le délai doit donc être considérée comme non fautive au sens de
l'art. 45 al. 3 LCA lorsque les parties ont mené sérieusement des pourparlers
transactionnels au-delà de l'expiration du délai de péremption (ATF 74 II 97
consid. 4a; 49 II 121 consid. 6 p. 135). L'art. 45 al. 3 exige alors néanmoins
que le preneur d'assurance ou l'ayant droit ouvre action « aussitôt
l'empêchement disparu », c'est-à-dire aussitôt que possible après la rupture
des pourparlers (ATF 74 II 97 consid. 4a; Nef, op. cit., n. 22 et 23 ad art. 45
LCA).
-
- En l'espèce, la recourante ne conteste pas que le délai de péremption
conventionnel institué par l'art. 28 CGA était valable au regard de l'art. 46
al. 2 LCA, ni que ce délai était échu au moment de l'ouverture d'action. Elle
fait en revanche grief aux juges cantonaux de ne pas avoir apprécié de façon
restrictive les conséquences de la présence d'une péremption conventionnelle
dans les conditions générales d'assurance et de n'avoir pas tenu compte de la
complexité de l'affaire ainsi que de sa bonne foi. Elle fait valoir que
l'intimée n'a jamais attiré son attention sur la présence dans les conditions
générales d'une telle clause, certes admise par la jurisprudence mais dont le
caractère exceptionnel et rare justifiait une information plus précise de la
part de la partie la plus forte du contrat. La recourante soutient par ailleurs
qu'elle pouvait admettre de bonne foi que l'intention de l'intimée était
toujours, avant l'introduction de l'action en justice, de trouver une solution
amiable; en effet, l'intimée ne l'avait jamais informée qu'une telle voie
négociée n'était plus actuelle en ce qui la concernait, ni ne s'était jamais
prévalue de la déchéance, pourtant réalisée, des droits de la recourante dans
les rapports extra-judiciaires.
- Par son argumentation, la recourante paraît d'abord invoquer la jurisprudence
sur les clauses insolites, qui permet de soustraire de l'adhésion censée donnée
globalement à des conditions générales toutes les clauses inhabituelles sur
l'existence desquelles l'attention de la partie la plus faible ou la moins
expérimentée en affaires n'a pas été spécialement attirée (ATF 119 II 443
consid. 1a p. 446; 109 II 452 consid. 4). Selon cette jurisprudence, une clause
des conditions générales ne peut être qualifiée d'insolite que lorsque, par son
objet, elle est étrangère à l'affaire, c'est-à-dire qu'elle modifie de manière
essentielle la nature ou sort notablement du cadre légal d'un type de contrat
(ATF 119 II 443 consid. 1a; 109 II 452 consid. 5b). Le Tribunal fédéral a déjà
eu l'occasion de dire que tel n'était pas le cas d'une clause de déchéance qui
prévoyait, de manière analogue à la clause présentement litigieuse, que « les
droits contre l'assureur s'éteignent si on ne les fait pas valoir en justice
dans les deux ans qui suivent la survenance du sinistre », une telle clause ne
réglant qu'une modalité de l'exercice des droits conférés par le contrat (arrêt
non publié 5C.215/1999 du 9 mars 2000, lettre A et consid. 4b). Au demeurant,
des clauses de ce genre, qui ne datent pas d'hier (cf. ATF 74 II 97 consid. 2
in fine; 49 II 121 consid. 6 p. 133), ne sont pas rares dans les conditions
générales d'assurance (cf. par exemple les arrêts non publiés 4A_23/2008 du 5
mars 2008, lettre A.b; 5C.43/2001 du 25 mai 2001, lettre B; 5C.215/1999 du 9
mars 2000, lettre A; cf. aussi SJ 1999 I 430, consid. 4b). Enfin, comme l'a
relevé à juste titre l'autorité précédente, la possibilité de prévoir
conventionnellement un délai de déchéance découle de la loi elle-même (cf.
consid. 2.2.2 supra).
- La recourante ne saurait tirer argument du fait que l'intimée ne l'aurait
jamais informée qu'une voie négociée n'était plus actuelle en ce qui la
concernait, ni ne s'était jamais prévalue de la déchéance des droits de la
recourante dans les rapports extra-judiciaires. Si la recourante pouvait être
mise au bénéfice de l'art. 45 al. 3 LCA en ce sens qu'on ne pouvait exiger
qu'elle ouvre action tant que les parties discutaient sérieusement un règlement
transactionnel du différend, elle devait conformément à cette disposition
ouvrir action « aussitôt l'empêchement disparu », c'est-à-dire aussitôt que
possible après la rupture des pourparlers (cf. consid. 2.2.3 supra). Or il
ressort clairement de l'état de fait de l'arrêt entrepris que les pourparlers
transactionnels ont pris fin en avril 2005, puisque par courrier du 11 avril
2005, la recourante, qui persistait à chiffrer sa perte d'exploitation à
684'175 fr., a proposé un ultime entretien en vue de transaction, à défaut de
quoi elle agirait en justice, et que l'intimée a répondu en transmettant le 29
avril 2005 à la recourante, pour signature, une convention d'indemnisation pour
la perte d'exploitation à hauteur de 49'112 fr. 10, à laquelle la recourante
n'a donné aucune suite (cf. lettre A.d supra). Dans ces conditions, il
incombait à la recourante d'ouvrir action immédiatement après la fin des
négociations en avril 2005, étant relevé que l'intimée n'avait aucune
obligation d'informer la recourante qu'elle se prévaudrait de la clause de
péremption conventionnelle en cas d'action en justice tardive.
-
- La recourante invoque la violation de l'art. 8 CC en relation avec la
violation de l'interdiction de l'arbitraire dans l'appréciation des preuves, au
sens de l'art. 9 Cst., à l'encontre de la constatation de l'arrêt attaqué selon
laquelle elle n'a pas établi que les négociations avaient continué
postérieurement à la proposition de transaction envoyée par Y.________ le 29
avril 2005 (cf. consid. 2.1 supra). Elle soutient que la production de cartes
de visite ainsi que d'une enveloppe du 7 novembre 2005, conjuguée avec le
dernier courrier de son conseil du 31 octobre 2005 dans lequel est constaté
l'échec des négociations, devaient conduire les juges cantonaux à admettre la
vraisemblance des faits qu'elle alléguait. En mettant l'entier du fardeau de la
preuve sur la recourante s'agissant de la question, soulevée par l'intimée, de
la fin des négociations ainsi que de la tardiveté de l'action en justice,
l'autorité précédente aurait procédé à une appréciation insoutenable des faits
et des moyens de preuve de la cause.
- Il importe de distinguer la question du fardeau de la preuve (cf. consid.
2.4.2.1 infra) de celle de l'appréciation des preuves (cf. consid. 2.4.2.2
infra).
- En vertu de la règle générale de l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi
ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son
droit. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il incombe à celui qui fait
valoir un droit soumis à un délai de péremption de prouver qu'il a observé
celui-ci, l'observation du délai ayant un caractère constitutif de droit et
étant une condition de l'exercice de l'action (ATF 118 II 142 consid. 3a; 84 II
593 consid. 4; 54 II 409). Lorsque la loi (art. 45 al. 3 LCA) autorise celui
qui a été empêché sans faute de sa part d'observer un délai de péremption à
accomplir l'acte retardé aussitôt l'empêchement disparu, c'est à celui que se
prévaut de l'empêchement qu'il incombe de prouver qu'il a agi aussitôt que
possible après la disparition de celui-ci, c'est-à-dire aussitôt que possible
après la rupture des pourparlers (cf. consid. 2.2.3 supra).

C'est donc à juste titre que l'autorité précédente a considéré qu'il incombait
en l'occurrence à la recourante d'apporter la preuve que les négociations
avaient continué postérieurement à la proposition de transaction envoyée par
Y.________ le 29 avril 2005.
- La recourante ne démontre pas que l'autorité précédente, en retenant que
cette preuve n'avait pas été rapportée, ait apprécié les preuves de manière
arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. La production de simples cartes de visite
n'a manifestement aucun caractère probant à cet égard, comme l'a relevé la Cour
de justice. Aucun échange de correspondance n'a eu lieu entre le mois d'avril
2005, où la recourante a campé sur ses positions et proposé un ultime entretien
en vue de transaction en précisant qu'à défaut de quoi elle agirait en justice,
et le courrier du 31 octobre 2005, dans lequel le conseil de la recourante
constatait l'échec des négociations et demandait à Y.________ l'envoi d'un
exemplaire de l'offre d'assurance et des conditions générales d'assurance afin
de déposer une action en justice. La recourante se réfère en vain, pour
démontrer la poursuite des discussions avec l'intimée, à la production d'une
enveloppe du 7 novembre 2005 (pièce n° 70), celle-ci étant postérieure à la
date à laquelle la recourante elle-même avait constaté l'échec des
négociations; le moyen apparaît d'autant plus téméraire que la recourante avait
indiqué dans son mémoire d'appel (allégués 4 et 6 p. 3) que l'enveloppe en
question contenait les documents dont l'envoi avait été sollicité par son
conseil en vue de l'ouverture d'action.
-
Il résulte de ce qui précède que le recours, mal fondé, doit être rejeté. La
recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF)
et versera à l'intimée une indemnité à titre de dépens (art. 68 al. 1, 2 et 4
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
-
Le recours est rejeté.
-
Les frais judiciaires, arrêtés à 9'500 fr., sont mis à la charge de la
recourante.
-
Une indemnité de 11'000 fr., à payer à l'intimée à titre de dépens, est mise à
la charge de la recourante.
-
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 18 août 2008
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Corboz Abrecht