Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.19/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_19/2008

Arrêt du 1er avril 2008
Ire Cour de droit civil

Composition
MM. et Mmes les Juges Corboz, Président,
Klett, Rottenberg Liatowitsch, Kolly et Kiss.
Greffier: M. Abrecht.

Parties
Assurance X.________ SA,
Y.________,
recourantes,
toutes deux représentées par Me Michel Bergmann,

contre

Z.________,
intimée, représentée par Me Jaroslaw Grabowski.

Objet
acte illicite; calcul du dommage,

recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de
Genève du 5 décembre 2007.

Faits:

A.
A.a Z.________, née le 27 février 1939, a travaillé de 1979 à 1986
successivement pour plusieurs employeurs, en dernier lieu comme aide de cuisine
dans une maison de retraite. En février 1983, elle a subi une hystérectomie,
opération dont elle a eu de la peine à se remettre et qui l'a incitée à
demander en octobre 1986 des prestations de l'assurance-invalidité.

Selon le rapport établi par l'Office régional de l'assurance-invalidité le 18
septembre 1987, Z.________, « mariée, un enfant de dix-sept ans à charge », ne
s'occupait plus que des « travaux les plus légers du ménage ». Après avoir
soumis Z.________ à une expertise psychiatrique, qui a conclu à une atteinte
remontant à l'enfance de l'intéressée et provoquant une incapacité de gain
durable de 50%, l'assurance-invalidité lui a octroyé par décision du 3 février
1989, avec effet rétroactif au jour de la demande, une rente extraordinaire
simple.
A.b De juillet 1991 à septembre 1997, Z.________ a travaillé, à raison de 20
heures par semaine, pour l'Association A.________. Elle a cessé cette activité
en octobre 1997 en raison de douleurs à l'épaule gauche et aux pieds. En
octobre 1998, elle a demandé une rente complète d'invalidité, qui lui a été
octroyée par décision du 4 novembre 1999 avec effet rétroactif au jour de la
demande.

Z.________ a subi une opération aux pieds en septembre 1998 et en septembre
1999. Ces interventions lui ont rendu sa totale mobilité. Depuis lors, elle a
bien récupéré et vit une vie proche de la normale. L'Office cantonal de
l'assurance-invalidité n'a pas pour autant réduit la rente complète allouée
depuis octobre 1998 et Z.________ l'a perçue jusqu'à l'âge légal de la
retraite, le 28 février 2002.
A.c Le 12 avril 2001, alors qu'elle traversait la route sur un passage pour
piétons, Z.________ a été renversée par un véhicule conduit par Y.________,
assurée en responsabilité civile par Assurance X.________ SA (ci-après:
X.________). Cet accident a entraîné pour Z.________ différentes lésions,
notamment une entorse grave du genou droit avec déchirure du ligament latéral
interne et du ligament croisé antérieur, et a nécessité une hospitalisation du
12 avril au 4 juillet 2001. Les frais d'hospitalisation ont été pris en charge
par X.________.
Au moment de l'accident, et encore à ce jour, Z.________ occupait un
appartement de trois pièces (soit deux pièces plus une cuisine) à Meyrin. Son
mari, séparé de corps, a définitivement quitté le foyer conjugal en 2002.

Dès mars 2002, Z.________ s'est adressée à X.________ et à Y.________, faisant
valoir que l'intégralité du dommage, en particulier le dommage domestique,
n'avait pas été réparée. En 2002 et 2003, afin d'interrompre la prescription,
elle leur a fait notifier des commandements de payer portant sur 500'000 fr.
plus intérêts à 5% l'an dès le 12 avril 2001, qui ont été frappés d'opposition.
A.d Z.________ a consulté le Dr B.________, chirurgien orthopédiste à Fribourg,
afin qu'il réalise une expertise privée. Dans son rapport du 29 septembre 2003,
ce praticien a indiqué qu'à son avis, Z.________ ne pouvait plus effectuer ses
travaux domestiques qu'à raison de 2 heures par jour ou 14 heures par semaine,
et encore de manière fractionnée; compte tenu des statistiques suisses de
l'année 2000, il a estimé que la capacité de l'intéressée à assumer seule les
travaux domestiques était diminuée de 50% en raison des séquelles
post-traumatiques du genou droit.

B.
B.a Le 14 janvier 2005, Z.________ a assigné X.________ et Y.________ devant le
Tribunal de première instance du canton de Genève. Elle a conclu au paiement
d'une somme totale en capital de 304'363 fr., dont 10'000 fr. avec intérêts à
5% l'an dès le 12 avril 2002 à titre de tort moral, 77'250 fr. avec intérêts à
5% l'an du 27 février 2003 à titre de dommage domestique jusqu'au 13 janvier
2005, 198'378 fr. à titre de dommage domestique futur et 17'605 fr. pour des
frais d'avocat avant procès. Elle a en outre requis la mainlevée définitive des
oppositions formées par les défenderesses aux commandements de payer qui leur
avaient été notifiés.

À l'appui de ses conclusions, la demanderesse a notamment fait valoir qu'à la
suite de l'accident du 12 avril 2001 et notamment de la lésion du genou droit,
elle n'arrivait plus à s'occuper de son ménage qu'à 50%, ne parvenant plus à
consacrer aux activités domestiques que 12 heures par semaine contre 25,75
heures en moyenne par semaine avant l'accident. S'agissant du tarif horaire à
prendre en considération pour le calcul du dommage normatif, elle a proposé 25
fr., se référant à l'ATF 129 III 135.

Dans leur réponse, les défenderesses ont conclu à ce qu'il fût donné acte à
X.________ de ce qu'elle avait payé le 29 août 2005 à la demanderesse, à titre
de réparation du tort moral, une somme de 12'188 fr. (correspondant à 10'000
fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 12 avril 2001). Elles ont conclu à
libération pour le surplus, faisant valoir en substance que la demanderesse,
qui était au bénéfice d'une rente complète de l'assurance-invalidité au moment
de l'accident, était déjà incapable d'effectuer son ménage avant l'accident, de
sorte que celui-ci n'avait eu aucune incidence sur sa capacité de tenir le
ménage.
B.b Entendu dans le cadre des enquêtes ordonnées par le Tribunal de première
instance, le Dr B.________ a confirmé son rapport du 29 septembre 2003, en
particulier que la demanderesse ne pouvait plus faire son ménage comme avant et
qu'elle était handicapée pour les travaux domestiques à raison de 50%.
B.c Une expertise judiciaire a été confiée au Dr C.________, chirurgien
orthopédiste à Genève, qui a rendu son rapport le 5 mai 2006. L'expert a
retenu, comme conséquences des lésions au genou droit causées par l'accident,
que le périmètre de marche était limité à une vingtaine de minutes, après quoi
la demanderesse devait s'asseoir; il a constaté que la demanderesse pouvait
accomplir toutes les fonctions de sa vie quotidienne, mais de façon discontinue
et ralentie. À la question du Tribunal « Z.________ est-elle partiellement ou
totalement incapable d'effectuer ses tâches ménagères, soit celles incombant à
une personne vivant seule? », l'expert a répondu « Elle est capable d'effectuer
toutes les tâches ménagères lui incombant à l'exception des courses lourdes qui
sont effectuées par sa fille ». À la question du Tribunal « À combien
estimez-vous en pour cent l'atteinte à l'intégrité physique / invalidité
médico-théorique subie par Z.________ des seules suites de l'accident [du] 12
avril 2001? », l'expert a répondu « En l'absence d'arthrose du genou mais en
raison de sa possibilité d'apparition ultérieure et de l'instabilité, on
retiendra une invalidité médico-théorique d'un quart du membre inférieur (60%
pour la perte totale), soit de 15% ».

Entendu le 19 septembre 2006, le Dr C.________ a intégralement confirmé son
rapport du 5 mai 2006. Il a indiqué que la demanderesse était capable
d'effectuer ses tâches ménagères, à condition de les effectuer de manière
fractionnée; elle était en tout cas capable d'effectuer deux heures de ménage
par jour, voire davantage, en les fractionnant.
B.d Par jugement du 23 novembre 2006, le Tribunal de première instance, ayant
donné acte à X.________ de ce que celle-ci avait versé à la demanderesse une
somme de 12'188 fr. à titre de réparation du tort moral, a débouté la
demanderesse de ses conclusions. Le Tribunal a considéré en substance que la
demanderesse n'avait pas démontré qu'elle était parfaitement capable de tenir
son ménage avant l'accident, de sorte que l'existence d'un lien de causalité
entre l'accident et le dommage allégué n'avait pas été démontré; en outre,
l'existence même d'un dommage n'avait pas été établie, la demanderesse étant
selon l'expertise judiciaire toujours capable d'exécuter les tâches ménagères -
sous réserve des courses lourdes -, quitte à les fractionner dans le temps.
B.e Statuant par arrêt du 5 décembre 2007 sur appel de la demanderesse, la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a annulé le jugement
de première instance et, statuant à nouveau, a condamné solidairement les
défenderesses à verser à la demanderesse les montants de 10'000 fr. sans
intérêts (pour des frais d'avocat avant procès), de 500 fr. plus intérêts à 5%
l'an dès le 1er juin 2001 et de 34'945 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 5
septembre 2004 (pour le préjudice ménager passé), et de 63'067 fr. 20 plus
intérêts à 5% l'an dès le 6 décembre 2007 (pour le dommage domestique futur);
elle a en outre prononcé la mainlevée définitive des oppositions formées aux
commandements de payer à concurrence des trois premiers de ces montants.

C.
Agissant par la voie du recours en matière civile au Tribunal fédéral, les
défenderesses concluent avec suite de frais et dépens à la réforme de cet arrêt
en ce sens que la demanderesse soit déboutée de toutes ses conclusions. La
demanderesse conclut avec suite de frais et dépens au rejet du recours.

Les recourantes ont requis l'octroi de l'effet suspensif au recours, que le
Président de la Cour de céans a accordé par ordonnance du 15 février 2008.

Considérant en droit:

1.
1.1 Interjeté par les parties défenderesses qui ont succombé dans leurs
conclusions libératoires prises devant l'autorité précédente et qui ont donc
qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF; ATF 133 III 421 consid. 1.1), le
recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière
civile (art. 72 al. 1 LTF) par un tribunal supérieur statuant sur recours en
dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 et 2 LTF). Portant sur une affaire
pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr. (art. 74
al. 1 let. b LTF), le recours est donc en principe recevable, puisqu'il a été
déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prévues par la
loi (art. 42 LTF).

1.2 Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit,
tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Sous réserve de l'exception
prévue par l'art. 106 al. 2 LTF pour la violation de droits fondamentaux ou de
dispositions de droit cantonal et intercantonal (cf. ATF 133 II 249 consid.
1.4.2), le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il
n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours, ni par la
motivation retenue par l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour
d'autres motifs que ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en
adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF
133 IV 150 consid. 1.2 et la jurisprudence citée). Compte tenu de l'exigence de
motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF - sanctionnée par
l'irrecevabilité des recours dont la motivation est manifestement insuffisante
(art. 108 al. 1 let. b LTF) -, le Tribunal fédéral n'examine en principe que
les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité
de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque
celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 133 II 249 consid. 1.4.1; 133
IV 150 consid. 1.2; 133 V 519 consid. 1.3).

1.3 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte -
c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (Message du Conseil fédéral
concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001
4135, ch. 4.1.4.2; cf. ATF 133 II 249 consid. 1.4.3, 384 consid. 4.2.2) - ou en
violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie
recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité précédente doit
expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception
prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de quoi il n'est pas
possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui contenu dans la
décision attaquée (ATF 133 III 462 consid. 2.4; 133 II 249 consid. 1.4.3; 133
IV 150 consid. 1.3, 286 consid. 1.4). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne
peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente
(art. 99 al. 1 LTF).

2.
Avant d'examiner la présente cause à la lumière des critiques émises par les
recourantes contre l'arrêt de la Cour de justice (cf. consid. 3 infra), il
convient de rappeler les principes juridiques applicables en matière de
préjudice ménager.

2.1 Si, par suite de l'emploi d'un véhicule automobile, une personne est tuée
ou blessée ou qu'un dommage matériel est causé, le détenteur est civilement
responsable (art. 58 al. 1 LCR). Le mode et l'étendue de la réparation ainsi
que l'octroi d'une indemnité à titre de réparation morale sont régis par les
principes du code des obligations concernant les actes illicites (art. 62 al. 1
LCR). En cas de lésions corporelles, la partie qui en est victime a droit au
remboursement des frais et aux dommages-intérêts qui résultent de son
incapacité de travail totale ou partielle, ainsi que de l'atteinte portée à son
avenir économique (art. 46 al. 1 CO). Une lésion corporelle peut porter
atteinte non seulement à la capacité de gain, mais également à la capacité de
travail, particulièrement à celle concernant les activités non rémunérées,
telles que la tenue du ménage ainsi que les soins et l'assistance fournis aux
enfants; il est alors question de dommage domestique ou de préjudice ménager
(ATF 131 III 360 consid. 8.1; 129 III 135 consid. 4.2.1). Selon la
jurisprudence du Tribunal fédéral, ce type de préjudice donne droit à des
dommages-intérêts en application de l'art. 46 al. 1 CO, peu importe qu'il ait
été compensé par une aide extérieure, qu'il occasionne des dépenses accrues de
la personne partiellement invalide, qu'il entraîne une mise à contribution
supplémentaire des proches ou que l'on admette une perte de qualité des
services (ATF 132 III 321 consid. 3.1; 131 III 360 consid. 8.1; 127 III 403
consid. 4b). Ce dommage est dit normatif (ou abstrait), parce qu'il est admis
sans preuve d'une diminution concrète du patrimoine du lésé (ATF 132 III 321
consid. 3.1; 127 III 403 consid. 4b).

2.2 Lors du calcul du préjudice ménager, il convient de procéder en plusieurs
étapes : il s'agit d'abord d'évaluer le temps que, sans l'accident, le lésé
aurait consacré à accomplir des tâches ménagères (cf. consid. 2.3 infra), puis,
en partant du taux d'invalidité médicale résultant de l'accident, de rechercher
l'incidence de cette invalidité médico-théorique sur la capacité du lésé à
accomplir ses tâches ménagères (cf. consid. 2.4 infra), et enfin de fixer la
valeur de l'activité ménagère que le lésé n'est plus en mesure d'accomplir (cf.
consid. 2.5 infra).
2.3
2.3.1 Pour évaluer le temps nécessaire aux activités ménagères, les juges du
fait peuvent soit se prononcer de façon abstraite, en se fondant exclusivement
sur des données statistiques, soit prendre en compte les activités
effectivement réalisées par le lésé dans le ménage; dans le premier cas, ils
appliquent des critères d'expérience, de sorte que leur appréciation peut être
revue comme une question de droit, bien que, s'agissant d'appréciation, le
Tribunal fédéral n'intervienne qu'avec retenue; dans la seconde hypothèse, ils
examinent la situation concrète, même s'ils s'aident d'études statistiques pour
déterminer dans les faits à quelle durée correspond une activité précise
réalisée dans le ménage en cause (ATF 132 III 321 consid. 3.1; 131 III 360
consid. 8.2.1; 129 III 135 consid. 4.2.1; cf. aussi ATF 131 II 656 consid. 6.1;
127 III 403 consid. 4a in fine).
2.3.2 La jurisprudence considère que l'enquête suisse sur la population active
(ESPA; en allemand SAKE), effectuée périodiquement par l'Office fédéral de la
statistique, offre une base idoine pour la détermination du temps effectif
moyen consacré par la population suisse aux activités ménagères et pour la
fixation du temps consacré dans chaque cas individuel (ATF 132 III 321 consid.
3.2 et 3.6; 131 III 360 consid. 8.2.1; 129 III 135 consid. 4.2.2.1 p. 155 s.).
Des tableaux ont été dressés sur cette base (cf. Pribnow/Widmer/Sousa-Poza/
Geiser, Die Bestimmung des Haushaltsschadens auf der Basis der SAKE, Von der
einsamen Palme zum Palmenhain, in REAS 1/2002 p. 24 ss, 37 ss), dont le juge
peut tenir compte dans le cadre de l'application du droit, puisqu'il ne s'agit
pas de constater des faits mais d'appliquer des règles d'expérience (ATF 132
III 321 consid. 3.1 131 III 360 consid. 8.2.1; 129 III 135 consid. 4.2.2.1 p.
156). Les dernières tables publiées par l'Office fédéral de la statistique sont
celles de 2004 (ci-après: tables ESPA 2004) et ont été publiées en juin 2006
(cf. Jacqueline Schön-Bühlmann, Haushaltschaden : Erste Erfahrungen mit den
neuen SAKE-Tabellen 2004, in Personen-Schaden-Forum 2007, p. 77 ss, 77). Elles
sont reproduites dans plusieurs publications (cf. Hardy Landolt, Zürcher
Kommentar, Band V/1c, 2007, n. 1063 ss ad art. 46 CO; REAS 1/2006 p. 177 ss).
2.3.3 Le choix de la méthode abstraite, fondée exclusivement sur des données
statistiques (cf. consid. 2.3.1 supra), suppose à tout le moins que le juge du
fait explique en quoi telle donnée statistique correspond peu ou prou à la
situation de fait du cas particulier (ATF 129 III 135 consid. 4.2.2.1 p. 155;
arrêt 4C.166/2006 du 25 août 2006, consid. 5.2). Le cas échéant, il convient
d'opérer des ajustements en fonction des circonstances concrètes; ainsi, on
peut tenir compte du fait que les personnes exerçant une activité lucrative
consacrent moins de temps aux activités ménagères en opérant une déduction
forfaitaire de 20% à 50% (ATF 129 II 145 consid. 3.1 et les références citées;
arrêt 4C.166/2006 du 25 août 2006, consid. 5.2). Par ailleurs, il est clair que
seul celui qui, sans l'accident, aurait effectivement accompli des tâches
ménagères peut réclamer la réparation de son préjudice ménager (arrêt 4C.166/
2006 du 25 août 2006, consid. 5.1).

2.4 Le préjudice s'entend au sens économique; est déterminante la diminution de
la capacité de gain s'il s'agit d'indemniser une perte de gain (ATF 129 III 135
consid. 2.2), respectivement, s'agissant du dommage domestique, la diminution
de la capacité du lésé à accomplir les tâches ménagères (ATF 129 III 135
consid. 4.2.1 p. 153). Selon la jurisprudence, le dommage consécutif à
l'invalidité doit, autant que possible, être établi de manière concrète; le
juge partira du taux d'invalidité médicale (ou théorique) et recherchera ses
effets sur la capacité de gain ou l'avenir économique du lésé (ATF 131 III 360
consid. 5.1; 129 III 135 consid. 2.2 et les arrêts cités), respectivement, pour
le dommage domestique, l'incidence de l'invalidité médicale sur la capacité du
lésé à accomplir des tâches ménagères (ATF 129 III 135 consid. 4.2.1 p. 153).
Il est tout à fait possible que le handicap dont souffre le lésé n'exclue pas
la poursuite d'une activité ménagère ou ne commande qu'une faible diminution de
celle-ci; inversement, il se peut qu'une certaine affection génère, sur le plan
du dommage domestique, des effets sans commune mesure avec le taux d'invalidité
médicale qui s'y rapporte (ATF 129 III 135 consid. 4.2.1 p. 153).

2.5 S'agissant de fixer la valeur du travail ménager, la jurisprudence
considère qu'il faut prendre comme référence le salaire d'une femme de ménage
ou d'une gouvernante (ATF 132 III 312 consid. 3.1; 131 III 360 consid. 8.3; 129
II 145 consid. 3.2.1). Le juge dispose à cet égard d'un pouvoir d'appréciation
très étendu (ATF 131 III 360 consid. 8.3; 129 II 145 consid. 3.2.1). Le
Tribunal fédéral a eu l'occasion de confirmer qu'à Genève et dans l'arc
lémanique, retenir un salaire horaire de 30 fr. ne constitue manifestement pas
un abus de ce pouvoir d'appréciation (ATF 131 III 360 consid. 8.3; cf. déjà
arrêt 4C.495/1997 du 9 septembre 1998, consid. 5a/bb). Il a précisé que le juge
est en droit de prendre en compte une rémunération horaire du travail ménager
quelque peu supérieure à sa valeur actuelle, pour tenir compte d'un
accroissement de revenu dans le futur (ATF 131 III 360 consid. 8.3 et la
jurisprudence citée).

2.6 L'établissement du préjudice ménager est essentiellement une question de
fait, que le Tribunal fédéral ne peut dans cette mesure revoir qu'aux
conditions de l'art. 105 al. 2 LTF (cf. consid. 1.3 supra); en revanche, savoir
si l'autorité cantonale a méconnu la notion de préjudice ménager ou les
principes qui en régissent le calcul est une question de droit, que le Tribunal
fédéral examine librement (ATF 131 III 360 consid. 8.1; 129 III 135 consid.
4.2.1 p. 152; 127 III 403 consid. 4a in fine).

3.
Les principes applicables ayant été rappelés, il convient d'examiner, dans
l'ordre commandé par la logique du raisonnement juridique (cf. consid. 2.2
supra), les points que les recourantes contestent devant le Tribunal fédéral
(cf. consid. 1.2 supra).
3.1
3.1.1 Conformément aux principes rappelés plus haut (cf. consid. 2.2 et 2.3
supra), les juges cantonaux ont commencé par déterminer le temps que, sans
l'accident, l'intimée aurait consacré à accomplir des tâches ménagères. Ils ont
constaté que, nonobstant le fait que l'intimée était au bénéfice d'une rente
complète de l'assurance-invalidité au moment de l'accident, elle était, la
veille de l'accident, encore parfaitement à même de s'occuper de son ménage;
l'intervention chirurgicale aux pieds en 1998/1999 lui avait rendu sa totale
mobilité et elle vivait une vie proche de la normale, comme cela résultait des
enquêtes et de l'expertise judiciaire. La cour cantonale a précisé que l'octroi
d'une rente d'invalidité pour compenser l'atteinte portée à la capacité de gain
ne préjugeait pas de la situation au domicile de la personne invalide, qui, en
fonction du type de l'atteinte (santé physique, santé psychique), pouvait
parfaitement avoir préservé sa capacité d'effectuer ses tâches ménagères.
3.1.2 Les recourantes ne démontrent pas que la constatation de la cour
cantonale selon laquelle l'intimée était encore parfaitement à même de
s'occuper de son ménage à la veille de l'accident du 12 avril 2001 serait
arbitraire. Elles invoquent à cet égard en vain le rapport établi par l'Office
régional de l'assurance-invalidité le 18 septembre 1987, selon lequel l'intimée
ne s'occupait plus que des « travaux les plus légers du ménage » (cf. lettre
A.a supra); en effet, la rente extraordinaire simple qui a été accordée dès
1987 à l'intimée l'a été en raison d'une incapacité de gain d'origine
psychique, et une remarque formulée dans ce contexte par l'Office régional AI,
plus de treize ans avant l'accident du 12 avril 2001, n'est pas propre à
infirmer l'appréciation de la cour cantonale - fondée sur les enquêtes et sur
l'expertise judiciaire - quant à la pleine capacité de l'intimée à accomplir
les tâches ménagères à la veille de l'accident.
3.2
3.2.1 Ayant retenu que l'intimée était parfaitement à même, avant l'accident,
de s'occuper de son ménage, la Cour de justice s'est employée à évaluer le
temps que, sans l'accident, l'intimée aurait consacré à la tenue de son ménage.
Déclarant opter conformément à sa pratique pour la détermination abstraite du
temps nécessaire aux activités ménagères, la cour cantonale a constaté que
selon les tables ESPA 2004 (table 2.1.1), une femme, vivant seule, âgée entre
64 et 79 ans, consacrait en moyenne 23,6 heures par semaine aux tâches
ménagères, ce qui correspondait à 3,37 heures par jour.

Les juges cantonaux ont exposé que le chiffre de 23,6 heures par semaine pour
un petit ménage (en l'espèce un appartement de trois pièces) était sans doute
élevé et que, s'agissant d'un ménage à une personne, certaines décisions
cantonales avaient tout simplement écarté les tables ESPA pour retenir, en
libre appréciation, un chiffre de 10 heures par semaine. Ils ont toutefois
considéré qu'il n'y avait pas lieu de faire de même dans la présente cause,
dans la mesure où les décisions cantonales en question retenaient un modèle
pour personnes célibataires en pleine activité professionnelle, qui ne
répondait pas au cas d'espèce.
3.2.2 Les recourantes reprochent à la cour cantonale d'avoir appliqué
exclusivement la méthode abstraite pour déterminer la durée consacrée par
l'intimée aux tâches domestiques, sans tenir compte des circonstances
concrètes. Se référant à la doctrine (Guy Chappuis, Le préjudice ménager :
encore et toujours ou les errances du dommage normatif, in REAS 4/2004 p. 282
ss; Hans Peter Walter, Die statistischen Eckdaten in der Rechtsprechung, in
REAS 2/2006 p. 164 ss), elles soutiennent qu'une évaluation abstraite ne serait
admissible que lorsqu'une évaluation concrète s'avère impossible, le juge ne
pouvant choisir librement entre la méthode abstraite et la méthode concrète.

Selon la jurisprudence constante, dont il n'y a pas lieu de s'écarter, le juge,
lorsqu'il s'agit d'évaluer le temps nécessaire aux activités ménagères, a le
choix entre la méthode abstraite, consistant à se fonder sur des données
statistiques, et la méthode concrète, consistant à prendre en compte les
activités effectivement réalisées par le lésé dans le ménage (cf. les arrêts
cités au consid. 2.3.1 supra). L'application de la méthode dite abstraite n'est
pas pour autant totalement détachée des circonstances concrètes du cas d'espèce
: ainsi, seul celui qui, sans l'accident, aurait effectivement accompli des
tâches ménagères peut réclamer la réparation de son préjudice ménager; en
outre, le juge qui choisit la méthode abstraite doit vérifier et expliquer en
quoi les données statistiques sur lesquelles il se fonde correspondent peu ou
prou à la situation de fait du cas particulier et, le cas échéant, opérer des
ajustements en fonction des circonstances concrètes (cf. les arrêts cités au
consid. 2.3.3 supra).

En l'occurrence, la cour cantonale a expliqué de manière circonstanciée en quoi
les données statistiques sur lesquelles elle s'est fondée correspondaient à la
situation de l'intimée et pour quels motifs il n'y avait pas lieu de s'en
écarter. Ce faisant, elle s'est conformée à la jurisprudence et on ne voit pas
qu'elle ait abusé de son pouvoir d'appréciation dans l'application de la
méthode abstraite.
3.2.3 Les recourantes soutiennent qu'en fondant ses calculs du préjudice
ménager futur sur le chiffre de 23,6 heures par semaine, la cour cantonale
aurait omis de tenir compte du caractère évolutif du travail domestique,
oubliant que le nombre d'heures consacrées au travail domestique diminue avec
l'âge pour tomber, selon les tables ESPA 2004 (table 2.1.1) à 18,1 heures par
semaine dès l'âge de 80 ans.

Selon la jurisprudence, le dommage ménager futur doit être capitalisé au moyen
des tables d'activité (ATF 131 III 12 consid. 7.6 p. 21, 360 consid. 8.4.2; 129
III 135 consid. 4.2.2.3 p. 159). Dans ce contexte, le juge tiendra compte du
caractère évolutif du travail domestique au regard de la structure du ménage et
des modifications prévisibles qu'elle connaîtra, en particulier lors du départ
du ou des enfants du foyer familial (ATF 129 III 135 consid. 4.2.2.1 p. 155),
en faisant usage des tables d'activité temporaires et différées (ATF 131 III
360 consid. 8.4.2; 129 III 135 consid. 4.2.2.3 p. 160). En revanche, il n'y a
pas lieu de distinguer une période supplémentaire dès l'âge de 80 ans du seul
fait que la capacité de tenir soi-même son ménage diminue avec l'âge (cf. ATF
131 III 360 consid. 8.4.3 p. 376; 129 III 135 consid. 4.2.2.3 p. 160). En
effet, les tables d'activité tiennent compte de la notion d'activité, soit de
la capacité de travail, qui prend fin lorsqu'on n'est plus en mesure
physiquement de tenir son propre ménage (ATF 129 III 135 consid. 4.2.2.3 p.
159). L'utilisation des tables d'activité non temporaires tient ainsi déjà
compte de la diminution de l'activité ménagère liée au grand âge.
3.2.4 En définitive, il y a lieu de s'en tenir à la constatation de la cour
cantonale selon laquelle l'intimée aurait, sans l'accident, consacré 23,6
heures par semaine à la tenue de son ménage.
3.3
3.3.1 L'étape suivante du raisonnement consiste à examiner dans quelle mesure
l'accident a diminué la capacité de l'intimée à accomplir ses tâches ménagères;
pour ce faire, il convient de partir du taux d'invalidité médicale résultant de
l'accident et de rechercher l'incidence de cette invalidité médico-théorique
sur la capacité de l'intimée à tenir son ménage (cf. consid. 2.2 et 2.4 supra).

En l'espèce, l'expert judiciaire a retenu, comme conséquence de l'accident du
12 avril 2001, une invalidité médico-théorique de 15%; il a expliqué que ce
taux, correspondant au quart du taux (60%) d'invalidité médico-théorique qui
serait retenu en cas de perte totale du membre inférieur, était retenu « en
l'absence d'arthrose du genou mais en raison de sa possibilité d'apparition
ultérieure et de l'instabilité »; il a estimé que l'intimée était encore
capable d'effectuer ses tâches ménagères, à raison en tout cas de deux heures
par jour, voire davantage, à condition de les effectuer de manière fractionnée
(cf. lettre B.c supra).

Se ralliant à l'appréciation de l'expert judiciaire, les juges cantonaux sont
partis d'une invalidité médico-théorique de 15%. Retenant que cette invalidité
médicale se manifestait concrètement sous la forme d'un ralentissement -
constaté tant par l'expert judiciaire que par le Dr B.________ - dans
l'exécution du travail domestique, ils ont considéré que l'intimée était
atteinte dans sa capacité d'effectuer comme auparavant ses tâches ménagères
dans une mesure correspondant à 15% des heures de travail qu'elle aurait
consacrées sans l'accident à la tenue de son ménage. Ils ont ainsi écarté tant
la thèse de la recourante, qui soutenait que l'intimée ne subissait aucun
dommage puisqu'elle restait capable d'effectuer ses tâches ménagères, que la
thèse de l'intimée, qui affirmait être handicapée pour les travaux domestiques
à raison de 50%.
3.3.2 Les recourantes reprochent à l'autorité cantonale d'avoir méconnu les
règles relatives au fardeau et au degré de la preuve (art. 8 CC) en retenant
une invalidité médico-théorique de 15% comme conséquence de l'accident sur la
base de l'expertise judiciaire. Selon elles, l'invalidité médico-théorique
arrêtée à 15% par l'expert judiciaire se référerait à une simple possibilité (à
moins de 50% selon le procès-verbal d'audition de l'expert devant le Tribunal
de première instance) d'apparition ultérieure d'arthrose du genou et sur une
instabilité du genou pour laquelle une origine dégénérative ne pourrait être
exclue, selon le rapport de l'expert judiciaire.

Il est constant que la preuve du dommage incombe au demandeur (art. 8 CC et 42
al. 1 CO). En règle générale, la preuve d'un fait contesté n'est rapportée que
si le juge a acquis, en se fondant sur des éléments objectifs, la conviction de
l'existence de ce fait; une certitude absolue n'est pas nécessaire, mais il
faut qu'il n'y ait aucun doute sérieux ou, à tout le moins, que les doutes qui
subsistent paraissent légers (ATF 130 III 321 consid. 3.2; cf., sur
l'allégement du degré de la preuve dans certaines situations particulières, ATF
133 III 81 consid. 4.2.2; 132 III 715 consid. 3.1 et les arrêts cités). Il
n'est pas admissible de juger selon une simple vraisemblance lorsque la
conviction du juge fait défaut et que le fait contesté demeure ainsi en
définitive douteux (ATF 118 II 235 consid. 3c et les arrêts cités).

En l'espèce, une simple possibilité d'apparition ultérieure d'arthrose du genou
ne suffisait certes pas pour admettre une invalidité médicale. Toutefois, dans
la mesure où l'appréciation de l'expert judiciaire repose aussi expressément
sur l'instabilité constatée du genou droit - qui a pour conséquence que le
périmètre de marche de l'intimée est désormais limité à une vingtaine de
minutes et qu'elle ne peut plus accomplir les fonctions de sa vie quotidienne,
notamment les tâches ménagères, que de façon discontinue et ralentie (cf.
lettre B.c supra) -, la cour cantonale pouvait, sans s'exposer à la censure du
Tribunal fédéral, retenir avec l'expert judiciaire une invalidité
médico-théorique de 15%. Elle pouvait de même acquérir la conviction que, comme
l'a constaté l'expert judiciaire, cette invalidité médico-théorique était une
conséquence de l'accident du 12 avril 2001; le seul fait que l'expert ait
indiqué, s'agissant de l'instabilité du genou droit consécutive à la déchirure
des ligaments, que « [l']origine dégénérative ne peut être exclue » (rapport
d'expertise, p. 12), ne suffisait pas à faire naître un doute sérieux sur
l'origine de la lésion constatée.
3.3.3 Les recourantes soutiennent que, même en admettant une invalidité
médico-théorique de 15% comme conséquence de l'accident, la Cour de justice
aurait dû, pour déterminer concrètement une éventuelle perte en activité
ménagère, se référer aux conclusions de l'expertise judiciaire et constater que
l'intimée était à même d'effectuer toutes les activités ménagères, sous réserve
des courses lourdes. En prenant en considération un taux de 15% comme si ce
taux était un taux d'invalidité concret, alors qu'il ne serait qu'un taux
théorique sans incidence sur le plan concret, les juges cantonaux auraient
violé les art. 42 al. 2 CO, 46 CO et 8 CC. Le simple ralentissement dans
l'exécution du travail domestique ne saurait être constitutif d'un préjudice,
la personne lésée devant contribuer à limiter le dommage (art. 44 al. 1 CO) et
s'organiser en conséquence, comme on peut l'exiger d'une personne n'exerçant
plus d'activité lucrative.

Il ne peut être fait grief à l'autorité cantonale d'avoir retenu un préjudice
ménager sur la seule base d'un taux invalidité médico-théorique qui serait
dépourvu d'incidence sur le plan concret. En premier lieu, il est constant
qu'en raison des lésions au genou droit qui sont la conséquence de l'accident,
l'intimée n'est plus capable de faire des courses lourdes, qui sont désormais
faites par sa fille. Ensuite, même si, en fractionnant son activité de manière
à utiliser toute sa capacité ménagère résiduelle, l'intimée est encore capable
d'effectuer en principe toutes les autres tâches ménagères, à raison en tout
cas de 2 heures par jour, voire davantage, selon les constatations de l'expert
judiciaire sur lesquelles s'est fondée la cour cantonale - le Dr B.________
estimant quant à lui que l'intimée ne peut plus effectuer ses travaux
domestiques, et ce de manière fractionnée, qu'à raison de 2 heures par jour ou
14 heures par semaine (cf. lettre A.d supra) -, il apparaît que le nombre
d'heures qu'elle peut ainsi consacrer journellement aux tâches ménagères est en
tout cas significativement inférieur aux 3,37 heures qu'elle y consacrait avant
l'accident (cf. consid. 3.2.1 supra). Dans ces conditions, l'arrêt attaqué
échappe à la critique lorsqu'il retient une diminution de la capacité ménagère
concrète de l'intimée correspondant à 15% des heures de travail domestique
qu'elle accomplissait avant l'accident, ce qui revient à considérer qu'elle
n'est plus capable d'effectuer que 2,86 heures de travail ménager par jour,
contre 3,37 heures par jour auparavant.

Sur le vu de ce qui précède, point n'est besoin d'examiner si celui qui reste
capable d'effectuer quotidiennement toutes les tâches ménagères, en y
consacrant davantage de temps et/où d'efforts, subit de ce fait un préjudice
ménager (cf. Landolt, op. cit., n. 920 ad art. 46 CO et les références citées).
Comme on vient de le voir, l'intimée n'est en effet précisément plus capable
d'effectuer tout le travail ménager qu'elle effectuait auparavant, même en le
fractionnant dans la journée.
3.4
3.4.1 S'agissant du tarif horaire à prendre en compte pour l'indemnisation du
préjudice ménager, la cour cantonale a exposé qu'à Genève et dans l'arc
lémanique, le tarif horaire d'une femme de ménage s'élevait selon la
jurisprudence à 30 fr. (cf. consid. 2.5 supra), montant qu'elle a ainsi pris
pour base de ses calculs (cf. consid. 3.5 infra).
3.4.2 Les recourantes font valoir que l'intimée avait pris en compte, dans ses
écritures en première instance, un tarif horaire de 25 fr.; elles y voient un
aveu judiciaire, dont elles auraient pris acte dans leurs écritures en première
instance. Par conséquent, en s'écartant du tarif horaire indiqué par l'intimée,
la cour cantonale aurait violé de manière arbitraire (art. 9 Cst.) l'art. 189
LPC/GE, qui prévoit que l'aveu fait foi contre celui qui l'a fait.

Dans sa demande en paiement du 13 janvier 2005, l'intimée s'est référée au taux
horaire de 25 fr. retenu dans l'ATF 129 III 135; dans ses conclusions après
enquêtes et après expertise du 17 octobre 2006, les recourantes ont déclaré
prendre acte de cette position. Il apparaît ainsi que, s'agissant du tarif
horaire indiqué, l'intimée n'alléguait pas un fait qu'elle offrait de prouver
mais se référait à la jurisprudence; de leur côté, les recourantes se sont
bornées à prendre acte du tarif horaire indiqué, sans affirmer qu'elles
l'admettaient et sans invoquer un quelconque aveu judiciaire de la part de
l'intimée. Les juges cantonaux n'étaient donc pas liés par un quelconque aveu
judiciaire sur une question de fait, mais pouvaient déterminer le tarif horaire
en faisant appel à l'expérience générale de la vie, ainsi qu'ils l'ont fait en
se référant au tarif horaire retenu pour Genève et l'arc lémanique dans la
jurisprudence récente. L'arrêt attaqué échappe ainsi à la critique en tant
qu'il retient que le préjudice ménager de l'intimée doit être indemnisé sur la
base d'un tarif horaire de 30 fr., qui est conforme à la jurisprudence (cf.
consid. 2.5 supra).
3.5
3.5.1 S'agissant de l'établissement concret du préjudice ménager de l'intimée,
la Cour de justice a distingué trois périodes :

Pour la période allant de l'accident (12 avril 2001) jusqu'à la sortie de
l'hôpital (4 juillet 2001), période marquée par une incapacité totale de
s'occuper du ménage, la cour cantonale a considéré que les tâches ménagères se
trouvaient réduites du fait de l'hospitalisation et se limitaient pour
l'essentiel à la poussière. Cette tâche nécessitant, selon l'expérience
générale de la vie et s'agissant d'un appartement de trois pièces, quatre
heures de travail par mois au maximum, les juges cantonaux ont arrêté
l'indemnité due pour cette période à un montant arrondi de 500 fr. (4 x 4
heures x 30 fr. = 480 fr.), plus intérêts à 5% l'an dès la date moyenne du 1er
juin 2001.

Pour la période allant du 5 juillet 2001 à la date de son arrêt (5 décembre
2007), correspondant au préjudice ménager actuel (cf. ATF 131 III 360 consid.
8.4.1), la Cour de justice a retenu un montant de 34'945 fr. 55 (soit 76 mois x
102,18 heures par mois x 30 fr. x 0,15), plus intérêts à 5% l'an dès la date
moyenne du 5 septembre 2004.

Pour la période du 5 décembre 2007 jusqu'à la fin de l'activité, correspondant
au préjudice ménager futur (cf. ATF 131 III 360 consid. 8.4.2), l'autorité
cantonale a considéré qu'il convenait de capitaliser ce préjudice futur à
l'aide de la table d'activité n° 10 (rente immédiate d'activité) de Stauffer/
Schaetzle (Tables de capitalisation, 5e éd. 2001, p. 127). Se fondant sur un
âge de 67 ans à la date de son arrêt (facteur de capitalisation 11,43), la cour
cantonale a ainsi arrêté le préjudice ménager futur à 63'067 fr. 40 (12 mois x
102,18 heures par mois x 30 fr. x 0,15 x 11,43), plus intérêts à 5% l'an dès le
6 décembre 2007.
3.5.2 En ce qui concerne le montant de 500 fr. retenu pour la période du 12
avril 2001 au 4 juillet 2001, les recourantes reprochent à la Cour de justice
d'avoir « violé l'art. 8 CC, voire apprécié les faits de manière arbitraire au
sens de l'art. 9 Cst. en retenant un préjudice en activités ménagères de 4
heures par semaine pour faire la poussière pendant la période où [l'intimée]
était hospitalisée, alors que cette dernière n'alléguait pas un tel besoin et
ne subissait pas un tel préjudice », car « l'expérience générale de la vie
n'enseigne nullement qu'il faille faire régulièrement la poussière dans un
appartement inoccupé ».

Ces griefs sont infondés. L'intimée a dûment allégué dans sa demande en
paiement avoir été hospitalisée du 12 avril 2001 au 4 juillet 2001 et avoir été
en incapacité totale de s'occuper du ménage jusqu'au 12 juillet 2002. Il tombe
sous le sens qu'une personne hospitalisée n'est pas en mesure de s'occuper de
son ménage, et il n'est pas contraire à l'expérience générale de la vie de
retenir qu'un appartement même inoccupé exige un minimum de ménage,
essentiellement pour faire la poussière, et de compter quatre heures de travail
par mois - et non par semaine, comme l'affirme à tort la recourante - pour
cette tâche. Cela étant, il y a lieu de rectifier d'office une inadvertance
manifeste de la cour cantonale, en application de l'art. 105 al. 2 LTF, en
constatant que la période considérée s'étend sur environ trois mois, et non
quatre, de sorte que le préjudice ménager pour cette période doit être arrêté à
360 fr. (3 x 4 heures x 30 fr.), plus intérêts à 5% l'an dès la date moyenne du
1er juin 2001.
3.5.3 En ce qui concerne le calcul du préjudice ménager futur, les recourantes
reprochent à la cour cantonale d'avoir pris en compte le facteur de
capitalisation correspondant à un âge de 67 ans, alors qu'à la date de l'arrêt
attaqué, l'intimée était âgée de 68 ans et 9 mois.

Ce grief est fondé. En effet, les tables de capitalisation de Stauffer/
Schaetzle sont toujours calculées sur une année entière, conformément aux bases
techniques; c'est pourquoi il convient en règle générale de prendre l'âge qui
correspond au plus proche de la naissance, c'est-à-dire arrondi à une année
entière vers le haut ou vers le bas (Schaetzle/Weber, Manuel de capitalisation,
2001, n. 1.171 et 5.200 ss). En l'espèce, l'intimée étant née le 27 février
1939 (cf. lettre A.a supra), elle était au jour de la capitalisation (5
décembre 2007) âgée de 68 ans, 9 mois et 8 jours, si bien que la cour cantonale
aurait dû prendre en considération un âge - arrondi vers le haut - de 69 ans,
auquel correspond un facteur de capitalisation de 10,49. Le préjudice ménager
futur doit ainsi être arrêté à 57'880 fr. 90 (12 mois x 102,18 heures par mois
x 30 fr. x 0,15 x 10,49), plus intérêts à 5% l'an dès le 6 décembre 2007.

4.
En définitive, le recours doit être très partiellement admis et l'arrêt
entrepris réformé en ce sens que les recourantes sont condamnées, solidairement
entre elles, à payer à l'intimée, outre les montants de 34'945 fr. 55 avec
intérêts à 5% l'an dès le 5 septembre 2004 et de 10'000 fr. sans intérêts (cf.
lettre B.e supra), les montants de 360 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er
juin 2001 (cf. consid. 3.5.2 supra) et de 57'880 fr. 90 avec intérêts à 5% l'an
dès le 6 décembre 2007 (cf. consid. 3.5.3 supra). En conséquence, les
oppositions formées aux commandements de payer dans les poursuites n° 03 147598
X et n° 03 147599 W seront définitivement levées à concurrence de 360 fr. avec
intérêts à 5% l'an dès le 1er juin 2001, de 34'945 fr. 55 avec intérêts à 5%
l'an dès le 5 septembre 2004 et de 10'000 fr. sans intérêts.
Comme les recourantes n'obtiennent que très partiellement gain de cause, les
frais de la procédure fédérale, qu'il convient d'arrêter à 5'000 fr., seront
mis à raison de neuf dixièmes à la charge des recourantes, solidairement entre
elles, et à raison d'un dixième à la charge de l'intimée (art. 66 al. 1 et 5
LTF). Compte tenu de ce que les dépens doivent être réduits dans la même
proportion et partiellement compensés (art. 68 al. 1 LTF), les recourantes,
solidairement entre elles (art. 68 al. 4 LTF), verseront à l'intimée un montant
de 4'800 fr. à titre de dépens réduits.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis et l'arrêt rendu le 5 décembre 2007 par la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève est réformé en ce sens
que les recourantes sont condamnées, solidairement entre elles, à payer à
l'intimée les montants de 360 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er juin 2001,
de 34'945 fr. 55 avec intérêts à 5% l'an dès le 5 septembre 2004, de 57'880 fr.
90 avec intérêts à 5% l'an dès le 6 décembre 2007 et de 10'000 fr. sans
intérêts, et que les oppositions formées aux commandements de payer dans les
poursuites n° 03 147598 X et n° 03 147599 W sont définitivement levées à
concurrence de 360 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er juin 2001, de 34'945
fr. 55 avec intérêts à 5% l'an dès le 5 septembre 2004 et de 10'000 fr. sans
intérêts.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge des
recourantes, solidairement entre elles, à raison de neuf dixièmes et à la
charge de l'intimée à raison d'un dixième.

3.
Une indemnité de 4'800 fr., à payer à l'intimée à titre de dépens réduits, est
mise à la charge des recourantes, solidairement entre elles.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 1er avril 2008
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Corboz Abrecht