Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.190/2008
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_190/2008/ech

Arrêt du 10 juillet 2008
Ire Cour de droit civil

Composition
MM. et Mmes les Juges Corboz, Président, Klett, Rottenberg Liatowitsch, Kolly
et Kiss.
Greffier: M. Ramelet.

Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Tirile Tuchschmid Monnier,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Michel Bergmann.

Objet
responsabilité du mandataire,

recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de
Genève du 14 mars 2008.

Faits:

A.
A.a X.________, ressortissant portugais né le 16 octobre 1964, est arrivé à
Genève en 1981. Dès le 1er octobre 1982, il a été engagé dans un restaurant
universitaire en qualité de garçon d'office, puis, à partir du 1er juillet
1983, comme commis de cuisine.

Le 13 août 1984, le scooter où X.________ avait pris place comme passager a été
renversé par un camion. La responsabilité du sinistre incombe entièrement au
chauffeur du camion et à la société qui employait ce dernier, laquelle est
assurée en responsabilité civile par l'assurance V.________ (ci-après:
V.________ ou l'assurance).

X.________ a subi une fracture médio-diaphysaire transverse du fémur droit, une
arthrotomie traumatique avec fracture parcellaire du bord externe de la rotule
et une entorse grave du genou droit. Ces lésions ont nécessité de nombreuses
interventions chirurgicales jusqu'en 1995. L'employeur du prénommé a mis fin à
leur relation de travail pour le 28 février 1986.
A.b Reconnu invalide à 100% dans son métier de commis cuisinier par les
médecins, X.________ a perçu une rente entière de l'assurance-invalidité (AI)
du 1er août 1985 jusqu'au mois d'avril 2003, terme où l'office cantonal AI, sur
la base de nouvelles évaluations de sa capacité de travail, a décidé de lui
supprimer tout droit à une rente. Tous les essais de réadaptation
professionnelle qu'il a entrepris ont échoué.

La capacité résiduelle de travail de X.________ dans une autre activité avait
été estimée à 75% par le Dr A.________ le 8 avril 1997. Selon une expertise
psychiatrique effectuée en été 1999 par le Dr B.________, X.________ ne
présentait aucun symptôme dépressif, mais « se cantonn(ait) dans son rôle et
son statut de semi-invalide, utile à la bonne marche du ménage ».
A.c X.________ s'est marié en 1991; il a deux enfants, nés en 1993 et 1998.
A.d A la suite de l'accident dont il a été victime, X.________ avait confié
jusqu'à la fin 1998 la défense de ses intérêts à Me C.________. Le 8 janvier
1999, en raison de la complexité du dossier, il a mandaté l'avocat genevois
Y.________ aux fins de l'assister dans le litige qui l'opposait à V.________,
laquelle avait jusque-là refusé de l'indemniser pour les dommages qu'il
affirmait avoir subis en raison du sinistre.

L'avocat Y.________ a ainsi rédigé en juin 1999 pour son client un projet de
demande contre V.________, qui tendait au paiement d'un montant total de
687'544 fr.45, se décomposant en 202'244 fr.60 à titre de perte de gain passée,
435'645 fr. en réparation de la perte de gain future, 18'454 fr.85 pour les
frais d'avocat encourus et 31'200 fr. à titre de tort moral. Ce document ne
faisait pas état d'un préjudice ménager.

Après avoir pris connaissance du projet, V.________, par courrier du 25
septembre 2000, a proposé de verser à X.________ une somme de 20'000 fr. pour
solde de tout compte et de toutes prétentions à raison de l'accident du 13 août
1984.

Y.________ s'est entretenu avec X.________ de la proposition de l'assurance,
que le premier avait pu entre-temps faire augmenter à 40'000 fr., net de frais
d'avocats. Le 16 novembre 2000, ce conseil a écrit à son client que la
proposition en cause lui semblait intéressante, à considérer les risques
générés par l'ouverture d'un procès contre V.________.

Avec l'accord et pour le compte de X.________, l'avocat Y.________ a conclu le
20 décembre 2000 trois conventions d'indemnisation avec V.________ en règlement
du sinistre survenu le 13 août 1984. Ces conventions prévoyaient le versement
d'indemnités de 40'000 fr. à X.________, de 7'000 fr. en faveur de l'avocate
C.________ et de 3'000 fr. au bénéfice de l'avocat Y.________. Moyennant
paiement de ces montants, X.________ reconnaissait avoir été complètement
indemnisé de toutes les conséquences du sinistre et renonçait à toute
réclamation envers quiconque.
A.e Dans le courant de l'année 2003, X.________ a reproché à Y.________ d'avoir
violé son obligation de diligence dans le cadre du mandat qui lui avait été
confié par le fait qu'il avait omis d'invoquer, lors des pourparlers avec
l'assurance, l'existence d'un dommage ménager. L'avocat précité a contesté
avoir violé le contrat de mandat et affirmé que son ancien mandant n'avait subi
aucun dommage ménager.

Sans reconnaissance de responsabilité et par gain de paix, V.________, en tant
qu'assureur de la responsabilité civile de l'avocat Y.________, a proposé, par
courrier du 24 mai 2004, de verser à X.________ un montant supplémentaire de
24'600 fr. Ce dernier n'a pas accepté cette offre.

Par la suite, V.________ s'est déclarée prête, par une fiction, de reconnaître
que la convention d'indemnisation allouant 40'000 fr. à X.________ n'avait pas
été signée et de rediscuter avec le précité l'intégralité de l'indemnisation
due pour le sinistre du 13 août 1984. Cette suggestion n'a trouvé aucun écho.

B.
B.a Par demande du 4 septembre 2006, X.________ a ouvert action contre l'avocat
Y.________ devant le Tribunal de première instance de Genève, requérant
paiement de 499'426 fr.40 à titre de dommages-intérêts, avec intérêts à 5% l'an
dès le 20 décembre 2000. Le demandeur a fait valoir qu'en raison de l'accident
il est limité dans une mesure de 40% dans ses activités ménagères (obligation
d'éviter les montées et descentes d'escaliers et le port de lourdes charges,
impossibilité de marcher plus d'une heure et de jouer avec les enfants,
difficultés à faire les commissions). Il soutient dès lors qu'il aurait pu
légitimement réclamer à V.________ la réparation de son dommage ménager, qu'il
évalue à 499'426 fr.40, si l'avocat Y.________ n'avait pas omis ce poste dans
son projet de demande de juin 1999.

Le défendeur s'est opposé à la demande. Il a en particulier exposé qu'à
supposer que le demandeur ne soit pas à même d'effectuer certaines tâches
ménagères, ce qu'il conteste au demeurant, ce dernier ne pouvait pas lui faire
grief de n'avoir pas réclamé réparation du préjudice ménager à l'assureur du
responsable de l'accident, dès l'instant où, à l'époque où les transactions ont
été passées avec l'assurance, soit en décembre 2000, une indemnité pour un tel
préjudice n'avait encore jamais été octroyée à un homme par la jurisprudence.

Par jugement du 27 septembre 2007, le Tribunal de première instance, après
avoir déclaré irrecevable l'incident de nullité de l'assignation soulevé par le
défendeur, a entièrement débouté le demandeur des fins de sa demande en
paiement.
B.b Statuant sur l'appel formé par X.________, la Chambre civile de la Cour de
justice du canton de Genève, par arrêt du 14 mars 2008, a confirmé le jugement
du 27 septembre 2007.

La cour cantonale a retenu, en substance, que les parties étaient liées par un
contrat de mandat. Elle a posé que l'avocat ne méconnaît son devoir de
diligence - ce qui constitue alors une mauvaise exécution de son obligation de
mandataire - que si le manquement qui lui est reproché représente la
transgression de règles généralement reconnues et admises. Or, en décembre
2000, la règle tendant à la réparation du préjudice domestique chez un homme
victime de lésions corporelles n'était pas admise de façon générale par la
doctrine et la jurisprudence. Elle en a déduit qu'il n'est pas possible
d'admettre que le défendeur a enfreint son devoir de diligence en n'ayant pas
envisagé de réclamer en décembre 2000 à l'assurance une indemnité pour ce chef
de dommage. De toute manière, à l'époque considérée, le demandeur n'avait
jamais fait part à son mandataire d'empêchements de tenir son ménage. Du reste,
d'autres éléments, en particulier les propos de l'expert psychiatre B.________,
tendraient à démontrer que ces prétendus empêchements sont inexistants. Enfin,
le demandeur n'a pas prouvé ni même rendu vraisemblable que si l'avocat
Y.________ avait demandé à l'assurance la réparation dudit dommage domestique,
cette prétention aurait été accueillie en justice.

C.
X.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre
l'arrêt cantonal. Il conclut principalement à l'annulation de cette décision et
à ce que la cause soit retournée à la cour cantonale pour instruction et
nouveau jugement au sens des considérants de la juridiction fédérale.
Subsidiairement, il requiert que le défendeur soit condamné à lui verser la
somme de 499'426 fr.40, plus intérêts à 5% dès le 20 décembre 2000.

L'intimé propose (1) l'irrecevabilité du recours, (2) le rejet du recours dans
la mesure de sa recevabilité et (3) la confirmation de l'arrêt cantonal.

Considérant en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie demanderesse qui a entièrement succombé dans ses
conclusions en paiement et qui a ainsi la qualité pour recourir (art. 76 al. 1
LTF), dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière civile (art.
72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 LTF)
dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse dépasse largement le
seuil de 30'000 fr. de l'art. 74 al. 1 let. b LTF, le recours est par principe
recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la
forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

1.2 Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit
fédéral (art. 95 let. a LTF), lequel comprend les droits constitutionnels (ATF
133 III 446 consid. 3.1 p. 447, 462 consid. 2.3). Saisi d'un tel recours, le
Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente
(art. 105 al. 1 LTF), que le recourant ne peut critiquer que s'ils ont été
établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle
d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 134 V 53 consid. 4.3) - ou en
violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 97 al. 1 LTF), ce qu'il lui
appartient d'exposer et de démontrer de manière claire et circonstanciée. La
correction du vice doit en outre être susceptible d'influer sur le sort de la
cause (art. 97 al. 1 LTF).

Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF,
sanctionnée par l'irrecevabilité des recours dont la motivation est
manifestement insuffisante (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral
n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est donc pas tenu de
traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui (ATF 134 III 102 consid. 1.1 p. 105).
1.3
1.3.1 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties
(art. 107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2
LTF). Lorsque l'action tend au paiement d'une somme d'argent, les conclusions
de la partie recourante doivent être chiffrées (ATF 134 III 235 consid. 2).
1.3.2 Dans ses conclusions principales, le recourant a uniquement sollicité
qu'après l'annulation de l'arrêt attaqué, la cause soit retournée à l'autorité
cantonale.
Ce procédé n'est possible qu'à supposer que le Tribunal fédéral, en cas
d'admission du recours, ne soit pas à même de statuer lui-même sur le fond et
doive en conséquence renvoyer l'affaire à l'instance précédente (ATF 133 III
489 consid. 3.1).

Cette condition est remplie en l'espèce. En effet, si le Tribunal devait
condamner l'intimé à payer au recourant des dommages-intérêts d'un montant
équivalent au préjudice ménager - non réparé par les conventions
d'indemnisation du 20 décembre 2000 - subi par le demandeur en raison de
l'accident du 13 août 1984, il devrait alors calculer ce dommage normatif. Mais
il ne serait pas en état d'y procéder, à défaut notamment de constatations
opérées par les magistrats genevois quant au temps que le demandeur aurait
consacré à l'accomplissement de tâches ménagères si le sinistre n'était pas
survenu et quant à la valeur de l'activité ménagère que ce dernier ne peut plus
effectuer.

Partant, les conclusions principales du recourant sont recevables.

2.
2.1 Le recourant se prévaut tout d'abord d'une violation de son droit à la
preuve instauré par l'art. 8 CC. Il déclare que la cour cantonale a rejeté sans
motivation ses offres de preuve relatives aux manquements qu'aurait commis
l'intimé et au préjudice dont il a été victime du fait du comportement de ce
dernier.

2.2 Il a été déduit de l'art. 8 CC un droit à la preuve et à la contre-preuve
(ATF 129 III 18 consid. 2.6 et les arrêts cités). Cette règle est violée quand
le juge n'administre pas sur des faits pertinents, qui ne sont pas déjà
prouvés, des preuves propres à les établir qui ont été offertes régulièrement
selon les règles de la loi de procédure applicable (ATF 129 III 18 ibidem; 126
III 315 ibidem).
In casu, le recourant n'indique même pas les différentes offres de preuves
qu'il aurait présentées selon les réquisits de la procédure civile genevoise.
Dans ces conditions, le grief est irrecevable faute de motivation au sens de
l'art. 42 al. 1 et 2 LTF.

3.
3.1 D'après le recourant, la cour cantonale a appliqué de manière erronée
l'art. 398 CO, norme qui régit la responsabilité du mandataire en cas de
violation de son devoir de diligence. Le demandeur s'en prend au raisonnement
des juges cantonaux, qui ont considéré qu'à l'époque où l'intimé discutait avec
l'assurance de l'indemnisation qui était due à son client après l'accident du
13 août 1984, la réparation du dommage ménager subi par un homme n'avait pas
été consacrée par la jurisprudence. Se référant au précédent publié à l'ATF 129
III 135 ss, il constate qu'il résulte de l'arrêt cantonal qui était attaqué
devant le Tribunal fédéral par un recours en réforme et un recours joint, soit
un arrêt rendu le 19 septembre 2002 (recte: 19 avril 2002) par la Chambre
civile de la Cour de justice genevoise, que la perte de la valeur économique
des travaux ménagers accomplis dans le cadre de son foyer par un homme, âgé de
32 ans au moment où il a subi un grave accident de la circulation, avait été
indemnisée à concurrence de 157'860 fr. Il en déduit que dès l'instant où
l'arrêt cantonal en cause avait été prononcé à la suite d'un appel et d'un
appel incident formés à l'encontre d'un jugement du 14 septembre 2000 du
Tribunal de première instance, l'avocat dudit lésé, dans son appel incident,
avait pris, à tout le moins en septembre 2000, des conclusions tendant à la
réparation du dommage domestique supporté par ce dernier. D'après le recourant,
tout porte encore à croire que des conclusions semblables avaient déjà été
prises dans la demande du lésé déposée le 13 juin 1996.

Or ni la Cour de justice ni le Tribunal fédéral dans l'ATF 129 III 135 n'ont
discuté du principe même de la réparation du préjudice domestique subi par un
homme, de sorte qu'il convient de retenir, poursuit le recourant, que les
tribunaux admettaient sans discuter ce poste de dommage pour un homme avant
l'an 2000, ainsi que le démontre l'ATF 108 II 434, qui se rapportait au travail
ménager effectué par un homme de 67 ans. A cela s'ajouterait qu'une publication
de doctrine, parue dans Plädoyer 2000/6 p. 29 ss, ferait état avant 2000 du
travail ménager des hommes.

En conclusion, le recourant est d'avis que bien avant l'an 2000 l'indemnisation
du dommage ménager n'était pas incongrue et extraordinaire s'agissant d'un
homme victime de lésions corporelles. Pour avoir omis de former une prétention
à ce titre lorsqu'il négociait avec l'assurance, l'intimé aurait transgressé
ses obligations de mandataire.
3.2
3.2.1 Il est établi que le demandeur, afin que ses droits soient défendus
envers la compagnie qui assurait la responsabilité civile de la société
employant le chauffeur de poids lourd responsable de l'accident du 13 août
1984, a chargé l'avocat intimé le 8 janvier 1999 de l'assister dans le litige
qui l'opposait à cette assurance, et notamment de négocier avec celle-ci des
conventions d'indemnisation.

Les plaideurs ont donc conclu un contrat de mandat au sens des art. 394 ss CO
(ATF 127 III 357 consid. 1a; 117 II 563 consid. 2a). Ce point ne fait l'objet
d'aucune discussion.
3.2.2 En sa qualité de mandataire, l'avocat est tenu à la bonne et fidèle
exécution du mandat (art. 398 al. 2 CO). Il répond à l'endroit de son mandant
s'il lui cause un dommage en violant ses obligations de diligence et de
fidélité (ATF 127 III 357 consid. 1b et les références). S'il n'est pas tenu à
une obligation de résultat, il doit accomplir son activité selon les règles de
l'art. Mais il ne répond pas des risques spécifiques qui sont liés à la
formation et à la reconnaissance d'une opinion juridique déterminée. Sous cet
angle, il exerce une tâche à risque, dont il sied de tenir compte en droit de
la responsabilité civile. En particulier, il ne saurait voir engager sa
responsabilité pour chaque mesure ou omission qui se révèle a posteriori comme
ayant provoqué le dommage ou qui aurait pu éviter sa survenance. C'est aux
parties de supporter les risques du procès; elles ne peuvent pas les transférer
sur les épaules de leur conseil (ATF 127 III 357 ibidem; 117 II 563 consid.
2a).

Le degré de diligence qui incombe au mandataire ne doit pas se déterminer une
fois pour toutes, mais en fonction des capacités, des connaissances techniques
et des aptitudes propres de ce dernier que le mandant connaît ou aurait dû
connaître. Ce sont les circonstances concrètes de l'affaire qui importent à cet
égard. Savoir si la manière d'agir d'un avocat doit être qualifiée de conforme
ou non à son devoir de diligence résulte d'une pesée appréciative entre, d'une
part, le risque engendré par le métier d'avocat et, d'autre part, l'autorité
renforcée dont il est revêtu à l'égard de son client (ATF 127 III 357 consid.
1c).
A la lumière de ces principes jurisprudentiels, il convient d'examiner si
l'intimé a enfreint son obligation de diligence en n'élevant pas pour le compte
du recourant des prétentions en réparation du dommage domestique lorsqu'il a
négocié et conclu avec l'assurance les conventions d'indemnisation du 20
décembre 2000.
3.2.3
3.2.3.1 Il sied préalablement de définir la notion juridique de dommage
domestique.

La partie qui est victime d'une lésion corporelle (cf. art. 46 CO) peut être
atteinte non seulement dans sa capacité de gain, mais également dans sa
capacité de travail, particulièrement celle se rapportant à des activités non
rémunérées, telles que la tenue du ménage ainsi que les soins et l'assistance
fournis aux enfants. Il est alors question de dommage domestique ou de
préjudice ménager (ATF 131 III 360 consid. 8.1; 129 III 135 consid. 4.2.1).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, ce type de préjudice donne droit à
des dommages-intérêts en application de l'art. 46 al. 1 CO, peu importe qu'il
ait été compensé par une aide extérieure, qu'il occasionne des dépenses accrues
de la personne partiellement invalide, qu'il entraîne une mise à contribution
supplémentaire des proches ou que l'on admette une perte de qualité des
services prodigués jusque-là (ATF 132 III 321 consid. 3.1; 131 III 360 consid.
8.1). Ce dommage est dit normatif (ou abstrait), car il est admis sans que soit
établie une diminution concrète du patrimoine du lésé (ATF 132 III 321 consid.
3.1).
3.2.3.2 Depuis 1931, le Tribunal fédéral, écartant tout doute exprimé
jusqu'alors par certains auteurs et quelques précédents cantonaux, considère
que l'incapacité de travail d'une femme (mariée), qui n'exerçait avant le
sinistre dont elle a été victime aucune activité lucrative mais effectuait des
travaux ménagers, constitue bien pour celle-ci un dommage subi dans sa
personne, qui doit être indemnisé en application du droit de la responsabilité
civile (ATF 57 II 94 consid. 4b p. 102/103; 57 II 555 consid. 2).

Cette jurisprudence, qui avait trait aux femmes mariées tenant le ménage de la
famille, a été maintes fois confirmée par la suite (cf. p. ex. ATF 69 II 334
consid. 3c; 85 II 350 consid. 6; 99 II 221 consid. 2; 113 II 345 consid. 2 p.
350 s.; beaucoup plus récemment: ATF 127 III 403 consid. 4b). L'ATF 108 II 434
consid. 3 - qui ne se rapportait nullement au travail ménager effectué par un
homme, comme l'affirme le recourant, mais à la perte de soutien due au veuf
dont l'épouse qui tenait le ménage est décédée - est conforme aux précédents
susrappelés.

Tenant compte du fait que la répartition de l'ensemble des tâches ménagères
entre l'homme et la femme est devenue une réalité au sein de nombreuses
familles au cours de la fin du 20e siècle, le Tribunal fédéral, dans l'arrêt de
principe du 19 décembre 2002 publié au Recueil officiel (ATF 129 III 135
consid. 4.2.1), a reconnu que le préjudice domestique devait être indemnisé,
cela quelle que soit la personne qui est atteinte dans sa capacité d'effectuer
des activités ménagères, autrement dit non seulement si c'est l'épouse, mais
également si c'est le mari qui devient incapable de s'occuper du ménage et/ou
des enfants. Il a ainsi jugé que le lésé, en l'occurrence un homme âgé de 32
ans lorsqu'il a été grièvement blessé dans un accident de la circulation
routière, avait droit à des dommages-intérêts en réparation du préjudice
ménager, car il participait activement aux tâches du ménage (nettoyage,
cuisine, lessive, courses et garde de l'enfant du couple).
3.2.3.3 Sous l'angle de la responsabilité du mandataire, on ne peut pas exiger
d'un avocat qu'il prenne connaissance de tous les arrêts du Tribunal fédéral
accessibles par internet ou de tous les arrêts et articles publiés dans les
nombreuses revues juridiques existant en Suisse. Le Tribunal fédéral publie ses
arrêts de principe au Recueil officiel (art. 58 al. 1 du Règlement du Tribunal
fédéral du 20 novembre 2006 (RS 173.110.131), pris en application de l'art. 27
al. 3 LTF; sous l'empire de l'OJ, cf. art. 18 du Règlement du Tribunal fédéral
du 14 décembre 1978). C'est donc la publication dans ce recueil qui, en règle
générale, est déterminante pour dire à partir de quel moment un avocat devrait
avoir connaissance d'une nouvelle jurisprudence.

Il résulte de l'analyse historique présentée au consid. 3.2.3.2 ci-dessus que
le 20 décembre 2000, jour où l'intimé a conclu avec l'assurance les conventions
d'indemnisation incriminées, la nouvelle jurisprudence du Tribunal fédéral,
d'après laquelle un homme peut, selon les circonstances, réclamer
l'indemnisation de son dommage ménager, n'avait pas été publiée au Recueil
officiel; comme on l'a vu, elle ne l'a été qu'en 2003, à l'ATF 129 III 135 ss.
Dans ce contexte, on ne peut pas faire grief à l'intimé de n'avoir pas connu la
jurisprudence en matière de réparation du dommage ménager.

Il est tout à fait possible qu'avant la publication de l'arrêt précité au
Recueil officiel, certains arrêts cantonaux et divers articles juridiques parus
dans différents médias aient prôné la réparation du préjudice domestique qu'a
subi à l'occasion d'un sinistre un homme prenant part à la tenue du ménage.
Mais il ne s'agissait pas alors d'un principe juridique consacré par la
jurisprudence publiée au Recueil officiel des arrêts du Tribunal fédéral.

Il suit de là c'est à bon droit que la Cour de justice a nié que le défendeur
ait mal exécuté son obligation de mandataire dans le cas présent.
3.2.4 Ce résultat dispense le Tribunal fédéral d'examiner les critiques du
recourant dirigées contre l'absence d'élément subjectif de responsabilité.

4.
Partant, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité.

Le recourant, qui succombe, paiera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et
versera à l'intimé une indemnité à titre de dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 8'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le recourant versera à l'intimé une indemnité de 9'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 10 juillet 2008

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Corboz Ramelet