Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.168/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_168/2008

Arrêt du 11 juin 2008
Ire Cour de droit civil

Composition
MM. et Mme les Juges Corboz, Président,
Klett et Kolly.
Greffier: M. Abrecht.

Parties
F.X.________,
H.X.________,
recourantes,
tous deux représentés par Me Philippe Kenel,

contre

Y.________ SA,
intimée, représentée par Me Jean-Marie Crettaz.

Objet
contrat de conseil en placements; responsabilité du gérant,

recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de
Genève du 22 février 2008.

Faits:

A.
A.a Y.________ SA est une société commerciale genevoise dont le but est de
fournir des conseils dans le domaine de la gestion de fortune, notamment
l'analyse et la comparaison de performances de portefeuilles et d'instruments
financiers spécifiques, ainsi que l'analyse et la gestion des risques
d'investissement.

En juin 2000, H.X.________, ingénieur civil de profession, a fait la
connaissance de l'administrateur de Y.________ SA, A.________, lors de la
présentation à Zurich d'un fonds d'investissement américain. H.X.________ et
A.________ se sont ensuite rencontrés et écrit à plusieurs reprises, le premier
sollicitant les conseils du second sur la structure de son portefeuille de
titres et sa stratégie d'investissement, ainsi que divers renseignements sur
des fonds de placement.
A.b Leur relation s'est concrétisée, en février 2001, par la conclusion d'un
contrat de conseil en placements, intitulé « investment advisory agreement » et
signé le 9/15 février 2001, entre F.X.________ et H.X.________ d'une part et
Y.________ SA de l'autre.

L'art. 1 de ce contrat prévoyait que pour la recherche de fonds et la due
diligence, Y.________ SA maintenait une large base de données privée et des
contacts professionnels étroits avec la communauté des professionnels de
l'investissement; le but du contrat se limitait à des conseils en placements;
Y.________ SA fournissait ses services de conseil en placements dans le seul
intérêt de ses clients en se basant sur les informations qu'elle jugeait dignes
de foi, toute garantie étant exclue pour les informations fournies par des
tiers.

Selon l'art. 3 du contrat, le mandat de conseiller comprenait les services
suivants: (a) conseiller le client sur sa stratégie d'investissement et opérer
la recherche de fonds de placement y relative; (b) fournir au client une mise à
jour mensuelle des fonds investis ; (c) procurer accès aux résultats du travail
interne de recherche de fonds; (d) fournir chaque mois un rapport détaillé et
une information sur la performance.

L'art. 4 du contrat, intitulé « risk declaration », rendait le client attentif
au fait que la participation à des fonds offshore inscrits ou non en bourse
pouvait l'exposer à des risques importants, dont cet article donnait une liste
exemplative.
L'art. 9 du contrat précisait l'étendue de la responsabilité de Y.________ SA;
celle-ci devait fournir ses conseils selon sa meilleure connaissance et son
meilleur jugement et y appliquer le même soin que s'il s'agissait de ses
propres investissements; toute responsabilité pour les décisions
d'investissement était exclue.
A.c Parmi les fonds de placement présentés à H.X.________ par Y.________ SA
figurait le fonds V.________ Inc. (ci-après: V.________), dans lequel celle-ci
investissait pour ses clients. Créé dans le milieu des années 1990, ce fonds a
vu le volume de ses actifs sous gestion suivre une progression fulgurante,
passant de USD 100 Mio à USD 200 Mio en 1991 pour atteindre USD 1 Mrd en 2002.

Les documents relatifs au fonds V.________ transmis par Y.________ SA
expliquaient la stratégie du fonds et soulignaient les risques importants
encourus par les investisseurs désireux d'y prendre part, en particulier celui
de perdre la totalité de leur investissement. Après avoir étudié ces documents,
H.X.________ a informé Y.________ SA de sa décision d'y investir la somme de
USD 500'000.-, au nom de son épouse. Il a prié Y.________ SA d'adresser à sa
banque zurichoise les documents de souscription du fonds V.________; environ
600 parts de ce fonds ont été acquises par F.X.________ le 25 juillet 2000, au
prix de USD 848.94 l'unité. Cet investissement représentait une faible part des
avoirs placés par les époux X.________, puisque ceux-là s'élevaient à quelque
USD 10 Mio.
A.d Selon un courrier adressé le 15 mars 2002 par H.X.________ à Y.________ SA,
celui-là, vraisemblablement sur le conseil de celle-ci, a donné l'ordre de
procéder au rachat de la moitié de ses avoirs dans le fonds V.________. Cette
transaction a été effectuée en octobre 2002, après un délai de préavis de six
mois, pour un montant total de USD 261'884.34, le prix d'une part du fonds
s'élevant alors à USD 857.40.

Le 13 septembre 2002, Y.________ SA a informé H.X.________ qu'elle avait
demandé le remboursement de tous les investissements effectués dans le fonds
V.________ pour ses clients et lui recommandait de faire de même. Cette
décision était motivée par la publication d'un article paru le 10 septembre
2002 dans le New York Post, sous la plume de B.________, qui mettait en doute
la viabilité du fonds ainsi que l'honnêteté de ses dirigeants, notamment de son
animateur C.________.

Il ne ressort pas du dossier que les époux X.________ aient suivi la
recommandation du 13 septembre 2002 et, dans l'affirmative, à quelle date ils
auraient exigé le remboursement de leurs parts dans le fonds V.________. Leur
demande en paiement précise que si Y.________ SA leur avait conseillé de vendre
la totalité du solde de leurs participations dans le fonds V.________ au début
de l'année 2003, leur perte aurait été inférieure à 60'000 fr., eu égard à la
valeur du fonds au 31 août 2003 (cf. lettre A.e in fine infra).
A.e B.________ a publié d'autres articles au sujet du fonds V.________ entre
septembre 2002 et janvier 2003. En juillet 2003, la Securities and Exchange
Commission, organe de surveillance du marché boursier aux Etats-Unis, a saisi
les tribunaux américains d'une plainte contre les organes dirigeants du fonds
V.________. Une condamnation pénale aurait d'ores et déjà été prononcée contre
un dirigeant du fonds pour avoir versé des pots-de-vin et une autre procédure
pénale serait actuellement pendante contre C.________ pour sa responsabilité
dans la gestion du fonds.

Ces événements ont entraîné la perte progressive de la valeur du fonds,
apparemment jusqu'à sa disparition totale. La diminution de la valeur des parts
a commencé en décembre 2002. Elle est documentée jusqu'au 28 février 2003, date
à laquelle elle s'élevait à USD 684.19 par unité. Un relevé de valeur établi
par la banque des époux X.________ fait état d'une valeur identique au 31 août
2003.
A.f Conformément au contrat, Y.________ SA a adressé trimestriellement ses
notes d'honoraires aux époux X.________. Ceux-ci les ont régulièrement payées
jusqu'au 11 juillet 2002, date de leur dernier versement pour les honoraires
dus au 31 mars 2003.

Le 22 janvier 2004, les époux X.________ ont mis Y.________ SA en demeure de
leur verser la somme de USD 238'000.-, correspondant au dommage qu'ils avaient
subi en raison de la perte de valeur de leurs participations au fonds
V.________. Y.________ SA ayant réfuté toute responsabilité dans la perte
alléguée et au surplus exigé le paiement de ses honoraires en suspens, les
époux X.________ ont résilié le contrat par courrier recommandé du 14 mars
2004.

B.
B.a Le 20 avril 2004, les époux X.________ ont actionné Y.________ SA en
paiement d'un montant de CHF 359'037.- (l'équivalent de USD 238'000.-) devant
le Tribunal de première instance du canton de Genève. À l'appui de leur
demande, ils invoquaient le fait qu'un article publié en 1998 déjà, sous la
plume du même journaliste que celui du 10 septembre 2002, avait dénoncé les
dangers inhérents à la stratégie adoptée par les dirigeants du fonds V.________
ainsi que leurs relations avec le milieu du crime organisé; Y.________ SA avait
donc violé son devoir de diligence en leur recommandant d'acquérir des parts de
ce fonds; en tous les cas, elle était responsable de s'être contentée de leur
conseiller, au début de l'année 2002, de seulement réduire leurs parts dans le
fonds, au lieu de leur suggérer d'en vendre la totalité.

Y.________ SA s'est opposée à la demande et a conclu reconventionnellement au
paiement par les demandeurs d'un montant de USD 58'598.20, correspondant aux
honoraires dus jusqu'à la résiliation du contrat.
B.b Par jugement du 24 mai 2007, le Tribunal de première instance a débouté les
demandeurs de leurs conclusions principales et les a condamnés
reconventionnellement à payer à la défenderesse la somme de USD 58'598.20 plus
intérêts à 5% l'an dès le 1er avril 2004.

Statuant par arrêt du 22 février 2008 sur appel des demandeurs, la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève a confirmé le jugement de
première instance.

C.
Agissant par la voie du recours en matière civile au Tribunal fédéral, les
demandeurs concluent avec suite de dépens principalement à la réforme de
l'arrêt du 22 février 2008, en ce sens que la défenderesse soit condamnée à
leur payer le montant de CHF 351'337.65, plus intérêts à 5% l'an dès le 1er
octobre 2002, et qu'elle soit déboutée de ses conclusions reconventionnelles.
L'intimée conclut avec suite de frais et dépens au rejet du recours.

Les recourants ayant requis l'octroi de l'effet suspensif au recours, le
Président de la Cour de céans, après avoir recueilli les déterminations de
l'intimée et de l'autorité cantonale, a fait droit à cette requête par
ordonnance du 5 mai 2008.

Considérant en droit:

1.
1.1 Interjeté par des parties qui ont succombé dans leurs conclusions prises
devant l'autorité précédente et qui ont donc qualité pour recourir (art. 76 al.
1 LTF; ATF 133 III 421 consid. 1.1), le recours est dirigé contre une décision
finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par un
tribunal supérieur statuant sur recours en dernière instance cantonale (art. 75
al. 1 et 2 LTF). Portant sur une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse
atteint le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours est donc
en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1
LTF) et dans les formes prévues par la loi (art. 42 LTF).

1.2 Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit,
tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Sous réserve de l'exception
prévue par l'art. 106 al. 2 LTF pour la violation de droits fondamentaux ou de
dispositions de droit cantonal et intercantonal (cf. ATF 133 II 249 consid.
1.4.2), le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il
n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours, ni par la
motivation retenue par l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour
d'autres motifs que ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en
adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF
134 III 102 consid. 1.1; 133 IV 150 consid. 1.2 et la jurisprudence citée).
Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF -
sanctionnée par l'irrecevabilité des recours dont la motivation est
manifestement insuffisante (art. 108 al. 1 let. b LTF) -, le Tribunal fédéral
n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter,
comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions
juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui
(ATF 134 III 102 consid. 1.1; 133 II 249 consid. 1.4.1; 133 IV 150 consid.
1.2).

1.3 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte -
c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (Message du Conseil fédéral
concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001
4135, ch. 4.1.4.2; cf. ATF 134 V 53 consid. 4.3; 133 II 249 consid. 1.4.3, 384
consid. 4.2.2) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105
al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer
sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).

2.
2.1 Dans le contrat de conseil en placements, le conseiller en placements
conseille le client dans la gestion de sa fortune, mais ce dernier décide
lui-même des opérations à effectuer (arrêt non publié 4C.72/1999 du 26 mai
1999, consid. 2a; Alessandro Bizzozero, Le contrat de gérance de fortune, thèse
Fribourg 1992, p. 16-18). C'est essentiellement ce pouvoir décisionnel du
client, à qui il appartient de prendre la décision définitive, qui distingue le
contrat de conseil en placements du contrat de gestion de fortune, dans lequel
le gérant de fortune - qui s'oblige à gérer, dans les termes de la convention,
tout ou partie de la fortune du mandant - détermine lui-même les opérations
boursières à effectuer, dans les limites fixées par le client (arrêt 4C.97/1997
du 29 octobre 1997, reproduit in SJ 1998 p. 200, consid. 3a; arrêts non publiés
4C.72/1999 du 26 mai 1999, consid. 2a; 4C.278/1996 du 25 février 1998, consid.
2a in limine; Bizzozero, op. cit., p. 18; Urs Emch/Pascal Montavon et al., Le
monde et la pratique bancaires suisses, t. II, 1995, p. 247; Daniel Guggenheim,
Les contrats de la pratique bancaire, 4e éd. 2000, p. 204; Claude
Bretton-Chevallier, Le gérant de fortune indépendant, thèse Genève 2002, p.
72-74; Urs Bertschinger, Sorgfaltspflichten der Bank bei Anlageberatung und
Verwaltungsaufträgen, thèse Zürich 1991, p. 5).

2.2 Le client peut conclure par écrit avec sa banque - ou avec une société
spécialisée vendant des conseils en matière de gestion de portefeuille
(Bizzozero, op. cit., p. 16), les banques suisses proposant rarement de tels
contrats (Guggenheim, op. cit., p. 206 note 11; Urs Philipp Roth,
Aufklärungspflicht im Vermögensanlagegeschäft der Banken, in Banken und
Bankrecht im Wandel, Festschrift für Beat Kleiner, Zürich 1993, p. 1 ss, p. 6
s. et 38) - un contrat de conseil en placements par lequel celle-ci s'engage,
en principe contre rémunération, à suivre les investissements effectués
personnellement par son client, en observant l'évolution des avoirs que
celui-ci détient auprès d'elle ou d'un tiers, et à le conseiller régulièrement,
en lui proposant des investissements ou des changements dans l'affectation des
capitaux (Bizzozero, op. cit., p. 17 et les références citées; Guggenheim, op.
cit., p. 206; Roth, op. cit., p. 6 s., 11 et 38). Il s'agit ici d'une
participation active d'une banque ou d'un autre expert à la planification
d'investissements et à leurs changements dans le temps (Bizzozero, op. cit., p.
17). L'obligation assumée par la banque, ou par un autre expert, de conseiller
régulièrement le client se rapproche de l'obligation de gérer du contrat de
gestion de fortune, dont il se distingue, comme on l'a vu (cf. consid. 2.1.
supra), par le fait que c'est le client qui décide en dernière analyse des
placements à effectuer (Bizzozero, op. cit., p. 17-18; cf. Bretton-Chevallier,
op. cit., p. 73).

2.3 Le contrat de conseil en placements, en tout cas en ce qui concerne les
devoirs et la responsabilité du conseiller en placements, relève du mandat au
sens des art. 394 ss CO (arrêt 4C. 27/2003 du 26 mai 2003, reproduit in SJ 2003
I p. 597, consid. 3.2.2; arrêt non publié 4C.278/1996 du 25 février 1998,
consid. 2a; Guggenheim, op. cit., p. 208; Roth, op. cit., p. 11;
Bretton-Chevallier, op. cit., p. 74 note 176), à l'instar du contrat de gestion
de fortune (ATF 132 III 460 consid. 4.1 in limine et les arrêts cités). Le
mandataire doit exécuter avec soin la mission qui lui est confiée et
sauvegarder fidèlement les intérêts légitimes de son cocontractant (art. 321a
al. 1 CO, applicable par renvoi de l'art. 398 al. 1 CO); il est responsable
envers son client de la bonne et fidèle exécution du mandat (art. 398 al. 2
CO).

2.4 En tant que mandataire, le conseiller en placements est ainsi soumis aux
devoirs de fidélité et de diligence (Bizzozero, op. cit., p. 18). Lorsqu'il
s'est engagé contractuellement à conseiller régulièrement son client en suivant
l'évolution de son portefeuille (cf. consid. 2.2 supra), il a l'obligation de
rechercher des informations lui permettant d'évaluer les investissements
envisagés ou en cours, ce qui implique notamment qu'il suive la presse
spécialisée; ce devoir de s'informer se limite aux données importantes
(Bizzozero, op. cit., p. 18 et p. 137-138). Le conseiller en placements assume
un devoir étendu d'informer son client, en particulier sur les chances et les
risques liés aux placements envisagés (ATF 124 III 155 consid. 3a; 119 II 333
consid. 5a; 115 II 62 consid. 3a; arrêt non publié 4C.278/1996 du 25 février
1998, consid. 2a). L'information doit être exacte, compréhensible et complète
(Carlo Lombardini, Droit et pratique de la gestion de fortune, 3e éd. 2003, n.
12 p. 148-149; Bretton-Chevallier, op. cit., p. 95; Roth, op. cit., p. 13; cf.
ATF 115 II 62 consid. 3a p. 65). Le conseiller en placements ne saurait omettre
de communiquer un élément objectivement important, mais qu'il estimerait
lui-même sans importance (Lombardini, op. cit., n. 12 p. 149).

2.5 En principe, la diligence requise s'apprécie au moyen de critères
objectifs; on cherchera à déterminer comment un mandataire consciencieux, placé
dans la même situation, aurait agi en gérant l'affaire en cause; les exigences
seront plus sévères à l'égard du gérant qui exerce son mandat à titre
professionnel, moyennant rémunération (ATF 115 II 62 consid. 3a; arrêt 4C.97/
1997 du 29 octobre 1997, reproduit in SJ 1998 p. 198, consid. 4a; Bizzozero,
op. cit., p. 132). La diligence à observer par le mandataire ne se mesure pas
toujours selon des critères objectifs; ainsi, il se peut également que les
parties conviennent du degré de diligence que le mandataire doit mettre en
oeuvre pour atteindre le résultat; tel est le cas lorsque les parties décident
que le mandataire apportera aux affaires du mandant le même soin qu'à ses
propres affaires (diligentia quam in suis; arrêt 4C.97/1997 du 29 octobre 1997,
reproduit in SJ 1998 p. 198, consid. 4a et les auteurs cités; arrêt non publié
C.267/1987 du 1er décembre 1987, consid. 1a; Bizzozero, op. cit., p. 133 et
188; Bretton-Chevallier, op. cit., p. 92).

2.6 Si le mandant ne peut obtenir l'exécution de l'obligation ou ne peut
l'obtenir qu'imparfaitement, le mandataire est tenu de réparer le dommage en
résultant, à moins qu'il ne prouve qu'aucune faute ne lui est imputable (art.
97 al. 1 CO; ATF 128 III 22 consid. 2b; arrêt 4C.97/1997 du 29 octobre 1997,
reproduit in SJ 1998 p. 198, consid. 4a). Ainsi, celui qui est lié à son client
par un contrat de conseil en placements répond, en cas de mauvaise exécution,
d'un éventuel dommage subi par le client sur la base des art. 97 al. 1 et 398
al. 2 CO (Guggenheim, op. cit., p. 208 et 210; cf. Bizzozero, op. cit., p.
172).

2.7 Conformément aux règles générales de la responsabilité contractuelle et à
l'art. 8 CC, il incombe au client d'apporter la preuve de la conclusion d'un
contrat et de sa mauvaise exécution par le mandataire (Guggenheim, op. cit., p.
211; Lombardini, op. cit., n. 20 s. p. 150-151; Bizzozero, op. cit., p. 180;
arrêt 4C.278/1996 du 25 février 1998, consid. 2c). Il lui incombe de même de
prouver la relation de causalité entre la mauvaise exécution du contrat et le
préjudice subi (Lombardini, op. cit., n. 20 p. 150; Bizzozero, op. cit., p.
180). Lorsque l'inexécution contractuelle consiste dans une omission de
renseigner, le client doit démontrer que si son conseiller l'avait renseigné,
il aurait selon toute vraisemblance pris une décision qui lui aurait permis
d'éviter le dommage (Guggenheim, op. cit., p. 211; Bretton-Chevallier, op.
cit., p. 199 s.; ATF 124 III 155 consid. 3d p. 165).

3.
Les recourants reprochent à l'autorité précédente d'avoir violé l'art. 398 al.
2 CO pour n'avoir pas retenu que l'intimée avait manqué à son obligation de
diligence à trois égards: d'une part en leur conseillant, en juillet 2000,
d'investir dans le fonds V.________ sans les informer des critiques dont ce
fonds avait fait l'objet par voie de presse en octobre 1998 (cf. consid. 3.1
infra), et en dépit du fait que la structure de ce fonds était déséquilibrée et
que l'intimée avait conseillé à certains de ses clients de revendre leurs parts
du fonds V.________ entre 1998 et 2000 (cf. consid. 3.2 infra); d'autre part en
ne leur conseillant pas, en mars 2002, de vendre la totalité de leurs parts du
fonds V.________, alors que ce conseil avait été donné à d'autres clients dès
l'année 1999 (cf. consid. 3.3 infra). Ils font en outre grief à la cour
cantonale d'avoir fait preuve d'arbitraire dans l'appréciation des preuves et
l'application du droit cantonal de procédure en relation avec une requête de
production de pièces qu'ils avaient formulée devant le premier juge (cf.
consid. 3.4 infra), ainsi que d'avoir retenu inexactement qu'il ne ressortait
pas du dossier qu'ils aient suivi la recommandation faite par l'intimée le 13
septembre 2002 de vendre le solde de leurs parts dans le fonds V.________ (cf.
consid. 3.5 infra). Enfin, ils reprochent à la Cour de justice d'avoir violé
l'art. 394 al. 3 CO en ne déniant pas à l'intimée tout droit à sa rémunération
contractuelle (cf. consid. 3.6 infra). Il convient d'examiner ces différents
griefs ci-après.

3.1 Les recourants soutiennent d'abord que l'intimée, lorsqu'elle leur a
conseillé en juillet 2000 d'acheter des parts du fonds V.________, aurait dû,
en vertu de son devoir d'information, les informer de l'article de presse
négatif d'octobre 1998, qu'elle connaissait, et leur en envoyer une copie, ce
qui les aurait dissuadés d'investir dans ce fonds.

La cour cantonale a retenu en fait qu'aux dires même de l'auteur de l'article
de presse d'octobre 1998 - B.________ - qui avait été entendu comme témoin par
le Tribunal de première instance, cet article était resté sans effet sur les
autorités et les milieux financiers, contrairement aux trois articles qu'il
avait écrits entre septembre 2002 et janvier 2003; la valeur du fonds avait
plus que doublé entre la publication de l'article et le 31 décembre 1999. Les
juges cantonaux ont en outre constaté que les compétences de l'animateur du
fonds V.________ avaient été soulignées dans un ouvrage destiné aux
investisseurs paru en 2001, que l'audit financier de PriceWaterhouseCoopers
établi le 29 mai 2002 ne permettait pas d'anticiper la chute des valeurs du
fonds survenue une année plus tard et, enfin, que d'autres gérants de fortune
avaient recommandé ce fonds à leurs clients jusqu'au milieu de l'année 2002.

Sur le vu des faits ainsi constatés par la cour cantonale, qui lient le
Tribunal fédéral (cf. consid. 1.3 supra), il n'est pas établi que le devoir
d'information de l'intimée à l'égard des recourants lui aurait imposé,
lorsqu'elle leur a conseillé d'investir dans le fonds V.________ en juillet
2000, de leur mentionner l'existence de l'article de presse paru en octobre
1998. En effet, l'existence de cet article, dès lors que celui-ci était paru
près de deux ans auparavant et qu'il était demeuré totalement isolé et sans
effet sur la communauté des investisseurs et sur l'organe de surveillance du
marché boursier, qui n'est intervenu qu'en juillet 2003, ne constituait pas, en
juillet 2000, un élément objectivement important que l'intimée aurait eu le
devoir de communiquer à ses mandants (cf. consid. 2.4 supra). L'intimée ne
saurait ainsi se voir reprocher une mauvaise exécution du contrat pour n'avoir
pas informé les recourants de l'existence de cet article. Au surplus, il n'est
pas démontré que les recourants, s'ils en avaient eu connaissance, n'auraient
selon toute vraisemblance pas investi dans le fonds V.________, alors que
l'article publié près de deux ans auparavant était demeuré totalement isolé et
sans effet et que la valeur du fonds avait continué de fortement progresser
dans l'intervalle (cf. consid. 2.7 supra).

3.2 Les recourants font ensuite valoir que la structure déséquilibrée du fonds
V.________ avait conduit D.________, chargé chez Y.________ SA de l'analyse du
fonds V.________, à conseiller en juin 1999 à ses clients de réduire leurs
participations dans ce fonds, de sorte que l'intimée aurait violé son devoir de
diligence en recommandant aux recourants d'acheter des parts du fonds
V.________ en juillet 2000.

Selon les constatations de fait de l'arrêt entrepris, un ancien employé de
Y.________ SA (D.________) a déclaré lors de son audition comme témoin par le
premier juge avoir conseillé en juin 1999 à ses clients - parmi lesquels les
recourants ne figuraient pas - de vendre ou de réduire leurs participations au
fonds V.________, par souci d'éviter de trop fortes concentrations
d'investissements dans une société spécifique et parce qu'il lui semblait
qu'au-delà de USD 200 Mio d'actifs sous gestion, la taille du fonds était
devenue trop importante. La cour cantonale a ainsi retenu que le conseil de
vendre ou de réduire ne relevait pas d'une position de principe adoptée par
l'intimée à l'égard du fonds V.________, mais correspondait à des spécificités
structurelles ainsi qu'à la sensibilité du gérant à l'égard du volume d'actifs
sous gestion du fonds, de sorte que l'intimée pouvait conseiller aux
recourants, en juillet 2000, d'investir dans le fonds V.________ sans pour
autant violer ses obligations.

On ne discerne pas là de violation du droit fédéral. Le fait qu'un employé de
l'intimée ait conseillé à ses propres clients en juin 1999 de vendre ou de
réduire leurs participations au fonds V.________ parce que, dans son opinion
personnelle, il convenait d'éviter d'investir des montants trop importants dans
une société spécifique et que les actifs sous gestion du fonds était devenus
trop importants ne démontre nullement que l'intimée aurait violé son devoir de
diligence en conseillant aux recourants, en juillet 2000, d'investir dans le
fonds V.________.

3.3 Les recourants estiment que pour les mêmes motifs qui auraient dû la
conduire à ne pas leur proposer en juillet 2000 d'investir dans le fonds
V.________, l'intimée aurait dû leur recommander en mars 2002 de se désinvestir
complètement de ce fonds, au lieu de leur conseiller de revendre seulement la
moitié de leurs parts.

Cet argument tombe à faux. En effet, si l'intimée pouvait recommander en
juillet 2000 aux recourants d'investir dans le fonds V.________ sans violer son
devoir de diligence, on ne voit pas pourquoi, en l'absence d'éléments nouveaux,
elle aurait dû leur recommander en mars 2002 de se désinvestir complètement de
ce fonds. On ignore au demeurant pour quels motifs les recourants - dont la
cour cantonale a retenu qu'ils avaient « vraisemblablement » agi sur le conseil
de l'intimée, sans que ce fait soit établi - ont donné l'ordre en mars 2002 à
leur banque de vendre la moitié de leurs parts dans le fonds V.________. Or un
tel ordre pouvait avoir toutes sortes de motifs - diversification des
placements, opportunités de réinvestissements dans d'autres véhicules de
placement, prise de bénéfices, etc. - et le seul fait que les parts de ce fonds
de placement aient subséquemment perdu toute valeur ensuite d'événements
survenus dès septembre 2002, que l'intimée n'avait aucun moyen d'anticiper, ne
constitue aucunement la démonstration d'une violation par l'intimée de son
devoir de diligence en mars 2002.

3.4 Il ressort de l'arrêt attaqué qu'à la suite d'une requête en production de
pièces formulée par les recourants, le Tribunal de première instance a ordonné
à l'intimée de produire tous documents relatifs à sa surveillance et à ses
relations avec le fonds V.________, aux achats et ventes de parts de ce fonds
auxquels elle avait procédé pour ses clients pendant les années 1999 et 2000,
ainsi qu'aux recommandations qu'elle avait faites à ses clients durant ces
mêmes années d'acquérir ou de vendre de telles parts. L'intimée, qui s'était en
vain opposée à la requête, a informé le Tribunal qu'elle n'avait procédé à
aucun achat ni vente de parts du fonds V.________ pour ses clients et ne leur
avait pas fait de recommandations dans ce sens durant cette période.

Se plaignant d'arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'appréciation des preuves et dans
l'application du droit cantonal de procédure (art. 186 al. 2 LPC/GE), les
recourants reprochent à l'autorité précédente de n'avoir arbitrairement pas
tenu compte du comportement contradictoire de l'intimée, qui s'était opposée
avec la plus grande énergie à la requête en production de pièces avant de
prétendre qu'elle ne disposait pas de la moindre pièce. Selon les recourants,
il ne ferait pas de doute que l'intimée a des pièces à cacher susceptibles
d'influer sur le sort de la cause; ce serait dès lors de façon insoutenable que
la Cour de justice n'a tenu aucun compte de ce refus et n'a pas tenu pour
avérée la violation par l'intimée de son obligation de diligence en relation
avec le fonds V.________.

Ce grief est mal fondé. Selon l'art. 186 al. 2 LPC/GE, le juge peut ordonner à
la partie qui détient une pièce utile à la solution du litige de la produire,
même si le fardeau de la preuve ne lui incombe pas; en cas de refus sans motif
légitime, le fait allégué par la partie adverse peut être tenu pour avéré. En
l'espèce, il appert que l'intimée s'est opposée devant le premier juge à la
requête en production de pièces déposée le 22 juin 2006 par les recourants en
soutenant que cette requête constituait en réalité une écriture assortie de
nombreuses conditions et consacrait une violation grave des principes de
procédure civile. Par jugement sur incident du 19 octobre 2006, le premier juge
n'a que partiellement admis la requête en production de pièces. Donnant suite à
ce jugement sur incident, l'intimée a informé le Tribunal, le 30 novembre 2006,
qu'elle n'avait procédé à aucun achat ni vente de parts du fonds V.________
pour ses clients et ne leur avait pas fait de recommandations dans ce sens
pendant les années 1999 à 2000; elle a précisé qu'il n'existait pas ou plus de
documents écrits ni de notes, telles que notes d'entretien, de rapports, qui
auraient été conservés par Y.________ SA, tel n'étant pas l'usage. Dans ces
conditions, et faute d'éléments permettant de conclure, comme le soutiennent
les recourants, que l'intimée cacherait délibérément des pièces susceptibles
d'influer sur le sort de la cause et refuserait donc de les produire sans motif
légitime, on ne saurait faire grief à l'autorité précédente d'avoir violé
arbitrairement l'art. 186 al. 2 LPC/GE et apprécié arbitrairement les preuves
en ne tenant pas pour avérée, sur la seule base de l'absence de production des
pièces requises, la violation par l'intimée de son obligation de diligence en
relation avec le fonds V.________.

3.5 Les recourants reprochent à l'autorité cantonale d'avoir établi les faits
de manière manifestement inexacte, au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF,
en retenant, sans doute par inadvertance, qu'il ne ressortait pas du dossier
qu'ils aient suivi la recommandation faite par l'intimée le 13 septembre 2002
de vendre le solde de leurs parts dans le fonds V.________. Ils font valoir que
l'intimée a elle-même reconnu dans son mémoire de réponse et demande
reconventionnelle du 21 octobre 2004 que les recourants avaient aussitôt suivi
le conseil dispensé le 13 septembre 2002 et demandé le remboursement du solde
de leurs parts. Ils n'y étaient pas parvenus car, en septembre 2002, les parts
ne pouvaient plus être vendues, de sorte qu'ils ont toujours dans leur
portefeuille 300 parts du fonds V.________, qui n'ont plus aucune valeur à ce
jour.

La rectification d'une constatation de fait manifestement inexacte présuppose,
conformément à l'art. 97 al. 1 LTF, que la correction du vice soit susceptible
d'influer sur le sort de la cause (cf. consid. 1.3 supra). Or en l'occurrence,
que les recourants aient suivi ou non la recommandation que leur a faite
l'intimée le 13 septembre 2002 est sans incidence sur l'issue du litige,
puisque l'intimée, qui a averti les recourants immédiatement après la
publication de l'article de B.________ paru le 10 septembre 2002 dans le New
York Post, ne peut se voir reprocher aucune mauvaise exécution du contrat de
conseil en placements qui la liait aux recourants.

3.6 Les recourants reprochent enfin à la cour cantonale d'avoir fait une
mauvaise application de l'art. 394 al. 3 CO, qui serait la conséquence de la
fausse application de l'art. 398 al. 2 CO: l'intimée aurait en effet violé ses
obligations de mandataire, ce qui aurait pour conséquence qu'elle n'a pas droit
à ses honoraires.

Une rémunération est due au mandataire si la convention ou l'usage lui en
assure une (art. 394 al. 3 CO). La doctrine et la jurisprudence admettent
qu'indépendamment d'une éventuelle action en dommages-intérêts, l'inexécution
ou la mauvaise exécution du mandat peut être sanctionnée par une réduction des
honoraires du mandataire, voire par la perte de tout droit à la rémunération
dans le cas où l'exécution défectueuse du mandat est assimilable à une totale
inexécution ou lorsque la rémunération du mandataire est elle-même constitutive
du dommage causé par l'exécution défectueuse (ATF 124 III 423 consid. 3b;
Bretton-Chevallier, op. cit., p. 205 et les références citées).

En l'espèce, comme l'intimée ne peut se voir reprocher aucune mauvaise
exécution du contrat, il n'y a pas lieu de procéder à une réduction des
honoraires qui lui sont dus selon la convention des parties.

4.
Il résulte de ce qui précède que le recours, mal fondé, doit être rejeté. Les
recourants, qui succombent, supporteront les frais judiciaires, solidairement
entre eux (art. 66 al. 1 et 5 LTF), et verseront à l'intimée une indemnité à
titre de dépens, toujours solidairement entre eux (art. 68 al. 1, 2 et 4 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont mis à la charge des
recourants, solidairement entre eux.

3.
Une indemnité de 8'000 fr., à payer à l'intimée à titre de dépens, est mise à
la charge des recourants, solidairement entre eux.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 11 juin 2008
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Corboz Abrecht