Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.120/2008
Zurück zum Index I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2008
Retour à l'indice I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2008


Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_120/2008/ech

Arrêt du 19 mai 2008
Ire Cour de droit civil

Composition
MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Rottenberg Liatowitsch et Kolly.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.

Parties
X.________,
demanderesse et recourante, représentée par
Me B.________,

contre

Y.________ SA,
défenderesse et intimée.

Objet
contrat d'assurance; résiliation,

recours contre le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 23
janvier 2008.

Faits:

A.
A.a X.________, née en 1947, était affiliée à la caisse maladie Y.________ SA
(ci-après: la caisse ou l'assureur) depuis le 1er janvier 1997, notamment dans
la catégorie «...»; cette assurance-maladie complémentaire pour perte de gain
prévoit des indemnités journalières de 70 fr. dès le 31ème jour d'incapacité de
travail.

Le 9 mai 2003, l'assurée, professeur d'équitation à titre indépendant, a été
victime d'un accident; elle a subi une lésion au dos qui a entraîné une
incapacité de travail. Son assureur accident a pris le cas en charge jusqu'au
30 septembre 2004.

Le 11 janvier 2005, l'avocat de l'assurée a demandé à la caisse que des
prestations soient allouées à sa cliente, celle-ci ne percevant alors plus
aucune indemnité journalière.

Le 25 février 2005, la caisse a répondu à l'avocat qu'elle avait appris que
l'assurée avait également conclu auprès de A.________ une assurance
d'indemnités journalières pour perte de gain en cas de maladie; en conséquence,
elle lui demandait de lui faire parvenir une copie du contrat en question et
des décomptes de prestations y relatifs.

Le conseil de l'assurée a nié que les prestations garanties par A.________
puissent avoir une influence sur celles de la caisse.
A.b Par demande du 3 mai 2005, X.________ a ouvert action contre la caisse en
paiement de 50'400 fr., représentant 720 indemnités journalières de 70 fr.
chacune. Elle faisait valoir que son droit aux prestations de la caisse était
fondé sur une incapacité de travail entraînant un préjudice d'au moins 70 fr.
par jour; elle contestait au surplus que le versement des sommes assurées par
une tierce compagnie diminuât son préjudice et pût ainsi profiter à la
défenderesse.

Dans sa réponse du 28 juin 2005, la caisse a conclu au rejet de la demande.
Elle a précisé toutefois que l'assurée conservait pleinement son droit aux
prestations dès lors que, si l'incapacité de travail devait se prolonger, les
indemnités journalières selon la couverture «...» seraient dues lorsque les
prestations de A.________ seraient épuisées.

L'assurée a maintenu son point de vue dans sa réplique du 22 août 2005. La
caisse en a fait de même dans sa duplique du 27 septembre 2005.

Par lettre du 7 novembre 2005, X.________, par l'intermédiaire de son conseil,
a résilié la couverture d'assurance «...» avec effet immédiat, subsidiairement
dès le 1er décembre 2005. Dans un courrier du 14 novembre 2005, la caisse a
déclaré accepter la résiliation pour le 30 novembre 2005.

Par jugement du 23 mars 2006 communiqué le 10 août 2006, le Tribunal des
assurances du canton de Vaud a rejeté la demande; le chiffre II du dispositif a
la teneur suivante:

«Acte est donné à la demanderesse de ce que la défenderesse est d'accord de
verser ses prestations lorsque celles de A.________ seront épuisées et pour
autant que l'incapacité de travail subsiste à ce moment-là.»

Par arrêt du 19 avril 2007 (cause 5C.243/2006), le Tribunal fédéral a rejeté
dans la mesure de sa recevabilité le recours en réforme que X.________ avait
déposé contre le jugement cantonal. Il a posé tout d'abord que l'assurance
d'indemnités journalières conclue avec la caisse était une assurance contre les
dommages alors que les indemnités journalières allouées par A.________
relevaient d'une assurance de sommes. Dans un tel cas, il n'y avait pas lieu de
prendre en compte les prestations versées par une assurance de sommes dans le
calcul du préjudice subi par l'assuré, sauf disposition contraire figurant dans
l'accord contractuel des parties. Comme de telles dispositions ressortaient en
l'espèce des conditions générales pour l'assurance-maladie complémentaire
(ci-après: CGA) et des conditions spéciales complémentaires (ci-après: CSC)
applicables, la caisse n'avait à intervenir que lorsque A.________ cesserait
ses versements ou dans la mesure où cette compagnie n'indemnisait pas la
totalité de la perte de gain de l'assurée.
A.c Par lettre du 24 avril 2007, le conseil de l'assurée a demandé à la caisse
de «fixer [ses] prestations dès la fin de celles servies par A.________,
conformément au chiffre II du jugement cantonal», qui était entré en force vu
le rejet du recours en réforme. La caisse a alors invité l'avocat à lui
remettre les décomptes des prestations versées par A.________ afin de pouvoir
déterminer l'étendue de ses propres prestations. L'avocat s'est exécuté et a
proposé à la caisse de servir ses prestations à partir du 1er octobre 2006; il
résultait en effet des décomptes précités que A.________ avait cessé ses
versements le 30 septembre 2006.

Par lettre du 16 mai 2007, la caisse a fait savoir à X.________ qu'aucune
prestation ne pourrait lui être versée au-delà du 30 novembre 2005, date à
laquelle avait pris effet la résiliation anticipée signifiée par l'assurée et
acceptée par la caisse. Y.________ SA s'appuyait sur l'art. 11 CGA stipulant
que le droit aux prestations cesse à la fin du contrat.

B.
Par demande du 4 juillet 2007, X.________ a ouvert action contre Y.________ SA,
concluant au versement par la défenderesse d'une somme de 50'400 fr., sous
déduction des primes non encore payées de l'assurance «...» par 54 fr.60 par
mois. Elle faisait valoir notamment que l'engagement pris par la défenderesse
et constaté dans le jugement cantonal du 23 mars 2006 l'emportait sur l'art. 11
CGA. A titre subsidiaire, elle invoquait l'erreur essentielle, voire un abus de
droit de la part de la caisse.

Par jugement du 23 janvier 2008, le Tribunal des assurances du canton de Vaud a
rejeté la demande.

C.
X.________ interjette un recours en matière civile. Elle conclut à la réforme
du jugement attaqué en ce sens que ses conclusions en paiement de 50'400 fr.,
sous déduction des primes non encore payées de 54 fr.60 par mois, sont admises.

Y.________ SA propose le rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1
LTF) et dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu en matière civile
(art. 72 al. 1 LTF; cf. ATF 124 III 44 consid. 1a/aa p. 46, 229 consid. 2b) par
une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 LTF) dans une affaire
pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000 francs (art. 74
al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est en principe recevable,
puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42
LTF) prévus par la loi.

1.2 Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est
délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit
d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments
soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente. Compte tenu de l'exigence de
motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité
(art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les
griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de
première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque
celles-ci ne sont plus discutées devant lui.

1.3 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en
violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie
recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité précédente doit
expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception
prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de quoi il n'est pas
possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui contenu dans la
décision attaquée (cf. ATF 133 III 249 consid. 1.4.3; 130 III 136 consid. 1.4).
Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter
de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).

1.4 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art.
107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF).

2.
Dans un premier moyen, la recourante fait valoir que l'art. 11 CGA est «une
clause inhabituelle au sens de l'art. 8 de la loi fédérale contre la
concurrence déloyale (LCD)». A son avis, il est étonnant de faire dépendre le
versement des prestations contractuelles du maintien en vigueur du contrat
d'assurance, alors qu'en général, il suffit que celui-ci soit en vigueur au
moment du sinistre. Le mécanisme instauré par l'art. 11 CGA reprendrait celui
applicable en matière d'indemnités journalières selon la LAMal et sa
transposition dans un système régi par la LCA serait pour le moins surprenante.
Au surplus, la clause litigieuse aurait été de nature à provoquer une erreur
chez la recourante et son conseil.
2.1
2.1.1 L'art. 8 LCD, invoqué expressément par la recourante, a trait à
l'utilisation de conditions commerciales abusives. Selon cette disposition,
agit de façon déloyale celui qui, notamment, utilise des conditions générales
préalablement formulées qui sont de nature à provoquer une erreur au détriment
d'une partie contractante et qui dérogent notablement au régime légal
applicable directement ou par analogie (let. a) ou prévoient une répartition
des droits et des obligations s'écartant notablement de celle qui découle de la
nature du contrat (let. b). La réalisation de la condition de l'art. 8 let. a
LCD suppose une dérogation d'une certaine intensité à une norme juridique
écrite, impérative ou dispositive, ou aux principes juridiques dégagés par la
jurisprudence et la doctrine; la dérogation doit avoir pour effet de
compromettre sensiblement l'équilibre du contrat. La seconde hypothèse (art. 8
let. b LCD) est subsidiaire et pourra être invoquée lorsque le régime légal
applicable, même par analogie, ne donne aucun résultat. Au surplus, l'exigence
de conditions générales qui soient de nature à provoquer une erreur doit être
réalisée tant dans l'hypothèse prévue à la lettre a que dans celle visée à la
lettre b (ATF 117 II 332 consid. 5a). Il suffit au demeurant que les conditions
générales soient de nature à provoquer une erreur chez une partie contractante;
il n'est pas nécessaire que celle-ci ait été effectivement trompée ou que
l'autre partie ait eu pareille intention. L'aptitude à induire en erreur peut
tenir à la formulation des conditions générales, à leur situation dans le texte
ou à leur présentation graphique (arrêt 4C.538/1996 du 5 août 1997, consid. 2a,
in Pra 1998 n° 9 p. 53 ss; arrêt B 22/00 du 27 mars 2001, consid. 6a; Gauch/
Schluep/Schmid/Rey, Schweizerisches Obligationenrecht Allgemeiner Teil, 8e éd.,
tome I, n. 1154, p. 248).
2.1.2 Selon l'art. 11 CGA, le droit aux prestations cesse à la fin du contrat
ou à l'annulation d'une couverture d'assurance, les suites d'accident au sens
de la LAA étant réservées.

Par définition, un droit ne peut cesser que s'il est déjà né. En l'espèce, sans
s'expliquer clairement, la recourante sous-entend que son droit aux indemnités
journalières selon la couverture «...» a pris naissance avec son incapacité de
travail, c'est-à-dire avant l'annulation de ladite assurance. Cela signifie que
ce droit aurait été suspendu jusqu'à la fin des versements de A.________, puis
empêché de se concrétiser à ce moment-là en raison de l'application de l'art.
11 CGA incriminé. La recourante se place ainsi dans une situation similaire à
celle où le versement des prestations aurait débuté avant la résiliation pour
cesser lorsque le contrat aurait pris fin.

Selon l'art. 2.1 CSC applicable en l'occurrence, l'ouverture du droit aux
prestations est déterminée par la survenance d'une incapacité de travail
entraînant une perte de gain. Or, dans son arrêt du 19 avril 2007, le Tribunal
fédéral a expressément reconnu, après avoir interprété les CSC et les CGA,
qu'une assurance de sommes ayant également pour but de compenser une perte de
gain, comme celle contractée par la recourante auprès de A.________, devait
être prise en compte lorsque l'assuré faisait valoir ses droits découlant d'une
assurance contre les dommages, telle l'assurance d'indemnités journalières
«...». Dans le cas particulier, la conséquence était la suivante: l'intimée
n'avait à intervenir que lorsque l'assurance de sommes cesserait ses paiements
ou dans la mesure où ladite assurance n'indemnisait pas la perte de gain totale
(consid. 3.3.2 in fine). Cette dernière hypothèse n'a jamais été invoquée par
la recourante, qui admet implicitement que l'assurance de sommes a indemnisé sa
perte de gain totale jusqu'au 30 septembre 2006 en ne réclamant à l'intimée le
versement d'indemnités journalières qu'à partir du 1er octobre 2006. C'est à
cette date que la recourante s'est trouvée dans une incapacité de travail
entraînant une perte de gain, laquelle marque l'ouverture du droit aux
prestations selon l'art. 2.1 CSC. Dans ces conditions, le droit aux indemnités
journalières n'est pas né avant l'annulation de la couverture d'assurance «...»
et l'art. 11 CGA ne trouve pas à s'appliquer. Les critiques adressées à cette
clause par la recourante tombent dès lors à faux.

Au demeurant, même si l'on admet, avec la recourante, que son droit aux
prestations est né avant la fin de l'assurance d'indemnités journalières «...»,
force est de reconnaître que la condition préalable posée à l'art. 8 LCD n'est
pas réalisée en l'espèce, ce qui suffit déjà à exclure une violation de cette
disposition par la cour cantonale. En effet, la formulation de la clause
litigieuse, qui fait clairement coïncider la fin des prestations avec la fin du
contrat ou l'annulation d'une couverture d'assurance, est dénuée de toute
ambiguïté. En outre, ni la situation de l'article contesté dans le texte des
CGA, ni sa présentation graphique ne sont aptes à induire l'assuré en erreur.

2.2 Pour être complet, il convient d'examiner également l'art. 11 CGA à la
lumière de la jurisprudence relative à la règle dite de l'inhabituel (ou de
l'insolite; Ungewöhnlichkeitsregel), qui limite la validité des conditions
générales d'affaires préformées. En vertu de cette règle, sont soustraites de
l'adhésion censée donnée globalement à des conditions générales toutes les
clauses inhabituelles, sur l'existence desquelles l'attention de la partie la
plus faible ou la moins expérimentée en affaires n'a pas été spécialement
attirée. La partie, qui incorpore des conditions générales dans le contrat,
doit s'attendre, d'après le principe de la confiance, à ce que son partenaire
contractuel inexpérimenté n'adhère pas à certaines clauses insolites. Pour
déterminer si une clause est insolite, il faut se placer du point de vue de
celui qui y consent, au moment de la conclusion du contrat. La réponse est
individuelle, une clause usuelle dans une branche de l'économie pouvant être
insolite pour qui n'est pas de la branche. Eu égard au principe de la
confiance, on se fondera sur les conceptions personnelles du contractant dans
la mesure où elles sont reconnaissables pour l'autre partie. Il ne suffit pas
que le contractant soit inexpérimenté dans la branche économique en question.
Il faut, en plus de ce critère subjectif, que, par son objet, la clause
considérée soit étrangère à l'affaire, c'est-à-dire qu'elle en modifie de
manière essentielle la nature ou sorte notablement du cadre légal d'un type de
contrat (ATF 119 II 443 consid. 1a et les références).

En l'espèce, ce critère objectif n'est manifestement pas réalisé. Certes, dans
l'assurance privée selon la LCA, comme celle ici litigieuse, il a été posé que,
si le sinistre survient pendant la période de couverture, l'assureur doit
verser les prestations convenues jusqu'à épuisement, aussi longtemps qu'elles
sont justifiées selon les clauses conventionnelles; la seule limite que
connaisse la couverture réside non dans la fin des relations contractuelles,
mais dans la durée des prestations convenues. Cependant, la jurisprudence
réserve expressément les clauses conventionnelles qui limitent ou suppriment le
droit aux prestations au-delà de la période de couverture (ATF 127 III 106
consid. 3b et c et les références). Une telle clause, dont le Tribunal fédéral
a reconnu la validité, n'apparaît ainsi pas comme étrangère à l'affaire au sens
où l'entend la jurisprudence susmentionnée.

2.3 Sur le vu de ce qui précède, le premier moyen soulevé par la recourante ne
peut être que rejeté.

3.
En deuxième lieu, la recourante est d'avis que l'intimée commet un abus de
droit en invoquant la fin du contrat pour refuser ses prestations. Lors de la
résiliation du contrat pour le 30 novembre 2005, l'assureur aurait dû, à tout
le moins, attirer l'attention de l'assurée sur le fait que sa promesse de payer
les indemnités journalières après épuisement des droits envers A.________
devenait caduque. En tout cas, à la lecture du jugement du Tribunal des
assurances reprenant cette promesse dans son dispositif, l'intimée aurait dû
réagir, dès lors qu'elle savait que la recourante comptait sur les indemnités
journalières de l'assurance «...» à verser après celles de l'assurance de
sommes.

3.1 A teneur de l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas
protégé par la loi. L'existence d'un abus de droit se détermine selon les
circonstances concrètes du cas, en s'inspirant des diverses catégories mises en
évidence par la jurisprudence et la doctrine (ATF 129 III 493 consid. 5.1 et
les arrêts cités). L'emploi dans le texte légal du qualificatif «manifeste»
démontre que l'abus de droit ne doit être admis qu'avec restriction. Les cas
typiques en sont l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation
d'une institution juridique contrairement à son but, la disproportion manifeste
des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement ou l'attitude
contradictoire (ATF 129 III 493 consid. 5.1; 127 III 357 consid. 4c/bb). La
règle prohibant l'abus de droit permet au juge de corriger les effets de la loi
dans certains cas où l'exercice d'un droit allégué créerait une injustice
manifeste (ATF 134 III 52 consid. 2.1 et les références doctrinales). Il
incombe à la partie qui se prévaut d'un abus de droit d'établir les
circonstances particulières qui autorisent à retenir cette exception. Lorsque
les conditions factuelles à son admission sont réalisées, l'abus de droit doit
être sanctionné d'office, à n'importe quel stade de l'instance (ATF 134 III 52
consid. 2.1 in fine et les arrêts cités).

3.2 Selon l'art 9 CGA, l'assuré peut, après cinq ans, résilier le contrat pour
la date d'une échéance de prime, moyennant un préavis de six mois. En l'espèce,
la recourante, par l'intermédiaire de son conseil, a résilié la couverture
«...» avec effet immédiat, subsidiairement au 30 novembre 2005. L'intimée a
accepté la résiliation hors délai pour cette dernière date. A ce moment-là, la
caisse n'a pas attiré l'attention du mandataire de la recourante sur les
conséquences éventuelles de la fin du contrat au cas où la thèse de l'assurée
ne triompherait pas dans le procès opposant alors les parties; en particulier,
elle n'a pas relevé que l'assurée incapable de travailler ne conserverait pas
ses droits résultant de la couverture «...» après l'épuisement des prestations
de A.________ si celui-ci se produisait après le 30 novembre 2005 et que, par
conséquent, ce relais d'assurances, mis en évidence dans la réponse du 28 juin
2005, ne pourrait pas alors se produire. L'assureur commet-il un abus de droit
en se prévalant à présent de la fin du contrat pour refuser ses prestations?

La résiliation a été initiée par la recourante, représentée par un avocat qui
disposait de toute la réglementation contractuelle lui permettant d'apprécier
les conséquences de cet acte. De son côté, l'assureur s'est contenté d'accepter
cette résiliation anticipée. Il n'a d'aucune façon incité l'assurée à agir de
la sorte. Dans son mémoire au Tribunal fédéral, la recourante reconnaît
elle-même que la caisse n'a pas, à l'époque de la résiliation, songé à la
cessation du droit aux prestations pour cause de caducité de la couverture
d'assurance. Au demeurant, l'intimée n'était pas, à ce moment-là, au clair sur
l'étendue et la durée des prestations servies par A.________, données que la
recourante refusait précisément de lui transmettre. Cela étant, face à une
assurée décidée à ne plus payer des primes et représentée par un mandataire
professionnel, la caisse n'avait pas, selon les règles de la bonne foi, à
envisager toutes les hypothèses possibles et, selon les circonstances, à
dissuader l'assurée de dénoncer la couverture en cause. De même, on ne voit pas
en quoi des reproches pourraient être adressés à l'intimée pour n'avoir pas,
selon les termes de la recourante, «soulev[é] à nouveau la question de ladite
promesse» lorsque le Tribunal des assurances a traduit, dans un point du
dispositif de son jugement du 23 mars 2006, l'engagement de la caisse de verser
ses prestations une fois épuisés les versements de A.________. Lors du prononcé
de cette décision, la couverture «...» avait déjà pris fin et l'intimée ne
pouvait plus rien y changer. En se prévalant ensuite de la fin du contrat,
l'assureur n'a nullement exercé un droit sans ménagement ou adopté une attitude
contradictoire, étant rappelé que l'art. 2 al. 2 CC ne s'applique que de
manière restrictive. Un abus de droit ne saurait ainsi être retenu à la charge
de l'intimée.

4.
La recourante fait valoir ensuite qu'elle se trouvait sous l'empire d'une
erreur essentielle au sens de l'art. 24 al. 1 ch. 4 CO lorsqu'elle a résilié la
couverture d'assurance «...». Elle estime s'être trompée sur les conséquences
de son acte, son but étant de ne plus avoir à payer de primes, et non de mettre
fin à son droit à des prestations pour lesquelles elle était alors en procès.
L'erreur serait essentielle dans la mesure où elle portait sur la renonciation
à un droit quasiment sans contrepartie, les primes économisées étant sans
commune mesure avec les prestations auxquelles elle aurait eu droit sur la base
de l'assurance «...».

4.1 A titre liminaire, il convient de préciser que, contrairement à ce que la
recourante prétend, la couverture d'assurance n'a pas pris fin à la suite d'un
acte unilatéral, mais bien d'une résiliation conventionnelle. En effet, la
résiliation signifiée par l'assurée ne pouvait pas, selon les CGA, prendre
effet immédiatement ou au 30 novembre 2005. C'est l'accord de l'assureur sur
cette dernière date qui a mis un terme au contrat. La question n'est toutefois
pas déterminante dès lors qu'une résiliation en tant qu'acte juridique
unilatéral est également susceptible d'être invalidée pour cause d'erreur (cf.
art. 7 CC; arrêt 4C.321/2005 du 27 février 2006, consid. 5.2; Bruno Schmidlin,
Commentaire romand, n. 62 et n. 65 ad art. 23-24 CO).

4.2 L'erreur invoquée par la recourante est en rapport avec son ignorance de
l'art. 11 CGA; ni son représentant, ni elle-même ne se sont rendu compte qu'en
résiliant la couverture d'assurance «...», l'assurée perdait son droit aux
prestations dès la fin du contrat et, en particulier, qu'elle ne pourrait
prétendre à des indemnités journalières de la part de l'intimée après
l'épuisement de ses droits envers A.________ si ce dernier se produisait après
le 30 novembre 2005. Il s'agit là typiquement d'une erreur sur les motifs, soit
d'une erreur se produisant au stade de la formation de la volonté (ATF 118 II
58 consid. 3b p. 62). Une telle erreur n'est essentielle que si elle porte sur
la base nécessaire du contrat, soit sur des faits que la loyauté commerciale
permettait à celui qui s'en prévaut de considérer comme des éléments
nécessaires du contrat (art. 24 al. 1 ch. 4 CO; cf. ATF 132 II 161 consid. 4.1
p. 165 ss; 123 III 200 consid. 2 p. 202; 118 II 58 consid. 3b p. 62; 114 II 131
consid. 2 p. 139). Lorsque, comme en l'espèce, elle consiste en la
méconnaissance d'une situation juridique, l'erreur (de droit) ne sera pas
essentielle si elle n'affecte que les effets juridiques du contrat conclu (ATF
118 II 58 consid. 3b p. 63 et les références; Gauch/Schluep/Schmid/Rey, op.
cit., n. 783, p. 159; nuancé, Schmidlin, op. cit., n. 85 ad art. 23-24 CO).

Dans le cas particulier, l'erreur invoquée ne touche manifestement qu'aux
effets juridiques de la résiliation puisque la recourante ignorait que la
dénonciation de la couverture d'assurance «...» pouvait avoir pour conséquence
de la priver de son droit aux prestations. Conformément aux principes rappelés
ci-dessus, il s'agit là d'une simple erreur sur les motifs au sens de l'art. 24
al. 2 CO, qui n'ouvre pas le droit d'invalider l'acte litigieux. Le grief tiré
de la violation des art. 23 ss CO est dès lors mal fondé.

5.
5.1 En dernier lieu, la recourante se prévaut du chiffre II du dispositif du
jugement du Tribunal des assurances du 23 mars 2006. Elle observe que l'intimée
n'en a pas demandé la modification par la voie du recours ou de
l'interprétation. En tant qu'engagement inconditionnel, ce point du dispositif
constituerait le fondement à la fois contractuel et judiciaire de la prétention
de la recourante. En d'autres termes, par sa promesse validée judiciairement de
payer les indemnités journalières après épuisement des prestations versées par
A.________, l'intimée aurait implicitement renoncé au bénéfice de l'art. 11
CGA.

5.2 Dans sa réponse du 28 juin 2005 déposée dans le premier procès opposant les
parties, l'assureur a précisé que, même si la théorie qu'il défendait
l'emportait, l'assurée conserverait néanmoins pleinement son droit aux
prestations si son incapacité de travail se prolongeait: les indemnités
journalières selon la couverture «...» seraient alors dues lorsque A.________
mettrait un terme à ses prestations. Après la réplique de l'assurée du 22 août
2005, l'assureur a encore déposé une duplique en date du 27 septembre 2005.

Ces actes sont tous largement antérieurs à la résiliation de la couverture
d'assurance. Il est donc évident que la déclaration de l'intimée sur les droits
de la recourante après épuisement des prestations de A.________ n'était valable
que pour la situation prévalant à l'époque, soit une incapacité de travail qui
perdurait et une couverture d'assurance qui était maintenue. Certes, le
jugement du Tribunal des assurances a été prononcé après la résiliation
litigieuse. Ce fait n'autorise toutefois pas à accorder une portée plus étendue
à la déclaration de la caisse. Au moment de la résiliation, l'instruction de la
cause était terminée et l'assureur n'avait pas à avertir le Tribunal des
assurances du changement intervenu dans le rapport contractuel des parties. Le
silence de l'intimée ne saurait dès lors être interprété comme la confirmation
implicite de sa déclaration malgré la dénonciation de la couverture «...», ce
d'autant moins que l'assureur ne pouvait alors se douter que l'avis émis dans
son mémoire serait repris comme un engagement dans le dispositif de la décision
du Tribunal des assurances.

De même, une fois le jugement prononcé, l'inaction de l'intimée ne signifiait
en aucun cas que l'accord dont il était donné acte dans le dispositif demeurait
valable malgré la résiliation de la couverture d'assurance. Au surplus, le
dispositif d'un jugement s'interprète à la lumière des motifs de fait et de
droit de la décision en question. En l'espèce, le jugement du Tribunal des
assurances mentionnait clairement la date de la réponse de l'intimée comprenant
la déclaration en cause et ne faisait aucune référence à la résiliation de la
couverture «...»; on ne peut donc comprendre le chiffre II du dispositif du
jugement cantonal comme l'expression d'un engagement inconditionnel de
l'intimée, quelle que soit l'évolution du rapport contractuel entre les
parties. Enfin, il convient de préciser que la simple transcription de la
position de l'assureur dans le dispositif par la formule «acte est donné»,
indépendamment de toute conclusion dans ce sens, n'a pas non plus eu pour effet
de rendre cet engagement intangible, contrairement à ce que l'assurée suggère.

En conclusion, le dernier moyen soulevé par la recourante se révèle également
mal fondé.

6.
Sur le vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Dès lors que le litige relève d'une assurance privée selon la LCA et non d'une
assurance sociale, l'art. 65 al. 4 let. a LTF n'est pas applicable. La
recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
En revanche, elle n'aura pas à verser de dépens à l'intimée, qui n'était
représentée ni par un avocat ni par un autre mandataire professionnel et n'a
pas fait valoir de frais particuliers.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal des assurances du
canton de Vaud.
Lausanne, le 19 mai 2008
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Corboz Godat Zimmermann