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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.100/2008
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Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_100/2008/ech

Arrêt du 29 mai 2008
Ire Cour de droit civil

Composition
M. et Mmes les Juges Corboz, Président, Klett et Rottenberg Liatowitsch.
Greffière: Mme Crittin.

Parties
X.________,
recourante, représentée par Me Alain Droz,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Serge Rouvinet.

Objet
mandat; note d'honoraires,

recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de
Genève du 18 janvier 2008.

Faits:

A.
A.a Y.________ exploite, en raison individuelle, à Genève, une entreprise
active dans la conception et la réalisation d'intérieurs, ainsi que dans le
commerce de meubles et de fournitures s'y rapportant. « Atelier ..., Y.________
» est la raison de commerce de l'entreprise.

X.________ est inscrite au Registre du commerce du canton de Genève en qualité
de titulaire de la raison individuelle « X.________ - Restauratrice ». Cette
entreprise a pour but l'exploitation des restaurants genevois « A.________ », «
B.________ » et « C.________ ».
A.b En 2001, à la demande de X.________, Y.________ a élaboré un projet de
restaurant mexicain à l'enseigne de « C.________ ». Le projet a été retenu par
le centre commercial D.________ dans le cadre de ses travaux d'agrandissement,
entrepris sous la direction du bureau d'architectes E.________ SA.

Après l'élaboration, le 7 novembre 2001, d'un premier « devis général estimatif
provisoire », qui prévoyait un budget total de 975'000 fr., Y.________ a
présenté, le 7 décembre 2001, un autre devis, qui prenait en compte un budget
de 792'000 francs. Parallèlement au devis, Y.________ a transmis à X.________
un contrat d'honoraires pour les prestations d'architecture d'intérieur
(VSI-ASAI), accompagné des réglementations tarifaires pour le règlement
d'honoraires relatifs aux prestations d'architecture d'intérieur.

X.________ n'a pas réagi au devis du 7 décembre 2001 ni à l'envoi du contrat
d'honoraires. Elle s'est acquittée de quatre demandes d'acomptes de 7'000 fr.
chacune, lesquelles demandes précisaient que les acomptes étaient « à valoir
sur accord honoraires architecte d'intérieur » ou « à valoir sur décompte
honoraires ».

En février 2002, X.________ a formulé des critiques à l'encontre du travail
effectué par Y.________.

L'inauguration du restaurant « C.________ » a eu lieu le 5 mars 2002.
A.c Par courriers recommandés des 5 et 26 mars 2002, X.________ a résilié le
contrat confié à Y.________. Elle lui reprochait d'avoir violé ses obligations
de soin et de diligence dans l'accomplissement de son mandat et lui demandait,
notamment, de lui faire parvenir dans les dix jours la facture totale de ses
honoraires et frais, sous déduction des acomptes versés.

La note finale d'honoraires a été adressée à X.________, le 29 décembre 2004.
Elle s'élevait à 96'400 fr., après déduction des acomptes versés (28'000 fr.)
et d'un montant de 14'018 fr. correspondant à 50% de la part d'honoraires pour
les travaux et achats effectués en personne par X.________.

La facture n'a pas été acquittée.

B.
Le 15 août 2005, Y.________ a ouvert action, à Genève, contre X.________ en vue
d'obtenir le paiement de 96'400 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 1er avril
2002. Par jugement du 14 juin 2007, le Tribunal de première instance a condamné
la défenderesse à payer au demandeur la somme de 96'400 fr., avec intérêts à 5%
dès le 1er janvier 2005.

Statuant sur appel de la défenderesse, la Chambre civile de la Cour de justice
du canton de Genève a, par arrêt du 18 janvier 2008, confirmé le jugement de
première instance.

La cour cantonale a tenu pour établi que le demandeur a agi avec le soin requis
par le projet pour lequel il a été mandaté et qu'il avait ainsi en principe
droit à l'entier de ses honoraires. Sur la question de la quotité des
honoraires, les juges ont fait application du principe de la confiance et ont
estimé, au regard des circonstances du cas d'espèce, que les parties avaient
adopté dans leur contrat le règlement d'honoraires pour les prestations
d'architecture d'intérieur VSI-ASAI.

C.
La défenderesse exerce un recours en matière civile. Elle invite le Tribunal
fédéral à annuler l'arrêt cantonal et, statuant à nouveau, à renvoyer la cause
aux précédents juges afin qu'ils statuent dans le sens des considérants. A
titre subsidiaire, elle demande à être acheminée à prouver par toute voie de
droit utile les faits exposés dans le recours.
Le demandeur propose à la Cour de céans de déclarer le recours irrecevable et,
subsidiairement, mal fondé. Quant à l'autorité cantonale, elle se réfère aux
considérants de son arrêt.

Considérant en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1
LTF) et dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu en matière civile
(art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75
LTF) dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de
30'000 francs (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est en
principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF)
et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

1.2 Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est
délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit
d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments
soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4).
Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF,
sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral
n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter,
comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions
juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui
(ATF 134 III 102 consid. 1.1). Il ne peut pas entrer en matière sur la
violation d'un droit constitutionnel ou sur une question relevant du droit
cantonal ou intercantonal si le grief n'a pas été invoqué et motivé de manière
précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF).

1.3 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en
violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Aucun fait
nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la
décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).

2.
Dans le recours en matière civile, le recourant ne doit pas se borner à
demander l'annulation de la décision attaquée, mais il doit également prendre
des conclusions sur le fond du litige. Il n'est fait exception à cette règle
que lorsque le Tribunal fédéral, en cas d'admission du recours, ne serait de
toute manière pas en mesure de statuer lui-même sur le fond et devrait renvoyer
la cause à l'autorité cantonale (ATF 133 III 489 consid. 3.1 et les arrêts
cités; Bernard Corboz, Introduction à la nouvelle loi sur le Tribunal fédéral,
in: SJ 2006 II 319 ss, p. 329 s.).

Dans le cas d'espèce, si le recours est admis, la cause devra être renvoyée à
l'instance cantonale pour qu'elle détermine si les honoraires du mandataire
correspondent objectivement à la valeur des services rendus et fixe, le cas
échéant, le montant des honoraires encore dus. Dès lors, les conclusions
cassatoires de la recourante sont recevables.

3.
Il a été arrêté que le contrat qui régit les relations entre les parties est un
contrat de mandat, au sens de l'art. 394 CO. La qualification juridique de ce
contrat n'est pas remise en cause.

4.
La recourante conteste que la rémunération du mandataire soit fondée sur le
contrat d'honoraires pour les prestations d'architecture d'intérieur de
l'Association Suisse des Architectes d'intérieur (VSI-ASAI). De son point de
vue, la Cour de justice a fait usage, à tort, de l'art. 6 CO, s'agissant de
l'applicabilité des tarifs VSI-ASAI au contrat de mandat conclu entre les
parties.

4.1 Aux termes de l'art. 394 al. 3 CO, une rémunération est due au mandataire
si la convention ou l'usage lui en assure une. La convention de rémunération
peut être expresse ou tacite (art. 1 al. 2 CO); elle peut intervenir soit au
moment de la conclusion du contrat, soit postérieurement (arrêt 4C.380/2006 du
6 mars 2007, consid. 8.2.2; Pierre Tercier, Les contrats spéciaux, 3e éd. 2003,
n. 4774, p. 687). Il incombe au mandataire qui réclame une rémunération de
prouver les circonstances permettant de constater l'existence d'un accord des
parties. La convention de rémunération concerne tant le principe de
rémunération que le montant de cette rémunération, lequel montant peut être
fixé par référence à des tarifs (Rolf H. Weber, Commentaire zurichois, n. 36 et
38 ad art. 394 CO).

Pour déterminer si une convention de rémunération a été passée par actes
concluants, le juge doit tout d'abord s'efforcer de déterminer la commune et
réelle intention des parties, en procédant à l'interprétation dite subjective,
dont le résultat relève des constatations de fait (cf. ATF 133 III 201 consid.
2.2.1; 132 III 626 consid. 3.1; 131 III 606 consid. 4.1). S'il ne parvient pas
à déterminer cette volonté réelle ou s'il constate que les volontés réelles de
chaque partie divergent, le juge recherchera quel sens les parties pouvaient et
devaient donner, selon les règles de la bonne foi, à leurs manifestations de
volonté réciproques; il s'agit de l'interprétation dite objective (ATF 133 III
201 précité; 132 III 268 consid. 2.3.2, 626 consid. 3.1). L'application du
principe de la confiance est une question de droit que le Tribunal fédéral
examine librement. Pour ce faire, il doit cependant se fonder sur le contenu de
la manifestation de volonté et sur les circonstances, lesquelles relèvent du
fait (ATF 133 III 675 consid. 3.3).

4.2 Dans le cas d'espèce, la cour cantonale a procédé à l'interprétation
objective des manifestations de volonté. Elle a considéré que tant par le
silence de la recourante, au sens de l'art. 6 CO, qu'en vertu du principe de la
confiance, il était acquis que les parties avaient adopté dans leur contrat le
règlement d'honoraires de la VSI-ASAI. Sur le vu de ce résultat, la juridiction
cantonale a relevé qu'il n'était pas nécessaire de se référer à l'usage et donc
de trancher la question de savoir si les honoraires réclamés correspondent
objectivement aux services rendus et s'ils leur sont proportionnés.

D'emblée, il convient de constater que la recourante ne critique pas
l'application faite par la cour cantonale du principe de la confiance. Aucune
violation de l'art. 18 CO n'est dénoncée et, encore moins, démontrée. De
manière appellatoire, la recourante prétend que l'usage du terme « d'honoraires
», utilisé notamment dans une demande d'acomptes, ne signifie pas encore que le
mandataire soit tacitement autorisé à se prévaloir d'un tarif professionnel et,
a fortiori, des normes en vigueur dans cette profession; le fait que ces
demandes de provision aient été honorées par la recourante ne saurait non plus
justifier cette thèse. La recourante ajoute encore qu'aucun acte concluant ne
saurait remplacer la signature de l'un ou de l'autre des cocontractants. Une
telle démonstration est insuffisante à démontrer une quelconque violation du
droit fédéral. Ce constat s'impose d'autant plus que la recourante passe sous
silence le défaut de réaction de sa part à la réception de l'envoi du tarif
VSI-ASAI, annexé au contrat d'honoraires, lors même que cette circonstance
constitue un des éléments pris en considération par la cour dans l'examen des
manifestations de volonté des parties. En axant principalement son
argumentation sur le libellé des demandes de provision et sur le paiement des
acomptes, la recourante perd manifestement de vue que l'offre de fixer la
rémunération du mandataire est en l'occurrence liée à l'envoi du contrat de
rémunération, qui se réfère expressément au tarif, et non pas au seul envoi de
la demande d'acomptes.

Par ailleurs, à supposer le grief recevable, il serait de toute manière
infondé.

Les parties au contrat se connaissaient et avaient eu l'occasion de travailler
ensemble, avant de collaborer sur le projet du restaurant « C.________ » du
centre D.________. Dans le cadre de ce projet, la recourante a reçu de l'intimé
le contrat d'honoraires pour les prestations d'architecture d'intérieur élaboré
par l'Association Suisse des Architectes d'intérieur parallèlement au « devis
général estimatif mis à jour », qui faisait état d'un coût estimé à 792'000
francs. Le contrat d'honoraires prévoyait que le montant des honoraires de
l'architecte se calculait selon un pourcentage du coût total des travaux; il
mentionnait précisément le pourcentage appliqué et le montant des coûts pris en
compte dans le calcul, tout en faisant état d'un facteur de complexité relative
au projet, arrêté à 1.2. Le contrat d'honoraires était en outre accompagné du
règlement d'honoraires pour les prestations d'architecture d'intérieur. Après
leur réception, la recourante n'a pas exprimé son refus d'appliquer les
réglementations tarifaires de la VSI-ASAI, ni émis de contestation à ce sujet.
Aucune critique n'a été formulée s'agissant du mode de rémunération présenté
par l'intimé, avant l'ouverture de la procédure devant le Tribunal de première
instance. Ce n'est en effet que devant cette autorité que la recourante a
mentionné son opposition au tarif appliqué par l'intimé, estimant que les
28'000 fr. d'acomptes versés couvraient la totalité de sa rémunération. Dans
l'intervalle, elle s'est néanmoins acquittée de quatre acomptes de 7'000 fr.
chacun et a même, en mars 2002 - soit postérieurement aux reproches formulés à
l'encontre du mandataire -, demandé à celui-ci de lui faire parvenir la facture
totale de ses frais et honoraires, sous déduction des acomptes versés.

Le comportement adopté par la recourante dans les circonstances relatées
ci-dessus plaide en faveur de la conclusion tacite d'une convention
d'honoraires. En envoyant le « devis général estimatif mis à jour » du 7
décembre 2001, qui indiquait précisément le coût estimatif des travaux, et le
contrat d'honoraires pour les prestations d'architecture, accompagné de ses
réglementations tarifaires, l'architecte a formulé une offre claire: il a
proposé ses services moyennant des honoraires qui seraient calculés selon le
tarif. La recourante n'a pas protesté, mais elle a au contraire accepté les
prestations fournies par l'architecte et payé les acomptes demandés. La cour
cantonale n'a pas violé le droit fédéral en interprétant ce comportement comme
une acceptation de l'offre faite par l'architecte.

Il résulte de cet examen que le recours en matière civile doit être rejeté dans
la mesure de sa recevabilité.

5.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais judiciaires et dépens sont mis à la
charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'500 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Une indemnité de 5'500 fr., à payer à l'intimé, à titre de dépens, est mise à
la charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 29 mai 2008
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Corboz Crittin