Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.911/2008
Zurück zum Index II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2008
Retour à l'indice II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2008


Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

2C_911/2008
{T 0/2}

Arrêt du 1er octobre 2009
IIe Cour de droit public

Composition
MM. et Mme les Juges Müller, Président,
Merkli, Karlen, Zünd et Aubry Girardin.
Greffière: Mme Dupraz.

Parties
1. Association suisse pour la protection des oiseaux (ASPO), Wiedingstrasse 78,
8036 Zurich,
2. Pro Natura, Dornacherstrasse 192, 4018 Bâle,
recourantes, toutes les deux représentées par Me Hervé Bovet, avocat, rue de
Romont 33, case postale 167, 1701 Fribourg,

contre

1. A.X.________,
2. B.X.________,
3. C.X.________,
intimés,

Direction des institutions, de l'agriculture et des forêts du canton de
Fribourg, ruelle Notre-Dame 2, case postale, 1701 Fribourg.

Objet
Autorisations de tirer des hérons cendrés,

recours contre l'arrêt de la IIe Cour administrative du Tribunal cantonal du
canton de Fribourg du 30 octobre 2008.

Faits:

A.
A.X.________, B.X.________ et C.X.________ exploitent des piscicultures sur les
territoires respectifs des communes de Haut-Intyamon, Autafond et Chésopelloz,
ainsi que Tavel. Ils élèvent des truites, truitelles et alevins à tous les
stades de développement. En janvier 2007, ils ont tous les trois demandé au
Service des forêts et de la faune du canton de Fribourg (ci-après: le Service
cantonal) une nouvelle autorisation de tirer (ou faire tirer) des oiseaux,
notamment des hérons cendrés, causant des dommages dans leurs piscicultures.

Le 24 janvier 2007, le Service cantonal a délivré les trois autorisations
requises, permettant de tirer (ou faire tirer) des hérons cendrés, des grands
cormorans et, pour A.X.________, également des corneilles noires ainsi que des
grands corbeaux. Il est admis que le nombre moyen de hérons abattus chaque
année dans les trois piscicultures concernées est de 36 pour A.X.________, 59
pour B.X.________ et 31 pour C.X.________.

B.
L'Association suisse pour la protection des oiseaux (ASPO) et Pro Natura
(Section de Fribourg) ont déposé trois recours à l'encontre des autorisations
précitées dans la mesure où elles concernaient les hérons cendrés.

La Direction des institutions, de l'agriculture et des forêts du canton de
Fribourg (ci-après: la Direction cantonale) a admis les recours par décisions
des 13 juillet 2007 (cause A.X.________), 30 juillet 2007 (cause B.X.________)
et 13 août 2007 (cause C.X.________). Elle a annulé les décisions du Service
cantonal parce qu'elles autorisaient une mesure individuelle de tir qui était
exclue dès lors que le héron cendré était une espèce protégée et que seules des
mesures exceptionnelles de tir pouvaient être prononcées, en application de la
législation sur la chasse. Elle a ainsi remplacé les autorisations contestées
par des "ordres de tir" adressés à A.X.________, pour la "Pisciculture de la
Gruyère", à B.X.________ et D.X.________pour la "Pisciculture B.X.________" et
enfin, à E.X.________ et F.X.________ pour la "Pisciculture du Gottéron". Elle
a par ailleurs soumis ces tirs à des conditions. Ainsi, seuls les hérons se
trouvant dans le périmètre des piscicultures, à proximité immédiate des bassins
et à terre pouvaient être tirés au moyen d'une arme à feu et pour autant que
des mesures d'effarouchement aient été exécutées au préalable, afin
d'individualiser les oiseaux non craintifs susceptibles d'être tirés; chaque
oiseau tiré devait être annoncé immédiatement au Service cantonal. Les ordres
de tir étaient valables en principe jusqu'au 31 janvier 2009, mais pouvaient
être annulés en tout temps par le Service cantonal.

C.
L'ASPO et Pro Natura ont recouru contre les trois décisions précitées de la
Direction cantonale. Ayant joint les causes, la IIe Cour administrative du
Tribunal cantonal du canton de Fribourg (ci-après: le Tribunal cantonal) a, par
arrêt du 30 octobre 2008, rejeté les recours, tout en ajoutant aux décisions
contestées l'indication qu'afin d'individualiser les oiseaux non craintifs,
susceptibles d'être tirés, les exploitants devaient mettre en fonction sur le
site un épouvantail gonflable automatique.

D.
Le 5 décembre 2008, l'ASPO et Pro Natura ont déposé un recours en matière de
droit public au Tribunal fédéral contre l'arrêt du Tribunal cantonal du 30
octobre 2008. Elles concluent, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de
l'arrêt attaqué et des "décisions des autorités autorisant les tirs de hérons
cendrés". Elles se plaignent de constatation manifestement incorrecte des faits
et de violation du droit fédéral (interprétation et application fausses de la
législation fédérale, violation du principe de la proportionnalité, arbitraire
notamment dans l'interprétation et l'application du droit cantonal).

Le Tribunal cantonal conclut au rejet du recours. La Direction cantonale
conclut, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours ainsi qu'à la
confirmation de l'arrêt attaqué et des décisions autorisant les tirs de hérons
cendrés. Les intimés A.X.________, B.X.________ et C.X.________ contestent
l'argumentation des recourantes, sans toutefois conclure expressément au rejet
du recours.

L'Office fédéral de l'environnement a déposé des déterminations dans lesquelles
il fait valoir que l'arrêt attaqué n'est pas conforme au droit fédéral. Les
parties et le Tribunal cantonal ont encore été invités à se prononcer sur ces
déterminations.

E.
Par ordonnance présidentielle du 2 février 2009, la requête d'effet suspensif
contenue dans le recours a été déclarée sans objet, les autorisations de tir
étant en principe valables jusqu'au 31 janvier 2009.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF). Il
contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 135 II
94 consid. 1 p. 96).

1.1 L'ASPO et Pro Natura font partie des organisations d'importance nationale
habilitées à déposer un recours en matière de droit public (art. 12 al. 1 let.
b de la loi fédérale du 1er juillet 1966 sur la protection de la nature et du
paysage [LPN; RS 451] en relation avec l'art. 1 et les ch. 4 et 6 de l'annexe à
l'art. 1 de l'ordonnance du 27 juin 1990 relative à la désignation des
organisations habilitées à recourir dans les domaines de la protection de
l'environnement ainsi que de la protection de la nature et du paysage [ODO; RS
814.076]). En outre, elles sont les destinataires de l'arrêt attaqué qui les
touche particulièrement et déclarent déposer un recours dans l'intérêt des
oiseaux sauvages, en invoquant la loi fédérale du 20 juin 1986 sur la chasse et
la protection des mammifères et oiseaux sauvages (ci-après: la loi fédérale sur
la chasse ou LChP; RS 922.0) (cf. ATF 131 II 58 consid. 1.1 p. 60 s.; ATF
1C_408/2008 du 16 juillet 2009 consid. 1.2 non publié). De plus, le droit de
recours suppose que l'intérêt digne de protection à l'annulation ou à la
modification de la décision entreprise soit actuel (cf. ATF 131 II 361 consid.
1.2 p. 365). En principe, l'intérêt digne de protection doit exister non
seulement au moment du dépôt du recours, mais encore au moment où l'arrêt est
rendu. Toutefois, le Tribunal fédéral fait exceptionnellement abstraction de
l'exigence d'un intérêt actuel, lorsque la contestation peut se reproduire en
tout temps dans des circonstances identiques ou analogues, que sa nature ne
permet pas de la trancher avant qu'elle ne perde son actualité et que, en
raison de sa portée de principe, il existe un intérêt public suffisamment
important à la solution de la question litigieuse (ATF 135 I 79 consid. 1.1 p.
81; cf. aussi ATF 131 II 670 consid. 1.2 p. 674; 129 I 113 consid. 1.7 p. 119).
Ces conditions sont remplies en l'espèce, dès lors que les autorisations de tir
qui sont à la base du présent litige étaient certes valables jusqu'au 31
janvier 2009 seulement, mais que de telles autorisations sont toujours limitées
dans le temps. Il y a donc lieu d'admettre la qualité pour recourir de l'ASPO
et de Pro Natura au sens de l'art. 89 al. 1 et al. 2 let. d LTF.

1.2 En tant qu'il s'en prend à l'arrêt du Tribunal cantonal du 30 octobre 2008,
le présent recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF), rendue
en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d
et al. 2 LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF); en outre, il
a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites
(art. 42 LTF), de sorte qu'il convient d'entrer en matière.

En revanche, dans la mesure où les recourantes ne s'en prennent pas seulement à
l'arrêt attaqué, mais encore à des "décisions des autorités autorisant les tirs
de hérons cendrés" dont elles demandent l'annulation, leur recours n'est pas
recevable en raison de l'effet dévolutif complet du recours déposé auprès du
Tribunal cantonal (cf. ATF 126 II 300 consid. 2a p. 302 s.; 125 II 29 consid.
1c p. 33).

2.
Des mesures probatoires devant le Tribunal fédéral ne sont
qu'exceptionnellement ordonnées dans une procédure de recours (JEAN-MAURICE
FRÉSARD, in Commentaire de la LTF, 2009, n° 9 ad art. 55), dès lors que le
Tribunal fédéral statue et conduit en principe son raisonnement juridique sur
la base des faits établis par l'autorité précédente (cf. infra, consid. 3).

Les recourantes requièrent la production du dossier du Tribunal cantonal 2A
2007-95/96/97, que ce dernier a déposé au Tribunal fédéral en application de
l'art. 102 al. 2 LTF. Elles demandent également l'audition de Luc Schifferli,
de la station ornithologique suisse, sans toutefois motiver leur requête. Il
n'y sera pas donné suite, car il n'y a aucun élément dont on puisse inférer des
circonstances exceptionnelles justifiant une mesure d'instruction.

3.
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine
librement la violation du droit fédéral qui comprend les droits de nature
constitutionnelle (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), sous réserve des
exigences de motivation figurant à l'art. 106 al. 2 LTF. Il y procède en se
fondant sur les faits constatés par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1
LTF), à moins que ces faits n'aient été établis de façon manifestement inexacte
ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). Si
le recourant entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité
précédente (cf. art. 97 al. 1 LTF), il doit expliquer de manière circonstanciée
en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient
réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait
divergent de celui qui est contenu dans l'acte attaqué. En particulier, le
Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire
portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (cf. ATF 133 II
249 consid. 1.4 p. 254 s.; 133 IV 286 consid. 6.2 p. 288).

Les recourantes se plaignent d'une constatation manifestement inexacte des
faits. Elles s'en prennent aux calculs effectués par la Direction cantonale et
confirmés par le Tribunal cantonal, pour admettre que les hérons cendrés
faisaient subir aux intimés des dégâts importants. Leur argument consiste
toutefois à opposer essentiellement leur appréciation à celle des autorités,
critiquant la quantité de poissons touchée et le nombre de hérons actifs dans
chaque pisciculture. Une telle argumentation ne permet pas au Tribunal fédéral
de conclure que les constatations de fait de l'arrêt attaqué auraient été
établies de façon manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. art. 105
al. 2 LTF). Ainsi, l'arrêt attaqué, qui a entériné la méthode de calcul
appliquée par la Direction cantonale, se base sur le nombre de hérons tirés par
année en moyenne, soit 36, 59 et 31 dans chacune des trois exploitations,
multiplié par la perte financière causée par un héron. Pour établir cette
perte, les autorités ont pris en compte les dégâts causés en un jour par un
héron qui se nourrit dans une pisciculture, multipliés par 200 jours. Les
recourantes, qui se fondent sur la quantité de poissons mangée par les hérons,
oublient que les pertes subies par les intimés ne résultent pas seulement des
poissons que les hérons cendrés mangent, mais encore de ceux qu'ils attaquent
et laissent blessés ou morts dans les bassins, voire à proximité. Quant au
nombre de hérons actifs par pisciculture, si le chiffre retenu peut
effectivement sembler élevé, il n'en est pas pour autant insoutenable, compte
tenu des oiseaux abattus en moyenne par les intimés.

4.
4.1 Le Tribunal cantonal a estimé en substance que les ordres de tir litigieux
ne pouvaient pas être conçus comme des mesures individuelles au sens de l'art.
12 al. 3 LChP, en tant qu'ils concernaient le héron cendré, soit une espèce
protégée. Seules des mesures exceptionnelles au sens de l'art. 12 al. 2 LChP et
de l'art. 31 al. 2 de la loi fribourgeoise du 14 novembre 1996 sur la chasse et
la protection des mammifères, des oiseaux sauvages et de leurs biotopes
(ci-après: la loi cantonale fribourgeoise ou LCha; RSF 922.1) étaient
envisageables. Or, en l'occurrence, la mesure tendant à permettre aux personnes
concernées par les autorisations de tirer des hérons cendrés aux conditions
fixées par la Direction cantonale était conforme au droit. Selon les juges
cantonaux, la seule mesure de prévention efficace, qui consisterait à couvrir
d'un filet de protection l'intégralité des installations, ne pouvait être
imposée en raison de son coût et des difficultés d'entretien. Les mesures
d'effarouchement imposées par la Direction cantonale devaient permettre
d'individualiser les oiseaux "spécialistes". Après avoir relevé que
l'instruction avait montré qu'en principe ces mesures n'avaient qu'une
efficacité limitée, car les oiseaux s'y habituaient rapidement, le Tribunal
cantonal a imposé une nouvelle méthode consistant dans l'installation
d'épouvantails gonflables automatiques, du fait que celle-ci avait donné des
résultats positifs en Allemagne, bien que testée sur une période relativement
courte. Si, malgré ces mesures, des hérons cendrés s'attaquaient aux poissons,
ils devaient être considérés comme spécialistes et il était dès lors
raisonnable d'ordonner leur abattage, car ils causaient des dégâts importants.
Les juges cantonaux ont également souligné qu'il n'était pas contraire au droit
que les titulaires de l'autorisation de tirer les hérons soient les
pisciculteurs eux-mêmes ou certains de leurs proches (frère, père), dès lors
qu'ils étaient titulaires d'une autorisation de chasser.

4.2 Hormis les critiques relatives aux faits (cf. supra, consid. 3), les
recourantes estiment qu'en confirmant les ordres de tir, les juges cantonaux
ont violé l'art. 12 LChP et appliqué arbitrairement le droit cantonal. Elles
considèrent en substance que ces ordres de tir ne relèvent pas de l'art. 12 al.
2 LChP, mais d'une réduction de la population au sens de l'art. 12 al. 4 LChP,
dont les conditions ne sont pas réalisées. Au surplus, même si la mesure devait
être considérée comme individuelle, elle reviendrait de facto à autoriser
l'extermination de plus de 120 hérons cendrés par année, ce qui n'est pas
compatible avec le statut d'espèce protégée du droit fédéral et contrevient
manifestement au droit fribourgeois. En outre, permettre aux pisciculteurs de
tirer eux-mêmes des hérons cendrés conduirait à un conflit d'intérêts que
l'art. 12 al. 2 LChP aurait précisément voulu éviter en exigeant que seuls les
chasseurs et les organes de surveillance puissent être chargés de l'exécution
de telles mesures. Enfin, les recourantes se plaignent d'une violation du
principe de la proportionnalité, car la mesure ordonnée tend à favoriser
l'intérêt privé de trois personnes au détriment de l'intérêt public au maintien
de la population des hérons cendrés dans le canton de Fribourg.

5.
5.1 La loi fédérale sur la chasse concerne notamment les oiseaux vivant en
Suisse à l'état sauvage (art. 2 let. a LChP). Elle distingue les espèces
pouvant être chassées des espèces protégées. Font partie des espèces protégées
tous les animaux visés à l'art. 2 LChP qui n'appartiennent pas à une espèce
pouvant être chassée (art. 7 al. 1 LChP). Le héron cendré est une espèce
protégée.

L'art. 12 LChP est consacré à la prévention des dommages causés par la faune
sauvage. Il prévoit ce qui suit:
"1 Les cantons prennent des mesures pour prévenir les dommages dus à la faune
sauvage.

2 Les cantons peuvent ordonner ou autoriser en tout temps des mesures contre
certains animaux protégés ou pouvant être chassés, lorsqu'ils causent des
dégâts importants. Seuls des personnes titulaires d'une autorisation de chasser
ou des organes de surveillance peuvent être chargés de l'exécution de ces
mesures.

2bis Le Conseil fédéral peut désigner des espèces protégées pour lesquelles la
compétence d'ordonner les mesures prévues à l'al. 2 appartient à l'Office
fédéral.

3 Les cantons déterminent les mesures qui peuvent légalement être prises à
titre individuel en vue de protéger du gibier les animaux domestiques, les
biens-fonds et les cultures. Le Conseil fédéral désigne les espèces protégées
contre lesquelles il est permis de prendre de telles mesures.

4 Lorsque la population d'animaux d'une espèce protégée est trop nombreuse et
qu'il en résulte d'importants dommages ou un grave danger, les cantons peuvent
prendre des mesures pour la réduire, avec l'assentiment préalable du
Département."
Il en ressort que l'art. 12 LChP prévoit trois types de mesures distinctes:
- les mesures de régulation, qui tendent à réduire une population d'animaux
d'une espèce protégée, ce qui suppose d'importants dommages ou un grave danger;
elles nécessitent l'autorisation du Département fédéral de l'environnement, des
transports, de l'énergie et de la communication (ci-après: le Département
fédéral) (al. 4);
- les mesures dites individuelles, qui tendent à protéger les animaux
domestiques, les bien-fonds et les cultures du gibier; sont donc visées les
espèces pouvant être chassées à l'exclusion des espèces protégées, sous réserve
des espèces désignées par le Conseil fédéral (al. 3); l'art. 9 al. 1 de
l'ordonnance du 29 février 1988 sur la chasse et la protection des mammifères
et oiseaux sauvages (ordonnance sur la chasse, OChP; RS 922.01) dispose que les
espèces protégées pouvant faire l'objet de mesures individuelles sont le
moineau friquet, le moineau domestique, l'étourneau, la grive litorne et le
merle noir;
- les mesures dites exceptionnelles, qui peuvent être prises contre certains
animaux protégés ou pouvant être chassés, lorsqu'ils causent des dégâts
importants (al. 2).

5.2 la loi cantonale fribourgeoise a pour but principal de réaliser les
objectifs définis par la loi fédérale sur la chasse (cf. art. 1 let. a LCha).
Le chapitre 6 (art. 31 à 34) de la loi cantonale fribourgeoise traite des
dommages causés par les animaux sauvages.

L'art. 31 al. 1 LCha pose le principe général de prévention, selon lequel les
propriétaires et leurs ayants droit sont tenus de prendre, dans toute la mesure
du possible, les précautions nécessaires pour protéger les biens-fonds, les
cultures, les forêts et les animaux de rente contre les dommages que les
animaux sauvages sont susceptibles de leur causer. Ces mesures sont énumérées à
l'art. 39 du règlement fribourgeois du 20 juin 2000 sur la chasse et la
protection des mammifères, des oiseaux sauvages et de leurs biotopes (RCha; RSF
922.11).

L'art. 31 al. 2 LCha prévoit qu'aux conditions fixées par le droit fédéral, le
Conseil d'Etat fribourgeois détermine les mesures qui peuvent être prises
contre certains animaux protégés ou pouvant être chassés; il ajoute que ces
mesures gardent toutefois un caractère exceptionnel et sont exécutées par les
gardes-faune et par les chasseurs. Cette disposition met ainsi en oeuvre les
mesures exceptionnelles qui sont envisagées à l'art. 12 al. 2 LChP. Parmi les
mesures fixées par le Conseil d'Etat fribourgeois figure le tir de certaines
espèces, qui a pour but le refoulement d'une population animale d'une espèce
d'un endroit donné (prélèvement d'un nombre restreint d'individus), par
opposition au tir de régulation qui poursuit un objectif de réduction (cf. les
déterminations de la Direction cantonale du 7 janvier 2009 p. 4, dernier al.;
voir aussi arrêt du Tribunal administratif du canton de Thurgovie du 12 mars
1997 consid. 2d/cc, in ZBl 99/1998 p. 128).

Pour sa part, comme cela ressort de son titre, l'art. 32 LCha traite, à ses al.
1 et 2, de la mise en oeuvre des mesures individuelles prévues à l'art. 12 al.
3 LChP. Il envisage en effet des mesures qui visent les animaux pouvant être
chassés et, ce que confirme l'art. 42 al. 2 RChA, les animaux des espèces
protégées désignées à l'art. 9 al. 1 OChP soit le moineau friquet, le moineau
domestique, l'étourneau, la grive litorne et le merle noir.

5.3 Dans la présente cause, le Service cantonal a initialement ordonné des
mesures individuelles sur la base des art. 12 (al. 3) LChP et 32 LCha. Comme
indiqué ci-dessus, celles-ci sont pourtant exclues, puisque le héron cendré ne
fait pas partie des espèces pouvant faire l'objet de telles mesures en vertu de
l'art. 9 al. 1 OChP. Partant, c'est à juste titre que la Direction cantonale a
annulé les décisions du Service cantonal. Elle a cependant admis, comme par la
suite le Tribunal cantonal, que des mesures, non pas individuelles, mais
exceptionnelles au sens des art. 12 al. 2 LChP et 31 al. 2 LCha pouvaient être
prises. Les tirs autorisés par le Service cantonal ont donc été confirmés, tout
en étant soumis à des conditions supplémentaires.

5.4 Reste à examiner si les ordres de tir litigieux correspondent effectivement
à une mesure exceptionnelle visée à l'art. 12 al. 2 LChP. Ils ne sauraient en
effet constituer de facto une mesure individuelle, exclue en vertu de l'art. 12
al. 3 LChP (cf. consid. 5.3), ou équivaloir à une mesure de régulation de
l'espèce, car cela impliquerait qu'ils devraient être soumis aux exigences de
l'art. 12 al. 4 LChP, comme le soutiennent les recourantes et l'Office fédéral
de l'environnement.

5.5 Dans le message du 27 avril 1983 concernant la loi fédérale sur la chasse,
le Conseil fédéral a expressément souligné à propos de l'art. 11 al. 2 du
projet, c'est-à-dire l'art. 12 al. 2 LChP, que cette disposition devrait être
appliquée dans les cantons à titre exceptionnel seulement et qu'il faudrait
alors faire preuve de la plus grande retenue, si l'espèce était protégée (FF
1983 II 1244 ch. 32). Pour savoir si l'on est en présence d'une mesure
exceptionnelle, ce n'est pas tant l'intention poursuivie par les autorités
ordonnant la mesure que l'ampleur de cette mesure qui est déterminante. Une
mesure ne peut être qualifiée d'exceptionnelle au sens de l'art. 12 al. 2 LChP
que si elle vise uniquement des individus isolés et individualisés. Il y a lieu
de rappeler que, conformément à l'intention du législateur, il convient de se
montrer d'autant plus strict que l'animal visé est une espèce protégée, et non
une espèce pouvant être chassée. L'Office fédéral de l'environnement considère
qu'une mesure exceptionnelle ne doit pas viser plus de 10 % environ de la
population reproductrice d'une espèce déterminée. Cette limite, qui ne fait
d'ailleurs pas l'objet d'une directive du Département fédéral, n'a pas un
caractère absolu. Il s'agit d'un simple ordre de grandeur, qui peut cependant
servir de valeur indicative, en tout cas s'agissant d'une espèce protégée.

Le héron cendré est protégé en Suisse depuis 1926. L'arrêt attaqué retient que
le nombre d'oiseaux nicheurs se monte à environ 1400 couples en Suisse;
l'Office fédéral de l'environnement estime que la population de hérons cendrés
dans le canton de Fribourg, soit dans la région géographique déterminante, se
situe entre 50 et 70 couples. L'arrêt attaqué ne fixe pas le nombre maximum de
hérons cendrés qui pourraient être abattus dans l'année par les intimés. Il se
contente de soumettre les tirs à différentes conditions afin qu'ils atteignent
exclusivement des "individus spécialistes", soit des hérons qui ont pris
l'habitude de venir sur le site commettre des dégâts sans être effrayés par les
mesures d'effarouchement imposées. Or, comme le reconnaissent les juges
cantonaux eux-mêmes, ces mesures d'effarouchement n'ont qu'une efficacité
limitée, car les oiseaux s'y habituent rapidement. C'est du reste la raison
pour laquelle le Tribunal cantonal a aussi imposé l'installation d'épouvantails
gonflables automatiques, en relevant d'ailleurs que les résultats de ces
machines, développées en Allemagne spécialement pour les piscicultures, étaient
très positifs, bien que les tests aient été effectués durant une période
relativement courte (arrêt attaqué consid. 4c p. 8). Par conséquent, au moment
où il a rendu l'arrêt entrepris, le Tribunal cantonal n'était pas en état de
savoir combien de hérons cendrés allaient devenir "spécialistes" et pourraient
être tirés en application des autorisations de tir qu'il confirmait. Cette
incertitude quant au nombre d'animaux susceptibles d'être abattus empêche
d'admettre que la mesure ne vise que quelques hérons cendrés individualisés et
isolés. Au surplus, on ignore si ce nombre sera inférieur à celui des hérons
que les intimés tiraient les années précédentes, dès lors que l'efficacité des
mesures d'effarouchement n'est pas prouvée. Ces tirs entraînaient l'abattage en
moyenne de respectivement 36, 59 et 31 individus, soit 126 au total. Par
rapport à la population de hérons cendrés du canton de Fribourg, ce chiffre
dépasse largement la valeur indicative de 10 % du nombre de ces animaux
permettant de distinguer, selon l'ordre de grandeur de l'Office fédéral de
l'environnement, une mesure exceptionnelle d'une mesure de régulation de
l'espèce. Or, il est exclu qu'à titre de mesure exceptionnelle au sens de l'art
12 al. 2 LChP, l'arrêt attaqué aboutisse à permettre le tir d'autant de hérons
cendrés. Il importe peu que, malgré ces tirs, la population de ces animaux
nichant dans le canton de Fribourg ne se soit pas réduite. En effet, comme l'a
expliqué l'Office fédéral de l'environnement, les hérons cendrés migrent, de
sorte que les individus manquants sont remplacés par des hérons cendrés
d'autres régions; cela peut tout au plus provoquer un trou régional qui peut
passer plus longtemps inaperçu. Au demeurant, qu'une espèce protégée ne soit
pas menacée d'extinction ne permet pas aux cantons d'autoriser, sous le couvert
de mesure exceptionnelle, le tir d'un nombre illimité d'animaux. Le fait que
chaque oiseau tiré soit annoncé au Service cantonal et que ce dernier puisse
annuler en tout temps l'autorisation de tir délivrée n'y change rien. Tant que
l'on ignore la proportion d'individus susceptibles d'être abattus par rapport à
la population de hérons cendrés du canton de Fribourg, il n'y a aucune garantie
que les mesures de tir autorisées soient vraiment exceptionnelles.

En résumé, dans la mesure où il ne permet pas d'évaluer le nombre d'oiseaux
susceptibles d'être tirés ni ne garantit que le chiffre excessivement élevé de
hérons cendrés abattus les années précédentes par les intimés ne soit égalé,
l'arrêt attaqué ne peut être qualifié de mesure exceptionnelle au sens de
l'art. 12 al. 2 LChP. Le point de savoir s'il équivaut à une mesure
individuelle prévue par les art. 12 al. 3 LChP et 32 LCha ou à une mesure de
régulation de l'espèce au sens de l'art. 12 al. 4 LChP n'a pas à être tranché
car, dans un cas comme dans l'autre, l'arrêt attaqué ne répond pas aux
exigences légales. Ainsi, une mesure individuelle est exclue pour les hérons
cendrés, car il ne s'agit pas d'une espèce protégée visée par l'art. 9 al. 1
OChP. Quant à une mesure de régulation, elle est subordonnée à la réalisation
de conditions qui n'ont pas été envisagées, notamment l'existence d'une
population de hérons cendrés trop nombreuse et l'assentiment préalable du
Département fédéral (cf. art. 12 al. 4 LChP).

Dans ces circonstances, l'arrêt attaqué viole l'art. 12 al. 2 LChP et constitue
une application arbitraire du droit cantonal, en tant qu'il confirme des ordres
de tir qui, selon l'art. 31 al. 2 LChA, ne peuvent être prononcés qu'aux
conditions fixées par le droit fédéral.

Le recours doit donc être admis dans la mesure où il est recevable et l'arrêt
attaqué annulé, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs soulevés par
les recourantes.

6.
Succombant, les intimés doivent supporter solidairement les frais judiciaires
(art. 66 al. 1 et 5 LTF), bien qu'ils n'aient pas pris expressément de
conclusions (BERNARD CORBOZ, in Commentaire de la LTF, 2009, n° 38 ad art. 66),
ainsi que les dépens qui doivent être versés aux recourantes, créancières
solidaires, dès lors que celles-ci obtiennent gain de cause avec l'assistance
d'un avocat (art. 68 al. 1, 2 et 4 LTF).

La cause sera renvoyée au Tribunal cantonal pour qu'il statue sur les frais et
dépens de la procédure cantonale.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable et l'arrêt de la IIe
Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de Fribourg du 30 octobre
2008 est annulé.

2.
La cause est renvoyée à la IIe Cour administrative du Tribunal cantonal du
canton de Fribourg pour qu'elle statue sur les frais et dépens de la procédure
cantonale.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des intimés,
solidairement entre eux.

4.
Les intimés, débiteurs solidaires, verseront aux recourantes, créancières
solidaires, une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourantes, aux intimés, à
la Direction des institutions, de l'agriculture et des forêts et à la IIe Cour
administrative du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, ainsi qu'à l'Office
fédéral de l'environnement, Division Droit.
Lausanne, le 1er octobre 2009
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:

Müller Dupraz